De Anak
a Samson (1080 av. JC date approximative)
DAVID
A HEBRON, EN ATTENDANT JERUSALEM
HEBRON A L’EPOQUE DU SECOND TEMPLE
A
L’OMBRE DE LA CROIX (1099-1187)
OUVERTURE DE LA CRYPTE DE LA GROTTE DE MAH’PELA
EPOQUE DE SALAH A DIN (SALADIN)
LA DOMINATION MAMELOUKE (1250 – 1517)
Le
Hida (Haim David Yossef Azoulay)
UN EMISSAIRE DE HEBRON EN AMERIQUE
LE DIX NEUVIEME SIECLE: LE COUR DE L’HISTOIRE S’ACCELERE
L’espion du Rabbi chez L’empereur prend sa
retraite a…Hebron
KIRIAT ARBA QUI EST HEBRON (Gen 23,2)
Relater l’historique de la presence juive a Hebron n’est pas une tache
facile. Le sujet semble d’avantage relever de l’actualite que du passe.
L’Histoire pour etre redigee a besoin de temps d’arret, pour permettre une
decantation des differents materiaux qui la compose.
Ces temps d’arret en question representent un luxe que Hebron vous refuse,
a Hebron le temps court trop vite. Ici l’actualite devient aussitot Histoire et
l’Histoire la plus reculee y est vecue comme l’actualite la plus brulante.
Ce livre propose avant toute chose un recul, une perspective historique. Il
essaiera de signaler au lecteur les carrefours d’une chronologie, lui
permettant ainsi de tracer les grandes lignes d’un recit qui puise ses racines
dans le livre de la Genese, et dont les fruits viennent regulierement orner les
titres de nos journaux.
Ce travail accorde un eclairage particulier a la presence juive a Hebron,
qui constitue en quelque sorte le fil d’Arianne de cet expose.
A quand remonte cette presence? Quelle importance la tradition rabbinique
attache au fait que des juifs habitent la ville?
Les relations
trilaterales des religions monotheistes sur la place constituent un sujet
difficilement contournable. Controle des lieux saints et tolerance ont ils
toujours fait bon menage?
De nombreuses questions resteront certainement sans reponses. Contribueront
elles seulement a l’elaboration d’une reflexion authentique, liberee des
cliches et des prejuges, nous y verrons la recompense de nos efforts.
Comme beaucoup de
sujets qui touchent au destin d’Israel, le souvenir historique et la legende
puisent d’une racine commune ancienne, pour faire monter la seve de l’histoire
jusqu’aux gros titres de nos journaux.
Hebron est une des plus
vieilles villes de l’humanite. Mais qu’est ce qu’une ville?
Une agglomeration
d’habitations dont les residents sont regis par les memes regles sociales?
Ou bien est ce encore la
muraille qui fait la ville, temoignant ainsi d’une activite economique
suceptible d’attirer les envieux.
Le concept propose par
les sages est celui de justice. En hebreu talmudique une ville est definie
comme siege d’un Bet din: un tribunal. Cette conception du monde qui donne
priorite a la qualite sur le nombre, nous permet de comprendre comment un
homme, sans etre chef d’etat comme Jules Cesar, ou conquerant tel Gengis Khan,
va devenir une reference pour l’humanite toute entiere.
Cet homme verra les rois
se prosterner devant lui, pour demander sa benediction. Cet homme qui re-trouve
D ieu apres que l’humanite l’ai oublie, constitue un second depart pour
l’histoire des hommes. La tradition juive l’appelle le h’aver l’ami (de D ieu)
et la ville ou il decide de s’installer sera Hebron (en hebreu “ H’evron”
l’endroit ou se trouve l’ami). Contrairement aux revolutionnaires de toutes les
epoques Abraham ne cherchera pas a detruire le passe pour construire l’avenir.
Au contraire, c’est la ou le maillon de la chaine s’est brise, qu’il viendra
renouer avec le Rechit (le commencement).
Si Abraham arrive a
Hebron c’est qu’il y cherche les traces du premier homme,qui est y enterre
selon la tradition midrachique. En installant sa tente a Hebron Abraham
declare: “ c’est moi qui poursuit le projet “creation” tel qu’il avait ete
declanche avec Adam, avant la faute.
Tres souvent, nous dit
le rav Aviner “on remarque l’importance et la stature d’un homme dans le
monde au travers sa volonte d’etre enseveli dans le caveau familial pres de
ceux dont il se considere le continuateur”.
En commentant le nom de
Keriat Arba (la cite des quatre) qui est l’un des premiers noms de Hebron,
Rachi, dira: ”en raison des quatre couples qui y sont enterres:Adam et Eve,
Abraham et Sarah, Isaac et Rebecca, Jacob et Lea.
“Le fait de
rapprocher directement d’Adam et d’Eve les Peres et les Meres d’Israel ”,
dit Roland Goestschel, “traduit de facon eclatante l’idee d’une reprise en
charge de l’Histoire humaine…” La formule de Goestschel est heureuse car
c’est precisement de cela qu’il s’agit, l’expression meme du caractere
universelle de Hebron tient dans cette reprise en charge de l’Histoire des
hommes.
Abraham ne construit
pas Hebron, il ne l’invente meme pas, il vient tout simplement proposer une
autre facon d’etre le descendant d’Adam Ha Rishon (Adam le premier homme). En
faisant de la sorte, il conteste evidemment la facon d’etre des cananeens qui
occupent la ville.
Abraham avait
certainement les moyens de conquerir la ville par la force.
Lui qui avait poursuivi
des rois pour liberer Loth son neveu, comprend qu’une acquisition aussi
importante, ne peut etre sujette a un acte brutal.Au contraire un geste d’une
telle envergure historique a besoin d’un d’un tres large consensus. La
tradition juive se plait a rappeller que certains evenements essentiels de
notre histoire comme le retour a Sion consequent a la declaration du roi Cyrus
(538 avant JC) ou plus pres de nous la declaration Balfour (1917) viennent exprimer
de maniere symbolique la reconnaissance de la communaute des nations, au fait
que le peuple d’Israel reintegre ses droits sur la terre d’Israel.
Pour cette raison la
Thora va sortir de l’ordinaire en decrivant avec force de details cette
negociation commerciale qui marque le debut de l’enracinement du Patriarche sur
la terre qui lui a ete promis pour ses descendants. La reconnaissance
internationale, les enfants de Het se chargeront de la fournir dans le cadre de
cette tractation commerciale qui se deroule au grand jour.
C’est de Hebron que
commence le plus grand defi de l’histoire des hommes, ou Israel par le biais
d’Abraham et ses descendants sont invites a devenir le nouvel Adam, et Hebron…
le nouvel Eden. A ce titre il est interressant de constater qu’un midrache,
situe precisement a Hebron l’entree du paradis perdu.
La tradition juive
n’accorde guere de place au hasard et a la coincidence. Le detail le plus
infime y est synchrone avec les rouages du projet divin.
Hebron la ville
physique appartient a la Hebron metaphysique, la couleur du ciel, la forme et
la qualite de la pierre,sont intriseques a l’entite Hebron.
En Israel les
conditions atmospheriques sont subordonnees a la moralite. Pluies et secheresse
en contituent les principaux parametres.
Le livre de la Genese
fait defiler devant nous les paysages des tribulations d’Abraham en terre
promise. Le patriarche evolue le long d’un axe Nord Sud, dans une region que
les israeliens designent par “Gav Hahar “ textuellement, le dos de la
montagne. Cet axe est aussi la ligne du partage des eaux, eaux de pluie
principalement, qui viendront se deverser sur les versants des collines de
Judee
C’est la une region ou
le plus precieux des liquides ne coule pas en abondance. Contrairement a
l’Egypte, ou Babel, sieges des grandes civilisations de l’antiquite, les grands
fleuves ne sont pas au rendez vous au pays de la Bible.
Abraham propose de
chercher l’eau a sa source, a la source de toute vie L’eau dont il est question
vient de la benediction celeste.
Dans une priere
intitulee “chema Israel” (ecoute Israel) il est dit. “Or, si vous
etes dociles aux lois que je vous impose en ce jour, … Je donnerai a votre
pays la pluie opportune, pluie de printemps et pluie d’arriere saison…
“ La pluie est recompense comme elle peut etre chatiment, elle sera
consequente a la conduite des hommes: ” Prenez garde que votre coeur ne cede
pas a la seduction,... La colere du Seigneur s’allumerait contre vous. Il
defendrait au ciel de repandre sa pluie et la terre de vous refuserait son
tribut.…” (Deut 11, 13-17)
Dans un pays ou l’eau
est recue comme un don independant de tout engagement moral, les rois de
l’antiquite finissent par se prendre pour des dieux, et leurs sujets des objets
destines a assurer leurs caprices les plus fous.
Les Pharaons et les
Nabuchodonosor les rois du Nil du Tigre et de l’Euphrate ont verses des fleuves
de sang pour realiser leur ambitions les plus insensees.
Cette formidable lecon
de reflexion que nous donne la Bible est aussi illustree au travers des relations
Loth-Abraham.
Le patriarche n’a pas
(encore) de descendant. Une premiere tentative fera de Loth, neveu d’Abraham le
premier candidat. Loth a du mal a suivre l’oncle Abraham. Ses idees nouvelles
l’effraient.
Pourquoi donc quitter
la Mesopotamie ou l’eau, source de toute vie, coule a flots, tourner le dos a
l’Egypte ou l’on trace un sillon dans le champs avec le talon, tant le sol en
est abreuve, pour venir s’installer sur cette bande de terre aride. Pire
encore, accepter la dependance d’un D ieu invisible qui ne prodigue ses pluies
que sous certaines conditions.Pour Loth le fardeau est trop lourd, il se
brouille avec le frere de son pere. Le Patriarche comprend que son neveu n’a
pas l’envergure du successeur qu’il espere, mais il tient neamoins a le preserver
des influences nefastes de la civilisation de” l’abondance facile”.
C’est au Sud Est de
Hebron sur une colline qui surplombe toute la region qu’il convoque son parent.
Puisqu’il faut nous separer, separons nous. “Si tu vas a gauche, j’irai a
droite’ si tu vas a droite, je prendrai a gauche.”
Gauche et droite
indiquent Nord et Sud en geographie biblique, en d’autres termes, Abraham
incite son parent a rester sur cette bande de terre etroite le dos de la
montagne ou l’homme leve les yeux vers le ciel pour demander l’eau, pour
demander la vie.
Observons maintenant la reaction de Loth.
“Il leva les yeux et
considera la plaine du Jourdain tout entiere arrosee avant que l’Eternel eut
detruit Sodome et Gomore…
Il se dirigea
du cote oriental… Loth s’etablit dans la ville de la plaine… et dressa ses
tentes jusqu’a Sodome” (Gen.XIII (9-12)
En d’autres termes Loth
refuse la proposition d’Abraham, il refuse son climat, climat moral et climat
tout court. Loth est ostensiblement attire vers Sodome. Son coeur a cede a la
seduction.
Sodome il faut le
savoir est aussi une region riche en eau, d’importantes nappes souterraines
alimentent les sources de la region.C’est precisement le facteur eau qui
justifie la decision de Loth, relisons le texte: “Il (Loth) leva les yeux et
considera la plaine du Jourdain toute entiere arrosee…”
L’eau est bien trop
importante aux yeux de Loth, pour etre confiee a un dieu de moralite. Il sera
pret pour cela a servir d’autres dieux. Les dieux de l’argent, de la propriete,
de l’interet et du calcul.Sans s’en rendre vraiment compte Loth se prosterne
deja devant les dieux de Sodome.
Si Loth echappe par
miracle au chatiment de Sodome et Gomorhe, il termine sa carriere par une
debacle et un naufrage moral entraine par ses propes filles.
Paradoxalement la terre ou coule le lait, n’est pas celle ou coule le Nil,
le Tigre et l’Euphrate.
L’eau, la pluie, le
climat sont donc les parametres d’un systeme moral de la nation qui se
construit a partir de Hebron.
Plusieurs generations
vont s’ecouler avant que les enfants d’abraham d’Isaac et de Jacob (Israel )
revoient Hebron, il faudra attendre pour cela la venue des Juges d’Israel,
Josue, Caleb et…Samson.
Le livre de Josue nous
relate la conquete et le partage du pays.
Les tribus en accord
avec le successeur de Moise demandent l’autorisation d’entreprendre les
differentes campagnes militaires.
Caleb Ben Yeffounne
s’adresse a Josue en ces termes: “…et voici qu’a present j’ai quatre vingt
cinq ans. Robuste encore comme le jour
ou Moise me donna cette mission (des
explorateurs) j’ai la meme vigueur aujourd’hui qu’alors, pour la guerre et pour
toute cette expedition… Josue benit Caleb fils de Yefounne et lui donna Hebron
comme heritage” (Josue 14, 10-13)
Non content d’etre
probablement le combattant hebreu le plus age, Caleb s’en va conquerir la Cite
des Quatre (Kiriat Arba, l’ancien nom de Hebron).
Les quatre en question
sont, selon la tradition les survivants de la race des geants qui terrorisaient
la region.,au point qu’aucune tribu ne semble desirer conquerir les lieux.
En agissant de la
sorte, Caleb fils de Yefounne, prince de la tribu de Juda accomplissait
incontestablement un exploit militaire, un acte de bravoure.
Invitant les tribus
d’Israel a ne pas se laisser effrayer par un ennemi certainement plus
puissant,mais ne beneficiant pas du soutien de la providence divine.
A la mort de Josue les
enfants d’Israel consultent le Seigneur pour demander “Qui de nous doit
marcher en tete contre les Cananeens pour l’attaquer? ” Le Seigneur repondit:
”C’est Juda (la tribu) qui doit marcher en tete, je livrerai le pays en
son pouvoir” (Juges 1.1-2)
Les premiers versets du
livre des juges temoignent donc du role tout a fait remarquable que tient la
tribu de Juda dans le cadre de la poursuite du programme national.
Malheureusement ce bel
elan n’ira pas au bout de sa lancee. Les hebreux maintiendront dans des regions
entieres une presence cananeene, au lieu d’achever la conquete.
Devant cet essouflement inespere, les peuples
voisins se reorganisent et relevent la tete. De maniere sporadique des juges
parviennent ca et la a mobiliser une ou plusieurs tribu pour empecher la
catastrophe.
Ces juges ont bien du
mal a introduire une conscience nationale a cette federation de tribus. Devant
ce manque de solidarite elementaire
Deborah exprime dans
son cantique son mepris pour les tribus qui firent la sourde oreille a la
mobilisation decretee:” Pourquoi es tu reste entre les collines, ecoutant le
murmure des troupeaux? C’est que pour Reuben grande est la perplexite d’esprit.”
(Juges 5-16).
Se voyant refuser le
ravitaillement de ses troupes par les gens de Souccot et Penouel, Gedeon sera
plus expeditif “…il se saisit alors des anciens de la ville et chatia les
habitants de Souccot avec les epines et les ronces du desert. Il demolit aussi
la tour de Penouel, et fit perir les habitants de la ville”.(Juges
8-15)
Un juge par contre sort
de l’ordinaire. Son cas est desespere.
Samson, de la tribu de
Dan est non seulement totalement isole du reste de ses freres au point de
combattre seul les guerres d’Israel.Mais voila qu’on ira meme jusqu’a le livrer
aux philistins.
L’auteur du livre des
juges a du eprouver beaucoup de tristesse en redigeant ces lignes, la meme main
qui quelques versets avant venait d’ecrire: ”C’est Juda qui doit
marcher en tete, Je livrerai le pays en son pouvoir…” est obligee
maintenant d’ajouter ces terribles paroles: ” Alors trois mille hommes de Juda
descendirent au creux du rocher d”Etam et dirent a Samson: ne sais tu pas que
les Philistins sont les maitres…nous sommes venus pour t’enchainer te livrer
aux Philistins”.(Juges15; 11-12)
Les combattants de Juda
ont bien change, Caleb Ben Yefounne aurait quelques difficultes a croire qu’il
s’agit la de ses descendants.
La tribu de Juda reste
la premiere, celle qui se doit de donner l’exemple. A cette nuance pres
cependant, c’est desormais dans le cadre de la collaboration avec l’ennemi
qu’elle le fait. Elle lui livre le seul homme qui perpetue la memoire de Caleb
et sa generation. Les princes de la tribu de Juda accomplissent la un bien
curieux exploit militaire. Un detail important a retenir, en ce temps la
capitale de Juda est …HEBRON!
Samson reussira une
fois de plus a defaire ses adversaires “apercevant une machoire d’ane encore
fraiche il avanca la main et s’en saisit et frappa un millier d’hommes”
(Juges 15;15).
Mais c’est la suite du
recit qui nous ramene a Hebron, en passant par Gaza toute fois. Desireux de
provoquer ses ennemis Samson se rend dans la cite de Gaza place forte du
pouvoir philistin. Il passe la nuit dans les bras d’une courtisane nous dit le
texte.
“Minuit sonnant il
se leve, saisissant les battants de la porte de la ville avec les deux
poteaux…et les porta au sommet de la montagne qui regarde Hebron ” (Juges
XVI 3).
Voila la une bien
etrange marche forcee. Samson vient donc de provoquer une faille dans le
rempart de Gaza.
La ville n’a plus de
defense. Pourquoi cependant faudra-t-il porter ce terrible fardeau jusqu’a la
montagne qui “regarde Hebron “?
Imaginons la scene dans
le detail. Ce que le verset nous decrit en quelques mots se traduit sur le
terrain par deux ou trois jours de marche. La distance Gaza-Hebron se chiffre a
soixante kilometres, sur la route les gens se retournent pour observer cet
homme qui avance en portant son etrange et encombrant fardeau il se peut que
certains lui posent des questions: ” He Samson ou donc enmenes tu les
portes de Gaza?”
Il
n’est pas imposible non plus qu’un cortege se forme derriere le plus etrange
des juges d’Israel, des curieux qui veulent savoir les intentions de Samson vu
que ce dernier ne parle pas
Cette
marche forcee a t-elle un sens? Notre texte est avare de details, mais il ne
nous interdit pas de reflechir.
Revenons a Gaza
maintenant, les habitants de la ville ont ete les temoins de l’acte de Samson.
Leur ville est desormais plus vulnerable que jamais, les Hebreux preparent
certainement une attaque en regle contre le chef lieu philistin.
L’action de Samson ne
passe pas inapercue, chez les philistins tout comme chez les enfants d’Israel.
En amenant les portes
de Gaza face a la montagne qui regarde Hebron, notre juge biblique s’adresse
aux gens de la ville.
Samson a de toute
evidence un message a transmettre, ce message est il besoin de le preciser
n’est pas verbal. Les portes de Gaza doivent etre vues par les gens de
Hebron!
Que signifie donc cet etrange
appel aux habitants de Hebron?
Samson demande aux
habitants de cette ville de se souvenir de qui ils sont les descendants? Cet
appel muet de Samson est adresse egalement au lecteur de la Bible et l’invite a
ne pas oublier que la derniere fois ou il fut question de Hebron, c’etait dans
un contexte d’heroisme et de foi en D…, Caleb ben Yefoune refuse de se laisser
intimider par les fils d’Anak, les geants, il poursuit la mission de Josue ce
dernier benit Caleb ben Yefoune et lui donna Hebron comme heritage.(Josue
14-13).
Heroisme et foi en
D-ieu ne sont pas precisement d’actualite dans la generation de Samson, peut
etre la vue des portes de Gaza, le fait de savoir que la ville ennemie est
maintenant decouverte, rendra vaillance, fermete et surtout, foi en Celui qui a
promis de leur octroyer ce pays?
Le geste de Samson est
en fait lourd de signification. Avec une pudeur consommee, sans un mot de
reproche pour ses contemporains (tel que l’avait exprime Deborah dans son
cantique) sans leur faire violence (comme l’avait fait Gedeon ), Samson se
tait. La morale du silence.
Hebron se tait aussi,
mais la bas tout le monde se souvient.
Il y a bien longtemps
de cela Caleb ben de Yefonne n’a pas eu peur des geants, des fils d’Anak. Lors
de sa mission avec les explorateurs il vint se recueuillir a Hebron au tombeau
des Patriarches pour venir y puiser courage et reconfort.
Les portes de Gaza
seules semblent poser leur terrible question, la question du livre des Juges: “Qui
de nous doit marcher le premier contre le cananeen, (OU LE PHILISTIN) et
l’attaquer (MAINTENANT QU’IL N’A PLUS DE PORTES).
Les geants de la
generation de Samson s’appelent Gaza, Ashdod, Askelon et Gath, les quatre
points forts du pouvoir philistin. Et Gaza qui en hebreu signifie la forte,
l’insolente, meme privee de ses portes, continue de terroriser les descendants
de Caleb! Un bien penible chapitre s’acheve pour l’Histoire de Hebron, les
enfants d’Israel recommencerent a deplaire au Seigneur et Celui ci les soumit
aux Philistins durant quarante annees (Juges 1;1).
D’autres chapitres vont
suivre, celui des juges annonce deja celui des rois.
Un jeune berger de Judee a donne rendez vous au destin
d’Israel c’est a Hebron qu’il rencontre la royaute.
En fuyant les acces de
folie du roi Saul, David se refugie au Sud de la Judee. On le signale a Ziv a
Maon, mais c’est a Hebron qu’il organise la capitale de son “Davidland”.
David se trouve a Hebron
car il s’y sent chez lui, au milieu des gens de sa tribu, Juda. David a Hebron,
cela veut dire aussi une certaine maniere d’afficher une legitimite historique
aux yeux de tout Israel. Bien que le culte des tombeaux des patriarches ne soit
pas encore de saison, le caveau des patriarches a Hebron donne un eclat
particulier a la ville.
C’est a Hebron toujours
que David rencontre Abner, le general de la maison de Saul, on parle politique,
on parle de mettre fin a la guerre civile qui ronge le pays.
Malheureusement, cette
initiative sera sabotee par Yoav ben Tsouria chef des armees de David.
Vengeance personelle, precaution politique le geste de Yoav coutera la vie a
Abner.
Ce dernier sera enterre
a Hebron, certainement sur l’ordre de David qui lui fait des funerailles
nationales. Abner selon la tradition juive est mis en terre tout pres du caveau
de Mah’pela, la sepulture des patriarches.
Ishbochet, le dernier
survivant de la maison de Saul est un homme faible, trahit par les siens il
sera assassine par des gens de sa propre tribu, celle de Benjamin. Ses
assassins se rendent a Hebron, ils apportent sa tete a David en pensant
recevoir recompense. Ce dernier leur reserve une surprise d’un autre gout: “sur
l’ordre de David les serviteurs les mirent a mort, leur couperent les mains et
les pieds et les pendirent pres de l’etang de Hebron. Quant a la tete de
Ishbochet, ils la prirent pour la deposer dans le sepulcre d’Abner a Hebron”
(II Sam 4;12).
Le chapitre V du second
livre de Samuel nous annonce la reconnaissance de la royaute David par tout
Israel.
Pour Hebron, c’est la
fin d’une periode. Jerusalem, la ville de Jebus s’annonce a l’horizon. Hebron
aura le privilege d’etre la ville de la reconciliation: “Toutes les tribus
d’Israel viennent aupres de David a Hebron et lui dirent: “Nous sommes ta chair
et ton sang. Deja hier, deja avant hier, alors que Saul etait notre roi, c’est
toi qui dirigeait toutes les expeditions d’Israel. C’est toi avait dit
l’Eternel, qui gouvernera Israel mon peuple, toi qui sera son chef…”.
Tous
les anciens d’Israel vinrent donc le trouver a Hebron, le roi David fit un
pacte avec eux a Hebron devant l’Eternel, et ils le sacrerent roi d’Israel.
David avait trente ans lorsqu’il devint roi.
Son regne
fut de quarante ans. Il regna a Hebron sur Juda sept ans et six mois, et dans
Jerusalem il regna trente trois ans sur tout Israel et Juda”. (II Sam V 1-5).
Les ambitions royales
de Hebron vont connaitre un nouvel espoir, bien ephemere il est vrai, avec
Absalon le fils de David.
On s’en souvient, ce
dernier formente une revolte contre son pere.
Absalon va se proclamer
roi a Hebron. Le stratageme etait simple, le fils de David obtient de son pere
l’autorisation de se rendre a Hebron pour faire “acte d’adoration au
Seigneur” (II Samuel 15,6).
Absalon veut offrir des
sacrifices. “ … va en paix repondit le Roi. Et il se rendit a Hebron. Puis
Absalon envoya des emissaires dans toutes les tribus d’Israel avec ce message:
“Quand vous entendrez le son du cor vous direz Absalon a ete proclame roi a
Hebron “. Le choix de la ville est murement reflechi. Le fils semble marche
sur les traces de son pere.
David a connu la
royaute a partir de Hebron. La tradition biblique qualifie Absalon de “voleur
de coeur”.
Absalon a endormi la
confiance de son pere.
Effectivement,
souvenons nous que Hebron est aussi une ville refuge.
Une ville ou le
meurtrier par inadvertance doit sejourner pour y faire penitence. Absalon n’est
il pas responsible de la mort de Amnon son demi frere?
Desarme par son amour
paternel, David verra dans la demarche de son fils a Hebron que l’expression
d’un pieux sentiment. Absalon essaiera sans succes d’utiliser une nouvelle fois
Hebron comme tremplin pour la royaute, mais les temps ont change. Le complot
patricide a bien failli reussir, mais Hebron restera la ville des Peres, elle
ne sera jamais la ville des rois.
Il en est peut etre mieux ainsi. La royaute ne fut pas toujours a la
hauteur de la tache. Trop de rois firent ce “qui est mal aux yeux de l’Eternel”
L’exil encore lui se dessine a l’horizon. Le royaume d’Israel tombe le
premier, pour etre suivi par celui de Juda. Le Temple de Jerusalem disparait
lui aussi sous l’assaut des conquerants. Une epoque s’acheve une autre voit le
jour, on parle deja de la reconstruction du Temple, tout n’est donc pas perdu.
(520avant JC a 70 apres )
Ainsi, meme a l’epoque du
Temple, un lien intrinseque unit Jerusalem a Hebron.
Dans cet etat d’esprit,
le Talmud de Jerusalem (Yoma 3) et le Talmud de Babylone (Yoma 28-2) nous
rapportent que le culte des sacrifices a Jerusalem, sur le mont du Temple, ne
pouvait commencer avant que le prepose (memoune) ne declare avoir apercu
l’etoile du matin” Barkai”. Il s’agit la du moment ou les premiers rayons de
soleil de la journee eclairent la ville de Hebron situee au Sud Est de
Jerusalem.
Le Talmud nous explique
qu’il est impossible d’entreprendre le culte des sacrifices, sans evoquer le
merite des Peres qui reposent a Hebron, sans evoquer le “sacrifice” d’Isaac qui
s’est deroule ici precisement sur le mont du Temple, a l’endroit ou les enfants
d’Abraham et d’Isaac continuent d’invoquer le meme D ieu.
Les rabbins en
profitent pour nous enseigner le caractere tout a fait *traumatisant des
sacrifices, qui ne doivent en aucun cas transformer le Temple en une grande
boucherie, mais a un lieu de repentir et de priere dans lequel l’homme vient se
livrer a la volonte de son Createur.
Les chercheurs attirent
notre attention sur le fait que la construction de type herodienne au dessus de
la Mearat A Mah’pela, nous rappelle l’enceinte du Michkane par sa forme et ses
proportions ou la largeur represente la moitie de la longueur.
En ce qui concerne
l’historique de la ville pour ce chapitre du second Temple, il nous faut
maintenant nous tourner vers la reference de l’epoque: les ecrits de Flavius
Josephe.Joseph, de son nom hebreu Yossef ben Matitiaou, est un temoins oculaire
d’une grande partie des evenements qu’il decrit, specialement les terribles
annees de la revolte.
Les archeologues
accordent generalement beaucoup de credit aux temoignages de Josephe, specialement
lorsqu’il s’agit de decrire un pays qu’il a trahi mais qui reste le sien…
Dans sons livre “La
guerre des Juifs”, il ecrit “Et c’est ainsi que Simon Bar Giora (un chef de
la revolte) … s’attaqua a la petite ville de Hebron, il s’en saisit et tira un
butin considerable, beaucoup de provisions en fruits et legumes qu’il soutira
aux habitants de la ville
Hebron
est la ville la plus ancienne du pays, elle fut construite avant Memphis en
Egypte et elle existe depuis 2300 ans.
Ils
racontent (les juifs) que la ville servait de residence a Abraham, le pere de
la nation juive, apres sa venue d’Aram Naaraim (Mesopotamie).
Il est
dit que c’est de Hebron que les enfants d’Abraham descendirent en Egypte.
Aussi,
les monuments funeraires des patriarches sont visibles dans cette ville jusqu’a
ce jour, et ils sont construits dans un beau marbre…. ”.
La revolte sera ecrasee
dans un bain de sang et la ville des Patriarches reconquise par Cerealis, un
des generaux de Vespasien.
Il est tout a fait
remarquable que Flavius Josephe passe sous silence
*Certains de nos
sages tel Nah’manide n’hesite pas a affirmer, qu’en apportant un sacrifice le
fidele doit se souvenir qu’il aurait merier la peine de mort que va subir
l’animal.
l’existence du
formidable batiment de type Herodien qui entoure la caverne de Mah’pela.
Pour certains la
construction en question devait servir de lieu de culte aux populations
Edomites recemment venus au judaisme. De plus ces neophytes seront les plus
fanatiques ennemis de Rome durant la grande revolte.
Deux bonnes raisons,
selon eux pour que Flavius Josephe refuse de mentionner l’existence de cette
construction. Explication qui nous parait peut probable vu que la conversion
des Edomites est deja a l’epoque d’Herode un fait accompli, et que d’un point
de vue religieux, rien ne nous permet de croire qu’il existe une difference
entre eux et les autres juifs. L’existence d’un lieu de culte exclusivement
edomite dans une ville aussi charge de souvenirs pour le peuple juif, n’aurait
pu passe sous silence. Deja le royaume de Juda resistera encore quelques annees
avant de tomber lui aussi sous les assauts des Assyriens. Les Idumeens
n’avaient pas attendu la chute definitive des Judeens pour commencer a empieter
sur leur territoire. Leur presence neamoins ne semble pas constituer un
obstacle a la reinstallation de juifs a Keriat Arba lors du retour de l’exil de
Babylone.
La convoitise de ces
Idumeens ne semble pas apaisee pour autant, et leur retour dans la cite
patriarcale ne sera qu’une question de temps. Il faudra attendre l'’ntervention
militaire de Juda Maccabee pour voir a nouveau des juifs a Hebron “ Or Juda
et ses freres … combattirent les enfants d’Esau ; ( identifie a Edom dans
la litterature juive traditionelle)…
“Il (Juda ) saccagea
Hebron et les localites de son resort. Il demantela sa fortification et
incendia ses tours dans toute l’enceinte”.
Ce raid militaire ne
semble pas etre suivi d’une annexion au territoire de la petite Judee. Ce sera
a l’initiative d’un autre dirigeant Hasmoneen, Jean Hyrcan que l’Idumee sera
ecrasee sa population devra choisir entre la conversion au judaisme ou la mort,
pour la premiere et sans doute la derniere les juifs imposerent leur foi par la
force. Hebron quant a elle est de nouveau a l’interieur des frontieres d’un
etat juif.
Il est possible
cependant de proposer une relecture des lignes de Flavius Josephe, en
remarquant les nombreuses precautions que prend l’auteur pour decrire
l’endroit, la repetition des expressions: “les habitants de l’endroit affirment
que …”, “ils disent que …”.
Cela pour finalement
arriver a la conclusion qu’il ne s’agit pas la d’une description de l’auteur,
mais d’un recueil de temoignages.
Par la suite, Josephe
devait quitter Jerusalem pour prendre son poste de commandement militaire de la
Galilee. La bas il tombera entre les mains des romains pour devenir, on s’en
souvient leur porte parole. Le porte parole de la reddition juive.
En ce qui concerne
l’idee d’associer Hebron a une ville ou il est bon de fixer sa derniere
demeure, precisons, comme le dit le Talmud, ne signifie pas obligatoirement un
lieu interdit aux pretres (cohanim).
Souvenons nous qu’en sa
qualite de ville de refuge, Hebron est avant tout une ville (du moins durant
l’epoque biblique)de pretres et de levi.
La Bible nous precise
que les fils de Kehat (donc des cohanim) y ont ete installes eux aussi. Il
semblerait neamoins qu’au retour de l’exil de Babylone le statut de la ville
ait change.
Les cohanim et Leviim
qui suivirent Ezra et Nehemie etaient sans aucun doute desireux de se regrouper
autour du Temple a Jerusalem.
Il est possible, aucun
element la ne nous permet de fixer clairement une date, que commence alors
l’habitude de considerer Hebron comme une ville ou les juifs souhaitent y etre
enterres, a proximite de l’endroit ou reposent les fondateurs de la nation.
Ce caractere de
sepulture pour la ville se retrouve dans les livres importants de l’epoque.Le “livre
des Jubilees” et “le testament des douze peres” (c’est a dire les
enfants de Jacob qui donneront leur nom aux tribus respectives),dans ces deux
ouvrages, on explique avec force de details pourquoi et dans quelles
circonstances certains personnages importants de la Genese, auraient ete
enterres a Hebron.
Parmi eux, Adam et Eve.
Detail interressant, Joseph serait, selon les auteurs de ces ouvrages, enterre
lui aussi a la Mah’pela.
Une telle tradition
vient contredire l’affirmation talmudique qui place le tombeau de Joseph a
Sichem en Samarie.
Hebron du second Temple
est une petite ville,qui vit dans l’ombre de Jerusalem. Hebron la ville de
l’unite premiere n’arrivera pas a enrayer le fleau qui ronge alors la nation
juive, la haine gratuite. En ce temps les judeens ont du mal a se rappeller
qu’ils sont tous les enfants d’Abraham d’Isaac et de Jacob-Israel.
Cette haine fratricide ne cessera pas un instant, pas meme durant les
heures de guerres les plus terribles aux portes de Jerusalem, devant les
soldats de Rome. Malgre la defaite, la destruction du Temple et la ruine de
Jerusalem les juifs ne s’avoueront pas vaincus deux generations plus tard les
voila prets a provoquer une nouvelle fois la puissance romaine.
Nous sommes en 135.
Adrien l’empereur redige son rapport au Senat. La traditionnelle formule ”Moi
et mes legions allons bien “ est omise et pour cause. Ni lui ni les legions
de l’empire ne vont bien.
La Judee venait une
nouvelle fois de secouer le joug de Rome, un historien romain, Dio Cassius dira
plus tard de cette revolte; “c’etait comme si le monde entier etait en
guerre “. Pour avoir voulu civiliser ce peuple farouche, et lui construire
une ville moderne (donc paienne) sur l’emplacement de Jerusalem les romains ne
reussiront qu’a provoquer la colere sacree des juifs de Judee.
L’effet de surprise a
ete total. Les renforts venus des provinces limitrophes seront balayes, par les
combattants de Bar Koh’ba et de Rabbi Akiva. Tel sera le sort des bataillons de
la troisieme legion de Cerenaique, de la deuxieme legion basee a Jerusalem avec
son embleme odieux de la religion juive: un sanglier sauvage.
Il en sera de meme pour la cinquieme legion de
Macedoine, la onzieme la sixieme et la quatrieme legion connaitront un sort
semblable.
La vingt deuxieme legion, entierement decimee, ne sera jamais reconstituer,
dans un vain effort d’effacer la cuisante et outrageante defaite.
Malgre cet impresionant palmares des combattants juifs, la victoire des
armes sera finalement romaine.
Pour obtenir cette
victoire Adrien fait appel a son meilleur stratege, Jules Severe. Il le fait
venir a la hate de la lointaine Angleterre. Toute la flotte romaine est
maintenant maintenant sur le pied de guerre, elle mouille en Syrie prete a
intervenir.
Malgre sa superiorite
numerique l’armee romaine evite l’affrontement avec les soldats juifs elle
prefere s’attaquer a la population civile qui fournit aux combattants de Bar
Koh’ba un appui logistique important.
Tout autour de Hebron
les insurges ont creuse des souterrains qui leur permettent de disparaitre dans
la nature, apres avoir attaquer les unites ennemies. La encore Jules Severe
fera preuve d’une rapide adaptation a la situation, il comprend le long travail
de preparation investi par les revoltes.
Ses soldats ne se
risqueront pas dans les couloirs creuses sous la terre par les insurges qui
deviennent automatiquement un piege mortel pour celui qui ne les connait pas.
Le commandant de
l’armee romaine a une bien meilleur idee.
Ses soldats iront en
reconnaissance pour reperer toutes les entrees souterraines naturelles ou
creusees par la main de l’homme. Ces orifices seront desormais gardes par les
legionnaires,pendant ce temps des unites speciales jetteront de la paille
enflammee a l’interieur des souterrains.
Ces grenades fumigenes
primitives sont terriblement efficaces dans de telles conditions. Le Talmud
nous parle des nombreuses victimes etouffees, et pietinees dans les tragiques
debandades que nous pouvons imaginer. Les combattants juifs se replient dans
leurs forteresses, Betar sera le dernier bastion de Bar koh’ba.
La derniere phase de
cette revolte ne se jouera pourtant pas a Betar comme on l’affirme trop
souvent. Betar n’etait que la derniere position forte des revoltes.
C’est a Hebron berceau
historique de ce peuple etrange, qu’Adrien decide precisement de lui porter un
coup qu’il espere fatal. A Elonei Mamre tout pres de Hebron, ou D-ieu dit a
Abraham: “Et je te donnerais a toi et ta posterite toute la terre de Canaan
comme possession a jamais “ Adrien y construit le plus grand marche
d’esclaves.
Adrien n’etait pas un
ignorant loin de la, le Talmud rapporte certaines discussions avec Rabbi
Yoshua, Adrien l’empereur philosophe s’interesse aux paroles de sagesses du
vieux Rabbi sans toujours les comprendre vraiment.
En ce qui concerne
l’attachement de ce peuple a sa terre, il a compris.
Cette terre les hebreux
la revendiquent a partir d’un ancetre lointain, un homme exceptionel a en
croire les dires de Rabbi Yoshua. Cet homme hors du commun les judeens
l’appellent Abraham. C’est lui qui contracte le premier l’Alliance avec leur
Dieu. Drole d’alliance en verite, Abraham et ses descendants doivent se marquer
dans leur chair a l’age de huit jours et leur Dieu etrange leur donne en contre
partie… la terre de Canaan!. Hebron, c’est a Hebron que cette Alliance a donc
ete contractee, c’est a Hebron que se trouve la demeure eternelle du
patriarche.
Ce sera donc a partir
de Hebron que le destin de se peuple va changer se dit Adrien le fier.
A la lumiere de ces
precisions il est possible de degager une nouvelle dimension a l’interdiction
de circoncision promulguee par Rome.
Pas seulement
l’interdiction d’un rite cultuel, mais bien la volonte d’effacer un souvenir
historique lointain mais o combien significatif celui de l’acquisition d’une
terre par un peuple.D’ailleurs n’est ce pas ce meme Adrien qui invente le nom
de Syria Palestina pour designer la terre d’Israel? Cette appelation sera a l’avenir
celle d’une province d’empire. Des conquerants etrangers viendront les
uns apres les autres detruire, construire et a nouveau detruire. Des musulmans
opprimeront des chretiens et les chretiens des musulmans, les deux se
retourneront chacun a leur facon contre les juifs. Mais jamais le nom
“Palestine” ne viendra eveiller un quelconque sentiment d’unite nationale parmi
ces populations.
A l’endroit meme ou
Abraham a pris racine dans cette terre promise a sa descendance, se dresse
maintenant le plus grand marche d’esclaves du pays.
Les cours de cette
“marchandise” ont terriblement chutes, sur le marche il y a trop d’esclaves, se
plaignent les trafiquants, “Pour une mesure d’avoine quotidienne, vous vous
offrez un esclave juif”.
Le site de ce marche est
encore visible aujourd’hui, ses grands blocs de granit bien alignes tout le
long de leur perimetre, les arabes l’appellent Ramat El Hallil pour les juifs
il s’agit d’ Elonei Mamre.
Ici a Elonei Mamre, des
milliers de juifs ont appercus pour la derniere fois les paysages de Hebron-
Kiriat Arba, la cite des quatre. Les quatre couples de patriarches pleurent en
silence en voyant leurs enfants disperses aux quatre coins du monde.
St Jerome dans son
commentaire du livre de Jeremie(31:15) remarque:”…apres la derniere conquete
qu’entreprit Adrien et lorsque qu’il eut detruit entierement la ville de
Jerusalem, un tres grand nombre de juifs de tout age filles et garcons furent
vendus au marche de Hebron. De ce fait ce lieu est devenu une abomination pour
les juifs qui se refusent meme de le le voir.”
Cela aurait pu
constituer le dernier chapitre de l’histoire des juifs comme ce fut le cas de
tellement d’autres peuples qui eurent la folie de defier la puissance de Rome.
En fait un episode tragique venait de s’achever, C’est avec beaucoup d’humilite
qu’il faut le dire mais notre Histoire continue. Peut il en dire autant Adrien?
Son Histoire a lui est terminee, elle appartient au passe, aux musees. Le musee
d’Israel d’ailleurs expose en permanence une tres belle statue le representant.
Contrairement a Adrien,
de Rabbi Akibba il ne nous reste aucune image ou statue, mais ses paroles
resonnent encore dans les synagogues et les maisons d’etudes que les juifs
continuent d’eriger, ses paroles restent des paroles de vie eternelle.
De temps a autre les
descendants de Bar Koh’ba de Rabbi Yoshua et de Rabbi Akibba viennent ici au
musee d’Israel a Jerusalem pour admirer le buste de pierre d’Adrien de Titus et
tous les autres, ils viennent de tous les coins du pays de Betar, de Yabneh et
…de Hebron bien entendu.
Apres la defaite des insurges de Bar koh’ba, l’armee romaine en Judee opere
une veritable reorganisation. Les deux legions postees en permanence avant la
revolte, se voient maintenant renforcees par un grand nombre de corps
auxiliaires.
N’oublions pas que le but de ce deploiement de force, vient servir une
politique bien definie: la dejudaisation du pays.
La Judee devient ainsi Syria Palestina, et Jerusalem, Alia Capitolina.
En ce qui concerne la ville des Patriarches les romains semblent
interresses a y developper le site de Mamre (Eilonei Mamre), le marche
d’esclaves d’une part et le temple paien de l’autre etant les premiers
fondements d’un nouveau centre urbain.Le commerce romain a effectivement besoin
d’une plaque tournante debouchant sur la mer rouge, et qui ne saurait etre
confiee a la population juive, l’eternelle revoltee.
Un document date de Novembre 186 decouvert tout pres de Hebron, temoigne de
la presence de deux bataillons de cavaliers, les soldats en question sont
gaulois, ce meme document fait encore etat de sept autres bataillons recrutes
dans les diverses provinces de l’empire.
Les fouilles archeologiques ont mis a jour une tuile avec pour inscription:
“Bataillon 1 000". Ce bataillon, nous le savons, etait entierement
constitue de recrues de la ville de Tharse.
Des les premiers mois du regne de Marc Aurel (161), l’armee entreprend de
grands travaux pour ameliorer les voies de communication.
Une nouvelle voie est tracee entre Jerusalem et Sichem (Alia Capitolona et
Neapolis sur les documents romains !). La route Jerusalem Hebron est
elargie et se poursuit jusqu’a Joubrin.
La generation post Bar koh’ba aura encore a souffrir de l’animosite de
l’administration.
Il faudre attendre pres de cinquante ans pour assister a un changement de
politique vis a vis des juifs en generale et de ceux d’Eretz Israel en
particulier.
Ce changement, il est vrai, prend forme deja sous le regne d’Antonin le
pieux.
Et c’est veritablement sous le regne des Severus (193) que l’on assistera a
des relations tout a fait positives.
Chacun des quatre empereurs de cette dynastie temoignera a sa facon de sa
volonte de privilegier le public juif. Septime Severe etait un homme
autoritaire, un brillant stratege. Caraccala, son successeur, etait plus
impulsif encore, mais moins methodique que son pere. C’est lui qui accordera la
citoyennete romaine a tous les habitants de l’empire. Algable quant a lui etait
un fou furieux voue corps et ame au culte du soleil, debauche et vicieux.
Alexandre, son heritier, fut un grand gouverneur avise, sans doute le plus
capable des quatre.
Pourtant un denominateur commun unissaient tous ces hommes, leur attitude
bienveillante a l’egard des juifs. Le Talmud abonde en temoignages au sujet de
l’amitie qui unissait Rabbi Yehouda A Nassi, le compilateur de la michna, et
Antonin (les historiens ne peuvent affirmer lequels des empereurs de cette
dynastie fut l’ami de Rabbi Yehouda).
La situation en Eretz Israel restait neanmoins difficile en raison du
veritable boulversement demographique defavorable aux juifs qui caracterise
cette epoque. C’est dans ce contexte qu’il faut aborder les reformes de Rabbi.
Rabbi ordonne de dispenser d’impots agraires prevus par la juridiction
biblique les minorites juives de Bet Shean, Cesaree de maniere a endiguer la
desertion de ces regions par leurs habitants juifs.
La minorite juive comdamnee a la cohabitation avec les gentils est en butte
aux sevices de la population paienne, comme en temoigne certaines
representations artistiques de l’epoque.
Rabbi Abahou relate la facheuse habitude des paiens de Cesaree de ridiculiser
les coutumes juives dans leurs pieces de theatre.
Ce mepris des juifs se retrouvent dans toutes les couches sociales de la
population. Une tradition talmudique rapporte la rixe qui oppose deux
prostituees d’Ascalon. Desirant se reconcilier avec sa “ collegue”, l’une
des antagonistes proposera d’oublier toutes les insultes dont elle s’est vue
gratifiee, a l’exception de «Juive », “celle la ” lui dit elle “je
ne te la pardonnerais jamais” (Eh’a Rabbati 1 ; 11).
Si la domination byzantine sera essentiellement marquee par la
christianisation de la Judee, la guerre ouverte contre le judaisme il y aura
neamoins des periodes de repit qu’il est important de rappeller. En 443 la
princesse Eudocie s’installe en Judee. Une installation semi forcee qui deviendra
par la suite une veritable histoire d’amour avec Jerusalem.
La princesse en exil semble manifester d’amicales intentions a l’egard des
juifs. C’est elle par exemple qui permet a nouveau aux juifs de venir prier a
Jerusalem. Durant ses quelques vingt annees de presence dans la cite de David
les juifs vont une fois de plus rever le reve de la delivrance prochaine.Un
appel est alors lance par les Cohanim (pretres) de Galilee”…Sachez donc que
le temps de notre exil est revolu, celui de la reunification de nos tribus a
sonne.Les rois de Rome ont donne l’ordre de nous restituer notre ville de
Jerusalem depechez vous de rejoindre notre ville de Jerusalem pour les
festivites de Souccoth(la fetes des cabanes) car voici que notre royaute est de
retour…”
Il semblerait que dans ce climat d’aversion directement lie a la
progression du christianisme (devenu entretemps religion d’etat), une autrer
exception: « Hebron ». Suzomene, un des peres de l’eglise nous
rapporte un temoignage des plus surprenants, puisse qu’il s’agit d’un site qui
par le passe eveille chez les juifs de douloureux souvenir,le marche d’esclaves
de Mamre. « … A Alonei Mamre, la ou se trouve le terebynte a proximite de
Hebron, se deroule jusqu"a ce jour une fete ou affluent les enfants de
l "endroit. Cette fete se deroule chaque annee, durant la saison
d’ete. Nombreux, ceux qui s"y rendent pour y faire du commerce. Cette fete
rassemble tout le monde, en premier lieu les juifs qui y perpetuent la memoire
de leurs ancetres, mais aussi les paiens qui y celebrent la venue des anges, et
de meme les chretiens, du fait vu que celui qui devait naitre d"une vierge
est egalement apparut au juste (Abraham !), pour lui annoncer la
redemption des hommes.
Chacun selon sa croyance vient se recueillir sur les
lieux. Qui pour prier le D ieu tout puissant, qui pour invoquer les anges
offrir des libations de vin et y bruler de l’encens, allant meme jusqu’a
sacrifier taureau, belier, mouton, ou coq …
Par respect pour l’endroit, ou par peur de provoquer la
colere du ciel, on ne fait pas appel au service de femmes, maquillees et
soupoudrees (femmes de mauvaises vies?) comme cela se deroule dans les lieux de
fetes … Il n’y a la aucune trace de debauche, et cela malgre la grande
promiscuite des tentes, le grand nombre de personnes qui dorment la bas ca et
la, les uns a cote des autres …
Durant
les heures de festivites, personne ne s’aventure a boire l’eau du puits, car
selon une habitude paienne, on y allume une grande quantite de veilleuses, et
nombreux sont ceux qui projettent a l’interieur de l’encens et des pieces, ou
du vin de libation, c’est sans doute la raison pour laquelle l’eau n’est plus
potable. (Suzomene, histoire de l’eglise 2,4).
La politique de l’empereur Adrien semble avoir ete appliquee de maniere
ponctuelle: donner un caractere paien a tous les hauts lieux du pays, ainsi, le
site Mamre connaissait un nouveau visage, celui de la divinite romaine
Markorius. C’est Adrien qui transforme le site en plaque tournante de commerce
international, ou l’essentiel des activites se deroulait durant le mois d’ete.
Le marche servait principalement les relations commerciales avec l’Arabie, le
Talmud et Eusebus le decrivent comme l’un des trois grands marches de Syrie.
Les relations commerciales avec
l’Arabie etaient par le passe, assurees par les populations nabateenes. Ces
derniers furent decimes par l’empereur Trajan soixante dix ans plus tot, et
l’activite commerciale en souffrait encore. Selon le professeur Yehouda Karmon,
le site de Mamre dans le programme d’Adrien avait pour but d’evincer
l’importance historique et politique de Hebron (ou selon lui, les juifs
continuent d’habiter au lendemain de la revolte de Bar Koh’ba).
Nous savons qu’au lendemain de la defaite de Bar Koh’ba, les romains
s’acharnerent sur les juifs de Judee. L’expression litteraire des ces tragiques
evenements est le recit de l’execution des dix plus grands sages d’Israel en
ces jours. Parmi les martyrs, Rabbi Ismael de Kfar Aziz au sud de Hebron.
La presence d’un sage aussi prestigieux que Rabbi Ismael(qui fut l’ami mais
aussi le grand contradicteur de Rabbi Akiva) nous permet de supposer une
presence juive significative dans cette region. A l’image des autres sages de
sa generation Rabbi Ismael dirigeait une maison d’etudes, et devait
probablement etre responsable de nombreux etudiants.
Apres la repression, les romains entreprennent la construction de nouvelles
routes et l’amenagement du port d’Elat au sud du pays, pour assurer les
contacts avec l’Arabie et l’Inde.
Le site commercial de Mamre va se maintenir durant plus de 500 ans. Les
byzantins ne tolereront pas le temple paien, ils le remplacent par une
magnifique basilique. Nous trouvons un souvenir de cette basilique dans la
mosaique de Madaba, decouverte a la fin du 19 eme siecle sous les ruines d’une
eglise bysantine en Transjordanie. Cette mosaique, represente une carte d’Eretz
Israel a l’epoque Byzantine, en son centre Jerusalem. Il semble en fait qu’au
lendemain de la defaite de Bar Koh’ba, les juifs de Judee, fuirent les villes
pour se retrouver a la lisiere du desert de Judee.
Faut il deduire de ce temoignage que les juifs habiterent Hebron durant
cette epoque? Rien ne nous permet de l’affirmer avec certitude. Eusebe, un
autre pere de l’eglise, decrit Hebron comme un village important, sans y mentionner
les juifs. Ce silence ne doit pas pour autant nous mener a de hatives
conclusions, les decouvertes archeologiques de ces dernieres annees nous font
decouvrir une presence juive insoupsonnee, tant par sa qualite, que par son
importance numerique, au sud de Hebron. Qu’il qu’il nous soit permis de
rappeller les villages de Maone, Carmel, Kfar Aziz, Samoa, Ziv et bien sur
Soussia.
Durant la periode byzantine, les decrets romains concernant l’interdiction
des juifs a s’installer a Jerusalem, restent toujours en vigueur, nous ne
connaissons rien de semblable en ce qui concerne Hebron.
De plus la presence d’une synagogue a l’interieur de l’enceinte de la
Machpela nous oblige a envisager l’existence d’une communaute, capable de
resister aux pressions du pouvoir byzantin qui ne temoigne pas de beaucoup de
bienveillance a l’ecart des juifs. A ce titre il est bon de souligner que
malgre l’animosite dont ils faisait preuve, les dirigeants de Byzance
parvinrent a maintenir de longues et profitable annees de paix pour la ville.
De par sa position topographique elevee Hebron presente de nombreux
avantages, un sol fertile, particulierement a la culture de la vigne, une
pluviometrie relativement equilibree, la presence de nombreuses sources aux
alentours font de cette contree une des plus florissante du pays.Les
differences de temperatures la saison froide et l’ete toride favorise la
culture des pommes et de la vigne. Le professeur Karmon n’ hesite pas a
affirmer que les Hebronites etaient les meilleurs viticulteurs du Moyen Orient,
ils avaient selon ses dires, appris a prolonger la saison de la vigne de
juillet a decembre. Aujourd’hui encore, le visiteur sera surpris de rencontrer
sur la route de Hebron les vignes couleurs d’automne encore chargees de leurs
fruits precieux, alors que la saison des raisins est terminee partout ailleurs
dans le pays.
Al Mukadassi le celebre geographe musulman ecrit que la production agricole
de la ville etait, par le passe, principalement exportee vers l’Egypte.
De ce fait il est logique de penser qu’a defaut de pouvoir se recueillir
dans la ville de David, les juifs se tournerent vers Hebron. Ainsi temoigne un
pelerin chretien du sixieme siecle: « De Bet Lehem aux chenes de Mamre
vingt quatre miles. En cet endroit reposent Abraham, Isaac et Jacob et Sarah.
La bas se trouvent aussi les ossements de Joseph. On y a construit une
basilique avec quatre rangees de colonnes. Au milieu, une cour, une palissade
la separe en deux. D’un cote entrent les chretiens de l’autre les juifs, ils
font bruler beaucoup d’encens. » (Antonin Martyre).
Hebron restera pres de trois siecles entre les mains des byzantins., de 330
a 638. En 333 c’est un voyageur anonyme de Bordeaux qui visite la ville et
s’emerveille de la majeste du monument herodien, qui fait l’orgueil de la cite.
Une legende rapporte que l’empereur Theodore II (448-450) aurait ordonne a
ses gens de se rendre a Hebron pour y retirer les depouilles mortuaires des
Patriarches, pour les faire parvenir a Constantinople.En s’approchant des
tombeaux, les envoyes furent frappes de cecite et ne purent mener a bien leur
mission. Cette infructueuse tentative de s’accaparer l’indentite spirituelle de
Hebron ne marque pas la fin de l’occupation byzantine. Il faudra attendre
encore pres de deux siecles pour eveiller de nouveaux espoirs dans le coeur des
juifs de Hebron.
Cet espoir c’est
la resurection de la puissance perse qui va leur fournir.
Byzantins et Perses se disputent l’Orient durant ce
septieme siecle sans imaginer un instant qu’ils tomberont tout deux d’ici peu
sous les coups d’un nouveau prophete qui viendra bouleverser la situation
internationale.
Mais n’anticipons pas. Profitant de la faiblesse des dirigeants
chretiens Chosroes II, passe a l’attaque. De 611 a 619, ses soldats vont porter
la guerre chez l’ennemi.
En 614 les guerriers Chosroes penetrent en Eretz Israel.
Les armees perses rencontrent devant elles, juifs et
samaritains persecutes, elles sont accueillies en liberatrices.
A Tiberiade un certain Benjamin a la tete de vingt mille
combattants juifs vient grossir les rangs des nouveaux conquerants. Les
combattants juifs guerroient a leurs cotes devant les murailles de Jerusalem
qui tombent sous leurs assauts. Selon differentes chroniques trois jours de
carnage vont suivre pour la population chretienne.
Un gouverneur juif est installe a Jerusalem, selon les
sources midrachiques il s’agirait d’un certain Neh’emia fils de H’ouchiel, fils
d’Ephraim fils de Joseph, a ses cotes une femme, H’eftsi ba. Il semblerait que
le rite des sacrifices soit reinstaure sur le mont du Temple en attendant la
reconstruction prochaine du Sanctuaire.
Si revanche il y a eu, elle fut neanmoins de courte
duree. Chosroes, le vieux souverain perse n’avait rien d’un Cyrus, et
l’alliance judeo perse aucune dimension messianique. Dans le cadre de leur
politique internationale, les descendants du grand Cyrus vont rapidement
preferer l’element chretien a la minorite juive. Les voila maintenant pret a
negocier leur retrait du pays.
. L’alliance avec les Perses aura ete de courte
duree,trois ans seulement. Cette periode de notre histoire est mal connue,selon
une chronique juive de l’epoque,le livre de Zerubavel l’idylle perse se termine
en un affrontement sanglant avec les allies de la veille.Toujours selon
l’auteur du livre de Zerubavel, c’est le roi Chosroes lui meme qui viendra
frapper a mort Neh’emia fils de H’ouchiel le gouverneur de Jerusalem.
Heraclius, est en route pour Jerusalem, nous sommes en 629. De Syrie il penetre
en Galilee
Une delegation de juifs vient rendre hommage au maitre de
Byzance. Le pouvoir perse n’a aucune intention de se battre pour Jerusalem,
encore moins pour leurs allies juifs de la veille.
Selon une tradition chretienne, Heraclius est heberge a
Tiberiade chez Benjamin qui quinze ans plutot menait ses vingt mille
combattants aux cotes des perses vers la victoire dans la cite de David. Ce
meme Benjamin dote d’une tres grande richesse, pousse l’hospitalite a pourvoir
a lui seul au ravitaillement de l’armee chretienne.
Hebron situee bien plus au Sud semble restait
provisoirement du moins, a l’ecart des evenements. Selon les historiens,
l’empereur Heraclius etait personellement bien dispose a l’egard des juifs au
point de pardonner leur soutien aux perses quinze ans plus tot.
L’absolution, redigee et ratifiee par Heraclius, chef de
l’eglise orthodoxe, se voit ainsi dotee d’une dimension morale doublant sa
portee politique.
La pression des gens d’eglise qui exigeaient des
represailles, viendra a bout des bonnes intentions d’Heraclius. Ce dernier
devra donc ceder ouvrant ainsi la voie a l’implacable et meurtriere vengeance
chretienne, la population juive de Jerusalem en fera les frais. Quoiqu’il en
soit, la reconquete sera terrible pour les populations juives du pays
Les habitants juifs de Hebron, apprenant le sort de leurs
freres dans la ville de David, deciderent de vendre cherement leur vie. Une
Kina (poeme d’inspiration religieuse pour les jours de deuil) rappelle le sort
des “heros de Hebron”. “C’est a Hebron que tomberent les heros, agiles comme
les cerfs dans la colline. Les sages, les chantres et les scribes, tous devoues
a la Thora”…
Un detail interessant, l’eglise copte a perpetue des
centaines d’annees durant un jour de jeune pour expier le parjure de la parole
donnee par le chef de l’eglise aux juifs d’Eretz Israel. Ce pardon ils le
demandent a leur dieu de misericorde, pas …aux descendants de leurs victimes.
La victoire de
Byzance et la defaite de la Perse, devaient perdre toute signification devant
le nuage de poussiere qui venait d’Arabie.
Les cavaliers d’un nouveau prophete se lancaient
maintenant a la conquete du monde.
“Plus delicieux que le vin genereux, plus doux que le
choc des coupes, sont pour moi le maniement des sabres et des lances, et le
heurt, sur mon ordre, d’une armee contre une autre. M’exposer a la mort, dans
le combat, est ma vie. Vivre pour moi c’est repandre la mort”.
Ces vers du poete arabe Al Motanabbi resument assez bien
l’etat d’esprit de ces guerriers de la peninsule arabique qui vont deferler sur
le monde un siecle durant.
Les musulmans apparaissent dans la scene de l’Histoire,
comme un peuple jeune et vigoureux. Jeunesse et vigueur viendront d’ailleurs
bien souvent palier leur manque d’experience, devant les problemes de gestion.
Gestion economique, politique et religieuse.
D’un point de vue religieux, l’Islam n’est pas vraiment
une inovation dans l’univers monotheiste, car le nouveau prophete ne vient pas
denigrer le message de la Bible ou des Evangiles mais il se propose au
contraire (selon l’optique musulmane bien sur) de les completer. En la personne
de Mahomet, les musulmans voient le dernier prophete. L’humanite doit pour cela
se preparer au jour du jugement.
Nos livres d’Histoire ont l’habitude de presenter la
conquete arabe en
Eretz Israel comme un evenement marquant la liberation du
joug byzantin. La verite historique est cependant plus complexe.
Pres de dix ans durant les arabes vont organiser des
raids sur le pays, il n’y a pas a proprement parler de conquete. Le butin
recolte, ils s’en retournent a leur base de depart.Ces raids ont aussi pour but
une reconnaissance du terrain
Ils commencent en 629 de l’ere chretienne, du vivant de
Mohamed.La conquete arabe d’Eretz Israel sera directement consequente a leur
deux victoires sur les armees de Byzance,la premiere en 634 a Ijnadayine(lieu
que les historiens n’arrivent toujours pas a identifier) La seconde sur les
rives du Yarmouk en 636 le Vingt septembre de cette meme annee l’empereur
Heraclius comprend qu’il vient de perdre Eretz Israel et la Syrie.
Entre temps les villes de Gaza, Samarie (Sebastia),
Naplouse, Lod Yabneh Emmaus et Jaffa tombent entre les mains des musulmans. Il
est interressant de noter que les arabes n’ont pas l’air presse de se rendre a
Jerusalem ou a Hebron, qui ne tomberont qu’en 638.
Cette remarque historique devrait porter a reflexion a
tous ceux qui voient dans la conquete musulmane l’expression exaltee d’une
identification religieuse envers ces lieux, tellement significatifs pour le
judaisme et qui ne representent alors aucune valeur particulere pour l’Islam.
En fait il semblerait que durant cette premiere periode
de raids de reconnaissance les populations civiles durent particulierement en
souffrir, specialement la population rurale. En temoigne ce document syrien
anonyme de l’an 634 qui nous dit: “Le combat entre les romains (les
byzantins ) et les musulmans se deroula un vendredi, le 6 fevrier, a douze
miles de la ville de Gaza. Les romains ( byzantins) finirent pas prendre la
fuite laissant derriere eux leurs officiers qui furent aussitot massacrer par
les arabes.qui tuerent aussi quelques quatre mille villageois des
environs,chretiens juifs et samaritains…’’
Il serait en fait possible d’envisager que le sort des
populations citadines juives fut different de ce que nous venons d’evoquer a
l’instant dans la mesure ou elles etaient generalement protegees par des
murailles qui les mettaient partiellement du moins a l’abri de ce genre de
dangers.
Plusieurs chroniqueurs chretiens viendront sur le tard
temoigner du role joue par les juifs dans la chute de Hebron et Cesaree devant
les conqerants arabes.Une ancienne chronique arabe precise que lorsque les
armees de Caliphe Omar envahirent Eretz Israel les populations chretiennes
durent souvent evacuer les lieux. Toujours selon cette meme source, les
byzantins auraient prealablement detruits les edifies au dessus des tombeaux de
la Machpela, apres avoir obstrue l’entree de la construction herodienne, ce
serait donc les juifs qui indiquerent aux nouveaux conquerants, l’emplacement
de l’ouverture de la caverne en echange de quoi ils obtinrent du Calife le
droit de maintenir leur synagogue dans les lieux.
L’historien Simh’a Assaf rapporte l’existance d’un
document de la Gueniza du Caire, selon lequel, les juifs auraient
volontairement detruit le baraquement qui leur servait de lieu de prieres sous
les byzantins pour obtenir du Calife l’autorisation de reconstruire au meme
endroit une synagogue digne de ce nom.
Les juifs obtiendront donc gain de cause aupres d’Omar.
Il est tout a fait surprenant de constater qu’aucune
chronique arabe retracant la conquete du pays, ne signale la prise de Hebron
par les musulmans, pas un mot pour relater l’entree des vainqueurs dans la
ville. La conquete de Hebron n’inspire decidement pas les historiens arabes!
Cette ommission est elle fortuite, fruit d’une etrange coincidence ou au
contraire s’agit il la d’un detail revelateur d’une absence d’interet totale
pour les lieux?
Les historiens vont opter pour la seconde eventualite,
selon eux l’identification de l’Islam a la ville de Hebron ne se rattache ni au
Coran ni a l’epoque precedant la conquete, mais se fera par etapes, et beaucoup
plus tard.
D’ailleurs les sources musulmanes gardent le silence le
plus complet jusqu’au dixieme siecle au sujet d’une ville qui est consideree de
nos jours comme le quatrieme lieu saint de l’islam. Ces trois siecles de
silence, cet interet tardif vis a vis de Hebron devoile un aspect particulier
de l’Islam qui bien souvent ne se contentera pas de partager la veneration des
lieux saints avec le judaisme, mais viendra en exiger le monopole, quitte a
devoir expulser les proprietaires historiques…
Un detail supplementaire temoigne de la meconnaissance
des arabes vis a vis de Hebron, les noms qu’ils utilsent pour parler de
l’endroit. Les premieres chroniques designent la ville par les noms de H’ibra
ou H’afrun, deformation phonetique de l’Hebreu “H’evrone” par la suite ils
opteront pour l’appelation “El H’alil” qui signifie “Le bien aime (de
D-ieu), allusion a Abraham le Patriarche, qui est ainsi designe dans les
sources talmudiques.La encore la tradition musulmane a du mal a prendre ses
distances avec ses modeles juifs.
Dans l’encyclopedie de l’Islam nous pouvons lire: ”Le
nom biblique d’Hebron, Keriat Arba n’est pas cite dans les sources arabes, fort
mal informees sur son appellation originale qu’ils repetent sous diverses
formes:Habrun, Hafrun, Hibra (ou Habra)…Alors que le nom au moins de Jerusalem
etait connu de musulmans des l’epoque de Mohammad, ils ne savaient rien de
Hebron.”
L’islam des premieres decennies est une religion jeune et
ses premieres notions de saintete seront directement liees aux personages et
aux paysages d’Arabie. Comme le christianisme a ses debut, elle subira
l’influences de ses predecesseurs. L’influence juive et chretienne sera
significative en ce qui concerne le choix de nouveaux lieux saints (a
l’exterieur de l’Arabie). D’une maniere generale les musulmans a ce propos,
n’essaient pas d’innover ils se savent entierement dependants des juifs pour
identifier les lieux d’interet bibliques.
Ces lieux deviendront “saints” pour les musulmans, uniquement
par ce qu’ils l’etaient prealablement pour les juifs.
En penetrant en Eretz Israel, ils decouvrent les paysages
ou se sont deroulees les scenes bibliques que le Coran a recupere a son compte.
L’Islam neanmoins ne se pressera pas de sanctifier de
nouveaux lieux de culte a l’exterieur de l’Arabie. Il y aura la, un long
processus historique, des courants opposes vont s’affronter mus par des
interets politiques evidents.
Ce qui menera les arabes de l’ignorance, l’indifference a
l’interet, pour aboutir bien souvent a une recuperation exclusive des sites
religieux en Eretz Israel.
Hebron, la caverne de Mah’pela constitue un exemple
frappant de ce changement d’attitude.
Durant une longue periode de tolerance et de pouvoir
eclaire, les musulmans partageront la frequentation de ces lieux avec juifs et
chretiens. Ce n’est que plus tard qu’ils opteront pour une tendance
fondamentaliste consistant a exclure juifs et chretiens ( il faudra attendre le
vingtieme siecle pour qu’une administration israelienne y assure enfin une
liberte d’acces pour toutes les confessions).
Les arabes vont adopter a leur tour la coutume de
pelerinage sur les tombes des personnages importants dans leur tradition
religieuse, coutume qui durant les premieres decades de l’Islam, etait uniquement
reservee a la tombe du prophete Mahomet et ne souffrait aucune exception.
Ce changement d’orientation provoquera une vive
opposition au sein meme de l’orthodoxie musulmane qui considere le pelerinage
sur les tombes comme une vulgaire imitation des traditions populaires juives et
chretiennes. Jusqu’au 14eme siecle, cette position theologique sera
vigoureusement exprimee, comme le montre ce pamphlet du sage Ibn Tamia: “Il
est interdit de construire une mosquee au dessus d’un tombeau. Jamais une telle
idee aurait pu voir le jour a l'epoque du prophete, ni meme au temps de ses
successeurs. Qui donc avait ose formuler une telle pensee. Avraham (en arabe El
Halil qui veut dire l’aime de Dieu), la paix soit sur lui, est depuis toujours
enterre dans la caverne et malgre cela, cette caverne est depuis toujours
fermee et interdite d’acces. Personne n’y venait pour prier, ou pour peleriner.
Par contre, on venait prier a la mosquee El Aksa a Jerusalem, et sur le chemin
du retour, personne ne songait a s’arreter devant la caverne de Mah’pela ni
devant aucune caverne. C’est ainsi que la caverne de Hebron, est restee fermee
au public, jusqu’au jour ou les chretiens s’en emparerent, a la fin du
quatrieme siecle (de l’Hegire). Ce sont eux qui ont ouvert les portes pour transformer
l’endroit en eglise. Ce n’est qu’apres que les musulmans la conquerirent de
leurs mains, que nous voyons des fideles venir pour y prier’’.
Il est interressant de noter que jusqu’a ce jour,
certains musulmans evitent encore de penetrer a l’interieur de la Machpela,
pour les raisons que nous venons d’evoquer. Cependant, la ville de Hebron fut
la plus forte, ou plutot l’attrait qu’elle continuait d’exercer sur les masses.
Le flux des visiteurs musulmans venant se prosterner sur
la derniere demeure des patriarches ira en grandissant. Les dirigeants de
l’Islam jugerent bon d’adapter la theorie religieuse a la realite. Certaines
traditions religieuses iront meme a inclure la caverne de Mah’pela dans la
fameuse expedition mystique qui amena le prophete d’Arabie a Jerusalem. Les
arabes a l’exemple des juifs vont par la suite accorder beaucoup d’importance a
Hebron et au souvenir d’Abraham. Ce n’est que beaucoup plus tard, durant le
regne des sultans mamelouks que les villages des alentours de la ville seront
declares Wakf (propriete des institutions islamiques), leurs productions
agricoles servira a financer l’entretien des lieux, et l’accueil des pelerins.
Hebron, selon la tradition musulmane, aurait ete promise a Tamim El Dahari, des
les premiers temps de l’Islam. Ce dernier etait un des compagnons du prophete.
Negociant en huile de son etat, il propose de changer l’eclairage de la mosquee
ou priait le messager de l’Islam. Effectivement, les premiers fideles
utilisaient des branches de palmiers dattiers en guise de torches.
Le genereux donateur aurait demander une faveur au
fondateur de la nouvelle foi: Hebron et ses alentours.
Notons que cette demande aurait eu lieu des annees avant
le debut des conquetes.Omar le Calife a qui incombe de realiser la promesse de
Mahomet, prendra toutefois la precaution de mettre en garde contre les abus du
pouvoir. De ne pas asservir les habitants de la ville, ne pas outrepasser le
pourcentage de l’impot prescrit par la loi.
Les impots en question sont ceux reserves aux “dhimmis”
les populations non musulmanes de l’empire. Selon l’historien arabe Al
Moukadassi, la population musulmane est encore minoritaire a Jerusalem (nous
sommes en fin de dixieme siecle), il nous est permis de deduire que la presence
musulmane a Hebron devait etre encore des plus limitee. Ce qui revient a dire
que la principale population est une population juive. L’islamisation des
populations conquises fut certainement un facteur decisif du changement
demographique qui s’opere alors. Malheureusement les temoignages ecrits font
encore defaut. Notons au passage que durant les premieres annes les musulmans
ne sont pas interresses a islamiser les populations conquises, pour la bonne et
simple raison qu’un musulman etait alors exempte d’impots.
Assez curieusement, les arabes semblent se desinteresser
completement du site Mamre, ou nous l’avons vu, byzantins, romains et juifs,
avaient chacun a leur facon, valoriser l’endroit. Les musulmans ne lui
accorderont quant a eux aucune importance. Le site de Mamreh restera dans son
etat de vestige, tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Geographes et historiens musulmans du dixieme siecle
decrivent la ville comme un verger benit du ciel ou l’abondance et la diversite
de ses fruits font l’admiration de tous. Tel le voyageur persan Nasir H’ousaveh
qui n’hesite pas a qualifier l’endroit de’’ Mashad ‘’(endroit saint).
Soucieux de venerer la memoire d’Abraham, les musulmans y
pratiquent l’hospitalite avec generosite, le pain, l’huile d’olives et les
lentilles constituent le “simat” (repas offert aux pelerins). En
developpant les structures d’accueil des pelerins et touristes autour de la
mosquee et a l’interieur de la Mah’pela, les arabes contribuent de la sorte au
developpement de la ville de Hebron. Le professeur Bratslavi n’ hesite pas a
avancer l’hypothese que les juifs durant les premieres decades de l’occupation
arabe, etaient egalement responsables de l’acceuil des pelerins musulmans.
La Hebron de la Bible, l’actuelle colline de Roumeida est
progressivement transferre dans la vallee autour du tombeau des Patriarches (
Haram El Halil) qui devient ainsi le nouveau centre ou se regroupent
differentes institutions religieuses. Al Moukadassi le celebre geographe et
historien musulman de Jerusalem (fin du Xeme siecle) distingue encore les
quatre subdivisions de la ville (Kiriat Arba, la cite des quatre ), Romeida,
Harat Bne Dar, Ramat El Halil (Mamre) et Beit Anoun, ou se pratique une
agriculture de haut rendement (aujourd’hui encore les terres de Beit Anoun sont
connues pour leur fertilite). Que devient la communaute juive de la ville au
lendemain de la conquete arabe? La Gueniza du Caire nous offre une variete de
documents de cette epoque. Curieusement, le nom de Hebron fait souvent place a
celui de”Tombeau des peres”.
Confirmant ainsi le transfert de la ville de son site
premier, la colline de Roumeida, vers le “Haram ” c’est a dire
l’emplacement meme du lieu saint autour duquel s’organise la nouvelle ville.
Cette epoque a conserve la souvenir d’un certain Saadia Ha Hevroni, auteur de
la chronique “He h’aver Le Kivrei Avot” (le sage du tombeau des
patriarches).
Saadia est donc le responsable d’un groupe de fideles les
“anechei Kivrei avot” (les compagnons des tombeaux des patriarches). En
relisant ce parchemin, nous apprenons que les compagnons prient entre autre
pour la prompte guerison du Sage Ebiatar, le Rosh yeshiva (dirigeant spirituel)
de “Gaon Yaacov”, la celebre Academie Talmudique d’Eretz Israel. Cette
academie fait concurrence aux prestigieux centres d’etudes babyloniens de Soura
de Poumpedita. Selon les historiens Saadia serait lui meme, la troisieme
generation dans la ville a l’epoque de Rabbi Ebiatar.
Dans une lettre conservee a la Gueniza, nous pouvons lire
les lignes suivantes: “… de la part de son proche, son aime, et son
compagnon qui prie toujours pour lui, Saadia membre de la confederation des
peres de l’humanite leur memoire est une benediction.’’
Au onzieme siecle un des descendants de Saadia signe ses
lettres selon la formule desormais classique: de la part de son serviteur Yosef
Ben Yaacov ben Yosef de Hebron de memoire benie, fils de Saadia.
Nous apprenons
que cette communaute est dirigee par le “Haver”(le sage) qui se charge entre
autre de recevoir les nombreux juifs qui visitent les lieux.
Ainsi, dans une lettre datee du 26 Aout 1061, Eli ben
Ezechiel Hacohen, un des dirigeants de la communaute de Jerusalem, ecrivait a
Alloun ben Yaiche de Fostat (le vieux Caire) pour lui annoncer qu’il irait
prier aux tombeaux des Patriarches et demander la guerison pour quelques
notables de la communaute egyptienne.
Il semblerait que les juifs de la ville vivent
principalement du tourisme religieux qui s’organise autour de la Mah’pela. Une
autre activite de la communaute sera de proposer a ceux qui pouvaient se le
permettre, des funerailles dans le petit cimetiere adjacent a la Makh’pela. Le
professeur Avissar ecrit dans son “Sefer Hebron” que les dimensions du
cimetiere limitaient serieusement le nombre des candidats. Il s’avere qu’une
fois mis en terre les ossement etaient retires de leur tombes respectives pour
etre deposees a l’interieur de grandes jarres d’argiles. Ces dernieres etaient
ensuite qui etaient descendues dans les sous sol du lieu saint.
Ce qui fait que le petit cimetiere juif renouvellait de
la sorte les emplacements disponibles. Differents documents attestent de la
presence de ces grandes jarres chargees d’ossements ‘ entre autre une chronique
latine de l’epoque de la premiere croisade et quelques annees plus tard le
celebre rabbin voyageur Benjamin de Tudele fait etat de leurspresence.
Cette information a certainement fait l’objet d’une etude
serieuse de la part des decisionnaires. On le sait la loi talmudique interdit a
un Cohen de se trouvera proximite de tombeaux D’un autre cote cette meme
interdiction n’est pas valable pour la proximite de sepultures d’etre saints
tels les Patriarches. En consequence les rabbins qui approuvent cette
interdiction viendront la justifier par la presence d’autres ossements, ormi
ceux des Peres de la nation.
En accord avec les dirigeants du Wakf, (institution
islamique responsable de gerer les lieux saints, les ecoles religieuses et les
mosquees) la communaute de Hebron est, bien entendu responsable de
l’hebergement des visiteurs juifs dans la ville sainte.
En 1060, arrive a
la Makhpela un des notables de Jerusalem, dans sa lettre il precise qu’il a
prie dans la synagogue a l’interieur de l’enceinte de Makh’pela. Un autre
document de la gueniza nous decrit l’endroit aussi comme un lieu de rencontre
pour les commercants juifs. L’historien Menashe Harel affirme qu’une deuxieme
source de revenus de la ville etait la fabrication de produits laitiers. Dans
une missive de l’annee 1080, un certain Rabbi Abraham ben Nathan, ecrit a un
correspondant de Fostat (le vieux Caire) lui annoncant la venue de son fils en
Egypte, avec un important chargement de fromages de Hebron.
Avec l’inauguration des Omeyades en l’an 661, la Syrie et
Damas sa capitale dirigeront le monde musulman.
Le Calife el Malike herite des nations vaincues (perses
et Byzantins) leur gout du luxe.Nombreux le soupconnent d’embellir Jerusalem
pour faire d’elle la plus belle et la plus sainte ville de l’empire.
Les dirigeants Omeyades n’ont pas bonne reputation dans
l’historiographie musulmane.On leur refusent souvent le titre de Calife pour
les designer comme Roi. Ils menent bien souvent une vie tout a fait scandaleuse
aux yeux des “ulema” (autorites religieuses). Le vin coule a flot a l’occasion
des fetes et rejouissances qu’ils organisent. Ils s’entourent de femmes, de
musiciens et de poetes. Abdel el Malik ira meme jusqu’a choisir un Coran pour
cible dans ses parties de tir a l’arc.
C’est pourtant sous le regne des premiers souverains
omeyades que prend naissance la legende qui allait devenir acte de foi pour les
musulmans.Chevauchant sa mythologique monture la Bouraque, Mohamed se rend a
Jerusalem avant d’etre acueillit par Allah dans son paradis. Cette mystique
chevauchee est designee par la tradition islamique par “`Isra”. Certaines
traditions forgees vers le huitieme siecle, viendront intercaler Hebron dans ce
voyage mysterieux. Hebron viendra de ce fait s’inscrire en seconde etape, d’un
circuit religieux, invitant les fideles venir y prier, apres leur sejour a Jerusalem.
Le calife Al Malik entendait par la eclipser l’hegemonie
religieuse de la Mecque et de Medine d’ou son rival Ibn Zubair tirait d’enormes
benefices grace aux pelerinages. Ce calcul politique ne valorise en rien
l’image de marque des dirigeants omeyades.
Quoiqu’il en soit, des milliers de pelerins affluent
desormais de Syrie et d’ailleurs vers Jerusalem, ils pousseront ensuite leur
pelerinage jusqu’a Hebron, rendant hommage a Abraham le bien aime de D ieu.
Jerusalem et Hebron dans l’optique omeyade avaient donc
pour but de contre balancer l’influence des villes de la Mecque et de Medine.
Les periodes abbassides et fatimides qui suivent
perpetuent l’existence des juifs a Hebron comme en temoigne la gueniza.
Il faudra donc attendre l’arrivee des croises pour
interrompre la presence de cette petite communaute accrochee autour du
sanctuaire des patriarches.
“ Pendant deux jours les croises se livrerent au pillage
et firent un massacre sans exemple depuis l’immense hecatombe des juifs par les
romains mille ans plus tot. Il semble bien qu’au lendemain de la victoire il ne
resta pas un seul musulman ou juif vivant, a l’exception des defenseurs de la
citadelle de David que Raymond de Saint Gilles avait liberes contre rancon et
fait conduire a Ascalon. La ville presentait en spectacle un tel carnage
d’ennemis, une telle profusion de sang que les vainqueurs eux meme ne pouvaient
qu’etre frappes d’horreur et de degout “.
Par ces paroles Guillaume de Tyr venait de decrire la prise de Jerusalem
par ceux la meme qui etaient charges de propager la bonne parole parmi les
nations.
Durant l’annee suivante les croises elargissent leur controle sur le pays
en se rendant maitres de la Samarie, de la Galilee et bien sur de toute la
Judee, Hebron etant le point le plus meridional sur la carte du premier royaume
croise.
Quelques mois plus tard apres la chute de Jerusalem, c’etait au tour de la
ville de Hebron de tomber entre les mains des chretiens. Godefroy de Bouillon
s’en etait rendu maitre apres un court assaut. Les juifs avaient certainement
quitter la ville afin de ne pas connaitre le sort de leurs freres dans la ville
de David. La cite des Patriarches quant a elle, s’appelle dorenavant Saint
Abraham de Hebron, ou encore Castelium San Abraham. La Mah’pela est designee “
Sancta Caverna”. C’est a Ascalon semble -t –il que les juifs de Hebron iront se
mettre a l’abri de la furie des premiers croises. La mosquee et la synagogue
seront respectivement transformees en eglise et monastere, a l’interieur de
l’enceinte de la Makh’pela.
Nous avons l’habitude d’affirmer que la periode croisee a Hebron marque une
des rares interruptions de la presence juive dans la ville. Cette verite merite
toute fois d’etre nuancee, deux raisons a cela. Les croises qui voyaient dans
la population juive du pays un element hostile au meme titre que les musulmans,
adopteront a l’avenir une position plus moderee vis a vis de ces deux groupes
religieux. Cette moderation sera uniquement motivee par des raisons d’interet
et non de moralite. A ce titre par exemple ils permettront aux pelerins juifs
de visiter la ville comme ce fut le cas pour Maimonide et Rabbi Benjamin de
Tudele.
Mais la presence juive sera marquee cependant d’une autre maniere, des plus
inattendue cette fois.
L’historien israelien Michael Ich Chalom evoque l’existence d’un document
de la premiere croisade, signe d’un certain “Rabbi chlomo Hayatom”
(litteralement rabbi Salomon l’orphelin). Ce dernier nous rappelle, que dans
les villages aux alentours de la ville des Peres, les juifs ont pour coutume
d’accompagner leurs morts pour les enterrer a Hebron.
Deux informations importantes, la premiere nous apprend que, devant
l’arrivee des francs, les juifs de Hebron ne prirent pas tous la fuite a
Ascalon, mais certains chercherent refuge dans les villages a proximite de la
ville. La seconde, qu’ils ensevelissent leur morts a Hebron.
En d’autres termes si les juifs n’obtiendront pas le droit de vivre a
Hebron durant l’occupation croisee, ils obtiennent celui d’y mourir!
En attendant les nouveaux conquerants s’organisent sur la place.
Le pouvoir religieux tout comme le pouvoir seculier tient a etre represente
dans la ville, ainsi aux cotes du baron ou chatelain ou quelque autre seigneur
du roi, nous retrouvons l’exitence d’un prieure de chanoines de saint Augustin.
Le baron Gerard d’Avesnes recevra la seigneurie de Hebron des mains de
Godefroy de Bouillon en personne.
Hugues de saint Abraham, Baudouin de saint Abraham Rohart et Gautier
Mahumet se succederont a la direction de la ville, avant que celle ci ne soit
cedee vers 1156 au seigneur de Kerak. La propriete de la forteresse ( chateau
saint Abraham) retourne quant a elle au roi de Jerusalem.
Le seigneur de saint Abraham, nous dit Vincent dans son livre sur
le ‘Haram el Halil’,* (terme que les musulmans utilisent pour designer la
sepulture des Patriarches a Hebron) avait son conseil de nobles qui se
reunissait comme succursale de la Haute-Cour du royaume, avec son privilege de
battre monnaie et de rendre la justice seigneurale. Les jures de la bourgeoisie
siegeaient a la cour des bourgeois de la ville, sorte de juridiction municipale
presidee par le chatelain. Toujours selon Vincent en cas de guerre,la seigneurie
de saint abraham devait fournir un contingent de vingt chevaliers de service au
roi de Jerusalem.
Fideles a leurs traditions les croises vont entreprendre des travaux de
fortifications des lieux, une sorte de fortin au dessus du sanctuaire de
Makh’pela destine sans doute a la residence du chatelain et au logement des
soldats de la garnison.
La conquete d’Eretz Israel par les croises va redonner a l’expression Terre
Sainte une nouvelle signification.
La competition politique entre chretiens et musulmans, la competition
religieuse de ces derniers avec le judaisme, aura pour effet immediat de
provoquer un regain d’interet pour le pays. Des pelerins des trois religions
demandent plus que jamais a voir de leur propres yeux le decor ou se deroulait
voila plus de mille ans l’histoire sainte qu’ils venerent chacun a leur
maniere.
Nous assisterons a une lente mais sure amelioration des conditions de
voyages. Les premieres annees apres la conquete, il etait dangereux pour les
pelerins chretiens de se risquer sur les chemins loin des villes. Le tombeau
des Patriarches se trouvant hors du circuit des grands pelerinages, isole dans
une contree inhospitaliere, voire dangereuse,n’attirait que peu de chretiens
dans un premier temps. Les pelerins ne se deplacent qu’en prenant de grandes
precautions.
Pratiquement seuls juifs et arabes continuaient a venerer l’endroit en s’y
rendant a de nombreuses occasions. “Les sarazzins tendent des embuscades aux
chretiens” temoigne un pelerin allemand en 1103. “Ils se cachent dans
les grottes dans les failles des rochers pour fondre sur les voyageurs fatigues
ou les retardataires des convois …Il n’est pas rare de voir des cadavres des
malheureuses victimes ainsi exposees le long des routes, egorgees par ces betes
sauvages.”
A cette epoque les croises ont pour roi Baudoin II. Monarque avise,
courageux au champ de bataille, Baudoin va savoir utiliser les deux grands
ordres militaires qui naitront sous son regne, les Hospitaliers et les
Templiers.
Les Hospitaliers disposent pres du Saint Sepulcre du plus grand hopital de
l’epoque, dispensant ses soins a quelques deux mille patients.
Benjamin de Tudele, le fameux rabbin voyageur, declame avec admiration “ la
bas tous les malades recoivent les soins qui s’imposent pour vivre et pour
mourir”.
Les grands axes routiers sont desormais dotes de postes de Templiers qui
s’engagent a fournir une escorte armee aux voyageurs.
Templiers et Hospitaliers seront des elements de
stabilites politique pour le pays. Ils fourniront bientot une armee permanente
qui jusque la, faisait defaut aux souverains croises. Sous le regime croise,
Hebron ne beneficiera pas de murailles d’enceinte, la ville n’est pas
consideree comme metropole importante. Comme a l’epoque romaine et byzantine,
Bet Joubrine remplit le role de chef lieu.
D’un point de vue militaire, Hebron vient s’inscrire dans
le cadre d’une lignee de fortifications entre Carmel et Bet Tsour.L’absence
d’enceinte ne signifie pas pour autant que la ville est sans defense les
croises vont construire une fortifications adjacente a la muraille de
Makh’pela.
La Hebron croisee se trouve a mi chemin entre Gaza a
l’Ouest et du Kerack Moab a l’Est, itineraire des caravanes de marchands; la
encore la ville apparait comme element d’un ensemble non pas militaire mais
mercantile.
De cette presence croisee il reste encore les vestiges
d’une construction massive a proximite des reperes des tombeaux de Ruth et
Jessee(le pere du roi David) Murailles puissantes percees de meurtrieres
correspondant tout a fait au mode de vie instauree par les francs. Ils vecurent
dans ce pays retranches derriere leurs forteresses. La place forte en question
est elle meme construite a l’emplacement d’une anciennne eglise byzantine qui
domine la region de par sa position topographique: une des hauteurs au Sud de
l’edifice de la Makh’pela:la colline de Roumeida.
Cette colline est en fait le site de la Hebron biblique ;
l’endroit est eleve pour en assurer la defense, possede un point d’eau, comme dans
la plupart des agglomerations des temps passes ; les tombes de la ville sont
disposees a l’Est des habitations de maniere a permettre aux vents (d’Ouest)
d’en eloigner les impuretes.
La tradition qui attribue la presence des tombeaux de
Ruth et Jesse remonte ”seulement “ au treizieme siecle. Vers 1270 un disciple
anonyme du Ramban (Nah’manide) ecrit: “…A Hebron se trouve la caverne de
Makh’pela, le tombeau des Patriarches, la nouvelle ville de Hebron est situee a
proximite de la Caverne, mais la Hebron antique se dresse sur une colline ou la
bas se trouve un cimetierre juif, dans une des cavernes, le tombeau de Jessee
pere de David, certains disent qu’il s’agit la de la tombe de Joab…”
Plus de deux siecles plus tard le celebre rabbin italien
Obadia Bartenora rappelle lui aussi l’endroit: “…Dans une des collines en
face de la caverne de la Makh’pela, au sommet de cette colline, une grande
caverne et une belle construction on dit que c’est la le tombeau de Jesse le
pere de David”
Rabbi Moshe Bassola, venu lui aussi d’Italie visitant la
ville en 1522 nous laisse une description pratiquement identique des lieux en y
ajoutant toutes fois l’anecdote suivante ”… on raconte qu’un chat qui
s’etait engoufre a l’interieur de la caverne (de Jesse ) ete reapparu a la
caverne de Makh’pela…” evoquant ainsi l’eventualite d’un passage souterrain
reliant les deux sites historiques.
Durant les quatre vingt huit ans de presence latine, nous
assisterons a une expansion des vignobles autour de la ville, avec elle un
marche aux vins florissant. Selon une ancienne tradition, des pieds de vigne de
la region de Hebron auraient ete replantes dans la vallee du Rhin et aussi en
Moselle par des croises de retour a leur pays d’origine.
Aujourd’hui encore certains viticulteurs de ces memes
regions ont pour coutume de s’enquerir aupres de leurs voisins israelites de la
date de la fete des Cabanes, pour fixer la periode des vendages. Car, selon
leurs dires, ce raisin venu du pays des juifs continue de murir au rythme des
fetes juives Le retour du pouvoir musulman mettra progressivement un terme au
commerce de vin, la culture de la vigne connaitra cependant encore des jours
heureux. Le type de raisin cultive permettait en effet de produire des raisins
secs d’une excellente qualite et un sirop de raisin hautement apprecie que les
arabes designent par le terme “Dib”..
La presence chretienne va indiscutablement revaloriser la
notion de “Terre Sainte” qui devient ainsi l’objet d’une competition declaree.
Les trois religions accordent une place importante aux
visites des lieux saints. L’eglise va creer les “indulgences”, ces especes de
bons points moraux que l’on se voit octroye apres le pelerinage. Encourages ou
influences par le mouvement des visiteurs chretiens, les voyageurs juifs
affluent eux aussi en nombre. Ils ne viennent pas seulement d’Egypte ou de
Babylone comme par le passe, mais aussi d’Espagne, de France d’Angleterre et
d’Allemagne.
Une place toute particuliere est consacree a Hebron et a
la caverne de Mah’pela. Les changements, l’evolution des idees, auront tot fait
d’emousser le fanatisme des vainqueurs chretiens, qui avaient dans un premier
temps interdit l’acces de la Makh’pela aux juifs et musulmans.
Le grand Maimonide profitera, en 1166, de ce changement
d’attitude pour s’incliner sur les tombeaux des patriarches. Visite inoubliable
qu’il nous decrit, charge d’emotion:” Le onzieme jour du mois de Hechvan, je
sortais de Jerusalem pour me rendre a Hebron, et embrasser le tombeau des
peres. Ce meme jour je me rendis donc a la caverne pour y prier et remercier
D-ieu, beni soit son Nom des bienfaits qu’Il nous accorde.Je fais le voeu de
considerer dorenavant ces deux jours imemorables, celui de la visite du mont du
Temple, et celui de la visite a la Makh’pela, comme des jours de fetes,
celebres dans la joie, le festin, et les actions de graces.Que D ieu m’assiste
pour accomplir mon voeu pour que se realise en moi le verset des psaumes: “Mes
voeux vis a vis du Seigneur, je les realiserai, Amen”.
Quelques annees apres Maimonide, c’est Rabbi Benjamin de
Tudele qui se trouve dans la ville des patriarches.
Voyageur experimente, observateur averti, notre Rabbi est
considere par les historiens comme un informateur serieux. Il ne se contente
pas, comme le font souvent les auteurs de l’epoque, de noter les rumeurs qui
circulent, mais s’efforce de verifier par lui meme les informations qu’il
retranscrit. Durant l’annee 1171, notre rabbin voyageur arrive a Hebron: “…
Nous arrivames alors a Saint Abraham de Hebron. Mais la ville ancienne de
Hebron, maintenant detruite, se trouvait par le passe sur la montagne,
surplombant ainsi la vallee pres du champ de Mah’pela ou se dresse desormais la
nouvelle ville. A l’interieur un edifice monumental qu’on appelle Saint
Abraham, lieu de priere pour les juifs au temps des ismaelites, ces derniers
ont construit six monuments funeraires dedies a Abraham et Sarah, Itshak et
Rivka, Yaacov et Lea, et ils racontent a ceux qui se trouvent dans l’erreur (expressions
pour designer les chretiens) qu’il s’agit la des tombeaux des patriarches,
et ils donnent l’aumone en cet endroit.
Mais si un juif vient a visiter les lieux, et qu’il est
pret a soudoyer le gardien de la caverne, ce dernier lui ouvrira une trappe de
fer forge remontant a l’epoque des Patriarches de memoire benie. Cette trappe
debouche donc sur un escalier eclaire d’une bougie. Pour arriver a une premiere
caverne, vide, il en est de meme pour la suivante jusqu’au moment ou il
arrivera a la troisieme, et voici qu’il y verra six tombeaux, celui d’Abraham
et Sarah, etc …
L’un en face de l’autre, sur chacun des tombeaux se
trouvent des lettres gravees dans la pierre.Sur celui d’Abraham est gravee
l’inscription: “Ceci est le tombeau d’Abraham”, sur celui d’Itshak on peut
lire: “Ceci est le tombeau d’Itshak fils d’Abraham notre pere”, il en est de
meme en ce qui concerne Jacob: “Ceci est le tombeau de Jacob fils d’Itshak fils
d’Abraham, notre pere…”. Dans cette caverne brule des veilleuses jour et nuit
sur ces monuments funeraires”.
Visiter la ville ou le peuple juif a pris naissance n’est
pas chose facile a realiser en ces jours.Il n’y a malheureusement pas de
presence juive a Hebron. Cette realite ressemble d’avantage a un reve, un bien
mauvais reve en realite.Mais les reves font aussi parti de notre patrimoine. La
tradition juive sait tres bien que le reve tout seul n’a aucune importance,
seule compte l’interpretation qu’on lui attribuera.
Le reve n’est pas une fuite des realites, mais une avance acceleree qui
permet a celui qui se bat d’entrevoir une premiere lueur d’espoir face aux
epreuves du moment.
La agada (legende ) que nous rapportons maintenant n’est pas simplement un
conte. Meme si la teneur historique de cette legende est a la lumiere de nos
connaissances actuelles, des plus reduites. Elle n’en est pas moins
significative pour cela. L’auteur anonyme refuse d’accepter la cruelle realite
du moment: Il n’y a pas de juifs a Hebron!
Le heros de cette agada ne reve pas de victoire mais seulement de
resistance. L’epoque des croisades est effectivement une periode si difficile
ou meme le reve est oblige de se contenir, de ne pas rever serait on tenter de
dire. On reve seulement de …leur resister.
La resistance juive contre les croises a pourtant existee. Les juifs
rapellons le, defendaient le quartier nord de Jerusalem, devant les soldats de
Godefroy de Bouillon. A cet endroit precis se trouvait le quartier juif de la
ville.
A Haiffa, la bravoure des combattants juifs surprendra les guerriers francs
et retardera d’un mois la conquete de la ville.
Le
fait que nous ne disposions a ce jour d’aucun document retracant une quelconque
opposition armee aux croises dans la region de Hebron ne signifie pas
automatiquement qu’une telle opposition n’ait point eu lieu. Le travail de
l’Historien consiste precisement a ne negliger aucune piste, sachant que toute
legende sera toujours porteuse d’une verite historique aussi infime soit elle.
Tout en tenant compte des nombreuses circontances historiques qui separent les
deuix epoques, le lecteur averti ne manquera pas de relever la ressemblance
entre les themes evoques dans notre legende, et les faits et gestes de Gedeon
(Juges 6:27). Dans les deux cas les heros ne font qu’appliquer le commandement
de la Thora ” Renversez leurs autels, brisez leurs monuments, abbattez les
images de leurs dieux…”(Deut. 12: 2-4). Meir ben Eliaou, le personnage qui
est au centre de notre legende, vit l'une des periodes les plus difficiles de notre
histoire nationale, celle de l’occupation croisee.
Les versets du Deuteronome quant a eux s’adressent a un peuple unit qui
s’apprete a prendre possession de sa terre.
“En ce temps la,
Hebron est aux mains des croises. Une eglise domine la caverne de Mah’pela, et
une immense banniere a la croix doree se dresse au dessus des toits. Cloches et
carillons rivalisent de vacarme, des moines a la tete rasee, des milliers
d’incirconcis envahissaient les rues, alors que juifs et musulmans sont
condamnes a raser les murs.
A l’emplacement de la Makh’pela, il n’y a plus de
synagogue, la mosquee aussi a disparu. Telle etait la decision des nouveaux
maitres des lieux.
La detresse des juifs est cependant plus terrible que
celle de leurs voisins
musulmans. En ces jours la, vit a Hebron Meir Ben
Eliahou. un homme juste, integre, fidele et plein de zele pour la gloire de D
ieu.Un homme bon et genereux, recevant ses invites a la maniere d’Avraham, notre
pere. Son coeur se presse de douleur tous les jours en voyant cette croix sur
la caverne de Mah’pela. Celle la meme, au nom de laquelle des hommes
perpetuerent les massacres des saintes communautes d’Israel, depuis la vallee
du Rhin leur point de depart, jusqu’a leur destination: Jerusalem
Grande est la tourmente qui dechire son coeur. A cause de
nos peches, dit il a qui veut bien l’ecouter, Abraham notre pere, celui qui
brisa les idoles de Terah,, doit subir la profanation de voire sa sepulture
profanee par des paiens qui introduisent journellement de nouvelles idoles.
C’est alors qu’un esprit de couroux s’empara de lui. Meir
avait decider de rendre la vie amere a tout les gens d’eglise de la caverne de
Mah’pela.
Depuis quelque temps, en effet, on signalait une serie
d’evenements incomprehensibles.
Pareil au Gedeon de la Bible, Meir demolit a la faveur de
l’obscurite l’autel consacre au “Baal”. La nuit suivante il abattit les icones
nouvellement dressees. Une autre fois la statue d’un saint etait renversee. Une
autre fois c’etait le portrait de celle qu’ils appelaient la sainte vierge, qui
etait entaille.
Meir avait agi tout seul. Mais comme il n’osait a cause
de sa famille, agir en plein jour, il attendait donc le soir pour se glisser a
la Makh’pela.
Au matin les gens de la ville se leverent et virent avec
effroie, l’autel du Baal renverse, ainsi que tous les autres dommages
occasiones.
Ils se dirent l’un a l’autre “qui a pu donc commettre un
tel sacrilege?” ils s’informerent firent des recherches et on leur dit “C’est
Meir, Meir ben Eliaou qui en est l’auteur.
Alors les gens de la ville dirent a l’eveque” Livre nous
ce juif pour qu’il meure, parce qu’il a demolit l’autel de notre Dieu” Mais
l’eveque repondit a la foule qui l’assaillait ” Quel avantage tirerons nous de
lui donner la mort? Cette mort que vous lui souhaitez est une recompense pour
lui, ce qu’il desire plus que toute chose au monde!” Venez emmenons le a Rome
et essayons plutot de s’occuper de son ame troublee.
Ils le menerent ainsi jusqu’au port de Jaffa, et la bas
l’embarquerent pour la ville de Rome, ou il fut emprisonne dans un monastere.Il
s’agissait en fait d’une imposante forteresse qui aurait pu tout aussi bien
servir de prison a en juger par son aspect exterieur..
Charge de le rammener a la “Vrai Foi”, ses ravisseurs le
vetirent de la tunique des moines et l’abreuverent de sermonts. Ils
s’adressaient a lui en latin, langue dans laquelle Meir ne s’exprimait qu’avec
beaucoup de difficultes durant les premieres semaines du moins. Mais ses
progres furent tels que quelques mois plus tard il faisait deja l’admiration de
ses maitres -ravisseurs. Un eveque etait charge de lui apprendre le catechisme
et un autre les evangiles.
Meir prenait lentement conscience de la situation, a ce
jeu de patience, il se devait d’etre le plus fort et le plus ruse.
Un matin ses instructeurs le menerent a l’interieur d’un
petit palais sur le bord du Tibre, des gardes suisses les introduisirent a la
bibliotheque. La presence des ces gardes, la richesse de l’endroit, la
deference des eveques qui l’accompagnaient, Meir venait maintenant de
comprendre que le Pape de Rome avait demander de le rencontrer. Anacletus ll
etait immobile sur son fauteuil,le visage soucieux, la presence de Meir sembla
le ramener a de meilleurs sentiments.
Les eveques instructeurs de jetterent aux pieds du
souverain pontife, ce dernier esquissa un petit signe de desaprobation tel que
l’exige le protocole.Quelle ne fut pas leur etonnement en se relevant
d’entendre le maitre de l’eglise demander a se trouver seul avec Meir ben
Eliaou.
Anacletus etait l’arriere petit fils de Barouch riche
negociant juif installe a Rome. Le jour ou il decide de se convertir pour des
raisons que l’on ignore, il opte pour le patronyme de Benedict (qui est en fait
la traduction de son ancien prenom qui signifie celui qui est beni).Barouch va
epouser par la suite la fille d’une vieille famille romaine. De cette union va
naitre Leon, nomme en hommage au pape de l’epoque. Quelques annees plus tard,
Pierre le fils de Leon rassemble les deux prenoms pour forger un nouveau nom de
famille a Rome: Pieroleoni. En cette epoque de troubles en Itale la famille
Pieroleoni constitue un veritable groupe de pression dans la vie politique de
la cite.Un de ses fils fait d’ailleurs une belle carriere dans l’eglise. On le
retrouve en France aux synodes de Chartres et de Beauvaix en 1123 qu’il preside
avec le titre de cardinal!
Sept ans plus tard le pape Honorus ll meurt et la course
a la succession commence.C’est a lors que l’incroyable se produit, l’arriere
petit fils de Barouch est elu sur le trone de st Pierre, sous le nom
d’Anacletus ll.
C’est ce meme Anacletus qui s’entretenait en ce moment
meme avec la prisonier de Hebron. En quelle langue se deroula l’entretien?
Quels furent les sujets abordes? nous n’en savons pratiquement rien. Les
conditions de detention d’Eliaou allaient considerablement changer.
Meir dechargea toutes ses forces sur l’etude de la Bible,
ce que les chretiens appellent l’ancien testament, au point de le connaitre par
coeur.
Ses ravisseurs, fiers de leurs succes, l’avaient
maintenant surnomme “l’ecclesiaste”. Quels furent les propos evoques par le
successeur de St Pierre, pour quelle raison avait il tenu a rencontrer Meir? Il
est des questions qui resteront sans reponses. De Meir personne ne reussit a
arracher le moindre aveu.
Une chose est sure neanmoins, les moines se comportaient
desormais avec beaucoup plus de defference envers leur “protege”.
Meir pouvait maintenant librement circulait dans les rues
de Rome.Prenant un certain plaisir a se retrouver seul dans la grande ville
qu’il avait appris a connaitre a defaut de l’aimer.La rue des Vieilles Banques
qui donnait sur la rue Pellegrino celebre pour les devantures de ses orfevres,
la place Navona, les palais et les monuments temoins de l’arrogance des
vainqueurs.
Au cours de ces promenades de meditation,des versets
revenaient a sa memoire des paroles de prieres qu’il ne pouvait desormais
reciter en liberte.
Nous sommes a la veille de Kippour, Meir n’a pas oublie.
Se croyant a l’abris des regards indiscrets, il obeit aux elans de son coeur,
et le voici declamer a haute voix les prieres qui bercerent son enfance.
“ Un cure qui chante nos prieres en hebreu, la veille de
Kippour? ”
La voix venait de derriere lui, Meir se retourna pour
voir un juif de la capitale. s’approchant de lui en souriant.
“Je suis Meir Ben Eliaou de Hebron “, dit il, la voix
etranglee par l’emotion, “je suis juif ! j’ai ete vole de la terre des hebreux
!”
Le juif italien buvait maintenant chaque parole de Meir
Ben Eliaou. La caverne des Patriarches, Hebron, la Terre Sainte et ces fils
d’Israel qui refusent de desesperer,qui attendent toujours un signe du ciel
pour reprendre la lutte. Parmi ces juifs, Meir, qui seul face a l’adversite,
avait oser agir, Meir le prisonnier de Hebron, heros meconnu du peuple juif.
Le recit termine, Meir se taisait maintenant, son
interlocuteur continuait de le fixer dans les yeux.
Apres quelques secondes de silence, Yehouda Modiano,
c’etait son nom, se saisit des poignes de Meir pour lui dire: “C’est le D-ieu
d’Abraham d’Isaac et de Jacob qui a guide tes pas aujourd’hui et c’est par sa
volonte que nous nous sommes rencontres en ce jour. Maintenant rassures toi, je
suis negociant en epices et j’expedie tous les mois un bateau vers l’Orient, le
prochain depart est pour toi !”
Six mois plus tard, Meir Ben Eliaou redecouvrait le
vacarme des cloches, des moines la tete rasee, le bousculaient sans se
retourner. Mais cela n’avait plus aucune importance, Meir Ben Eliaou etait de
retour a Hebron “!
Durant l’occupation croisee se deroule la premiere fouille archeologique de
la Makh’pela. La decouverte d’un acces a la caverne des Patriarches provoquera
la sensation aussi bien chez les chretiens que chez les musulmans, les sources
juives quant a elles resteront etrangement silencieuses.
Selon une chronique latine, des chamoines du pieuret de Hebron decouvrirent
accidentellement une entree de la caverne de Makh’pela en 1119. Nous
reproduisons quelques passages de cet evenement extraordinaire.
“…Un certain jour au mois de Juin, alors que, suivant l’usage les
reguliers se reposaient en apres midi sur leurs couchettes un frere de la meme
eglise entra dans la basilique pour se garantir de la chaleur estivale, et
s’etendit a meme le dallage pres de la pyramide dite de Saint Isaac. La se
trouvait entre deux dalles du pavage un interstice d’ou sortait, venant du sous
sol, un vent leger et frais.
Tout en restant la a exposer sa poitrine decouverte a la
brise souterraine, le religieux se mis par jeu, a jeter par cette fente de
petites pierres qu’il entendit tomber dans une cavite qui lui parut etre une citerne
ou une grotte. Attachant au bout d’une baguette un fil long et solide auquelle
il avait lie une petite balle de plomb, et le faisant descendre, il mesura onze
coudees en profondeur …
Ils soupconnerent que c’etait l’entree de la caverne
double. Deux ou trois jours ils passerent a prier D ieu assiduement de mener a
bien leur entreprise et a preparer le necessaire pour fendre les pierres car
elles etaient dures et presque refractaires a tout instrument de fer …
Lorsque les blocs coupes furent enleves, l’ouverture de
la caverne apparut …
Le lendemain, le prieur fit savoir a Arnoul d’entrer de
nouveau dans la caverne et d’y fouiller la terre avec grand soin … Quant il eut
fouille la terre avec son baton il trouve les os de Jacob, et ignore de qui ils
etaient, il en fit un tas, puis, s’etant avance en apportant plus de diligence
dans son examen, il vit a la tete de Saint Jacob, l’entree d’une grotte ou
etait les ossements d’Abraham et de Isaac.
Cette entree etait close. L’ayant ouverte, il vit une
caverne dans laquelle apres y avoir penetre, il trouva au fond, le corps sacre
de Saint Abraham scelle, et a ses pieds les ossements du bienheureux Isaac son
fils.
Tous en effet, ne furent pas, comme certains pensent
ensevelis dans une seule caverne, mais dans une grotte interieur Abraham et
Isaac dans une autre exterieure.
Jacob Arnoul qui avait trouve cet important et
incomparable tresor …lava les ossements des saints et deposa separement les
reliques de chaque Patriarche sur des tables de bois que l’on avait prepare
sans doute a cet effet.
Un jour, des freres etant descendus pour prier en ce lieu
remarquerent a droite quelques lettres sculptees sur un bloc qu’ils montrerent
aux autres, mais alors, personne ne put les dechiffrer. Arrachant donc un bloc
en cet endroit, ils ne trouverent que de la terre, mais estimant que ces
lettres gravees avaient leur raison d’etre, ils se mirent a creuser le mur d’en
face, c’est a dire a gauche en entrant, ils decouvrirent les six des calandes
d’aout environ quinze vases d’argiles remplis d’ossements. Sans savoir a qui
ils appartenaient. Il est a croire cependant que se sont la les restes de
quelques chefs des fils d’Israel ….”
Les croises qui avaient su profiter jadis de la division politique du monde
musulman, vont avec le temps perdre leur unite premiere. Ce qu’ils recherchent
dorenavant n’est que d’accroitre leurs avantages territoriaux. Pour cela ils
sont prets a payer pratiquement n’importe quel prix,n’hesitant pas pour cela a
se defaire de toute consideration ideologique religieuse.
L’islam quant a lui va trouver le chef qui realisera
l’unite politique qui lui faisait tellement defaut jusqu’a present en la
personne de Saladin (Salah’ a din). Les jours du royaume chretiens de Jerusalem
sont desormais comptes.
Saladin est le heros que l’Islam attendait depuis l’humiliation des
croisades. D’origine kurde, il fut vizir du dernier sultan Fatimide en
1169. Salah a Din s’octroie le titre de sultan d’Egypte en 1171 apres avoir
depose ce dernier. Grand seigneur, politicien avise, c’est lui qui chasse les
chretiens de Jerusalem l’annee de sa victoire sur l’ensemble des forces
croisees aux Cornes de H’itt’in. Nous sommes en 1187.
En fait une nouvelle puissance etait en train de voir le jour en Orient, la
puissance Ayoubide. Son originalite se fit sentir essentiellement dans les
domaines militaires et religieux.
C’est lui qui mettra en oeuvre la mobilisation de toutes les ressources du
monde musulman pour combattre les chretiens. Sur le plan religieux il oeuvre
egalement pour la suppression de l” heresie ” chi’ite et inaugure la diffusion
d’un enseignement nouveau a l’aide de la madrassa (ecole d’enseignement
islamique).
Selon le temoignage du chroniqueur arabe Ibn al Athir Kamil, Hebron tombe
entre les mains de Saladin quelques mois apres la conquete d’Ascalon, ville que
Salah al Din decide de raser pour des questions strategiques, il donna
l’ordre de tranferer le minbar (estrade du predicateur de la mosquee) a Hebron.
Saladin est par nature une personne tolerante: les chretiens ses ennemis en
feront plus d’une fois l’experience. En ce qui concerne les juifs il laisse la
encore le souvenir d’un homme politique eclaire, capable d’apprecier les
savants et les hommes de lettres. De nombreuses traditions circulent a son
sujet concernant ses rapports avec les juifs. Yehouda el El H’arizi affirme
qu’il invite les juifs a se reinstaller dans la cite de David au lendemain de
la defaite chretienne. Ibn Abi Usabiya, l’ami de rabbi Avraham (le fils de
Mamonide), ecrit que ce dernier exercait les fonctions de medecin a la cour de
Saladin en Egypte et devint par la suite le medecin de son fils Al Malik al
Afdal.
Au lendemain de la conquete de Hebron, Saladin en confie le commandement a
‘Alem e –Din Kaisar l’officier mamelouk responsable de toute la region Sud
d’Eretz Israel.
L’Historien Avraham Yaari affirme que le vainqueur des croises prit la
decision de fermer pour une duree de deux ans la Makh’pela au grand public
(musulmans inclus!).Cette decision quelque peu etonnante, peut partiellement
s’expliquer par le fait que Saladin desirait supprimer toute trace de presence
chretienne dans la ville. Ainsi un monastere chretien a l’exterieur de la ville
fut transforme en Madrassa (ecole islamique) portant le nom du vainqueur des
croises.
Avec le regne de Saladin se constitue une nouvelle aristocratie
essentiellement issue du Kurdistan, patrie du nouveau sultan. A Hebron un nouveau
quartier voit le jour tout pres de la Makh’pela, quartier residentiel
principalement destine au milieux proches du pouvoir. Aujourd’hui en longeant
le chemin qui relie Keriat Arba a Hebron le visiteur peut admirer un ensemble
de belles batisses desafectees que les arabes appellent “H’arat al Kard”,
le quartier des kurdes, en souvenir du grand chef kurde qu’aura ete Saladin.
A la mort de Saladin en 1193, les membres de sa famille se font la guerre,
le prestige du grand chef d’etat n’est plus qu’un souvenir, la dynastie
Ayoubide amorce deja son declin. La ville des Patriarches passe alors entre les
mains de Malik al Nasser, gouverneur de Karak, la fameuse place forte en
transjordanie.
Durant son regne en l’an 1210, trois cent rabbins de France et d’Angleterre
montent en Eretz Israel.
Compte tenu de la faiblesse politique et numerique du peuple juif, cette
initiative peut etre consideree a juste titre comme une “croisade juive”.
Croisade pacifique cela va sans dire, constituee par l’elite de l’intelligensia
juive en Europe. Les heritiers de l’ecole du grand Rachi et les sages de
Provence disciples de Maimonide. Un echo de cette fantastique aventure nous
parvient de Rabbi Chmouel Ben Rabbi Chimchon “De Jerusalem nous sommes alles
a Hebron. Avant d’arriver a Hebron nous sommes arrives au tombeau de Rachel,
notre Mere. De la, nous avons poursuivi notre route pour nous retrouver, cette
fois, devant le tombeau du prophete Nathan au dessus duquel s’eleve une maison
qui provoque la colere (euphemisme a caractere polemique designant une
mosquee). De la nous sommes arrives devant un bel edifice construit par le roi
Asa. Notre prochaine etape fut Alonei Mamre la; ou se dressait la demeure
d’Abraham notre pere, l’endroit meme ou il avait plante sa tente, ainsi que
l’arbre sous lequel il acceuillit les anges. A proximite de la coule une
source, qui porte le nom de source de Sarah, tout pres de la ville de Hebron.
L’exilarque etait le seul a beneficiait d’une
autorisation speciale, pour entrer a la Makh’pela…
Nous sommes partis chez le teinturier (un juif qui avait achete au gouverneur le droit
exclusif d’exercer son metier dans la ville); il y avait avec moi, Rabbi
Saadia et Rabbi Touvia, nous lui exprimions notre deception: Nous venons de
tres loin pour pouvoir enfin prier a l’endroit qui a ete foule par nos
ancetres, et pour nous prosterner sur leurs dernieres demeures.Cet homme nous a
repondu: Attendez ici jusqu’a demain et alors avec l’aide de D ieu vous
entrerez.
Il s’eloigna avec ses amis. Quelques temps plus tard nous
penetrames a la Makh’pela en pleine nuit, le gardien s’etant deplace
specialement pour nous.
Il y avait quelques vingt quatre marches d’escalier dans
un passage etroit d’ou il nous etait impossible de devier ni a droite ni a
gauche, et nous avons vu l’endroit du sanctuaire et a l’interieur trois points
de reperes … nous nous sommes inclines et nous avons implore la clemence
divine, puis nous rentrames a Jerusalem”. Chmouel fils de Rabbi Chimchon qui
s’est rendu a Jerusalem en venant de la Galilee en l’an 1210.
Il est difficile de deduire a partir de ce temoignage l’existence d’une
communaute juive. Si il y a alors des juifs a Hebron la communaute devait etre
des plus reduite. Il se peut meme que ce teinturier qui permit a notre visiteur
d’acceder au lieu saint etait la, le seul et unique juif dans la ville.
L’insecurite, les guerres de succession qui vont suivre ne faciliteront pas
l’installation d’une minorite sans defense. A la mort de Malik al Nasser, ses
domaines seront revendiques par son oncle d’Egypte Al Malik Kamil. Au bord de
la crise, les princes Ayubides reussiront in extremis a signer un accord de
paix selon lequel Hebron et la moitie septentrionale de la terre d’ Israel
revenait a l’emir de Kerak, a l’Est du Jourdain. Les descendants du grand Saladin
sont bien loin de lui ressembler. Leur maintien au pouvoir est uniquement du a
un systeme cynique d’alliances et de trahison. Entre temps un nouvel ennemi
lance ses redoutables guerriers vers le moyen Orient, les mongols!Ce sera une
dynastie d’esclaves affranchis qui eliminera le dernier heritier de Saladin,
pour instaurer quelques deux siecles et demi durant un nouveau pouvoir dans la
region. Les mamelouks font leur entrer dans la scene de l’Histoire.
Un des premiers changement significatif imputable aux
mameloukes est incontestablement l’islamisation du pays d’Israel. Certes
Omeyades, Abbassides Fatimides et Seljoukides precederent le pouvoir mameloukes
sans jamais pourtant reussir a lui donner un cachet musulman tel que le fera le
nouveau regime. Paradoxalement les nouveaux dirigeants sont tous d’origine non
musulmane telle que l’exige la tradition mamelouke. Sans doute pour faire
oublier cette verite ils feront plus que n’importe quelle autre dynastie pour
remplir le pays de nouvelles mosquees ou embellir les anciennes (ce sont eux
qui recouvrent la dome du rocher a Jerusalem d’une fine couche d’or). Hebron
aussi beneficiera de leur prodigalite. Les mameloukes vont encourager les
differentes forment d’etudes religieuses specialement les groupements mystiques
du type soufistes qui se multiplieront durant cette periode.
Une autre raison d’islamiser le pays est directement liee
a l’expulsion des croises et au rejet des bataillons mongols qui brandissent
l’etendard de la guerre contre l’islam. Entre temps des milliers de refugiers
musulmans fuient la rerreur mongole. Ils cherchent refuge en Eretz Israel,
boulversant ainsi les donnes demographiques du pays. Durant l’occupation
mamelouke la composition de la population va nettement evoluer en faveur des
musulmans.
Les mameloukes
donnent au monde de l’islam la grande revanche qu’il attendait sur la
chretiennete. Il s’agit maintenant de traduire cette victoire militaire au
domaine religieux et culturel.
Politiquement parlant le nouveau systeme apporte des
innovations importantes.Alors que l’Europe etait incapable de concevoir le
choix de ses dirigeants, autrement qu’issus de la noblesse, l’ Egypte allait
montrer au monde une nouvelle forme d’hegemonie: Il fallait avoir ete esclave
pour devenir sultan, telle etait l’etrange devise des dirigeants mamelouks, le
mot lui meme signifie tout simplement “propriete de l’etat”. Enleves des leur
jeunes age de leurs parents, les mameloukes etaient avant toute chose des
esclaves non musulmans destines a constituer l’elite de l’armee arabe. Il
seront donc eleves et eduquer dans l’islam et l’art de la guerre. Ces ecoles
speciales sont appellees “medrassa”des educateurs ennuques seront responsables
de la formation des nouvelles recrues.
Le regime mamelouk se divise en deux epoques. La premiere
(1250-1381),celle des sultans “Barhides” il s’agit la de mamelouks d’origine
turque. Ce qualificatif rappelle en fait leur caserne d’origine sur une ile du
fleuve Bahr. La seconde (1382-1517) sera celle des mamelouks circassiens, ces
derniers deciderent de mettre un terme au pouvoir hereditaire ; la encore
l’Egypte venait innover.
De ce fait, toute passation de pouvoir devenait
impossible et les enfants des dirigeants mamelouks etaient condamnes a
redevenir des gens du peuple (ibn a Nass).
Les consequence d’une telle politique seront d’une part
l’existence de rivalites permanentes, mais d’autre part un etat d’alerte permanent
garant de la qualite des armes mameloukes.
En fait, des les premieres generations de l’Islam,
l’element arabe qui constituait le fer de lance de l’armee allait s’emousser
avec le temps. Les rudes conquerants du desert avaient abandonne l’extreme
simplicite de leur moeurs au contact des peuples plus raffines, nous dit Rene
Kalisky.*(Le monde arabe, l’essor et le declin d’un empire)
Les arabes prennent gout au faste et au confort, leur
motivation militaire flechie dangeureusement. Les bataillons d’assaut seront
dorenevant constitues de combattants turcs, “les mamelouks”. Ces derniers,
celebres pour leur vigueur, seront enleves de leur foyer des leur jeunesse pour
etre eduques en terre d’Islam. Leur education nous l’avons vu, reside
essentiellement en une formation militaire de qualite, et d’un rapide rappel
des principes fondamentaux du Coran.
Les premiers sultans mamelouks vont mener une politique
exterieure reflechie et adroite. Encourageant le commerce avec l’Europe, ils
importent les matieres premieres leur faisant defaut comme le fer et le bois.
Comble de l’ironie, les genois leurs fournissent les esclaves qui etaient
appelles a renouveller les rangs de l’armee arabe.
Ces nouvelles recrues apporteront ainsi un sang neuf a
l’empire vieillissant pour essayer d’enrayer la degenerescence qui le minait
Un homme va restituer a l’Islam sa mentalite de
conquerant: le sultan Baybars.
De haute taille, doue d’une force physique peu commune,
les yeux bleus, Baybars faisait grande impression sur tous ceux qui
l’approchaient.
Achete comme les autres sur le marche d’esclaves de
Crimee, notre aventurier sera rapidement admis dans les casernes mameloukes.
Sauvage et sanguinaire, ce conducteur d’hommes saura galvaniser ses compagnons
par sa bravoure et son energie. Ses victoires militaires contre les croises et
les mongols, jusque la invincibles, le couvriront de gloire, plus encore que le
legendaire Saladin.
A la tete de ses hommes de main il traque le dernier
sultan Ayoubide dont il etait le garde du corps; le malheureux sera jete a
l’eau puis harponne avant d’etre acheve a grands coups de sabre. Parvenu au
pouvoir, Baybars sera l’homme que la destinee aura choisi pour sauver Eretz
Israel du terrible danger qui la menace: le fleau mongol..
Hulegu, le petit fils de Gengis Khan penetre en Syrie
musulmane et s’empare successivement des villes Alep, Hamat, Homs et Damas,
pour les detruire completement.
Cette avance mongole en Syrie, permet maintenant d’operer
des raids de reconnaissance a Hebron, Beit Joubrin et Gaza. Nous ne savons pas
quel fut le sort des habitants de ces villes. Les mongols devaient sans doute
preparer le terrain pour la prochaine etape de leur conquete: l’Egypte. Ces
petits cavaliers venus du fin fond de l’Asie, poussent l’horreur vers des
limites encore insoupconnees. Leur cruaute, leur rapidite de deplacement, leur
soif de destruction, de pillage et de meurtre, depassent tout ce qui etait
connu par le passe.Contrairement aux guerriers arabes de la premiere heure, le
faste et la beaute des villes conquises ne les impressionnent pas. Le massacre
des populations conquises seul, les interressent, les victimes se chiffrent par
dizaines de milliers (dans la seule ville d’Alep, Hulegu aurait fait mettre a
mort cinquante mille personnes). Les mosquees de Damas ne seront pas converties
en temples mongols, mais rasees jusqu’au sol.
Une derniere information: les mongols n’ont encore jamais
perdu une bataille. La progression mongole prend maintenant l’allure d’une
campagne anti islamique declaree, tout ce qui est cher aux yeux des musulmans
est automatiquement detruit.
L’avance mongole provoque la fuite eperdue de nombreuses
familles musulmanes qui cherchent a echapper au massacre. Certaines
s’installeront a Hebron telles les Tadmouri et les Djabari qui constituent
jusqu’a ce jour les principales clans familiaux (H’amoulah) de la ville.
Avec le recul des ans nous pouvons poser la question: que
serait il advenue des lieux saints de la Makh’pela en cas de conquete mongole
prolongee des lieux?
Hebron a connu un nombre impressionnant d’occupants et de
conquerants, la ville en a souffert, cependant, tous les nouveaux venus avaient
comme denominateur commun le respect des lieux saints. La muraille qui entoure
l’aire des tombeaux, a fini elle aussi, par etre consideree comme partie
integrante du site religieux.
Si aujourd’hui, pres de huit cent ans plus tard, nous
pouvons encore admirer le magnifique edifice de la Mah’pela, c’est parce qu’en
cette annee de 1260, les mongols allaient connaitre enfin leur premiere
defaite, face a Baybars et ses mamelouks. Cela se passait bien au nord de
Hebron, a Ein Jaloud, dans la vallee de Jezerel. Les mongols, brises dans leur
elan, se virent rejetes en Perse.
Non content d’avoir preserve l’edifice historique de
Mah’pela, Baybars, entreprendra la construction de certains edifices
secondaires dependants du sanctuaire, et peut etre meme, le couronnement
crenele qui rappelle les crenaux de certaines portes du vieux Caire.
Ce fut egalement a partir de cette epoque que les
musulmans, sur son ordre, interdirent l’acces de l’interieur de l’enceinte aux
“infideles”. Cette interdiction
merite d’attirer notre attention, elle ne correspond pas (encore) aux normes
fondamentalistes du monde musulman. L’Islam a fait jusqu’a present preuve de beaucoup
de tolerance en matiere religieuse, particulierement a l’egard de judaisme et
du christianisme et de leurs lieux saints respectifs. Leur politique vis a vis
des chretiens se durcira a partir des guerres de religions que l’on designe par
“croisades”. Six ans apres sa victoire sur les mongols, Baybars se prepare a
affronter maintenant les francs qui avaient refuse de lui preter main forte
contre les descendants de Gengis Khan. Notre mamelouke se prepare donc a une
campagne anti chretienne, nous dit le professeur Joshuah Prawer. Il passe
d’Egypte a Gaza et de la il fait une entree triomphante a Hebron, ou il peut a
juste titre se considerer comme le sauveur de l’Islam et de ses lieux saints.
La caverne de Makhpela constitue le moment fort de sa visite; pouvait on
choisir meilleur contexte pour y interdire dorenavant l’entree aux chretiens?
Et que deviennent les juifs dans ce contexte? S’ils ne
sont pas assimiles aux ennemis de l’Islam au meme titre que les francs, dans
l’affrontement militaire qui oppose depuis un siecle la croix et le croissant,
dans ce climat de passion et de revanche ils ont tout de meme le tort de ne pas
etre musulmans. Ajoutons a cela un argument beaucoup significatif: il n’y
aprobablement pas de communaute juive en ces jours dans la ville des Peres et
les absents ont toujours torts.
En ce qui les concerne Baybars a fait preuve d’une toute
relative generosite en leurs permettant l’acces de la septienne marche. Il
serait cependant souhaitable de se souvenir que cette decision humiliante
vennait mettre un terme a plus de cinq siecles de tolerance de la part des
dirigeants musulmans. C’est donc avec beaucoup d’interrogations qu’il nous
faut aborder ce changement de comportement de la part des autorites islamiques.
Une analyse de cette societe a l’epoque mamelouke pourra nous aider a
comprendre les motivations de ce brutal revirement de situation.
Les guerres entre la chretiennete et l’islam ne sont pas
seules responsables de ce raidissement de position. Il sera interessant
d’etudier de plus pres la societe musulmane en cette epoque mamelouke, les
forces en presence, et les conflits qui l’agitent. On apprendra alors que
l’element arabe est en perte de vitesse. L’armee et le pouvoir civil sont entre
les mains des mamelouks (de race turque) qui affichent au grand jour leur
mepris pour les arabes. Un musulman de souche arabe sait pertinement que la
carriere militaire lui est refusee quelques fussent ses aptitudes dans ce
domaine. Ses chances de trouver un avancement dans l’administration sont pratiquement
nulles. Cette derniere etant reservee aux chretiens et aux juifs, qui
constituent une population traditionellement qualifiee pour ce genre de taches.
Dans ce partage des responsabilite les arabes sont les grands delaisses du
systeme. Les mameloukes ne feront rien pour changer les donnes du probleme. Au
contraire ils attiseront la haine contre les minorites religieuses. Donnant
ainsi aux arabes un pretexte a leurs mecontentements, face a une situation ou
le pouvoir mamelouk etait seul responsable.
Les raisons religieuses tiennent, on pouvait s’en douter,
plus que jamais une place preponderante dans ces tensions sociales et
politiques.
Au milieu du treizieme siecle (donc a l’epoque de
l’interdiction pour les juifs d’acceder a la Makh’pela), un livre de polemique
theologique connait une importante diffusion au sein des milieux islamiques.
Son titre: “Bonnes reponses a de mauvaises questions”, son propos:
prouver que le judaisme n’est qu’une falsification des revelations premieres.
Selon l’auteur, la Thora du Sinai aurait ete perdue par les pretres durant
l’exil de Babylonie. Ezra aurait donc reecrit une autre Thora de sa propre
initiative, totalement deconnectee de la parole divine. Inutile de preciser que
ce genre d’argumentation ne devait pas contribuer au respect reciproque entre
fideles de differentes confessions…
Les mameloukes etaient des hommes de guerre et des
politiciens avises, mais en aucun cas des hommes de lettres. Interdire l’entree
des non musulmans au sanctuaire de Makh’pela est avant toute chose une decision
religieuse, qui devait etre justifiee par une argumentation du meme ordre. Si
nous avons quelques difficultes a imaginer
Baybars, entre deux batailles, consulter des ouvrages de
juridiction musulmane et aboutir a une telle decision, on aurait cependant tort
de croire que les dirigeants mamelouks etaient indifferents aux sujets
religieux, loin de la. Ces derniers perpetuellement soucieux de faire oublier
leurs origines etrangeres affichaient une soumission exemplaire aux preceptes
islamiques. Ce qui nous amene a envisager l’eventualite que la decision
d’expulser juifs et chretiens, ne fut pas l’initiative de Baybars, mais bien
celle d’un predicateur islamique fondamentaliste, qui poussa le sultan a
accomplir ce changement d’orientation. Ce dernier en accedant a une telle
demande faisait preuve d’un acte de foi, de soumission aux elements extremistes
islamiques, propre a satisfaire les masses populaires. En etudiant de plus pres
l’entourage immediat du sultan, nous decouvrons effectivement la presence d’un
predicateur charismatique, beneficiant d’une ecoute toute particuliere aupres
du chef mamelouk. Le cheikh Kh’ader avait croise Baybars alors que ce dernier
etait encore un jeune officier de la garde du sultan. Rencontre decisive a en
croire les sources puisseque Kh’ader venait de devoiler a son interlocuteur
l’avenir glorieux qui lui etait reserve. Les deux hommes ne devaient plus se
quitter. Les predictions du cheikh’ auraient ete d’une precision telle,
qu’elles annoncaienter avec exactitude le lieu et la date precises des
innombrables victoires de Baybars.
Khader faisait en fait office de prophete dans la cour du
sultan. Notre liseur de bonne aventure avait malheureusement d’autres
preoccupations, entre autres de persecuter juifs et chretiens dans l’etat
mamelouk. A Damas nous le voyons expulser les juifs de leur synagogue pour y
celebrer un ceremonial mystique. A Jerusalem il assassine de ses propres mains
les moines du monastere du Golgotha pour transformer l’endroit en mosquee. En
evoquant son activite le professeur Ashtor nous dit:”…il semble bien que
l’intention du cheikh’ Khader etait de profaner precisement les lieux saints
les plus importants des minorites non musulmanes”.
La conjoncture internationale, les tensions sociales a
l’interieur de l’etat musulman, le climat de rivalite religieuse et enfin
l’entourage immediat du sultan Baybars, devaient aboutir a la fermeture du
sanctuaire de Makh’pela aux non musulmans.
S’il nous est eventuellement possible de “comprendre”
le cheminement ideologique d’une telle prise de position, il nous est penible
de constater le fait que les musulmans choisirent deliberement de sanctifier
cette initiative en lui accordant un caractere “religieux – sacre” qui
ira en se renforcant avec les ans. Un trait de caractere en passe alors de devenir une seconde nature.
D’un point de vue theologique la decision mamelouke
releve d’une attitude intellectuelle scandaleuse. Abraham pour n’evoquer que lui
est enterre a Hebron, il reste pour la conscience de l’humanite celui qui a
ouvert sa demeure a tous les hommes pour essayer de les rapprocher autour d’un
message de fraternite.
Pretendre honorer la memoire d’Abraham, tout en
interdisant aux fideles qui se reclament de sa descendance de venir se
recueillir sur sa tombe constitue une atteinte au patrimoine meme du
Patriarche. Difficile d’imaginer une “maladresse “ religieuse aussi monumentale.
En voulant penaliser les autres, les musulmans
inconsciemment venaient de s’ecarter dangereusement de l’heritage abrahamique.
Par le passe, on s’en souvient, juifs et chretiens
pouvaient esperer penetrer a l’interieur moyennant finance.Les musulmans auront
du mal appliquer cette sanction de maniere continue, et ce n’est qu’au fil des
temps que cette (mauvaise) habitude finira par devenir realite.
Sous le pouvoir des mamelouks, les sanctuaires du Mont du
Temple a Jerusalem et de la Makh’pela a Hebron sont sous un seul et meme
controle. Ces lieux saints seront confies a un fonctionnaire portant le titre
de: ” Nazir el Haramayan al Sharifayan”
Grace aux pelerinages, vont se developper les ceremonies
rappellant celles qui se deroulaient a la Mecque et a Medine. Les traditions
coraniques se mettant au gout du jour viendront legitimer ces nouvelles
tendances. Ainsi nous verrons apparaitre de nouvelles formules attribuees au
prophete lui meme qui disait: ”Celui qui ne peut me visiter a la Mecque
pourra toujours allez visitez le tombeau d’Abraham “
A Hebron, Baybars, toujours lui viendra reorganiser la
distribution de nourriture gratuite aux pelerins de toutes les confessions.
Les sources divergent quant au menu du Simat (repas du
pelerin), un petit pain, un plat de lentilles et une mesure d’huile d’olive,
tel est selon certains temoignages l’hommage que l’etat mamelouk rendait a la
memoire d’Abraham et sa vertue d’hospitalite.Certains jours, plus de cinq mille
repas etaient ainsi retribues. Il arrive aussi que les autorites locales ne
respectent pas leur engagement vis a vis des pelerins et detournent a leurs
profits les sommes enormes offertes par les sultans.
Un chroniqueur musulman nous decrit la distribution de
pain et de djasiseh (bouillie de ble grue) annoncees chaque apres midi au son
du tambour, et auquelles participent les habitants et les etrangers sans
discrimination aucune.
En 1480, Fabri, un voyageur suisse nous fait part de la
terreur qu’il eprouva, lui et ses compagnons au bruit de cette formidable
symphonie. Terreur qui se dissipa a la vue d’une corbeille remplie de pains,
ces petits pains apportes a leur auberge sans qu’ils en firent la demande.
Rabbi Mechoulam de Voltara, originaire de Florence, nous fait deux siecles plus
tard une description tout a fait idyllique de cette distribution gratuite. “Les
ismaelites respectent beaucoup les lieux, ils donnent trois mille pains au
moins chaque jour en l’honneur d’Abraham, Isaac et Jacob.
Un hommage particulier est rendu au souvenir d’Abraham,
et en son honneur ils distribuent de la langue, cuisinee a la moutarde, et des
tranches de veau tendre tout comme Abraham avait servit aux anges venus le
visiter.
En souvenir d’Isaac, ils distribuent du gibier,
particulierement apprecie du Patriarche, et a la memoire de Jacob, ils offrent
du pain et un plat de lentilles tel qu’il l’avait servit pour son frere Esau”.
Cette distribution ne fait pas l’approbation generale
dans l’orthodoxie musulmane.
Deja au onzieme siecle Al Mukadassi elevait ses
objections contre la participation aux repas gratuits du “simat”. Certains
docteurs de la loi corannique finiront meme par emmettre des doutes quant a la
veracite des traditions identifiant la Makh’pela avec la tombe des Patriarches.
Le theologien maghrebien Ibn H’adjadj ira jusqu’a
interdire l’entree du sanctuaire d’Abraham. Selon lui les musulmans pieux
doivent se garder d’imiter les generations precedentes et rester a l’exterieur
du sanctuaire. Autre objet de remarques d’Ibn Hadjadj, les musiciens de Hebron.
Ces derniers, jouaient de la trompette du tambourin et d’autres instruments encore
apres la priere de l’apres midi, encourageant de la sorte les fideles a danser
aux rythmes de leurs musiques. Conduite jugee indecente aux yeux de notre
severe theologien.
Parmis les nombreuses mosquees que construit Beybars, se
dresse aujourd’hui encore la mosquee Cheikh Ali Baker, autour de cette
derniere, se developpe le nouveau quartier “Harat a cheikh”.
Mantsour Kalaouin, le successeur de Beybars, poursuit
cette politique de construction publique intensive. A Hebron, il construit un
hopital, une auberge d’accueil pour les pelerins, et un hammam (bain maure)
amenage aujourd’hui en musee archeologique par les arabes de la ville.
Il amenage aussi les fontaines publiques pour les
voyageurs.
C’est lui qui creuse un grand reservoir pour
l’alimentation en eau de la ville. Il recouvre le marbre blanc et ocre (couleur
specifique de l’archtecture mamelouke), la salle d’Abraham a l’interieur de
l’enceinte de la Mah’pela.
Autour de Hebron, dans le village de Halh’oul et Bani
Naim, il amenage des mosquees au dessus des tombes presumees des personages
bibliques de Jonas et de Loth.
Cette profusion de commodites etablies a titre de
structures d’accueil, entraine de grandes depenses, qui seront largement
compensees par les recettes que l’affux de pelerins procure a la ville. La
bonne gestion du pouvoir mamelouk va permettre une mise en valeurs des nombreux
atouts religieux –touristiques de la ville..
En d’autres termes, Hebron se vend bien.
En ces temps la, les habitants de la ville se vantent de
posseder a l’interieur de leurs frontieres le champ ou Adam, le premier homme,
fut faconne de la main de D-ieu avec comme materiau la terre de ce meme
terrain.
Des pouvoirs miraculeux est il besoin de le preciser,
etaient attribues a cette terre en question. Des temoignages de voyageurs
chretiens au 13 et 14 eme siecle decrivent le miracle permanent qui se deroule
dans ce champ. Selon eux, la terre retiree etait revendue en Egypte, en
Ethiopie et jusqu’aux Indes lointaines. Ces mottes de terre etaient
miraculeusement renouvelles par la Providence divine…
Un pelerin italien en visite durant l’annee 1347 affirme
avec emotion: “les musulmans d’Egypte achetent cette terre la au prix fort,
ils la machent comme s’il s’agissait la d’une sucrerie ”.
Hebron apparait alors comme une veritable illustration du
livre de la Genese.
Dans une lettre adressee a son fils, Nahmanide le celebre
exegete biblique du Moyen Age ecrit en 1267 “…je m’apprete a present a me
rendre a Hebron, la ville ou se trouve la sepulture de nos ancetres. Et avec l’aide
du Tout Puissant m’y choisir un tombeau....” De nombreuses questions
restent sans reponses a la lecture de ces lignes. Nahmanide aura donc –t- il
reussi a realiser son voeu de gouter au repos eternel a proximite des
Patriarches?
Les autorites mameloukes (qui venaient d’interdire la
meme annee l’acces de la Makh’pela aux non musulmans) auraient elles donner
leur accord a un tel desir? Devant les nombreux arguments qui nous feraient
pencher en faveur de reponses negatives, il serait bon de savoir qu’en cette
periode anti – chretienne, Nah’manide arrive aureolee d’une gloire toute
particuliere, celle de sa victoire theologique a Barcelone durant la
disputation religieuse du meme nom. De nombreuses traditions contradictoires
s’entetent a indentifier l’emplacement du tombeau du grand maitre, certaines
d’entre elles a Hebron, justement devant la trop celebre septieme marche.
Quoiqu’il en soit Nah’manide est un digne representant du
changement qui s’opere au sein du monde juif durant ce treizieme siecle, en ce
qui concerne les relations avec la terre d’Israel. Alors que Maimonide, le
siecle precedant visite le pays mais prefere s’installer en Egypte, omet de
signaler le devoir d’habiter le pays d’Israel dans son decompte des obligations
religieuses, nous assistons un siecle plus tard a un changement d’orientation
radical.
Samson de Sens,
Jonathan de Lunel, Nah’manide, Yeh’iel de Paris et Meir de Rotenbourg pour ne
citer que les plus celebres, vont se faire les porte paroles d’un activisme “
sioniste” en ce sens ou ils pronent tous l’imperatif de la montee en Eretz
Israel.
Ce ne sont pas seulement des individus isoles qui montent
s’installer en terre sainte mais les dirigeants spirituels de leur generation,
des chefs de file de differents courants de pensee, tossafistes adeptes de
Maimonides ou Kabbalistes. Detail interressant, tous sont issus de la Diaspora
chretienne.La deterioration du statut jurique des juifs en Europe n’y est
certainement pas pour rien, il semble cependant que les dernieres victoires de
Saladin et de Beibars sur les croises, furent interpretes comme un signe du
ciel. Ces vagues d’immigration vont renforcer la presence juive dans le pays.
Si jusqu’a l’avenement des croisades cette presence etait essentielement constituee
de juifs orientaux, nous assistons cette fois a un un renforcement du judaisme
europeen au point que certains chercheurs arrivent a la conclusion que ces
derniers deviennent majoritaires.Hebron ne semble pas convenir au nouveaux
venus qui ne manquent pas d’y effectuer le traditionel pelerinage mais
preferent s’installer a Jerusalem et meme a Acre, capitale du royaume croise.
En 1290, c’est un disciple du Ramban (Nahmanide) qui
ecrit: “A Hebron se trouve la caverne de Mah’pela, tombeau des patriarches.
L’ancienne ville de Hebron se trouvait sur les hauteurs, dans la montagne, la
ou se trouve le cimetiere juif au flan de la montagne, et sur le versant une
source, qui servait de bain rituel (mikve) pour Sarah notre mere”.
L’ecrivain musulman Ish’ak Al H’alili, redige en 1411
tout un ouvrage consacre a Hebron, et la caverne de Mah’pela. Il evoque
l’emplacementde chaque monument funeraire a l’nterieur de la Makh’pela. Selon
ses affirmations, devant le tombeau de Sarah, se dresse un rocher sur lequel est
grave l’inscription suivante: “Au nom d’Allah, le venere, le tres haut, le
tout puissant, qui regit toute chose et qui a pouvoir sur tout, voici le
monument de Rivka, femme d’Isaac, a proximite, du monument mortuaire d’ Isaac.
Le grand monument non loin de la, est celui d’Abraham le
bien aime de D-ieu, a ses cotes vers l’est, est celui de Sarah. Derriere eux,
se trouve les monuments respectifs de Jacob, et a Lea, sa femme”.
El H’allili de preciser: “ceci a ete inscrit par la
main d’ Esau ”.
Une legende locale designait le lieu precis ou Cain
commet le premier meurtre sur la personne de Abel, son frere. Parmi les vignes
magnifiques qui font jusqu’a ce jour la fierte de la region, on venait de loin
pour admirer la fameuse vigne plantee par Noe apres le deluge.
Les voyageurs decides pouvaient pousser encore une demi
journee de voyage pour se recueillir sur la tombe de Noe, dans l’antique
village biblique d’Adoraim, ou se trouve aujourd’hui le village arabe de Doura.
Tout cela, sans oublier les differentes traditions religieuses, qui
s’accordaient pour identifier le tombeau de Yossef accolle a celui des
patriarches, et bien sur, la derniere demeure d’Abner ben Ner, general en chef
des armees du roi Saul, assassine a Hebron comme le rappelle le livre de
Samuel.
Une telle concentration de sites charges de souvenirs
bibliques, ne risquait pas de decevoir le voyageur en quete de recueillement
religieux. La structure d’accueil des pelerins, etait aussi un investissement
financier intelligent, dans lequel chaque dinar investi par les autorites en
rapportait une quantite d’autres dans les caisses de l’Etat.
Une autre activite economique de la ville merite
d’attirer notre attention: l’industrie du verre. Il est possible que le travail
du verre fut introduit dans la ville au onzieme siecle siecles par des juifs
venitiens. Aujourd’hui encore, le principal carrefour situe au nord de la ville
porte le nom de “carrefour du verre”. Les touristes peuvent admirer les
souffleurs de verre faconnant leur ouvrage avec dexterite. A l’interieur de la
ville, se trouve le quartier du verre, ses petites echopes alignees surchargees
de mille et un objets fabriques dans cette matiere…
Selon Pline l’ancien, le verre aurait ete decouvert en
Eretz Israel, par des marins pheniciens mouillant dans le port de Acco.
Ces derniers voulant rechauffer leurs aliments sur des
pierres de Salpetre, au dessus d’un feu de bois, remarquerent que ce materiau,
un fois chauffe et mele au sable du rivage, se liquifiait pour se durcir en
sechant, et devenir enfin la matiere dure et transparente. Flavius Josephe
aussi, sans entrer outre mesure dans les details de la fabrication, rappelle
que, a proximite de Acco, se trouve en quantite, le sable propre a la
fabrication du verre. Selon une tradition talmudique, la tribu de Zevouloun se
trouvant sur le littoral, avait pour elle le monopole de l’industrie du
verre.Cest ainsi que les sages du talmud, interpretaient le verset dans lequel
Moise benit les membres de cette tribu en disant: “Ils aspirent la richesse
des mers et les tresors caches dans le sable” (Deu. 33;19). Les tresors
caches dans le sable, c’est le verre nous dit le talmud (Traite Meguila 6A).
Nous savons qu’au Moyen age le travail du verre etait longtemps considere comme
une activite economique typiquement juive. Une certaine categorie de verre
portait meme l’appellation de “verre juif”. Les villes de Antioche et de Tyr
etaient connues pour la qualite du verre blanc fabrique par leurs juifs.
Le verre de Hebron etait considere de moins bonne qualite
que celui de Syrie, malgre le fait qu’il etait colore de differentes couleurs.
Selon Yacobson, le verre de Hebron servait a la fabrication d’ustensiles
usuels, alors que celui de Syrie beaucoup plus onereux servait pour la
fabrication de produits plus onerux.
Malgres ses nombreux atouts, la ville de Hebron reste
confinee autour de la Mah’pela, sans vraiment se developper et devenir une
metropole importante a l’epoque mamelouke. Les musulmans locaux, sont desormais
celebres pour leur franatisme religieux. Les querelles intestines entre une
partie de la population d’origine kurde et les grandes familles Teidmouri
Djabari qui avait fuit la Syrie devant l’avance mongole empoisonnent les
relations sociales dans la ville.
La communaute juive se limite a une vingtaine de familles
selon le temoignage du voyageur juif Mechoulam de Voltara, a la fin du
quinzieme siecle. Huit ans plus tard, en 1489, un invite de marque arrive a
Hebron, il s’agit de Rabbi Obadia de Bartenora, une grande figure du monde
juif, celebre entre autre pour son commentaire de la Michna.
Dans une de ses lettres adresse a sa famille en Italie,
il ecrit: “Je me suis rendu a Hebron, j’y ai habite de nombreux jours, au
point que ma presence la bas m’etait presqu’aussi agreable qu’a Jerusalem, mais
l’ambiance entre les fideles y est bien meilleure, il n’y a pas autant de
tension qu’a Jerusalem. On compte quelques vingt familles regroupes dans une
petite rue a part, et aucun ismaelite ou impur n’y penetre. Hebron est
preferable a Jerusalem comme lieu de sepulture, selon les dires des gens du
pays…”
Le celebre rabbin italien decrit lui aussi le
distributions de nourriture autour de la Mah’pela, un plat de lentilles, ou
autre legumineuse pour les pauvres d’Israel, et d’Ismael ou les incirconcis.
D’autres juifs emettent eux aussi le desir d’etre enterre a Hebron. Nahmanide,
on s’en souvient, formule lui aussi un souhait semblable dans la missive qu’il
redige pour son fils en 1267.
Les juifs ne desesperent pas de pouvoir prier a
l’interieur de la Makh’pela.
Les femmes juives, le visage voile a l’oriental, prennent
quelque fois le risque, et se glissent [parmi les musulmans a l’interieur du
perimetre interdit.
Les hommes, eux, se contentent desormais de la septieme
marche de sinistre memoire, temoin occulaire de l’humiliation d’Israel. Cette
periode, ne prendra fin qu’avec la guerre des six jours. Guerre durant laquelle
les heritiers des mameloukes seront finalement alors refoules par les
descendants des rabbins Chmouel ben Chimchon et Bartenora et de tous les
autres, qui n’avaient alors que leurs prieres pour affronter l’adversite.
La terre d'Israel n'etait pas encore au terme de ses
epreuves, les ottomans pointent deja a l’horizon, leur occupation sera la plus
longue dans le temps, quatre siecles qui malgre un debut prometteur, finiront
de ruiner le pays de fond en comble.
La conquete ottomane d'Erets
Israel en 1517 annonce une ere nouvelle pour le pays tout entier. En ce
temps-la les turcs constituent ce que nous appelons une super-puissance. Leur
empire s'etend sur trois continents. La nouvelle administration qu’ils mettent
sur pied s'avere, dans un premier temps, efficace.
Pour la terre d'Israel leur
presence represente la plus longue occupation etrangere du pays. Ce n'est qu'en
1917, soit exactement 400 ans plus tard, que les ottomans devront
definitivement ceder la place aux troupes du general Allenby.
Comme cela arrive bien souvent
durant les guerres de conquete, le principal atout des conquerants reste l'initiative et la rapidite de deplacement.
Ainsi les turcs n'auront
pratiquement aucune bataille a mener. Ils rassemblent leurs armees en Syrie,
dans l'intention de deposer le pouvoir Mamelouk, qui siege en Egypte. Erets
Israel n’est pour eux qu’un lieu de
passage, dont il est necessaire de prendre possession, pour mener a bien leur programme. C'est ainsi qu'ils vont traverser le pays, du nord au
sud, le long de la plaine cotiere, sans avoir a livrer un seul combat.
C'est sans doute cela que les historiens
appellent la conquete ottomane.
Mais
n'exagerons rien, les Mamelouks essaient toutefois d'arreter l’avance ottomane.
A Khan-Younes leur terrible cavalerie chargera sans doute avec le meme heroisme
que les guerriers de Baybars deux cent cinquante ans plus tot. Mais les temps
ont changes… les mamelouks pas. L'artillerie turque avec son equipement
ultra-moderne pour l’epoque, transformera cette charge heroique en une stupide
course a la mort.
Le pouvoir Mamelouk en Egypte est
mal en point, il ne lui reste que quelques jours a vivre et il le sait. Les
unes apres les autres, les villes du pays depechent leur delegation pour annoncer leur reddition aux nouveaux maitres.
Des officiers mamelouks eux memes montrent l’exemple et viennent proposer leurs
services aux nouveau maitres du moyen Orient. Les villes du sud par peur d'un
retour egyptien essaieront bien de se revolter mais les turcs reagiront avec cruaute, massacrant sans distinction hommes, femmes et
enfants.
Pour la population juive du pays,
les turcs ne sont pas des inconnus.
On s'en souvient, au lendemain de
l'expulsion d'Espagne, les autorites ottomanes annoncent publiquement leur
intention d'ouvrir leurs frontieres aux expulses. La nouvelle communaute sefarade de Turquie va tres bientot jouer le role desormais classique des
communautes proches du pouvoir central.Un lobby s’organise ses taches seront
nombreuses, entre autre la prise en charge des juifs d'Erets Israel.Ce dont
elle s’acquittera avec beaucoup de devotion.
Il semble que les turcs ont vite
fait de considerer les juifs, comme un element loyal a leur autorite. Ce fut
sans doute la raison pour laquelle, les arabes feront, ca et la, eclater leur fureur.
C'est dans cette comprehension des evenements que les historiens essaient d'etudier un document
retrouve a la Gueniza du Caire, decrivant
la tragedie des juifs de Hebron, en ce debut d’automne 1517. D’autres
chercheurs au contraire pensent que c’est precisement la soldatesque turque qui
serait responsible des atrocites evoquees dans ce meme document.
Cela se passa durant l'année 1517, le septieme mois, durant
les fetes des cabanes. Lorsque l'homme cruel et tyrannique, celui par qui Dieu
se sert pour chatier. Celui qui etait le second du gouverneur a Jerusalem ( prions pour sa prochaine reconstruction)
decida, au fond de son coeur, de persecuter les juifs de sa ville et de Hebron.
Il s'etait dit: "Hatons nous et partageons le butin que
je prendrai aux juifs de ces deux villes, alors qu'ils se sentent encore en
securite chez moi".
Et c'est ainsi qu'il executa son complot. En ce jour, ses hommes arriverent a
Hebron et ils y tuerent un grand nombre de juifs qui
essayerent pourtant de se defendre.
Tous leurs biens furent livres au pillage, au point de ne plus laisser la moindre
parcelle de propriete. Pour les quelques rescapes, une seule issue la route:
l'exode ils s'en allerent vers
Beyrouth.
Avant de prendre le depart et il
se haterent de recuperer les rouleaux de la sainte loi, ainsi que tous les objets
de la synagogue. Mais helas en raison de nos peches, ils ne retrouverent aucun
de ces objets. Ecrit en 1519 dans la sainte communaute de Corfou. Jephet fils
de Menache.
Les grandes villes manifesterent
une vive animosite envers le nouveau pouvoir et les juifs etaient, consideres
comme les allies naturels des ottomans durent en souffrir en consequence.Le
document signe de la main de Jephet fils de Menache,ne nous renseigne pas ou
peu sur l’identite des agresseurs en cette annee de 1517.
Quoiqu’il en soit les ottomans,
durant le premier siecle de leur regne, installent ordre et securite dans le
pays. En 1522, Rabbi Moshe de Bassola haute figure rabbinique de la renaissance
italienne, visite de la ville. Il y signale une dizaine de familles, le pogrom
de 1517 etant sans doute responsable de la diminution du nombre d'habitants
juifs. Le quartier ou, plus exactement, la’’ cour des juifs’’, se trouvant
alors au nord de quartier Kazazin la ou se
regroupent les souffleurs de verre, a l'Ouest de la Makhpela.
Les persecutions religieuses, en Espagne et au Portugal, ameneront, elles aussi, des
vagues d'emmigrants en dehors de la peninsule
iberique. L'expulsion d'Espagne en 1492 et du Portugal, cinq ans plus tard,
injecteront au pays d'Israel un sang neuf. A vrai dire, les ottomans jouissent
d'un prestige tout a fait particulier aux yeux des israelites, specialement
depuis qu'ils s'emparent de Constantinople en 1453. La chute de la capitale de
cette chretiente orientale tellement
identifiee avec l'oppression d'Israel, ne pouvait qu’introduire une nouvelle
esperance messianique.
Parmi les nombreux personnages
qui viendront illustrer ce bouillonnement mystique et politique, David Reouveni tient une place tout a fait particuliere. A la la limite entre la
fiction et la realite, enveloppe d'un brouillard de mystere, cet aventurier de
genie n'aura pas ete menage par les historiens qui n'hesitent pas a le traiter
d'imposteur et de charlatan.
Reouveni se disait emissaire de la
puissante tribu de Reouven vivant retranchee dans une mysterieuse contree. Sa mission consiste a rencontrer le pape Clement VIII pour
lui proposer une alliance judeo-chretienne qui mettrait fin a l'hegemonie
turque en terre d’ Israel.
Israel Eldad attire notre attention sur la teneur du message, alors que les
autres historiens s'acharnent sur sa personnalite de Reouveni. Eldad nous
propose de reflechir sur le fait que Reouveni a travers son progamme politique
est en avance de quatre siecles sur son epoque. Reouveni essaie de soutirer de
son illustre interlocuteur une declaration Balfour avant l’heure.
Ce ne sera, en effet, au debut du
XXe siecle, qu’une alliance politique judeo europeene viendra mettre un terme a
la presence ottomane dans le pays.
Car c’est precisement l’objet de
la requete de David Reouveni au pres du Pape a Rome.
Ce meme David Reouveni est
maintenant en route vers sa mission en Europe. De passage a Gaza il fera un
detour par Hebron pour se recueillir sur le tombeaux des Patriarches. ‘’Moi
David fils du roi Shlomo de memoire benie et frere du roi Yossef mon aine…apres
avoir entrepris mon voyage pour Gaza le 19 Adar, prenai maintenant la route
pour Hebron et voyageai de jour comme de nuit pour y arriver le 20 Adar dans
l’apres midi. Les gardiens de la Makhpela vinrent vers moi pour me rendre
hommage, ils m’embrasserent les mains et les pieds et me dirent ceci est le
tombeau d’Abraham notre Pere…Je formulais une priere, au terme de celle ci …Je
m’adressai en ces termes aux gardiens: Ceci n’est qu’un repere et non pas la
veritable sepulture car Abraham Isaac et Jacob sont enterres dans la caverne et
non a meme le sol. Ils me repondirent: La verite est avec toi.. Je leur
ordonnai de me montrer la caverne..Ils me designerent alors l’ouverture,
semblable a l’orifice d’un puits…Je demandai alors aux Ismaelites de me laisser
seul pour prononcer ma priere…’’
Quel etait le contenu de cette
priere, l’histoire n’en a pas garde le souvenir.
Cependant a la lumiere de ce que
nous savons sur le personage et sa mission nous ne prenons pas trop de risques
en supposant qu’il y avait la, une demande pressante d’assister a la redemption
prochaine d’Israel. La volonte de voir le pays libere de la presence turque, de
ses soldats et ses impots qui rendaient la vie de plus en plus difficile a la
minorite juive du pays.
Ces impots auront pour le moins
un avantage inattendu, celui d’avoir preserver des documents permettant au
chercheur de reconstituer plus ou moins fidelement quelques donnees
sociologiques de l’epoque.
Selon les registres fiscaux de
l'annee 1525, aucune famille juive n'est mentionnee, parmi les redevables d'impots. Ce qui ne veut pas dire automatiquement qu’il n’y ait pas de juifs a
Hebron cette annee la. Nous savons effectivement que certaines categories
sociales en etaient exemptees. Cette meme annee, une epidemie ravage la ville
et nous savons que la petite communaute d'Hebron se replie provisoirement sur
Gaza.
En 1534, vingt et une familles
juives figurent sur ces memes registres.
Le 16e siecle sera indiscutablement le siecle de Safed, et de la mystique juive.
Rarement une ville n'aura joue un role aussi considerable dans la creativite
religieuse juive. Rabbi Isaac Louria, surnomme le « Ari Hakadoche »,
prodigue son enseignement a un cercle restreint de disciples. En quelques annees, cet enseignement recemment revele allait se repandre, pour devenir
source
De grands mouvements mystiques
qui allaient embraser le judaisme tout entier.
Le declin de Safed viendra renforcer les communautes des trois autres villes saintes,
de Hebron en particulier. Le Ari Hakadoche etait compare a un lion dans son enseignement, ses disciples a des lionceaux
autour de lui.
Parmi eux, Rabbi Malkiel
Ashkenazi, celui qui fit l’acquisition 1540 du « Hatser Hakaraim »,
la cour des Caraites a Hebron.Cette derniere etait
retranchee derriere la muraille que constituait les murs exterieurs, alignes en forme de "U".
Les constructions en question,
etaient en fait de belles batisses, de trois a quatre etages. Malkiel Ashkenazi
viendra ajouter des portes que l'on fermait la nuit tombee pour proteger les
habitants de la Cour.C'est encore lui qui, probablement, entreprend la
construction de la synagogue "Avraham Avinou" a cette meme
epoque.
L’appellation cour des Caraites nous
permet-elle d’affirmer qu’a un certain moment des caraites habiterent Hebron?
Le silence des sources d’une part et les noms de « Cour des
caraites », et « cimetiere caraite », d’autre part, ne
facilitent pas la reponse a une telle question.
Noemie Frankel, auteur d’un roman
historique sur Hebron, propose un compromis. Selon elle la presence caraite a
Hebron est un fait historique
indiscutable, le silence des
sources doit etre uniquement attribue a la vigilance de la censure rabbinique,
nullement desireuse de ceder une quelconque priorite aux separatistes caraites.
Malkiel Ashkenazi est considere
comme l’artisan du renouveau juif a Hebron. Il laisse le souvenir d'un saint
homme. Il herite de plusieurs rouleaux de la loi rouleaux rediges de la main
meme de Rabbi Haim Vital, le successeur spirituel du Ari Hakadoche. Il enrichi
le patrimoine culturel de la communaute en installant sa celebre bibliotheque.
Les grands noms du monde rabbinique, le citent abondamment; le Hida et le Rabbi
Ishaya Horowitz. Rabbi Malkiel Ashkenazi sera, sans doute, le premier des
lionceaux du Ari Hakadosh a s’intaller dans la ville des Peres. Il sera
rapidement suivi par d’autres disciples comme Rabbi Eliahou De Vidash, auteur
du livre de Morale « Rechit Hoh’ma » (l'origine de la sagesse).Ce
dernier sera enterre a Hebron, son tombeau devient rapidement un lieu de
pelerinage, il sera profane et detruit en 1948 lors de l’occupation
Jordanienne.
En 1996, a l’initiative du Rabbin
Yaacov Guedj de Cannes, les tombeaux de quelques uns des plus celebres sages de
Hebron seront restaures. Parmi eux, precisement celui du Rav Eliahou de Vidash.
Un autre contemporain de Malkiel
Ashkenazi, rejoint a son tour la ville d’Abraham, Rabbi Menahem Berabi Moshe
Bavli, auteur du livre « Taamei amitsvoth » (Signification des
commandements).Dans son introduction, il prend soin de preciser que tous les benefices de son livre, seront consacres au besoin de la ville de Hebron
" pour colmater les breches et assurer et la protection,face a l'activite
des brigands »
Nous deduisons par la, que les conditions de securite devaient etre alors des plus
precaires. Cette enumaration ne serait pas complete si on omettait de rappeller
Rabbi Chlomo Adani, auteur d'un commentaire de la Michna, intitule « Melahat
Chlomo » (l'oeuvre de Salomon).
Le successeur de Malkiel
Ashkenazi, a la tete de la communaute de Hebron, sera Rabbi Isaac Galipas.Ce
dernier porte devant le grand rabbin de Jerusalem,
Rabbi Levy Ben Yaacov Ben Haviv, une polemique,
sur le rite de priere a adopter a Hebron, entre la communauté sefarade et la communaute des Moustaarabim. Information pour le moins
surprenante en ce qui concerne une presence « moustaaravite » a
Hebron.
Les Moustaarabim, rappelons le,
etaient ces juifs autochtones qui n'avaient sans doute jamais connus l'exil.
Fautifs de n'etre, ni Ashkenazes, ni Sefarades, « simplement » juifs
d’Eretz Israel l'historiographie les a souvent negliges.
Nous savions que la haute Galilee en abritait quelques-uns. Nous decouvrons maintenant, avec un interet particulier, l'existence de cette communaute anachronique, durant la
fin de ce premier siecle, de l'occupation ottomane
dans la ville de Hebron.
D'une maniere generale, les turcs
reussiront durant le premier siecle de leur occupation, a restaurer l'ordre et la
securite dans le pays.
La ville devient le chef lieu
administratif de la region. Les habitants musulmans furent dispenses d’impots.
Durant le premier siecle les sultans ottomans, a l’exemple de leurs
predecesseurs mamelouks, attachent une importance particuliere a l’entretien
des sanctuaires de Hebron et de Jerusalem. Nombreux etaient les pelerins de
l’empire qui affluaient au devant des lieux saints. Istanbul faisait preuve
d’un vif interet au sujet de Hebron, les juifs en profiterent pour y constituer
un lobby charge de defendre les interets de leur communaute. En consultant les
archives de cette epoque nous apprenons que les domes surplombant les reperes
des tombes des patriarches n’avaient pas etaient entretenus depuis l’epoque des
mamelouks circassiens. Istanbul depecha donc des artisans de Damas pour
effectuer les travaux de restauration
necessaires. Autre decouverte
interessante, les gardiens et portiers musulmans de la Makh’pela etaient
traditionnellement des ennuques, par egard aux femmes qui se rendaient sur les
lieux, afin qu’aucune d’entre elles ne soit importunee pendant leur priere.
Cette information ne nous fournit pas un eclairage particulierement favorable
sur les moeurs des musulmans de Hebron en cette epoque, qui, par egard a la
saintete des lieux continuent d’ecarter juifs et chretiens juges indignes d’y
fouler le sol et d’un autre cote se voient reduits a prendre de telles mesures
de securite pour assurer une conduite decente dans a l’interieur du sanctuaire.
Une inovation importante va
marquer ce premier siecle du pouvoir turc a Hebron. Elle consiste dans la
decouverte d’une nouvelle source de revenus, le salpetre, principal composant
de la poudre a canon. Ce materiau sera exploite par l’armee ottomane, qui
developpe dans le voisinage une industrie de munitions. Les bedouins, pillards de vocation, seront provisoirement neutralises durant
cette periode. Dans de telles conditions, ne nous etonnons pas de lire, dans le journal de voyage d'un pelerin francais, la description enthousiaste qu'il nous trace de Hebron et de sa
region.
Il s'agit la selon lui, de la
region la plus fertile du pays. La vigne de cette region, ses dimensions, les
lourdes grappes dorees de soleil, provoque l'emerveillement de notre pelerin. Au travers de nombreux responsas, nous apprenons que les juifs de
Hebron s'occupent d'artisanat et de commerce. Mais c'est encore autour des
lieux saints que s'organise la majeure partie de l' activite economique de la communaute.
En 1561, Guershon ben Rabbi
Asher, consacre a la ville de Hebron et ses lieux saints quelques pages dans
son livre »’Yh’ous atsadikim » », un guide pratique pour le
pelerin juif.
En 1562, il ne reste plus que 11
familles juives au milieu de quelques 4000 musulmans. Les chiffres de 1596, ne
varient pas en ce qui concerne la population juive. La population generale quant a elle a chute a 3000 habitants.
Tous les temoignages concordent
pour affirmer que Hebron reste encore une petite ville, un pelerin francais de 1533 y signale l'absence de muraille.
La deuxieme partie du XVIe siecle
laisse deja apparaitre des signes avant coureurs d'une lente mais sure degradation. La dependance economique vis a vis des
communautes de la diaspora, commence alors a se faire sentir.Dans un responsa
destine au rabbin Betsalel Ashkenazi de
Jerusalem, une riche juive de Damas, annonce qu’elle legue la moitie de la
valeur fonciere de sa maison au benefice de Hebron.
Les conditions de securite se
degradent la pression des tribus autour de la ville se fait plus pressante. De
grandes quantites de poudre et aussi des armes sorties en fraude des arsenaux
de l’armee turque parviendront aux bedoins et aux autres revoltes.
Les autorites ottomanes ont de plus en plus de mal a assurer la securite des visiteurs
etrangers. Ils font preuve d'une certaine mauvaise volonte a assumer leurs responsabilites. Les visiteurs se voient exiger le
paiement de toutes sortes de taxes, pour la plupart et illegales. Les plaintes
repetees aux dirigeants de
Constantinople restent pour la plupart lettres mortes.
Ce siecle semble s’achever sur
une note pessimiste. Pourtant une veritable revolution spirituelle voit le jour
autour des familles eparpillees dans les quatres villes saintes du pays.
Ce sera le role du 17eme siecle de diffuser
son contenu aux quatre coins du monde juif.
Pour beaucoup d’historiens commence en ce siècle ce qu’il est
convenu d’appeller par l’epoque moderne.Cette appellation vient surtout nous
permettre de prendre nos distances avec le moyen âge, le temps des
corporations des guildes et des cloisonnements de toutes sortes entre le
pouvoir et ses sujets.
L’époque moderne se distinguera donc par un développement des
différents systèmes économiques, des moyens de production,
la diffusion des marchandises, la création de nouveaux marchés.
Les nouvelles civilisations en gestation, suppriment les particularismes
locaux. En ce qui concerne les juifs, qui représentent a plus d’un
egard,un particularisme local (national et religieux), nous devons encore
rajouter différentes formes d’antisémitisme qui viennent
rehausser ce trait d’identité « différent des autres ».
En cette époque où les petits ont le choix entre se fondre
dans la masse où s’éteindre doucement à l’écart des
grands courants de l’histoire, le peuple juif, une fois de plus, viendra a
l’encontre de toutes les prévisions le concernant.
Des groupes humains, numériquement plus importants, des
civilisations et des cultures, pas moins évoluées ont disparu de
la scène de l’humanité. Les perses glorieux se sont lentement
fondus dans le cadre de l’Islam, les grecs se integres dans les rangs des
romains et des Byzantins.Mais les juifs, eux, restent juifs quelle que soit
leur appartenance, orientale ou occidentale. Dans leur conscience, et dans la
conscience des peuples qui les entourent, ils sont et resteront toujours les
enfants d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.
Presenter les juifs comme les descendants des trois Patriarches n’est pas
seulement une forme d’expression litteraire, mais bien une revendication
authentique d’identite. Chose qui aurait pu se perdre dans le cadre d’un aussi
long exil,ou alors devenir dans le meilleur des cas, une espece de tradition
mythologique.
Une des raisons qui permirent au peuple juif de traverser avec succes cette
nouvelle epreuve des temps modernes sera l’activite des emissaires d’Eretz
Israel. Ces envoyes,(en Hebreu “ Chadarim”) etaient charges de collecter des
fonds pour leurs communautes respectives, generalement une des quatre villes
saintes du pays: Jerusalem, Hebron Safed et Tiberiade. Ces delegues ne venaient
pas seulement d’un autre horizon, ils venaient aussi pour de nombreux juifs
d’un autre espace temporaire. En effet les Chadarim avec leurs vetements
orientaux, leur langage, leurs coutumes, vehiculaient a la fois le passe
biblique et l’avenir messianique.
Differents facteurs historiques permirent au peuple juif de passer avec
succes cette nouvelle epreuve d’acces aux temps modernes.L’historien qui
decidera de se pencher sur ces facteurs devra consacrer un chapitre particulier
sur les Chadarim de Hebron. Ces derniers furent en quelque sorte le lien vivant
entre le peuple disperse et sa terre d’election.On les considerait comme des
saints ou plus exactement des personnes qui portaient en eux une partie de la
saintete du pays. La femme sterile attendait leur venue pour recevoir la
benediction qui mettra un terme a sa detresse, les communautes dechirees, se
pliaient toutes devant leur arbitrage. Leur apparence majestueuse provoquait la
crainte et le respect meme en milieu non juif. En temoigne les paroles du Rav
Menahem Mendel Krenkel de Cracovie, relatant la visite du celebre emissaire de
Hebron, Rabbi Yosef David Azoulay (le Hida), a Versailles: « La reine
Marie Antoinette le remarqua elle aussi, et fut impressionnee par son
apparence, car Yosef avait beau de traits, et une belle taille. De grande
prestance, porteur d’une longue barbe il portait de somptueux vetements, tisses
de soie selon l’usage des dignitaires de l’Orient. Toute son apparence
temoignait de la noblesse de son etre.
Elle s’enquit donc aupres de ses dames pour pour savoir
l’identite, et les fonctions de l’homme qui s’avancait vers elle.
Invite a la cour il rendit visite a la famille royale. Au
cours de l’entretien D-ieu avait mis dans sa bouche des paroles qui lui firent
trouver grace aux yeux de ses interlocuteurs royaux une heure durant.La Reine
lui demanda de benir son fils, et de lui rediger le texte d’une priere en
faveur de son heritier…En recompense il recut l’autorisation de penetrer deux
heures par jour a la Grande Bibliotheque, d’y emprunter librement livres ou
manuscrits et de les selon sa volonte. Cette faveur n’avait ete accordee a
aucun juif auparavant. »
Des la premiere moitie du Dix septieme siecle,Hebron envoie plus de vingt
Chadarim vers les grandes communautes de l’exil. Raviver la conscience
nationale sera precisement le defi que relevera la petite communaute de Hebron,
qui envoie ses emissaires sillonner l’Europe, l’Asie et meme les Ameriques. Ils
oeuvreront pour resserrer les liens entre les enfants des patriarches disperses
de par le monde. Leurs paroles de Thora venaient etancher la soif de redemption
au sein des comunautes de l’exil.
S’il
leur arrivait de mourir en chemin, leur derniere demeure devenait un lieu de
pelerinage.En terre d ‘islam, bien souvent les musulmans eux même se
mettaient a venerer leur derniere demeure. Aureoles du prestige de leur ville
d’origine, mais aussi de leurs propres autorites, ces savants etaient avant
tout des hommes courageux.Le voyage, la collecte de fonds faisait courir de
nombreux dangers a un juif sur les routes. Le Chadar se devait etre une
personne de robuste constitution, un homme toujours pret a affronter les perils
de la route. Souvent, un danger de toute autre nature guettait les emmissaires.
Les riches communautes les priaient quelques fois de rester sur place et les
invitaient a remplir le poste de rabbin sur la place. On allait meme jusqu’a
leur proposer une femme pour les convaincre du serieux de la proposition. En
considerant la difficulte de la separation durant des mois et voir des annees,
on peut comprendre que plus d’un chadar ait succombe a la tentation.
Par le biais de leurs activites, les coutumes et enseignements du pays
d’Israel connurent une diffusion rapide. Prenons a titre d’exemple, la
propagation de l’enseignement kabbalistique, ou la diffusion du poeme” lekha
dodi”, redige a Safed par rabbi Shlomo El Kabetz, qui sera integree en un temps
record dans toutes les communautés d’exil. Le lien qui se
développe entre la terre d’Israël et les communautés de la
dispersion, devient un lien de vie et d’espérance, un lien de
collaboration. Les juifs de la Diaspora comprennent que sans la présence
de leurs freres à Hébron, à Jérusalem, Safed ou Tibériade,
leur vie communautaire n’a plus de raison d’être.
La foi d’Israël, coupée d’Eretz Israël, se réduit
à une croyance stérile et sans avenir. Dans le langage fleuri du
Hida (Haim Yossef David Azoulay), il est dit que les prières des juifs
de l’exil ne peuvent monter directement vers le trône divin. Ce n’est que
pas le biais des juifs d’Eretz Israël, que ces prières peuvent
poursuivre leur chemin vers le trône céleste.
Un deuxième argument avancé par le Hida, est lui aussi
immédiatement compris par ses frères de la dispersion. Les juifs
d’Eretz Israël, leur dit-il, on besoin de votre soutien financier, car en
fait, c’est du commandement du rachat des prisonniers qu’il s’agit. Les arabes,
comprenant l’importance que les juifs accordent a maintenir leur presence dans
le pays de leurs ancetres, leur imposent de lourdes taxes. Sans quoi, ils
n’hésitent pas à les jeter en prison, ou a les expulser en cas de
manquement aux echeances. Les juifs sont donc reduits a l’etat d’otages
volontaires entre les mains de cupides gouverneurs.
Trop souvent, l’historien essaiera de mesurer l’importance du soutien de la
diaspora a la fragile communaute juive d’Eretz Israel, sans toujours
évaluer correctement l’apport des chadarim à ses mêmes
communautés.
Il est en effet plus facile de compter les louis, les florins, ou les
dinars, que de mesurer l’émotion, la nostalgie et le retour d’identite
que ces émissaires provoquent chez des milliers de juifs qu’ils
rencontrent sur leur chemin.
Ce dix septième siècle en Israël, est dominé dans
ses deux premières décades par la forte personnalité du
gouverneur de Jérusalem, Faroukh Ibn Faroukh.
Si ce dernier réussit à repousser les attaques des
bédouins contre les centres urbains, et assurer la protection des
pèlerins vers la Mecque, il n’en laisse pas moins pour les juifs, le
souvenir d’un oppresseur sanguinaire.
A cette époque, les liens entre Jérusalem et Hébron se
resserrent, plusieurs dirigeants de la ville de David viennent chercher refuge
autour de la Makhpela pour se mettre hors d’atteinte du tyran.
En ce temps habite Hébron le célèbre poète
Rabbi Israël Nadjara, qui quittera la ville durant
l’épidémie de 1619, pour se réfugier à Gaza.
Il en fut de même pour le Rav Avraham Azoulay. Il semble que durant
ces vingt premières années, c’est Rabbi Eliézer Ibn Arh’a
qui dirige la communauté, lui même, fils du venere Itshakh Ibn
Arh’a, un disciple du Ari Hakadoch.
Rabbi Eliézer était un savant de grande renommee, plus d’une
fois consulte par les sages de Jérusalem en matiere de juridiction
talmudique. Il n’hesitera pas en entrer en conflit avec les rabbins de cette
ville pour prendre la defense d’une jeune orpheline,la fille du rav Ichayou
Horowitz, auteur du: “Chnei Louh’ot Abrith “(les deux tables de la loi).Ce
dernier en effet avait prete une importante somme d’argent aux notables de
Jerusalem. Durant les persecutions d’Ibn Faroukh, Rabbi Ichayou Horowitz de
passage dans la ville, refusa de la quitter et d’abandonner ses habitants a
leur triste sort. Ce noble geste de solidarite lui couta un peine
d’emprisonnement. A sa mort les notables de Jerusalem refuserent de rembourser
a sa fille le montant du pret que son pere leur avait consenti. Vu que la
communaute avait du payer une rancon pour obtenir sa liberation.
Il faudra donc attendre l’intervention d’un rabbin de Hebron pour obtenir
reparation de l’injustice commise sur la personne d’une orpheline a Jerusalem.
Il semblerait que Rabbi Eliezer dût lui aussi quitter la ville en
1630 à la suite des persécutions d’un gouverneur corrompu.
Quelques années plus tard, commence a circuler à Hébron le
recit du miracle qui préserva la communauté de la catastrophe.
Ces evenements motiveront les rabbins de la ville a inaugurer
un” Pourim Katan” (petit Pourim) le 14 Kislev, en souvenir de
l’intervention miraculeuse des Patriarches, que les anciens se plaisent a
raconter:
Un cupide gouverneur, ayant décidé d’imposer a notre
communaute le paiement d’une amende de 50 000 grouches, se voit
réveiller dans son sommeil par trois personnages mysterieux. Ces
derniers lui demandent sur le champ de reunir precisement la somme en question.
Terrorise par la menacante apparition et tremblant pour sa vie notre gouverneur
se saisit d’une sa coche de cuir et s’empresse de rassembler la dite somme sur
sa fortune personelle.Le plus jeunes des trois visiteurs lui arrache la sacoche
des mains et lui intime de retourner se coucher. A son reveil le gouverneur ne
se souvient de rien ou plutot il se souvient que c’est aujourd’hui que les
juifs doivent lui payer l’amende fabuleuse. Lorsque les sbires du gouverneur
viennent exiger la rançon aupres des dirigeants, terrorises ces derniers
remarquent une espece de faille au pied de la muraille. Un peu comme si l’on
avait pratique l’ouverture d’une lucarne, et a l’interieur une sacoche de cuir.
En decouvrant son contenu, quelle ne fut pas leur émotion d’y trouver
precisement les 50 000 grouches exiges.
C’est en reprenant possession de son propre argent que le
désagreable personnage comprit que les peres de Hebron veillent sur
leurs enfants.
A la mort de Rabbi Eliézer, une polémique viendra marquer la
difficulté sur le choix d’ un succésseur à la tête
du Beth Hamidrach de la ville.Rabbi Moché Zacout, le candidat le mieux
place, restera finalement en Italie.
L’arbitrage de cette polémique sera assuré par Rabbi Chmouel
Abouhab d’Italie, lui aussi. Rabbi Chmouel était particulièrement
écouté, vu qu’il dirigeait la collecte en faveur de la ville de
Hébron.
En 1641, un voyageur Caraïte visite la ville. Chmouel Bah’ar de
Crimée, il y compte trente familles. Treize ans plus tard, un autre
Caraïte de Crimée lui aussi arrive à Hébron,
Moché Ben Eliahou Halévy, decrit l’accueil qui lui fut reserver,
selon ses dires, une femme faisait alors office de Melamed Tinokot (institutrice). « Chez
eux à Hébron, une maison a été mise a la
disposition des visiteurs avec tout le necessaire, draps, couvertures,
veilleuses, une petite lampe de verre remplit d’huile d’olive pour
l’éclairage, tout ce dont vous aviez besoin se trouve là a portee
de la main. Peu avant l’entree du Chabbat nous avons reçu des raisins
secs de belle qualité et du pain, les visiteurs sont acceuillis ici avec
beaucoup de courtoisie… J’ai vu aussi une femme enseigner les enfants… elle
faisait cours pour les touts petits. » Selon le dire du pélerin
Guedalia de Saimatitz, les etrangers etaient pris en charge par la communaute
trois jours durant, a l’instar d’Abraham notre père, et cela, en depit
de leur pauvrete.
En ces temps, les juifs d’Italie de Venise et de Veronne, se distinguent
par leur soutien actif a la ville de Hebron. Rabbi Azarria Figgio de Venise
compose des louanges en l’honneur de la ville des peres. La famille Abouhave
que nous venons d’evoquer se chargera de traduire les bons sentiments en
especes sonnantes. Bien souvent se sont des commercants italiens, qui assurent
le transfert de fonds vers Hebron, vu que ces derniers beneficiaient bien
souvent de comptoires commerciaux dans la region, le plus souvent a Aleph en
Syrie.
C’est vers le milieu du 17eme siecle, apparaissent les premiers emissaires
de la ville des Patriarches, jusqu’a la, compte tenue du petit nombre de ses
habitants, Hebron se voyait relegue au titre de protegee des grandes
communautes (Jerusalem ou Safed).
En 1650, la ville envoie Rabbi Moche Peretz. Ce sera plus tard, le tour de
Rabbi Avraham Ibn Haim de parcourir la Turquie et les Balkans, il trouvera la
mort durant sa mission en Macedonie, dans la ville de Monisterio. Rabbi Haim
Rofeh, habitant precedement Safed, et maintenant Rabbin de Hebron, sort lui
aussi, en Europe chretienne cette fois. L’argent de la collecte est remis comme
prevu a la famille Abouhave en Italie, qui se chargera de la faire parvenir a
ses destinataires. Rabbi Meir Rofeh, comme beaucoup d’emissaires, profitera de son
sejour parmi les riches communautes pour y faire imprimer des manuscrits de sa
composition. C’est du livre de son pere qu’il s’agit cette fois,” Maasse Hya”,
un recueil important de commentaires talmudiques. Le livre beneficie d’une
recommandation de Rabbi Eliezer Attia et de Rabbi Zacout, le celebre rabbin de
Venise.
Ce voyageur intrepide entreprend un deuxieme periple de par le monde a
travers le monde, Turquie et Italie, et Hollande constituront les principales
etapes de son itineraire. En 1659, un lien solide est tisse entre les juifs
d’Amsterdam et de Hebron. Deux chadarim en sont principalement la cause, Rabbi
Ben Rofeh, et Rabbi Yehouda Zeev. Entre temps un vent nouveau se leve au sein
des communautes d’Orient, porteur de tous les espoirs de redemption Hebron sera
l’une des principales etapes de cette aventure.
“Bigame, epoux de la Thora, musulman, roi des juifs tel fut le plus celebre
des faux messies des temps modernes.…
Rappelons
seulement que le plus illustre des imposteurs se revela aux foules juives … et
apres maintes aventures alla en 1666 reclamer au sultan son trone pour finir
ses jours en qualite de Mehmet Effendi, portier de la sublime Porte.”
C’est en ces termes que resume Leon Poliakov, l’extraordinaire epopee de ce
mysterieux personnage qui reussit a embraser l’esperance d’un peuple
entier.Dans cette course aux illusions Hebron se distinga tout
particulierement. Ne soyons pas presses de juger cette generation ennivree de
parfum messianique. Generation marquee par le deferlement de haine en Europe,
celle de Chmielnicki et ses cosaques. Il nous faut au contraire saisir et
essayer de comprendre ce contexte catastrophique a l’interieur duquel ces
formidables evenements viendront defiler. En Eretz Israel et a Hebron, le
pouvoir ottoman se fait plus lache, les cheiks locaux peuvent ainsi exercer
leur autorite de la maniere la plus arbitraire, sans avoir grand chose a craindre
du gouvernement central.
En 1661 la dette de la
communaute envers le gouvernement atteint la somme faramineuse de 7 000
grouches. Dette, faut il le rappeler qui consiste essentiellement aux impots
ecrasants que les minorites non musulmanes doivent payer pour justifier leur
protection, o combien relative, en terre d’Islam.L’annee precedente, une
invasion de sauterelles est venue ruiner la recoltes dans les champs.
Toujours en 1661 Rabbi
Hya Dayan est envoye comme emissaire (chadar) en Afrique du Nord pour le compte
de la communaute de Hebron. Dans ses lettres d’introductions on a pris soin
d’enumerer avec force de detail les differentes calamites qui se sont abbattues
sur la ville. En plus des sauterelles que nous venons d’invoquer, les rabbins
de la ville decrivent la famine qui s’en suit, et les inevitables maladies qui
l’accompagnent. Les relations avec le voisinage arabe n’en sont que plus
tendues, et plus explosives. Les bedoins de la region saccagent la synagogue.
C’est dans un tel contexte qu’apparait pour la premiere fois Chabatai Tsvi a
Hebron…
Les lignes qui suivent
sont du Rav Avraham Cuenque. Un erudit de premier plan. Dans les pays ou il
sera envoye en mission, comme emissaire de la terre sainte, l’acueil est
toujours le meme.On admire sa sagesse, son elocution facile et percutante a la
fois. Les communautes juives d’Italie, de France,de Hollande, d’Allemagne,de
Hongrie, sont unanimes a son sujet, celles d’ Autriche de Pologne, Lithuanie et
d’ Ukraine leur font echo. Cet homme a qui l’on reserve les honneurs d’un
prince d’Eretz Israel des annees durant, veillera a ne jamais profiter
personnellement des richesses dont on le comblait.
Il prenait soin par
exemple de faire parvenir directement le fruit de sa collecte sur place, sans
meme prelever le montant de ses frais personnels. C’est donc le temoignage de
ce personage exceptionel que nous rapportons, pour essayer de comprendre un peu
mieux quel fut l’impact de “Chabbatai Tsvi” sur ses contemporains. Avant donc
de se rendre en Egypte, comme emissaire d’Eretz Israel en1664, il Chabbatai
Tsvi alla se recueillir sur les tombeaux des Patriarches. C’est au cours de
cette visite qu’il fut donne a Abraham Cuenque de voir pour la premiere fois
(et probablement la seule) Chabbatai Tsvi.
“Je ne
pouvais detacher mon regard de ses yeux. Il a prie au service de Minha dans la
cour de notre sainte communaute, puis ensuite tout le public l’a suivit pour la
priere du soir a proximite de la caverne de Mah’pela.(il
s’agit probablement de la sinistre septieme marche, des escaliers menant a la
Makh’pela)
Presque
toute la nuit je restais la debout a l’exterieur de la maison ou il logeait,
epiant ainsi chacun de ses gestes. Tous ceux qui habitaient le quartier,
hommes, femmes et enfants, personne ne songait a dormir cette nuit la, nous
etions tous la a le contempler. Il (Chabbatai Tsvi)
marchait a l’interieur de la piece, alternant grandes enjambees, et petits pas.
La maison toute entiere baignait dans la lumiere des veilleuses, car telle
etait sa volonte.
Il
recitait de memoire des psaumes toute la nuit a voix haute. Une voix empreinte
de joie et d’emotion, radieuse et agreable a ecouter.
Cela
jusqu’aux premieres lueurs de l’aube, moment ou il se rendit a l’office du
matin …Je peux temoigner combien cet homme m’avait paru etrange. Je me souviens
que mes yeux ne se lassaient pas de l’observer avec avidite. Apres la priere du
matin, il s’eloigna accompagne seulement d’un serviteur …
A jeun
il arriva, a jeun il ressortit de la ville, et mes yeux n’ont plus eu le
privilege de le revoir jusqu’a ce jour.”
Hebron ne fut pas la
premiere ville du pays a reconnaitre Chabbatai Tsvi, c’est a Gaza, qu’il
rencontre Nathan Ha Azati (Nathan de Gaza).
Comme cela se produit
bien souvent dans l’histoire des courants messianiques, le messie beneficie de
la collaboration d’un prophete qui se chargera de diffuser a travers le monde
le message de redemption.
Nathan reussira pleinement dans cette tache. Les relations Hebron Gaza
etant ce qu’elles etaient alors, Hebron apres Gaza viendra donc acclamer le
nouveau messie. L’enthousiasme de Hebron prendra des dimensions tout a fait
inattendues. En effet, les dirigeants de la communaute redigerent une longue
missive aux genereux donateurs de la famille Pereira a Amsterdam. Missive dans
laquelle ils annoncaient la fin prochaine de l’ere des collectes en diaspora,
en raison de …l’avenement du Messie. A ce titre, les rabbins de Hebron
conseillerent aux membres de la philantropique famille, de liquider leurs
affaires et de se hater de les rejoindre au pays des ancetres.
L’historien sera
surpris de constater que ce conseil fut ecoute, partiellement du moins. Avraham
Peyrera ayant pris la route pour Eretz Israel, rebrousse chemin,en prenant
connaissance de la conversion du pretendu messie a l’Islam.
Il est a signaler qu’a
Jerusalem l’ensemble des dirigeants s’opposerent des les premieres heures au
personnage (en cela Jerusalem fut certainement la seule communaute au monde a
garder une lucidite exemplaire devant l’ampleur du phenomene).
A Hebron comme le
souligne l’historien Nathan Chour, la conversion du “messie” a l’Islam ne
viendra pas refroidir le soutien de ses partisans.
En fait, il s’agissait
la de la deuxieme phase de son devoilement disait on.
Maintenant Chabbatai
pourra s’attaquer au monde de l’Islam de l’interieur. Cette strategie mystique
semblait pour le moment satisfaire ses fideles, et ce n’est qu’avec le temps
que les dernieres braises se refroidiront pour laisser place a la cicatrice
d’une chaire brulee a vif.
La notion de “Gvir “est une notion typiquement juive qui signifie a la fois
puissance et generosite. Etymologiquement parlant, puissance seulement
suffisait a justifier l’appellation de “Gvir”(de la meme racine que guibor qui
signifie:fort, puissant). La tradition populaire aura reserve cette marque de
reconnaissance a celui qui mettra precisement cette puissance au service de son
peuple, le petit peuple de preference.Le Gvir sera donc ce riche negociant juif
qui a ses entres aupres des grands de ce monde, et qui est toujours pret a
intervenir pour l’interet de sa communaute, inutile de preciser que tous les
riches negociants n’etaient pas des “Gvir”…
Rabbi Avraham Peyrera est ne a Madrid, dans une famille de marranes. Apres
avoir sejourne a Venise ), c’est finalement a Amsterdam qu’il decide de
s’installeren fuyant l’inquisition. En Hollande, ce havre de tolerance, il
revient ouvertement au judaisme. Durant de longues annees, il sera le chef
spirituel de la communaute sepharade. Sa femme Sarah lui donne huit enfants,
Isaac, Yaacov, Moche, Aaron, David, Rivka, Rahel et Yehoudit.
Durant ces memes annees, Abraham Peyrera oeuvre pour les demunis de sa
communaute, en creant differentes caisses de soutien a leur intention. Il faut
dire que notre homme est probablement l’homme le plus riche d’Amsterdam.
Ayant fait fortune, comme bien d’autres marranes dans le commerce
international, il monte avec son fils Isaac des raffineries de sucres dans la
plus grande ville du pays, Amsterdam. Peyrera est un philantrope sa fortune et
sa generosite sont continuellement mises a contributions. Il oeuvre avec
d’autres notables de la communaute pour fonder la yeshiva OR HATHORA, en
premier lieu avec son ami le docteur Efraim Bueno. Ce dernier connaitra la
notoriete en servant de modele au grand Rembrandt, dans portrait intitule tout
simplement
“Le docteur”. En 1659, a la suite de l’intervention de deux chadarim de
Hebron, Meir Rofeh et Yehouda Zev, il decide de consacrer dorenavant une partie
de sa fortune a la ville des Peres. Son projet, la fondation d’une yechiva qui
portera le nom de « Hessed Le Abraham ».
Six ans plus tard, la ville de Hebron on s’en souvient, vivait un grand
moment d’exaltation messianique, avec l’apparition de Sabbatai Tsvi, et de son
prophete Nathan de Gaza. Peyrera comme bien d’autres avec lui sera entraine
dans le tourbillon de l’esperance.En 1665 il recoit un courrier d’Eretz Israel,
son correspondant,Rabbi Meir Rofe l’invite a le rejoindre a Gaza car: »un homme
possede par l’esprit divin et repondant au nom de Nathan, vient de lui faire
certaines revelations… » Peyrera, confiant dans l’intuition des sages de
Hebron, s’empresse de repondre a l’invitation et se met en route pour Gaza. Il
s’apprete probablement a rencontrer ce fameux Nathan et surtout la personne
dont il est cense annonce la venue, le Messie d’Israel. La route est longue
jusqu’a Gaza, entre temps d’etranges rumeurs commencent a circuler, certaines
d’entre elles, plus tenaces que les autres affirment que le “messie”’ vient de
renier sa foi pour adopter l’islam. Pour notre philantrope l’aventure se
terminera a Venise. Les rumeurs sont desormais confirmees, et il n’y a plus de
place pour le doute dans le coeur du genereux philantrope. Il est temps de
rebrousser chemin rentrer a Amsterdam. Ce ne sera que beaucoup plus tard que
les contemporains de cette tragedie realiseront l’etendue de leur deception.
Rabbi Avraham Peyrera, fut aussi un homme de lettres. Il compose en
Espagnol un livre de morale religieuse, ainsi que d’autres ouvrages louant les
merites de la terre d’Israel. A sa mort, en 1699, son fils Yaacov, poursuivra
l’oeuvre de son pere. A ce titre il agrandit la yechiva a Hebron (cette
derniere portera desormais le nom de Hessed Le Abraham ve Emet Le Yaacov), Le
dirigeant de la nouvelle yechiva sera Rabbi Avraham Israel Zeevi, gendre d’un
autre dirigeant important de la communaute, le Rav Avraham Cuence.
Pour suppleer a d’eventuels aleas dans l’acheminement des fonds d’Amsterdam
vers Eretz Israel, Jacob Peyrera fait deposer une importante somme d’argent en
Egypte. En marchera sur les traces de son pere Yaacov Peirera meritant ainsi de
porter lui aussi le titre de Gvir, que la generation precedente avait attribue
a son pere.
1724 –1806
Rabbi Haim Yossef David Azoulay est mieux connu selon
initiales de ses prenoms et nom de famille: “Hida”. Mais Hida veut dire aussi “enigme”.
Lorsque nous nous penchons aujourd`hui, sur les faits et gestes de ce rabbin de
la fin du dix huitieme siecle, il nous est difficile de trouver un autre mot
pour essayer de mesurer l’ampleur des ressources de cet emissaire
extraordinaire de Hebron, en Diaspora.
Ne a Jerusalem en 1724, le Hida illustre mieux que
personne le point de rencontre des traditions sepharades et achkenazes. Par son
pere il descend d’une longue et prestigieuse famille de rabbins originaires de
Castille, installee au pays d’Israel depuis cinq generations. L’arriere
grand-pere du Hida, Rabbi Avraham Azoulay est l’auteur d’un ouvrage celebre: «
Hessed le Avraham ». De nombreuses legendes circulent a son sujet, dont
celles relatives aux circontances qui l’amenerent a descendre au fond de la
caverne de Makh’pela.
Charge par les siens de recuperer l’epee d’un haut
dignitaire musulman.
Avec une telle ascendence paternelle le H’ida ne
pouvait guere echapper au destin qui lui etait reserve. De par sa mere Rabbi
Yossef David Azoulay se rattachait a une illustre famille d’erudits allemands.
Sarah Bialer, en effet etait la fille de Yossef Bialer, venu d’Allemagne en
1700 avec son maitre Rabbi Yeouda Ha H’assid. La encore, le H’ida pouvait
remercier le ciel de l’avoir predisposer pour la carriere qui l’attendait,le
dur metier de Chadar (emissaire pour la Diaspora). Un de ses principaux
maitres, une sommite du judaisme marocain, le Rabbi Haim Ben Attar s’installe a
Jerusalem pour fonder une Yeshiva reservee a un cercle restreint d’etudiants strictement
selectionnes. Le Hida est alors age de 18 ans. Des son plus jeune age le Hida
evolu dans un monde de hautes figures rabbiniques, ce qui distingue
particulierement cette societe de rabbins sera justement sa mobilite.
Les maitres du Hida furent tous des gens de la route. Leur grandeur reside
entre autre dans la capacite qu’ils manifestent a evoluer dans des univers
differents. Ses maitres s’efforceront toujours de servir de point de rencontre
entre les differentes traditions d’Orient et d’Occident.
Certains seront de celebres emmisaires tels Rabbi Yossef H`ayoun qui a sont
retour de mission fonde a Jerusalem la Yeshiva des Cabbalistes “Midrach
Hassidim”. Grace aux etres de cette stature les villes de Hebron, et Jerusalem,
loin d’etre des regions en marge de l’Histoire, (ce quelles etaient au niveau
politique et economique), devenaient au contraire des carrefours internationaux
d’une intense activite intellectuelle.
La connaissance, la curiosite et les echanges de vue et la tolerance sont
les caracteristiques de cette societe extraordinaire, au sein de laquelle va
evoluer le Hida, pour se hisser bientot a sa tete.
Lors de sa premiere mission, le Hida visite plus de cent quarante villes,
autant d’occasion pour lui d’epancher sa soif de savoir. De rencontrer les
auteurs des differents commentaires qui s’ecrivent a son epoque, de recopier
les anciens manuscrits precieusement conserves, en comparant les differentes
versions existantes, et les corriger le cas echeant.
Le Hida profite de chacun de ses passages pour prendre des notes sur les
gens qu’ils croisent sur son chemin. Les nouveautes scientifiques qu’il
decouvre dans differents domaines. Ce qui distingue le H’ida des autres
emissaires sera entre autres l’impressionant journal de bord, qui sera plus
tard edite sous le titre de “ Maagal Tov ”. Au dela des precieux renseignements
d’ordre historique, geographique, ce document est aussi un receuil de
confidences. Un emmissaire, est bien souvent un homme seul! Ces envoyes ne
l’oublions pas se separent de leurs familles pour de nombreuses annees. A la
lecture de ces notes le lecteur prend conscience que ces envoyes etaient avant
tout des hommes avec leurs faiblesses et leurs sensibilites, leur suceptibilite
quelques fois, et le carnet de notes, est bien souvent le seul et intime
confident de notre emmissaire.
Au dela de la dimension ideologique, les rapports humains etaient comme
partout ailleurs regis selon les codes de conduite habituels. Les personnes
qu’il rencontre defilent devant lui au rythme de ses deplacements. Certains
laissent un bon souvenir d’autres… pas. Ce besoin premier qu’un homme eprouve a
se confier le H’ida le manifeste a travers ces notes qu’il consigne
soigneusement. Ce qui ajoute a ce document une dimension humaine exeptionelle.
La societe environnante, loin de le laisser indifferent le passionne au
contraire.
Ainsi, durant les cinq jours ou il demeura a Florence, durant l’annee 1753,
le Hida visite le magnifique palais royal et le zoo y attenante, il observe les
arsenaux de la ville. Il parcourt pendant plus de trois heures l’immense
chantier naval, il decouvre un monde qui ne vit que pour le commerce et la
guerre.
Le Hida et son compagnon eurent la permission de visiter un de ces immenses
navires, ils le visite de long en large. Le Hida fremit en apprenant que la
flotte de Venise avait jouer un role de premier plan dans le transport des
meutes de meurtriers qui avaient massacre tant de juifs pendant les croisades.
Quelques semaines plus tard le Hida et son serviteur arrivent a Ancone,
provoquant l’engouement de toute la communaute. On lui demande audience des le
matin jusqu’aux heures tardives de la nuit. Son impact sur les fideles des plus
spectaculaires.
Durant le chabbat, l’exitation, nous pouvons l’imaginer devait etre a son
comble, la section hebdomadaire de la Thora est “Haye Sara”(Gen.23), passage
qui relate avec force de details l’acquisition par Abraham de la caverne de
Makh’pela a Hebron. Un emissaire d’Eretz Israel, originaire de la ville sainte,
de Hebron vient commenter les passages de la Paracha..”Ainsi fut devolu le
champ d’Ephron situe a Mah’pela, en face de Mamre, le champ avec son caveau,
avec les arbres qui le couvraient dans toute son etendue a la ronde. Ce
champ fut a Abraham comme acquisition en presence des enfants de Heth et de
tous ceux qui etaient venus aux portes de la ville”. Alors Abraham
ensevelit Sarah son epouse dans le caveau de Mah’pela, en face de Mamre qui est
Hebron dans le pays de Canaan. Le champ avec le caveau qui se trouve fut ainsi
adjuge a Abraham comme possession tumulaire par les enfants de Heth”.
(Gen.23 ;17-20)
Ces quelques versets prennent tout d’un coup une nouvelle signification
pour ces juifs de l’exil qui n’ont jamais vu et ne verront sans doute jamais le
champs de Ephron et le paysage de Makhpela. Dans la bouche du Hida, ses versets
resonnaient d’un echo tout a fait particulier, celui du vecu celui du present.
Ces versets sacres cessent de se confiner dans le domaine de l’abstrait
pour se mettre le temps d’un chabbat a la portee des fideles, a travers cet
homme qui nous vient de Hebron. Le Hida apporte avec lui l’atmosphere du pays
d’Israel, les images que l’on decouvre avec les yeux de la nostalgie, l’amour
d’un pays lointain que l’on n’a jamais vu et qu’on se transmet pourtant de generation
en generation.
Dans son journal il ecrit: ”Ces gens la (les juifs d’Ancone) sont
sinceres, unanimes dans les marques de respect qu’ils prodiguent aux envoyes
d’Israel. Meme envers moi qui suis pourtant le plus jeune, ils firent preuve de
mille et un egards De jour comme de nuit, les personnalites importantes de la
communaute, ses dirigeants et ses sages venaient me rendre visite. Se succedant
ainsi, les uns apres les autres, et cela jusqu’a minuit sonnante”.
En Allemagne dans la localite de Wassertrudingen, une mauvaise surprise
l’attend, le rabbin de la ville lui fait savoir qu’il ne sera pas recu. En
accord avec les representants d’Eretz Israel a Istamboul, les communautes
d’Allemagne ne paieront leur contribution uniquement sous la promesse que les
fonds collectes soient destines uniquement aux pauvres des communautes
ashkenazes d’Eretz Israel. Pour le fils de Sarah Bialer d’Allemagne et du
Rabbin Azoulay de Castille, pour l’eleve des sages de Turquie, du Maroc, du
Yemen, du disciple lointain de Rabbi Chimchon de Chantz, le coup est dur!
La rencontre de deux emmissaires dans une meme ville n’est pas toujours une
bonne surprise, la encore le temoignage du H’ida vient reequilibrer notre
vision des choses, et disons le, notre tendance peut etre a l’idealisation.
Ecoutons plutot:” …parmi cette foule se trouvait Rabbi Bekhor Almoznino
queteur de Jerusalem, il commenca a crier que Hebron avait une dette envers lui
et qu’il pensait la prendre sur la somme revenant a Hebron. Il etait deja venu
chez moi a plusieurs reprises et je l’avais calme, mais il repetait contamment
sa doleance.
Un jour, il etait venu me racompter que mon pere lui
avait apparu en reve.
Il lui avait dit de me transmettre que je devais m’acquitter
de la dette envers lui, et que dans son reve je m’en etais effectivement
acquittee ect… je me suis dit qu’il n’existe pas de reve sans details futiles.
Tout est vrai dans ce reve, lui dis je exepte le fait que je m’etais acquitte
de cette dette. Ce detail me parait un mensonge. Ce jour la il arriva en
criant. Je m’adressai a la foule en disant: je vous conjure par la Thora, vous
responsables et dirigeants de la communaute, ne lui donnez pas les cent vingts
rials sur le compte de Hebron! S’il a une revendication envers Hebron il n’a
qu’a se plaindre a Constantinople ou a Hebron! Il fut ensuite eloigne sans
menagement…”
L’accueil des communautes n’est pas toujours le meme comme nous venons de
le voir. Quelques fois l’accueil est franchement hostile. La visite d’un
emmissaire est quelques fois jugee trop rapprochee de celle du precedent.
Quelques fois c’est la teneur meme de sa mission qui est remise en cause.
A Worms l’attaque est directe, alors qu’il est l’hote de Rabbi Yaacov
Yoshua Polak, auteur du “ Pnei Yoshua “, un fidele de la communaute le prend a
parti: “Pourquoi devons-nous soutenir les juifs d’Eretz Israel, de Hebron ou
d’ailleurs?
N’avons nous pas assez de pauvres dans notre ville?”, la
michna est pourtant assez explicite a cet egard: “Les pauvres de la ville sont
prioritaires.”
Au dela de la polemique d’ordre economique, cette remarque mettait a nu
tout une comprehension (erronee) de l’existence juive et son Histoire.
Comprehension qui presentait le peuple juif comme une juxtaposition de
communautes, ou entre- aide et le soutien reciproque etaient directement
proportionnees a la distance qui les separait des indigents. Plus grave encore,
pour eux, le passe etait lettre morte, et l’avenir une fade repetition du
present. La conscience de peuple etait atrofiee, les ashkenazes devaient
s’occuper des ashkenazes, les juifs de Worms, des pauvres de Worms, ainsi de
suite jusqu’a Hebron et Jerusalem.
Devant la longueur de l’exil comment s’etonner que de telles remarques en
arrive a etre formuler?
C’est donc dans cette optique qu’il faut considerer l’emergeance des
Chaddarim dans la scene de l’Histoire juive. Leur charisme provoquait dans bien
des cas un eveil de la conscience nationale.
En entendant les temoignages du Hida sur l’existence de juifs a Tunis ou au
Caire, ceux d’Allemagne et d’Angleterre pouvaient a leur tour constater un seul
et meme destin unissait les enfants d’Israel dans leur dispersion.
Le Hida ne se contentait pas de tisser un formidable reseau de Hessed (de
bienfaisance) a travers le monde, il etait aussi capable de lui donner une
orientation historique. Si conscience nationale il y a, une presence de juive a
Hebron revet elle la meme signification qu’une comunaute de fideles a Kara
Burun en Turquie, ou a Schnonungen en Allemagne?
La deuxieme mission du Hida en diaspora, se deroule sous le signe de
l’insecurite croissante en Eretz Israel, les Turcs, maitres du pays alors,
combattent simultanement sur deux fronts. Ils se battent contre les russes,
dont les vaisseaux de guerre semaient la terreur en Mediterranee et devaient
faire face a la revolte d’un chef bedoin, Daher El Omar, en Galilee.
Desolation et famine s’installent dans le pays.
Hebron
soufrait alors plus que jamais de la pression qu’exercaient alors les tribus du
desert sur la ville. Traditionelle opposition entre sedentaires, et nomades.
Les ottomans n’etaient desormais plus capable de contenir ces derniers hors de
portee des centres urbains. Ils investirent pourtant de serieux efforts dans
cette intention, constructions de forteresses le long des grands axes routiers,
prise d’otage dans les tribus rebelles, rien n’y fit. Hebron continuait d’etre
livree a leur merci. Cette situation se poursuivra pratiquement jusqu’au debut
du vingtieme siecle. Les voyageurs temeraires qui se risquaient dans la region,
savaient pertinement qu’ils devaient leur payer le khawa, un droit special leur
accordant quelque securite...
Desolation et famine s’etende dans le pays, la situation de Hebron est
particulierement catrastrophique, les habitants en furent reduits aux rations
de nourriture, du pain sec. C’est dans le cadre de cette grande detresse que
les chefs de la communaute designerent le Hida pour une seconde mission a
l’etranger. Cette fois les etapes les plus dangereuses seront justement les
premieres. Entre Jerusalem et Hebron, le Hida est agresse par le Cheik de Yata.
Ce dernier exige une forte rancon en echange de la vie sauve des voyageurs.
A El Arish, en direction de l’Egypte, la caravane ou il se trouve est
attaque par des pillards bedouins. La encore il faudra marchander pour
poursuivre son chemin. Il ne fallait surtout pas se plaindre, une caravane
precedente ne venait elle pas d’etre entierement exterminee par des bandits de
grands chemins?
Pour cette seconde expedition, le Hida dependant des itineraires des
navigateurs, devra passer par Tunis pour rejoindre l’Italie. Dans cette ville,
il observe, a son habitude les details du quotidien, il en fera meme les
frais:”Mercredi 19 Eloul,nous arrivames a Tunis …nous fumes maltraites par
de mechants indigenes. Abraham (son serviteur) essaya de leur parler,
mais il fut frappe tres serieusement. Par miracle surgit un juif qui nous
conduisit au centre d’acceuil reserve aux emmissaires…”
Il s’interresse tout particulierement aux methodes d’etudes du Talmud,
qu’il critique d’ailleurs “je vis moi meme des garcons de quatorze ans
capables de lire attentivement, d’une maniere approfondie mais ils limitaient
leurs etudes a la Michna au Maharcha…aux methodes des rabbins achkenaze, et
etudiaient peu les ecrits de Maimonides. Ils n’etaient pas competents dans les
decisionnaires et les auteurs des responsa”.
Certaines remarques de notre rabbin itinerant feront sourir le lecteur,
specialement lorsqu’il evoque les manieres de la table: ”je commencais a
deguster des plats a la mode nord-africaine en quantite, sans hygiene et sans
couvert, inimaginable meme en reve…chacun prenait a qui mieux mieux des
morceaux de viandes plein de graisse et d’epices… j’eus vraiment le degout de
manger. On fit le tour de la ville pour me trouver une cuillere…”
Apres plusieurs mois de sejours en Tunisie, il peut enfin rejoindre
l’Italie qu’il apprecie tout particulierement.
De la, notre emmissaire se rend en France, ou il est
introduit devant la famille royale. A Paris, il aura l’occasion de rencontrer
des savants chretiens, qui s’entretiennent avec lui de Cabbale et d’autres
oeuvres de litterature esoterique.
Une fois de plus, l’erudition et les bonnes manieres du Hida forcent
l’admiration de ses interlocuteurs, au point que l’un d’eux (le prepose a la
bibliotheque royale) lui confie qu’il ne croit qu’en l’existence du Dieu
d’Israel. Apres avoir scrupuleusement sonder les mobiles de son interlocuteur,
le Hida lui demande d’observer les preceptes noachides.
A Paris le H’ida rencontre des juifs riches proches de la cour royale et
quelques fois en perte d’identite “…Dimanche 28 Kislev …aujourd’hui sont
venus monsieur Elie Perpignan et sa femme. A celle ci j’ai donne d’avaler un
Schema Israel d’apres la formule de Rabbi Menahem Azaria, parce qu’on craignait
qu’elle se convertit, et je les ai invites a faire la paix pour de bon…”
(Voyageurs juifs du XVllle siecle, page 202)
Une autre fois c’est un jeune homme, Jacob Lopes Laguna, qui vient se
confier a lui lui avouant qu’il avait etudie les livres de Voltaire, et avait
pour habitude de boire du vin dans les auberges chretiennes.
Au terme de sa seconde mission, le Hida s’installe a Livourne, ou il se
remarie, et peut enfin s’accorder le temps de mettre de l’ordre dans
les milliers de notes qu’il consignait durant ses voyages. L’annee 1775
reste marquee par la terrible epreuve imposee aux juifs de Hebron. Le fils du
gouverneur de la ville fut retrouve noye dans une fosse d’egout a proximite du
ghetto. De la a accuser les juifs de sa mort, il n’y avait qu’un pas qui fut
aisement franchi. Les parents de la victime soutenus par une foule haineuse
porterent sur les habitants du ghetto la responsabilite du drame.
Le premier reflexe du gouverneur fut de prendre en otage dix membres de la communaute.
Le tribunal islamique une fois saisi de l’affaire, condamna les dix malheureux
a subir une mort semblable. Dans une missive adressee au H’ida, alors en
mission en Italie, les rabbins de Hebron rapportent que l’effroyable sentence
venait d’etre communiee en une lourde amende imposee aux juifs de Hebron. La
demande de soutien etait redigee par les principales autorites spirituelles de
la ville des Peres. Le Hida reprenait des forces en Italie, lorsqu’il eut
connaissance de cette tragedie.
L’appel de Hebron fut immediatement imprimee par ses soins a Livourne, pour
etre par la suite diffuse dans les principales communautes italiennes.
La demande en aide etait signee par dix notables: H’ya Zeev, Mordekhai Roubio,
Yehouda Gomez Pato, Raphael Baggio, Itsh’ak Hacohen, Avraham Roubio, Haim
Melamed, Chabatai Hacohen, Aaron Peretz, et Nissim Ovadia.
Une seconde missive destinee au comite de soutien la ville de Hebron (Vaad
Pkidei Hebron) fut envoyee a Istanboul.
Elle sera egalement imprimee a Venise cette fois, pour insister sur
l’urgence d’une solution. Les annees suivantes seront elles aussi marquees par
la menace d’expulsion qui planne sur la communaute. L’insecurite grandissante
entraine une crise economique sans precedent, la penurie de denrees alimentaire
est specialement critique entre les annees 1783 – 1788. La dette de la
communaute se chiffre maintenant a 40 000 florins, et entrainent
l’emprisonnement des rabbins de la ville. C’est de leur cellule qu’ils redigent
leur appel aux communautes de Diaspora. Ces dernieres une fois de plus
reporteront la menace a plus tard.
Livourne sera sa derniere etape, il y passera les dernieres anneesde sa vie
avant de s’eteindre en 1806 a l’age de 82 ans.
Il laisse le souvenir d’un homme aux dimension morales hors du commun.
Sa conduite fut celle d’un homme qui exigeait de lui-meme un comportement
irreprochable, tout en se rappelant constament qu’il n’etait qu’un homme.
Les miliers de kilometres qu’il parcourt, les centaines de communautes
qu’il visite, les differents horizons qu’il decouvre, font de lui une des
personnes les plus informees de son siecle.
La somme de ses oeuvres, plus de cent ouvrages, temoignent de la richesse
et de la diversite de ses connaissances. Philosophie, morale historiographie,
esoterie, ne sont qu’un echantillon du pratrimoine intellectuel qu’il vehicule.
La plus marquante de ses victoires sera incontestablement d’avoir reussi a
transformer le mythe d’Eretz Israel et de Hebron aux yeux de milliers juifs qui
croisent sur son chemin, en une realite historique qui les concerne a tous.
En cela le H’ida etait un digne representant de ce dix hutieme siecle dans
l’histoire de notre peuple.
Le regne de Mustapha II marque le passage entre le 17 et le 18eme siecle.
Durant ses huit annees de pouvoir, l’empire signe plusieurs traites de
capitulation devant les puissances europeennes.Le traite de Karlowitz, le 2
Janvier 1699, oblige le sultan a conceder pour la premiere fois de nombreux
territoires le long des frontieres.
Dans les provinces musulmanes de l’Empire, l’autorite du Sultan est bien
souvent remise en question, les tendances separatistes vont en
s ‘accentuant.
L’Afrique du Nord, l’Egypte, essaieront de creer un pouvoir
independant,alors que la peninsule arabe sera secouee par le mouvement
Wahabiste.
Ce mouvement de mecontentement n’epargnera pas Eretz Israel, ou les chefs
locaux exploitent des lacunes ottomanes pour renforcer leur autorite
personnelle au detriment de la Sublime Porte.
Une autre consequence du traite de Karlovitz, sera le durcissement des
autorites envers les minorites religieuses. Les incroyants ayant humilie
l’Empire, (en le forcant a des concessions territoriales), sont donc
responsables du durcissement ottoman envers les minorites non musulmanes. Les
chretiens etaient, il est vrai, les premiers vises, mais de ce genre de
demarche motivee par la rancoeur, les juifs tot ou tard allaient eux aussi en
subir les consequences.
Vexations, persecutions et surtout de menaces d’expulsion, ecartees
uniquement contre rancon, deviendront monnaie courante.
D’autre part une inflation galopante, une gestion defectueuse contribueront
au declin de l’empire. Le pouvoir central, incapable d’assurer la solde des
soldats se voit dans l’impossibilite d’assurer l’ordre et la securite dans les
provinces.
En 1707, les Janissaires, envoyes deux ans plus tot pour assurer la
securite de Jerusalem, desertent apres avoir attendu en vain les arrieres de
solde.
Et pourtant, durant ce dix huitieme siecle, Eretz Israel, beneficiera d’un
essor economique significative du a l’activite des societes commerciales
europeennes. Celles ci assuraient une liaison reguliere avec le Levant. Les
venitiens, les hollandais, et plus tard les anglais et francais, s’appliquent a
regulariser la situation de leurs delegues dans la region.
Les villes frequentees sont de preference les villes du nord du pays, comme
Saint Jean d’Acre, Safed et Tiberiade, proches de Sidon et Damas, sieges deja
prosperes de comptoires europeens dans la region.
De son cote le gouvernement de Constantinople essaiera sincerement
d’ameliorer les conditions de securite en Eretz Israel, Hebron il est vrai
n’est pas vraiment en tete de liste.
Ce sera le littoral, entre Jaffa et Sidon qui beneficiera de ses
renovations.
Il faut dire que la situation des villes portuaires ne cessait d’empirer,
la ville de Haifa etait entierement sous l’emprise des pirates chretiens, au
point de meriter le nom de « petite Malte ».Ces efforts du
gouvernement turc, viendront servir les interets de Daher el Omar un chef
bedoin en Galilee. Sous sa conduite, le pays connaitra une ere de prosperite
sans precedant. Daher encourage les negociants europeens a faire escale a Acco,
le commerce du coton, du riz, et du tabac va connaitre alors des heures de
gloire.En ce qui concerne le coton par exemple, la Galilee deviendra un des
principaux fournisseur de la France, qui devient alors un partenaire privilegie
en Eretz Israel. Hebron et Jerusalem n’attirent pas specialement les negociants
europeens. Pourtant l’activite agricole autour de Hebron pouvait atteindre de
beaux rendements. L’industrie du verre continue aussi de produire pour l’exportation,
comme il apparait a la lecture de documents de l’epoque. Le probleme majeur
etait en fait un probleme de securite. Un des principaux handicap a la
prosperite de cette region etait la stupide guerre des clans auquelle se
livrait la population arabe, tribus Kayis contre tribus Yamen. Ces appelations
n’etaient en fait que la lointaine reminiscence de l’antique rivalite Nord-Sud
a l’epoque pre-islamique dans la peninsule arabique. Dans ces affrontements les
juifs se verront une fois de plus pris entre deux feux, dans l’impossibilite de
se tenir a l’ecart d’une guerre qui ne les concernait pourtant en rien. Ainsi a
leur retour de mission a l’etranger en 1705, rabbi Yossef Guedalia et son frere
rabbi Yaacov sont assassines par des bandes armees entre Gaza et Hebron.
En 1724 les dirigeants communautaires diffusaient la missive suivante a
leurs freres de Diaspora: “ A cause de la guerre qui frappe notre ville
voila plus de trois ans, les Ismaelites de Hebron sont de nouveau divises en
deux clans opposes. Nous nous trouvons quant a nous exposes a toutes sortes
d’atteintes mortelles et cela jour apres jour. Ainsi les projectiles de plomb
passent au dessus de nous et bien souvent viennent terminer leur course dans le
quartier juif. Rares sont les notres qui ont ete totalement epargnes, car les
deux clans en question menacent sans arret de venir piller nos habitations,
bruler nos rouleaux de la loi et livrer notre quartier a la soldatesque, si
bien que nous sommes maintenant obliges de verser une rancon de trois mille
piastres aux chefs des troupes …”.
Il est certain que les temoignages ecrits des lettres de creances des
emmissaires ne constituent pas toujours le temoignage le plus objectif. Les
rabbins qui les redigent, s’efforcent quelque fois de decrire leur conditions
de vie, avec des couleurs plutot alarmantes, pour atiser la generosite de leurs
freres a l’etranger.
Nous savons par exemple que malgre le pietre niveau de securite, Hebron
etait le seul centre urbain et le principal, marche de la region, et les
bedouins s’abstenaient de l’attaquer. Les caravanees d’Egypte preferaient,
suivre la route interieure vers Beer Sheba plutot que la route cotiere.
L’industrie du verre, concernait egalement les bedouins de la region. Ces
derniers etaient en effet les principaux fournisseurs de soude caustique,
produite a partir d’une plante qui poussait pres du rivage de la mer morte.
Au dela des problemes de securite, le dix huitieme siecle est un siecle de
remise en question du messianisme en Israel.
Il est certain qu’aux yeux des juifs en exil le concept meme d’Eretz Israel
etait automatiquement lie avec l’espoir messianique.Ces deux notions
inseparables dans leur essence constituaient on peut s’en douter l’essentiel du
message des Chadarim.
Ce message devait maintenant etre manie avec d’infinies precautions au
lendemain de l’aventure messianique « Chabtai Tsvi ».Ajoutons a cela
que la communaute de Hebron ne s’etait pas contenter de vivre l’evenement comme
le reste du monde juif, mais avait pris une part active dans la diffusion des
paroles du faux messie et de son prophete Nathan de Gaza. A Hebron les
autorites spirituelles contemporaines de ces remous messianiques furent tous de
fervents adeptes de Chabtai Tsvi. Rabbi Meir Rofeh, rabbi Avraham Koneki, et
rabbi Neh’emia H’ayoun pour ne nommer que les plus celebres.
Il est difficile d’evaluer avec precision quelles furent les consequences
de la deception qui allait suivre, concernant les relations Israel –Diaspora.
Il est certain que le travail des chadarim n’en devint que plus difficile,
n’oublions pas que Chabtai Tsvi lui meme commenca sa carriere publique comme
Chadar de la communaute de Jerusalem, en Egypte. L’evocation de la redemption
allait maintenant inevitablement rouvrir les cicatrices de la douloureuse aventure
chabtaiste. Par ailleurs, l’attente messianique n’etait pas la propriete
exclusive des habitants du pays d’Israel, mais bien une authentique composante
du caractere national juif. Le peuple juif tout entier ne demandait qu’a y
croire. Les juifs d’Eretz Israel, jouent ici le role de la sentinelle en poste,
dans la perspective de l’avenement du Messie du messie. La sentinelle trop
zelee aura donne l’alarme beaucoup trop tot. Miseres, persecutions et
humiliations auront ete en fait les principales raisons de cette fausse alerte
historique.
Cependant l’institution des Chadarim etait bien trop profondement ancree
dans les consciences juives pour etre reelement menacee.
Durant la premiere moitie du dix huitieme siecle dix neuf Chadarim
partirent en mission pour le compte de Hebron.
Le premier emmissaire envoye pour solliciter le soutien financier du
lointain Maghreb, sera rabbi Levy Abitbol, lui meme originaire lui meme de
Demnate, petite ville situee dans les montagnes de l’Atlas Marocain. Les juifs
de cette ville tiraient leur subsistance du travail de la terre.Le vin de leur
production etait celebre dans tout le Maroc.
Notons au passage que le fait de garder un lien vivant avec Eretz Israel
n’etait pas la prerogative des grandes communautes. Chaque communaute au
contraire gardait jalousement, le privilege d’acceuillir, d’heberger et de
soutenir les Chadarim dans leur mission. Levy Abitbol recevra un accueil
particulierement chaleureux a Meknes de la part du rabbin de la ville Yaacov
ibn Tsour. Ce dernier lui fournira des lettres de recomandations pour d’autres
communautes.
Trois ans apres, c’est autour de rabbi Chmouel Halevy de prendre, la route
des Chadarim pour la communaute de Hebron. Les principales etapes de son
itineraire seront: Tripoli (en Lybie) Djerba, Tunis, Tlemcen, Tserfou, Fez,
Tetouan, Saleh, Demnate, Meknes et encore beaucoup d’autres petites communautes
a la lisiere du desert. En 1711 un autre sage de la ville, Chimeon Abayov est
designe pour une mission en Europe cette fois. Les Chadarim profitaient de leur
sejour a l’etranger pour imprimer les livres de leur composition. Cette annee
la, Rabbi Chimeon Abayov visite les communautes d’Allemagne profitant de son
passage dans la terre de predilection de l’imprimerie pour editer son livre
« Bat Melekh" »
A Francfort sur Maine il assiste au terrible incendie qui ravage pres de la
moitie du quartier juif. Ses manuscrits bien que deposees dans une batisse
ravagee par le sinistre furent miraculeusement epargnes cependant jour la.
La sortie des emmissaires avait comme premier but d’eponger la dette de la
communaute qui depassait les douze mille reals en 1712 pour atteindre la somme
faramineuse de dix neuf mille pesas en 1727.
L’enormite de la dette impliquait dorenavant l’intervention d’une puissante
institution juive: Le Vaad Pekidei Kouchta, il s’agissait la d’un conseil
special constitue de principaux notables juifs de Constantinople. Ce lobby juif
representait une force economique et politique importante capable d’influencer
les decisions ottomanes en matiere d’affaires etrangeres. Hautement sollicite,
ce forum viendra sans distinction en aide aux juifs sepharades ainsi qu’a leurs
freres d’origine europeenne.
Ces notables etaient a la fois introduits dans la vie juive en Eretz
Israel, et maintenaient de bonnes relations avec le pouvoir central en Turquie.
Leurs roles n’etait pas seulement de regulariser la mobilisation et le
transfert des fonds, mais aussi de certifier l’integrite des differents
chaddarim tout en definissant le cadre de leur mission. Par le passe une meme
communaute de Diaspora pouvait etre sollicitee par deux Chadarim differents a
la meme periode, ce genre de situation desagreable pour tout le monde ne
risquait plus de se produire depuis que les notables juifs de Constantinople
avaient pris sous leur responsabilite la gestion des affaires d’Eretz Israel.
La ville de Constantinople avait ete choisie aussi du fait qu’elle se
trouvait a mi chemin entre les grandes communautes juives d ‘Europe et les
villes saintes d’Eretz Israel. En ce qui concerne les problemes des juifs de
Jerusalem, le Vaad Pekidei Kouchta pouvait etre fier des resultats qu’il avait
obtenu en impliquant personellement la personne du Sultan: Les creanciers
renoncaient desormais aux interets et la dette qui s’etait accumulee
jusqu’alors, et serait remboursee sur une echeance de dix ans.
A vrai dire ce resultat venait un peu tard pour la communaute ashkenaze de
Jerusalem qui, faute de n’avoir pu s’acquitter des impots exiges par le
gouverneur de la ville furent tout simplement expulses. La synagogue de ces
malheureux fut attaquee par une foule dechainee et les rouleaux de la
loi,detruits.
La dramatique issue de la communaute ashkenaze, a sans
aucun doute accelere le cours des evenements: l’intervention des juifs de
Turquie dans la direction des affaires du Ychouv.Entre temps, la situation
economique, a Hebron continue de s’agraver. Le Vaad Pkidei Kouchta decide
d’augmenter la part de Hebron.
Il y avait quatre villes qui beneficiaient du soutien financier de la Diaspora,
les quatre villes saintes. Cet argent une fois parvenu en Israel etait divise
en vingt quatre parts (le chiffre vingt quatre etant un multiple de quatre).
Par le passe la ville des Peres recevait quatre parts soit un sixieme de
l’ensemble des fonds collectes. A partir de 1700 le nombre de parts destines a
Hebron passera a cinq.
En 1728, une des plus importante personnalite rabbinique de la communaute
est envoye comme chaddar en Crimee: Rabbi Eliahou Ibn Arh’a, il recoit du
Rabbin de Crassow une lettre de recommandation pour les caraites de Crimee.
Ces derniers reserveront un accueil chaleureux au delegue de Hebron, et
ouvriront genereusement leur bourses tout en sachant que leur dons ne
profiteront pas a des caraites comme eux.
Ils justifieront leur initiative en disant Am Israel Arevim Ze La Ze (le
peuple d’Israel est solidaire les uns vis a vis des autres).
A Berlin, en 1729, se cree une caisse de soutien pour Hebron.
Les juifs de Berlin etaient a cette meme epoque soumis a un odieux numerus
clausus sous le regne de Frederik William I.Le nombre de famille autorisee a
resider en ville etait de 120. Seule une permission speciale donnait aux
famille juives la permission de mettre au monde un troisieme enfant.
L’initiative de Berlin est d’autant plus interressante que la ville de Berlin
ne figure pratiquement pas dans l’itineraire des chaddarim.
En 1733, la situation economique du pays continue d’empirer pour les juifs
de Hebron. Les menaces des creanciers deviennent de plus en plus concretes.
L’exemple de Jerusalem, secourus par les notables de Constantinople inspire
les rabbins de Hebron a demander un reglement similaire pour leur communaute.
Pour cela, ils choisissent d’envoyer un delegue extraordinaire en la
personne de Rabbi Yosef H’ayon.
Venere comme un saint homme, il beneficie (malgre lui) d ‘une
reputation de faiseur de miracles, ferru de Talmud et de Cabbale, Rabbi Yosef
H’ayon etait l’homme de la situation.
Acceptant la mission qu’on lui confiait, mais refuse toute compensation
materielle ou salaire, il prit la route pour Constantinople.
Son plan est simple, il s’agit tout simplement de calquer la solution
appliquee a Jerusalem. Dans un premier temps, il avait fallu arriver a un
compromis sur la totalite de la somme, et par la suite, se mettre d’accord sur
les modalites de paiement. L’impact de Rabbi Yosef sera immediat, quelques
temps apres son arrivee se cree a Constantinople le « Vaad Pekidei
Hebron » (le conseil de soutien a Hebron), qui prendra en main le sort de
la communaute de la ville des peres. A peine epargne de cette terrible menace
que voila de nouveau l’adversite se dechaine sur les juifs de
Hebron. L’attaque est cette fois soigneusement preparer par les dirigeants
chretiens de Jerusalem.Il semble qu’il n’y ait plus de chretiens a Hebron
depuis les epidemies du siezieme siecle ou la communaute chretienne s’etait
tranportee a Ramlah.
La presence chretienne en Judee se
limitait maintenant a Bet Lehem, Bet Jala et bien sur Jerusalem, ou les
differentes representations diplomatiques et religieuses europeenes leur
accordaient une certaine protection juridique.
D’une maniere generale, les relations entre juifs et chretiens ne furent
jamais tres bonnes. L’eglise catholique etait responsable de trop de
persecutions pour qu’il en soit autrement. Les juifs se rangent en ces temps la
comme les ennemis naturels du Vatican et de ses allies.
Jerusalem, fut plus d’une fois le theatre d’affrontement entre juifs et
fransciscains. Sur le plan theologique, la rivalite entre les deux religions
n’avait rien perdu de sa passion avec le temps.Sur un plan politique, les deux
groupes entretenaient un puissant lobby a Constantinople. Les juifs de la
capitale, pour la plupart d’origine espagnole ou portugaise, ne devaient pas se
faire prier pour venir contre carrer les projets des dominicains ou des
fransciscains en Eretz Israel.Certains d’entre eux detenaient une fortune
colossale et jouerent un role politique de premier plan dans la capitale
ottomane, tel l’ancien marrane Jao Miquez revenu au judaisme sous le nom de
Yossef Nassi.
Lorsqu’en 1561, le Sultan offrit a Don Yosef Nassi, la ville de Tiberiade
et les terres avoisinantes. Ce dernier s’employe a restaurer la ville pour la
transformer en un havre de refuge destine aux juifs opprimes.
Pour Boniface Raguse, delegue apostolique en Eretz Israel, Il s’agit la
d’une « arrivee de viperes, pire que celles qui hantent les ruines de la
ville ».
En ce qui conserne la ville Hebron, la presence chretienne fut toujours des
plus limitee en periodes musulmanes. De ce cote la, ils firent preuvent d’une
capacite de resistance et d’acclimatation bien inferieure a celle des juifs.
Il faut ajouter aussi que les chretiens etant incirconcis, leur presence a
Hebron (la ville d’Abraham), etait beaucoup plus penible aux arabes que celle
des juifs.
Il semble cependant qu’en 1735, les chretiens essayerent un double coup de
force a Hebron. Leur plan consistait a provoquer l’explulsion des juifs de la
ville, et d’obtenir l’autorisation de s’y installer a leur place.
L’argent, le pot de vin, la corruption de fonctionnaires, constituaient
comme de coutume, les moyens de lutte les plus efficaces en ce regime ottoman
pourri par le systeme de Bakchich.
Il ne restait plus aux juifs de Hebron que de surencherrir sur les sommes
promises par leurs ennemis pour preserver leur presence dans la ville sainte.
Cette onereuse operation venait de mettre la communaute au bord de la faillite
et deja la nouvelle dette atteignait la somme effrayante de 15 000 reale.
En 1749 la ville de Hebron recoit un invite de marque. Rabbi Guershom
Kitov, le beau frere du celebre Baal Chem Tov qui realisera le voeux de venir
fouler de ses pieds le sol d’Israel.Dans une lettre qu’il redige a son illustre
parent il dira: « Lorsqu’il y a une occasion de se rejouir, une brith
mila ou tout autre rejouissance, les notables de la ville sont cordialement
invites a la fete. Il en est de meme pour toutes les autres celebrations, …
lorsque je suis venu ici, le ministre de la ville venu en personne m’
accueillir, pour le remercier, je lui offrais un narguilla que j’avais achete a
Istanboul. Ils temoignent beaucoup d’affection a mon egard et pretendent que ma
venue leur a porter bonheur ».
Rabbi Guershom restera six ans a Hebron.
La communaute est alors principalement composee de sepharadim.
Les quelques juifs ashkenazim de la ville semblent entretenir de bonnes
relations avec la majorite des sepharadim. L’athmosphere d’optimisme qui se
degage des paroles de Rabbi Guershom Kitov, cadre mal avec les documents des
chaddarim. Ces derniers, effectivement justifient leur sortie en mission par la
gravite de la situation dans laquelle se trouve les juifs de la ville.
A en juger par le temoignage des visiteurs europeens de passage a Hebron,
il semble que ce dix huitieme siecle fut effectivement un siecle mouvemente
pour les habitants de Hebron, et Rabbi Guershom quant a lui, a du certainement
beneficie d’une courte accalmie dans la lutte inter tribale a laquelle se livre
les populations musulmanes.
Ainsi, le botaniste suedois Frederic Hesselquist ecrit en 1751: « Il
y a de cela cinq ou six ans, se deroulait une guerre terrible entre les arabes
de Hebron et ceux de Bet Lehem, la majeure partie des habitants de ces deux
villages a deja trouve la mort au cours des hostilites, les oliviers ont ete
coupes, et ce qu’il en reste temoigne de la tristesse de la situation ».
(Voyages and travels in the
levant. London 1766 ;pp132).
Le voyageur italien Giovanni F.Marite ecrit en 1767 qu’il ne put se rendre
a Hebron comme il le desirait: ” a cause de la guerre qui faisait rage entre
les arabes de la region.”
(Viaggi per Isola de Cipro par la Soria a Palestina IV Firenza 1770 ;
pp95).
Si pour les juifs ce siecle restera plus que jamais celui de la solidarite,
du courage et de la fidelite, un premier bilan de ce dix huitieme siecle nous
permet constater que les populations arabes sous la direction de dirigeants
irresponsables,plongent le pays dans un Tohu Bohu. Les dramatiques consequences
de cette situation se feront ressentir sur le pays de Judee tout entier. Cette
politique desastreuse ou il est question de victimes de part et d’autre,
d’oliviers coupes entre Bet Lehem et Hebron ou les visiteurs etrangers ont peur
de s’aventurer « a cause de la guerre qui faisait rage entre les arabes
de la region »
Non content de resister avec vaillance au milieu de la tourmente les juifs
de Hebron iront porter le prestige de leur ville en ce dix huitieme siecle
jusquaux Ameriques.
Nous sommes le 28 Mai 1773, le premier jour de la fete de Chavouot a
Newport, aux Etats Unis d’Amerique, la synagogue est archi comble.Le gouverneur
et les magistrats de la ville sont venus saluer l’invite de la communaute
juive, le Rabbi Raphael Hayim Carigal emissaire de la ville de Hebron du pays
d’Israel.
Quarante sept minutes durant, le delegue de la ville des patriarches evoque
le passe biblique, les racines et l’identite d’Israel, le destin historique des
descendants de Jacob, la place de l’exil, son but et ses limites pour
deboucher, une fois de plus les esperances messianiques.
Le rabbin parle en espagnol devant les premiers juifs americains
descendants des expulses de la peninsule iberique. Dans la salle, parmis les
invites, un homme d’eglise Ezra Stiles.Stiles est avant tout un chercheur, un
passionne d’histoire et de theologie, il deviendra par la suite le president de
la prestigieuse universite de Yale. Stiles n’est pas a sa premiere rencontre
avec Carigal.
Les deux hommes se sont rencontres quelques mois plus tot dans cette meme
synagogue, durant la fete de Pourim. Stiles demande a Itshak Touro (le pere du
philantrope Juda Touro qui confiera a Montefiore une partie de sa fortune pour
les juifs de Jerusalem) de lui presenter le delegue de Hebron..
Les deux hommes se lient rapidement d’amitie, une amitie qui resistera aux
temps et a la distance. Dans ses notes personnelles, (qui constituent
aujourd’hui les principales informations qu’il nous reste sur Rabbi Raphael
Haim Carigal), Stiles nous decrit un homme raffine aux manieres soignees, un
erudit qui repond patiement aux mille et une question de son interlocuteur
chretien.Stiles est aussi impressionne par l’humilite du rabbin de Hebron.
Sur sa demande, les drachot (exposes) de Carigal sont traduites en anglais
et diffusees parmis la population chretienne de la ville. Les juifs, se voient
honores une telle initiative. Le
fascicule de cette traduction a ete conserve, sur la couverture nous pouvons
lire: ”A Searmon preached at the synagogue in Newport Rhode Island,called:
THE SALVATION OF ISRAEL: On the day of Pentecost or feast of the weeks.The 6 th
of month Nissan 5533 or May 28 1773.Being the Anniversary of giving the law at
Mont Sinai by the venerable Hocham, the learned Rabbi Haim, Itsh’ak Karigal of
the city of Hebron near Jerusalem in the Holy Land.”
L’Histoire de Haim Carigal commence a Hebron ou il voit le jour en
1729.Selon l’historien Avraham Yaari, sa naissance remonte a 1732. Dix huit ans
plus tard, il recoit son titre de Rabbin, ses maitres seront Rabbi David
Melamed, Meir Guedalia, Yehouda Gomez Pato, le Rav Haim Baggio, Itshak Tsadeka,
et le Rav Mordehai Zeev. En 1754, il n’a que vingt cinq ans, lorsqu’il sort
pour une premiere mission en Egypte, de ce pays il poursuivra sa mission en
Syrie, en Turquie, pour arriver finalement et Bagdad et Ispahan.
En 1757, il est de nouveau designe, pour sortir en Europe cette fois, le
circuit est classique, Livourne, Firrenze, Rome, Bologne, Milan, Padoue et
Venise.
Il poursuit son chemin vers le nord de l’Italie pour traverser la frontiere
et passer en Autriche Hongrie, Vienne, Prague, Nuremberg, Augsburg et
Frankfort, seront les principales etapes.
Le voyage se poursuit pour l’emmener devant les communautes d’Amsterdam et
de Londres. Au terme de sa seconde mission, il entreprend de se rendre a l’ile
de Curacao en 1762, ou de riches commercants sepharadim, constituent une petite
communaute. A l’epoque, le controle de l’ile etait confie
a l’administration hollandaise. De retour a Hebron en 1764 il se ressource
quatre ans durant, avant de repondre une fois de plus a l’appel de la route.
En 1768, il visite les communautes de Marseille, Paris. Le voila maintenant
partant pour l’Angleterre, ou il restera deux ans et demi en tant qu’enseignant
au Beit Midrach de Londres, pour un salaire honorable de cent livres
Sterling.En 1771 il quitte la capitale anglaise pour…la Jamaique ou il reside
pres de deux ans avant d’arriver a Philadelphie, New York et Newport sont les
prochaines etapes.
A Newport ou il sejourne cinq mois durant, a titre d’invite du riche
armateur Aaron Lopez. Ce dernier commandera les services d’un artiste pour
realiser en 1772, le portrait de Carigal. A la mort de notre rabbin, Stiles
l’ami fidele, demande alors Lopez de lui faire don du portrait pour l’exposer
dans la gallerie du college de Yale, Lopez refuse, on ira vers un compromis,
une reproduction du portrait sera realise pour l’universite de Yale.
En juillet 1773, Carigal prend conge de ses amis de Newport, Aatron Lopez,
Isaac Touro, et surtout Ezra Stiles, avec lequel il entretiendra une
correspondance suivie … en hebreu !
Sa nouvelle destination, Surinam, aux Indes occidentales, ou il arrive
apres 49 jours de navigation perilleuse, il n’y restera que 6 mois pour
s’installer finalement a Barbados comme rabbin de la communaute “Nidh’ei
Israel”.
La communaute l’empresse d’inviter sa famille a le rejoindre. Au moment ou
tout semble annoncer un debut de repos pour ce voyageur intrepide, la mort le
surprend en ete 1777.
Dans son testament, Rabbi Haim Carigal partage ses biens entre les membres
de sa famille, et …Hebron bien entendu.
Le 19eme siecle annonce un rapprochement certain entre l’Orient et
l’Occident.
Le pays du levant, qui semblait indefiniment plonge dans une torpeur
orientale, devient maintenant le theatre d’une importante activite diplomatique
internationale. La question d’Orient, fait desormais l’actualite depuis la
campagne de Bonaparte en Egypte.Les chanceliers europeens, s’interessent de
nouveau a Eretz Israel.
Cet interet politique est double d’un interet culturel et religieux
authentique.
Pelerins et voyageurs sont de plus en plus nombreux a entreprendre le
voyage en terre sainte. L’épopée coloniale qui s’annonce
permettra une prise de contact entre le judaisme occidental et les juifs sous
juridiction islamique.Cette redecouverte de ces frères oubliés
amenera a la creation d’organismes internationaux tel l’Alliance Israelite
Universelle.Si les motifs de l’Alliance sont avant tout d’ordre humanitaires,
leur retombees auront evidement des consequences d’ordre politique pour
l’avenir.
Les juifs d’Eretz Israel ne sont plus seulement une realite historique, ils
sont desormais l’objet de preocupations politiques. Dans cet effort
d’assistance et de soutien, une place particuliere est reservee a Moise
Montefiore, qui mieux que tout autre, symbolise le sentiment de responsabilite
qui anime une certaine partie du judaisme occidental envers les communautes
d’Eretz Israel.
Montefiore visite le pays a sept reprises il manifeste un interet veritable
pour les problemes du Ychouv. A l’occasion de son sejour a Hebron le 17 Juillet
1839, il obtient du gouverneur de la ville la permission exeptionelle de
visiter la Caverne de Makh’pela.La nouvelle se repand rapidement dans la ville
des centaines de musulmans dechaines courent maintenant devant le cortege du
philantrope pour lui barrer la route. Judith Montefiori note dans ses carnets
de voyage que sont mari etait decider a ignorer la menace et continait sa route
vers le lieux saint.Entre temps plusieurs juifs de la ville furent sauvagement
agresses c’est alors que le noble vieillard et sa compagne deciderent de
renoncer a leur projet.
Montefiori savait etre genereux avec les uns, ferme et menacant a
l’occasion.Il entreprend plusieurs recencements, encourage ses corelegionaires
a entrer dans la vie active, a ne plus etre dependants de l’argent de la
H’alouka.Il s’efforce de travailler en bonne entente avec les consuls europeens
du pays.
Un role exceptionnel est d’ailleurs tenu par ces consuls. Leur intervention
consiste avant tout a la protections des minorites juives et chretiennes. Role
qu’ils accomplirent generalement avec une motivation souvent digne d’eloge.
Autre phenomene qui doit attirer notre attention, l’activite des
missionaires. Certaines eglises anglophones interpretaient ce regain d’interet
mondial envers la terre sainte comme un signe premonitoire des temps
messianiques.
Selon eux, cette effervescence messianique, etait directement liee au
retour des juifs dans leur pays historique, et au… retablissement de leur
souverainete nationale.
Ce changement d’attitude, tout a fait remarquable, est particulierement
visible chez les diplomates et hommes d’eglise anglais, durant ce dix neuvieme
siecle.
Le consul britannique a Jerusalem, et sa femme, James et Elisabeth Ann Finn
en seront le plus bel exemple.
Beaucoup d’historiens attribuent entre autre la declaration Balfour a ce
climat exceptionnel que nous venons d’evoquer, et qui commence a prendre forme
des les premieres decades du dix neuvieme siecle.
En 1846 c’est au tour de Frankel, le fondateur de l’ecole Lemel a Jerusalem
de visiter la ville sous la conduite de son guide un habitant du ghetto. Un
musulman coiffe d’un turban vert(distinction reservee aux descendants du
prophete) leur barre la route, la main tendue a une eventuelle obole.Frankel
s’empresse de tendre quelques pieces au parent pauvre du messager de l’islam.
Ce dernier s’empressa d’empocher la monnaie tout en continuant a leur interdire
le passage. “C"est alors que mon guide jugea bon d’intervenir”
ecrit Frankel, ”voyant que les paroles etaient sans effet sur notre
trouble fete,il fit pleuvoir sur lui une pluie de coups coups de poing et
coups de pied.J"etais epoustoufle d"une telle audace, epoustoufle
mais aussi effare…Cela voudrait-il dire que les temps ont change? Lorsque je
posai la question a mon guide il me repondit: " Lorsqu"ils voyent
qu"ils ont a faire a plus fort qu"eux ils redeviennent tout d"un
coup craintifs comme des agneaux.. »
La lecture des temoignages des voyageurs europeens, ne peut que confirmer
cette atmosphere de sympatie, melee d’admiration envers les juifs du vieux
ychouv. Les meme motifs reviennent regulierement dans les differents
temoignages. S’il s’agit de faire l’eloge de la proprete des lieux, de
l’hospitalite dont ils font preuve envers les visiteurs, de leurs connaissance
des langues europeennes et leurs bonnes maniere, sans oublier bien sur la
finesse des visages des femmes et des enfants qu’aucun voile ne cache.
En 1840, Stephen Olin, docteur en theologie, pasteur de l’eglise methodiste
est de passage a Hebron: « …les juifs ont dans cette ville deux petites
synagogues, et plusieurs ecoles.Ils viennent de differents pays: d’Italie
d’Espagne de Hollande mais aussi d’Allemagne de Russie et de Grece.Hebron est
une ville sainte, un lieu de pelerinage pour les juifs …Nous fumes recus avec
beaucoup de cordialite par le rabbin de la ville, un beau vieillard, imposant
de dignite, sa famille a apporte avec elle les habitudes et le mode de vie
d’Amsterdam la plus propre des villes, …On nous recus avec beaucoup de chaleur,
la maison etait d’une proprete impressionnante et meublee avec gout, ce qui ne
les a pas empeche de s’excuser, en disant qu’ils nous recevaient dans des
conditions indignes de nous … »
En 1843, c’est au tour de John Wilson, de beneficier de l’hospitalite des
juifs de Hebron.
Wilson, pasteur ecossais, nous a laisse un des principaux ouvrages de cette
litterature des voyageurs du 19eme siecle.
Son livre «The land of the bible visited and described in an extensive
journey», a force de reference pour tout ce qui concerne les informations sur
les communautes juives et samaritaines.De son passage a Hebron, il ecrit: «Nous
fumes conduits dans une salle, a meme le sol, des tapis deroules, et dans un
coin de la piece, s’entassaient les matelas … a peine nous etions arrives,
qu’ils allumerent pour nous des petites lampes a huile. L’huile provenait de la
vallee de Mamre, tout pres d’ici. Des jeunes gens se chargerent d’amener nos
bagages, alors que de gracieuses jeunes filles apportaient de l‘eau claire pour
nous rafraichir, elles nous proposerent, comme le veut la coutume en Orient, de
nous dechausser et rincer nos pieds …On nous apporta ensuite un repas
copieux.Nos hotes veillaient a ce que nous ne manquions de rien. Apres les
epreuves du desert, et la marche de nuit epuisante, nous etions en mesure
d’apprecier a sa juste valeur l’hospitalite qui nous etait ainsi offerte».
Detail interressant, Wilson est temoins de la venue du Cheikh Ad Ekl
Rah’man, dans le ghetto, en observateur perspicace, le pasteur ecossais a vite
fait de comprendre le climat d’insecurité qui règne dans le
ghetto.
« Le chef des musulmans de Hébron, le Cheikh
Abdel Rah’man, vient à son tour de nous saluer. Les juifs étaient
visiblement inquiets de le voir ainsi dans leur quartier …Dans le but de
l’encourager à veiller comme il se doit sur la communauté juive,
nous lui avons longuement expliquer que le peuple anglais accorde beaucoup
d’importance au bien-être des juifs, et que la reine Victoria
elle-même, soutient de toutes ses forces l’action de Sir Moses
Montefiori.
Je lui rappelait qu’a l’occasion dans son voyage à
Damas, lors de l’accusation de meurtre rituel,, la reine a octroyé a
Montefiori la plus haute distinction honorifique du royaume ».
Quatre ans plus tard, en 1847 Harriet Martineau, une jeune anglaise,
découvre la ville des patriarches, Harriet est une femme
passionnée de voyages, issue d’une famille hugenots,
émmigrée en Angleterre, elle devient rapidement un auteur
à succès, les livres qu’elle rédige sont essentiellement
des livres d’enfants. Si Harriet souffre d’un handicap important, la
surdité, elle saura néanmoins toujours ouvrir ses yeux et son
coeur envers ceux qu’elle aime.
Dans son ouvrage en trois volumes « Easte life » elle
écrit: « Nous avons ressenti un vif plaisir à voir de
nouveaux des visages découverts, sans ce voile opaque (qui cache la face
des femmes musulmanes)… Ici, tout comme à Jérusalem, nous avons
vu des personnes à la peau et aux cheveux clairs, et aux yeux limpides.
De ma vie, je n’ai vu de tels yeux, des grands yeux nobles et délicats,
des yeux qui vous font monter des larmes de par l"emotion qu"ils
eveillent en vous.Les traits de leur visage étaient pour la plupart
d’entre eux agréable… Chacunes d’elles se distinguaient par sa
beauté. Pourtant plusieurs personnes souffraient de maladie de la peau,
spécialement à Jérusalem. Nous allâmes ensuite dans
les ruelles du quartier juif vers la synagogue. Du fait que le rabbin ne s’y
trouvait pas, il nous fut impossible de voir des précieux manuscrits
qu’elle renfermait, mais nous avons cependant apperçu les beaux enfants
étudiant à la synagogue…
Nous nous dirigeâmes par la suite vers la maison du
rabbin, sa femme souriante nous accueillit en nous proposant du café,
mais nous ne voulions pas l’incommoder, quelques instants plus tard, son mari
arrivait, il nous invita à souper avec eux, et cela, malgré notre
nombre. Nous avions en face de nous un homme consideré, d’un âge
avancé, le visage encadré d’une barbe grise. Son apparence aurait
inspiré plus d’un artiste ».
La ville de Hébron restera quelque peu à l’écart de
cette activité qui touche éssentiellement, Jérusalem.
Toute fois les échos de ces changements parviennent jusqu’à la
ville des pères, et avec eux leur message d’espoir.
Le consul Finn, n’hésitera pas à se déplacer et
à intervenir énergiquement pour la protection des juifs de la
ville.Il en sera de même pour le consul autrichien de Jérusalem.
La situation économique de la ville semble s’améliorer de
nouvelles industries voient le jour, la savonnerie qui sans concurencer les
fabriques de Naplouse, contribueront neanmoins a la prosperite de la ville. En
ces temps la le savon d’Eretz Israel etait particulierement demande au Moyen
Orient, vu que sa composition excluait l’utilisation de graisse animale, (la
crainte des musulmans etait d’utiliser un produit fabrique a base de graisse de
porc). Selon le professeur Karmon la peausserie et la filature de coton
connurent aussi une belle expension. Hebron ne l’oublions pas etait le seul
centre urbain et le principal marche de la region.
En 1807, une famille de notable arabe, du clan Kashkoul, accepte de vendre
à la communauté un terrain de cinq dounam, (le terrain en
question correspond au marché de Hébron qui se trouve aujourd’hui
dans la prolongation du quartier Abraham Avinou). Du côté juif, le
document est signé par H’aïm Hamitsri (Haïm, le juif
égyptien), il s’agit en fait du Rav Haïm Baggio, effectivement
originaire du pays des pyramides. Un nouveau document est signé en 1816,
il s’agit d’un bail à long terme dans lequel des responsables du Wakf
remettent à la communauté juive, un vaste terrain de 800 dounam,
qui doit servir entre autre de cimetière. Parmi les signataires du
côté musulman, les chefs de famille Tamimi.
Le pouvoir central en Turquie continue de se détériorer
lentement mais surement.Les puissances occidentales, il est vrai, entretiennent
soigneusement cette agonie politique. Leur logique est simple, l’empire
ressemble à un viel homme malade, à sa mort, les héritiers
peuvent être entrainés à une terrible guerre de succession,
qu ‘il faut repousser au plus tard possible.
C’est d’ailleurs pour cela qu’ils mettront un terme à la
conquète égyptienne d’Eretz Israël et de Syrie.Moh’amed Ali,
l’énergique dirigeant du Caire, va remettre en question l’autorité
de la Sublime Porte.
L’initiative ne plait pas aux Européens, mais ils ne font rien pour
l’entraver.
Pendant pres de 1831 a 1841, il instaure un regime de reforme dans le pays.
Encourage par ses succes, il prepare une poursuite de sa campagne en
direction de la Turquie, le coeur de l’empire, s’en est trop pour les nations
europeennes qui passeront aux actes et le forceront a faire demi tour en
Egypte.
Octobre
1831, apres des annees de preparations meticuleuses Mohamed Ali, gouverneur
d’Egypte passe a l’attaque.Le pouvoir ottoman souffre alors plus que jamais de
sa mauvaise administration de la corruption et de l’incapacite de ses
dirigeants a prendre en main les provinces de l’empire.
L’Egypte
quant a elle connait depuis deux decades deja un formidable courant de reformes
qui ont pour but de la transformer en un etat moderne, dote d’une
administration efficace. Pour cela Mohamed Ali engage des instructeurs
europeens charges de mener a bien cette mission.L’armee sera particulierement
concernee par ses reformes.
L’Empire
ottoman est encore designe comme le vieil homme malade, Mohamed Ali quant a lui
est bien decider a l’achever. D’autant plus que le sultan de Constantinople,n’a
pas tenu sa parole envers le gouverneur d’Egypte,en obtenant son aide lors de
la revolte en Grece,et en refusant de realiser sa promesse et de lui confier la
direction des provinces d’Eretz Israel et de Syrie.
Le
commandement de l’armee egyptienne est confie a Ibrahim Pacha le fils adoptif
du maitre des pyramides.Les villes du pays tombent les unes apres les autres
entre ses mains l’opposition est pratiquement nulle.
En
fait elle viendra s’organiser a partir de Akko(St Jean d’Acre)
La
ville protegee par ses hautes murailles est pratiquement imprenable Bonaparte
en avait fait le dur apprentissage a ses depends. Ibrahim pacha reussira la ou
le premier consul echoua, le destin de Hebron vient a ce meme moment de se lier
a celui de Akko. En effet la resistance a l’avance egyptienne a donc pour chef
le gouverneur de la ville de Akko, Abdallah Pacha.Ce dernier, orphelin des son
enfance a ete eleve par Rabbi Haim Farh’i de la celebre famille de banquiers
originaire de Damas.Farh’i selon les visiteurs europeens qui visitent le pays a
cette epoque, etait le veritable gestionnaire du pays. Grace a lui Akko devient
une plaque tournante du commerce entre le levant et l’Europe.
C’est
encore Haim Farh’i qui est responsable de la nomination d’Abdallah comme
gouverneur de la ville.L’idee d’etre redevable a autrui n’est pas facilement
acceptee par Abdallah le meilleur moyen de prouver qu’il peut aussi bien
gouverner sans les conseils du vieux rabbin qui l’a accueilli jadis est tout
simplement de le suprimer. Abdallah le petit orphelin d’hier enverra deux de
ses hommes assassiner son bienfaiteur,le Rav HaimFarh’i sera etrangle puis son
corps sera jete a la mer.
Depuis
la puissante famille Farh’i de Damas ne connaitra pas de repos avant d’obtenir
vengeance pour le crime particulierement odieux contre leur frere.
Cette
vengance ils l’executeront en apportant tout leur soutien a Ibrahim Pacha
l’egyptien.
Mai
1834 apres trois ans de pouvoir egyptien en Eretz Israel,eclate la revolte des
falahs,qui refusent de s’engager dans l’armee d’Ibrahim Pacha. Ce dernier est
surpris par l’audace des arabes de Hebron qui attaquent les troupes egyptiennes
pres des piscines du roi Salomon au sud de Bet Lehem provoquant ainsi de
nombreuses pertes en vies et en materiel. L’egyptien fou de rage est bien
decide a faire payer a la ville de Hebron le prix de sa temerite.
La
ville des patriarches a toutes les raisons de s’attendre au pire
Selon
une premiere tradition la population juive pris la precaution de deposer dans
une caverne a la sortie de la ville les rouleaux de la loi,ainsi que d’autres
objets precieux pouvant exiter la convoitise des soldats. La communaute toute
entiere comprend plus que jamais que son destin est maitenant entre les mains
du Maitre du monde. Ils enverront une delegation aupres d’Ibrahim Pacha,pour
lui demander d’epargner le ghetto pour demander un miracle en quelque sorte.
Ce
miracle se realisera par la presence des freres Farh’i dans la camp egyptien le
jour precisement ou la delegation venait d’etre annoncer.
L’intervention
des banquiers de Damas aura donc ete l’instrument du miracle.Selon un tableau
de pierre dispose a la synagogue Avraham Avinou, le 19 yiar de la meme annee
les juifs de Hebron se devaient de feter un Pourim Katan (petit Pourim)
egalement designe comme Pourim d’Ibrahim Pacha.
Cette
tradition ne fait malheureusement pas l’unanimite.
Il
semble bien que ce happy end se rapporte d’avantage a la legende qu’a la verite
historique.Selon une premiere source, le pogrom n’aura pas ete evite, laissant
derriere lui son lot de malheur habituel, femmes violentees vieillards
assassines et rouleaux de la loi mis en pieces par la soldatesque.
Rabbi
Israel de Shklov dans son livre « Peat A Choulh"an » affirme
qu’a Hebron « …les juifs eurent a souffrir lors de la conquete de la
ville plusieurs personnes trouverent la mort et des femmes furent souillees par
les soldats … »
Rabbi Menah’em de Kimenitz dans sa
chronique « Korot a etim » rapporte lui aussi les memes actions ignobles
qui selon lui avaient ete autorisees par le commandement egyptien pour une
duree de six heures « seulement ».
Un
visiteur grec de passage parle lui aussi des heures d’epouvantes et de
detresse,selon lui cinq jeunes filles juives auraient payees de leur vies les
quelques heures de relachement de discipline tolerees par le commandement
egyptien.
Devant
de telles sources d’information le travail de l’historien n’est pas
simplifie,il se trouve a un carrefour de donnes sans pouvoir opter pour une
direction precise. Peut etre faut il considerer cette difficulter
d’interpretation comme la difficulte pour les juifs de Hebron eux memes a
evaluer les evenements qui les toucherent de si pres.Les consequences auraient
pu etre beaucoup plus terribles d’ou le souci pour certains de voir la un petit
Pourim. Pour d’autres il faut retenir que ce jour la quelques uns parmi les
juifs de la ville des patriarches payerent au prix de leur vie et de leur
honneur la conquete egyptienne de Hebron.
Abdel Rahaman Issa Omar n’a rien d’un Daher El
Omar.
Aine d’une famille de huit enfants du village de
Doura, (situe sur le site biblique de Adouraim). Abdel Rah’aman, sera tour a
tour, chef de bande, gouverneur de la région de Hebron, mais dans tous
les cas de figure, exploiteur de la détresse des habitants du ghetto.
Menahem Chmouel Slonim nous le décrit comme
un ignoble tyran, terrorisant les populations civiles sans défense:
« Il avait l’habitude de se promener au marche de Hebron, un
bâton a la main, a la vue d’un objet qui existait sa convoitise, il
disait a son propriétaire, le bel objet que voilà”.
L’allusion était claire, et l’objet en
question etait livre l’heure qui suit a son domicile. Si quelque fois, il
croisait sur son chemin une personne portant un vêtement nouveau, il lui
faisait remarquer qu’elle était indigne de porter un tel habit, a
l’interpelle de retirer le vetement pour le remettre a l’ignoble.
La tradition juive le désigne sous le nom de
« Rabin noir ».
Il semble que se soit les membres de la communaute
de Habbad qui lui donne cette appellation. Toujours selon le témoignage
des Slonim, Abdel Rah’man fit un jour irruption au domicile du Rav Levy Itshak
Slonim. Ce dernier était en train de mettre de l’ordre dans le
comité de la communauté des hassidei habad.
Sur la table l’argent de la Halouka (collecte
effectuee dans les communautes de Diaspora), et les registres des comptes.
“Je pourrais prendre tout l’argent que
voilà, mais étant d’une nature honnête, je ne prendrais pas
l’argent destine aux pauvres, je demande juste a recevoir ma part de la
Halouka, vu que je suis responsable de votre sécurité”.
Depuis ce jour, nous dit Slonim, Abdel
El Rah’man etait inscrit dans le registre de la communauté Habad de
Hebron, sous le nom de Rav Hachah’or (le rabbin noir). L’historien Tsvi Ilan
écrit que Abdel El Rah’man fut écarté du pouvoir durant
l’occupation égyptienne.
Le témoignage des Slonim vient quelque peu
nuance cette affirmation: « Lorsque Ibrahim Pacha (le fils adoptif de
Mohamed Ali, gouverneur d’Egypte), prit possession de la ville, les soldats
égyptiens eurent la permission trois jours durant de piller Hebron.
Les juifs essaieront de sauver
leurs biens, en les cachant sous terre, dans les crevasses du ghetto, et se
réfugièrent dans la cour du rabbin noir.
Seul Israel Yaffe était
reste sur place, a cote de sa fille malade te incapable de se déplacer.
Sous la menace des soldats, ce
dernier fut forcer de leur indiquer l’emplacement des biens caches.
Israel Yaffe s’en alla ensuite
rapporter l’affaire au Rav Yosef Chmerling, consul autrichien a Hebron, qui
entretenait de bonnes relations avec le rabbin Noir …
Abdel El Rah’ man,
après avoir refusé à trois reprises d’intervenir, fini par
se laisser fléchir, et s’adresse au commandement de la troupe, tous les
effets furent rendus à leur propriétaire le jour même. »
Des soldats égyptiens furent même
désigner pour monter la garde devant le quartier juif. Le
témoignage de visiteurs chrétiens nous proposeune version plus
terrible, selon eux, le quartier juif fut saccagé entièrement.
Le voyageur J.D Paxton écrit en 1839:
« Il y a quelques années, lorsque Ibrahim Pacha pris possession
de Hébron, ces soldats commirent des atrocités contre les juifs.
Ils pillèrent maison par
maison, saccagèrent la synagogue, brisant et détruisant, en
pensant trouver les objets précieux que les juifs auraient
cachés, et déchirèrent les rouleaux de la loi, et
commirent encore d’autres abominations. » (letters on Palestine and
Egypt Lexinton Ky 1839).
Aux dires de Shmouel Slonim, le Rabbin Noir, tout
indésirable qu’il était fini par devenir un personnage familier.
A son retour de voyage, quelle ne fut pas la surprise de Lévy Itshak
Slonim, en voyant Abdel El Rah’man parmi le comité d’accueil. Dans les
bagages du rabbin, deux objets devaient provoquer l’intérêt du
Cheikh.Un splendide samovar en cuivre étincelant, fut immediatement
“sacrifie”, et un bracelet montre qui aurait du connaitre un sort semblable a
celui du samovar. Mais cette fois ci, le rabbin n’était pas
disposé à concéder. « Cheikh Abdel Rah’man, prend
garde à toi, cet objet est la création des démons, porte
le à ton oreille et écoute”.
Intrigué par le tic tac de la montre, qui
selon les explications du rabbin, n’etaient rien d’autres que les cognements
d’un mauvais genie prisonier a l’interieur du boitier, l’arabe s’empressa de
reposer l’objet de sa convoitise, quitta les lieux sur le champ. Depuis ce
jour, à chacune de ses visites, il prenait soin de demander d’abord si
le mauvais genie etait encore prisonnier dans sa boite.
Cette dernière anecdote ne doit pas nous
induire en erreur sur la personnalité d’Abdel Rah’man, un être
cupide et violent, ne respectant jamais la parole donnée, voleur de
native, et criminel à l’occasion.
Un autre trait de caractère du Cheikh de
Doura, tiendra dans l’usage cynique qu’il fera de son controle de la caverne de
Makhpéla.
Un touriste anglais agressé par l’un de ses
frères, décida de se plaindre au gouverneur de Jérusalem.
Le Rabbin noir effaré essaye (en vain) de convaincre la victime
d’annuler sa deposition, pour cela, il promet de permettre a l’avenir le libre
acces du lieu saint a tous les visiteurs anglais de passage.
La même année le médecin juif
de Jérusalem, docteur Frankel, obtient lui aussi le droite de visiter le
tombeau des patriarches en remerciement des soins médicaux
prodigués sur la personne du Cheikh..
Impuissant devant Abdel Rah’man, le pouvoir ottoman
essaie de s’en faire un allié, en lui confiant le contrôle d’une
région qu’il dirige de facto, en esperant de la sorte eveiller en lui un
soupcon de loyaute envers la Porte.
Peine perdu, le Cheikh de Doura est le
spécialiste du volte face. Lorsque les turcs exasperes parviendront a se
saisir de sa personne lui, il parviendra encore a leur fausser compagnie.
Deux interventions extérieures tenteront de
mettre un terme aux activités de ce nuisible personnage. La
première du consul britannique à Jérusalem James Flinn. A
la lecture des comptes rendus de ce dernier, nous apprenons qu’en août
1850, le diplomate anglais se rend lui-même à Hébron pour
s’informer de la situation des juifs. “Abdel El Rah’man
“écrit-il, “soutire aux juifs la somme mensuel de 100 piastres, pour
la protection qu’il est sensé leur assurer.”
Flinn se rend une seconde fois à
Hébron, accompagné cette fois d’une troupe armée (des
soldats turcs mis à sa disposition). A Hébron, les juifs
terrorisés refusent de porter plainte contre leur « protecteur »,
Flinn, qui n’est pas dupe à ce manège, continuera de faire
pression sur les turcs pour neutraliser le bandit.
Dans son journal, il écrit: « Mes
pauvres et malheureux juifs… les enfants d’Abraham, Isaac et Jacob, les martyrs
de la caverne de Makhpéla, étaient terrorisés. Leurs
visages décolorés par la peur… Ils suivaient chacun de mes pas,
chacun de mes mouvements, tant ils craignaient les mauvaises surprises que leur
réservait ce tyran ».
En 1855, les turcs décident une fois pour
toute d’en finir avec Abdel El Rah’man, la tête du rebel est mise
à prix à 25000 piastres.
Montéfiore et sa femme sont alors en visite
à Hébron, c’est leur quatrième séjour en terre
sainte. Judith Montéfiori apprend que deux femmes musulmanes
désirent lui parler. Il s’agissait de la femme et de la sœur
d’Abdel El Rah’man, ces dernières se jettent aux pieds de la lady et
implorent la grâce pour leur parent qui venait d’etre arrete. L’entretien
dure une heure et demi. Judith Montefiori écoute en silence. Les
musulmanes supplient elles promettent et jurent que dorénavant sera
différent pour les juifs, si elle et son mari interviennent en faveur de
leur bandit de parent.
Dans son journal, la femme du célèbre
philanthrope écrit: « Je leur demandai de quitter maintenant les
lieux au plus vite, faute de quoi je me verrai dans l’obligation de signaler
leur presence aux soldats qui nous escortent …
En 1858, le vieux brigand est de retour,
décide une fois de plus de ruser avec les turcs. Ce n’est qu’en 1863,
que ces derniers l’enverront en exil, à l’île de Rhodes pour le
laisser mourir dans sa cellule quelques temps plus tard.
Abdel El Rah’man Issa Omar de Doura aura
près de 30 ans durant terrorisé la ville de Hébron et sa
région.
La communaute de H’abad qu’il avait lachement exploitee,
ne devait pas regretter outre mesure sa disparition. La ville de Hebron
inscrivait en ces jours l’un des plus beaux chapitres de son histoire avec la
venue des hassidim du mouvement H’abad.
« Ceux qui craignent Dieu devraient manifester leur
bienveillace et leur amour envers le site des Patriarches de tout leur coeur et
de toute leur ame en renforcant la presence de nos freres en ces lieux
ancestraux.
Ainsi nous beneficierons des vertus sacrees de nos Peres
et nos prieres atteidront chaque jour les hauteurs celestes en passant par la
caverne de la Makhpela,le lieu de repos de nos ancetres,et nous serons combles
de nombreuses benedictions et d’une longue vie ». C’est en ces termes que le Rabbi des H’assidim
de H’abad encourageait ses disciples venus s’installer a Hebron sur ses
recomandations, en1882.
A quel moment s'organise la communaute des hassidim de
Habad a Hebron?
Les reponses varient selon les sources. Faut il encore se
mettre d'accord sur les termes "commencer". Nous savons selon les
dires du Rabbi menahem Shnerson qu'en 1816 un h'assid du nom de chimon
Chmerling visite la ville pour y acheter des terres qui serviront
l'installation de familles.
Les premieres familles arriveront de Galilee, plus
precisemment des villes de Safed et Tiberiade. Les Hassidim de Habad desirant
rester a l'ecart de la polemique qui oppose Hassidim et Mitnagdim (adversaires
du mouvement du Baal Chem Tov). A ce titre, Hebron represente un terrain neutre
ou la seule communaute juive representee etait sepharade. Selon le livre
"Bet Harabi", en 1823 un second groupe vient s'installer en ville, a
sa tete le Rav Menache Haykin, et cela, sur la recommandation du Admour
Haemtsai.
Ils viennent renforcer les quelques quinze familles que
l'on signalent en 1819.
Parmi les nouveaux venus de l'annee 1823, la fille du
Admour Ahemtsai (le deuxieme rabbi de la dynastie), la rabbanite Menouh'a
Rah'el de memoire benie.
Elle habitera plus de 50 ans durant a Hebron, laissant
derriere elle le souvenir d'une femme infatigable dans ses actions de
bienfaisance. Sa reputation avait d'ailleurs largement depassee le cadre de la
communaute juive.
Plus personne ne s'etonnait de voir les femmes musulmanes
se presser au seuil de sa maison pour demander de l'aide un conseil ou
simplement une benediction de la bouche de la rabbanite.
La piece minuscule ou elle aimait se recueillir dans le
quartier Abraham Avinou est devenu aujourd'hui un lieu de priere pour les juifs
de Hebron, ils honorent sa memoire, par l'implantation d'un Kollel (cerle
d’etudes religieuses).
La nouvelle communaute va rapidement devenir l'objet de
persecutions de la part des arabes de la ville. Ils etaient europeens donc
riches aux yeux des musulmans de la ville des Peres, qui vivaient dans un etat
de denuement extreme.Non pas que la situation des sepharades etait au beau
fixe,leur detresse n’etait un secret pour personne, mais l’habitude faisant,
une sorte d’acceptation du sort etait nee. Ces derniers faisaient neanmoins
partie du paysage emotionnel des arabes, alors que les disciples du Baal Chem
Tov avec leurs etranges redingotes, leurs etaient totalement etrangers.
L'arrivee des juifs europeens, devait surtout exciter la
convoitise des sheikh de la region. De par sa situation geographique, Hebron
etait a l’ecart de la zone d'influence effective des consulats europeens, qui
etendaient leur protection sur les minorites non musulmanes du pays.
Les juifs de Hebron, en general, et les Hassidim de Habad
en particulier, eurent a souffrir de la terreur qu'instaura le cheikh Abdoul
rakhman du village de Dora. Il sera surnomme le (harav Hashakhor).
Les pressions exercees par le rabbin Noir eurent pour
consequence immediate, de rapprocher les deux communautes, ashkenaze et
sepharade.
Des 1830, un premier accord de collaboration entre les
deux groupes est signe.
Il est, en autre, question d'une repartition des fonds de
la khalouka, le soutien financier, que les juifs de l'etranger faisaient
regulierement parvenir a leurs freres d'Erets Israel. Un autre aspect de cette
collaboration sera l'envoi de Chadarim, emissaires d’Erets Israel, charges de
collecter des fonds pour … Hebron et non pas pour leur communaute respective.
Ainsi, nous verrons des delegues ashkenazes dans les communautes de la diaspora
sepharade, et vice versa. Des emissaires Habad arriverent ainsi jusqu'a Bombay
pour recevoir d'importantes sommes d'argent de la prestigieuse famille
Sassonne, surnommes les Rothschild de l'Orient.
En 1835 Rabbi Nathan Amram est designe comme chadar
(emissaire special) par les deux communautes. Dans ses lettres de
recommandation pour les communautes de la Diaspora, il ne manque pas de
mentionner les terribles epreuves de 1834, annee ou le gouverneur
d’Egypte,Mohamed Ali apres avoir leve l’etendard de la revolte contre le Sultan
de Constantinople, reprime dans un bain de sang la revolte des fellah arabes...
Durant les premieres annees, la communaute Habad est dirigee par un “Memoune
be ir ha Kodesh Hevron” (prepose a la ville sainte de Hebron).
Par la suite, le Rav Shimeon Menache Haykin, au debut des
annees soixante recoit le titre de Av Beth Din (responsible du tribunal
religieux )et Parnass (administrateur) jusqu’en 1892. Il sera
pareillement le Rosh Yeshiva de la yeshiva Habad sur place, accumulant aussi
les charges de responsable de la Hevrat Hah’nassat Kala et Gabai
bikour holim (deux organisations d’entre aide chargees respectivement de
fournir une dote aux jeunes filles necessiteuses, et un soutien moral et
materiel aux malades de la communaute). Toutes ces charges ne l’empecherent pas
d’etre aussi le chantre durant les jours de fetes.
Le Rabbi de l’epoque, (le Tsemah’ Tsedek), l’avait
surnomme Chimeon Menache Atsadik Cheli. Le rav Dov Baer Efrat devait lui
succeder a la tete des hassidim de Hebron. Cela malgre l’opposition du Admour
Chalom Dov Baer.
Tout en reconnaissant sa grande erudition thoranique, le
Rabbi avait des doutes quant a ses aptitudes a gerer les problemes de la
communaute.
Au sein de ses opposants, principalement de la famille
Slonim, on le designait comme “Gadol Bathora ou Baderekh Eretz” (grand dans la
thora, et d’une conduite exemplaire). A Jerusalem ou il se retire, on le verra
reconcilier h’assidim et mitnagdim a la mort de Rabbi Chmouel Salant.
Son successeur sera le Rav Chlomo Yehouda Lev Eliozorov,
disciple du Rav Haykin et du …Rav Mani.
En 1852, le Rav Chneour Zalman ben Menahem Mendel est
designe pour une mission de colectes de fonds en Orient. On le verra dans
differents pays arabes et plus tard a Bombay. Ce rabbin Ashkenaze vetu a l’oriental
fera tres forte impression aupres de David Sassone, la famille Sassone
d’origine Irakienne, detenait on s’en souvient, un veritable empire economique
en Orient.
Empire qui reposait entre autre sur la banque familiale
de reputation internationale. David Sassone financera ainsi la construction de
deux synagogues Habad a Hebron, une synagogue supplementaire pour les visiteurs
et un nouveau bain rituel dans la ville des peres. En 1912 le cinquieme rabbi
de Loubavitch,le rav Chalom Beer Sheerson, rachete a la communaute sepharade le
bel edifice de Bet Romano. Romano riche negociant de Turquie avait choisi de
s’installer a Hebron trente trois ans plus tot. Les hassidim de H’abad vont
inaugurer a Bet Romano la nouvelle Yeshiva ‘’TORAT EMET’’ qui etait alors la
plus grande yechiva du mouvement Loubavitch dans le pays.
Le Rav Yaacov Yossef Slonim sera le dernier Rabbin Habad
de la ville, avant les emeutes tragiques de 1929.
Sepharadim et ashkenazim et h’assidim egalement seront
les victimes du pogrom de 1929, parmi elles, Eliezer Slonim (le fils du rav
Yaacov Yosef), sa femme et son fils. Au lendemain de la guerre des six
jours,parmi les premiers habitants de Keriat Arba se trouvaient de nouveau
quelques familles Habad parmi elles, le peintre Nah’shon qui unit dans ses
tableaux le portrait du Rabbi et les paysages de Hebron.
Dernierement c’est le richisisme Gutnik d’Australie,lui
aussi Hassid Habad, qui apporte un soutien financier appreciable aux juifs de
la ville.
La venue de hassidim a Hebron ne se
limitait pas seulement a une augmentation numerique de la presence juive en ces
lieux (chose importante en soi). Les nouveaux venus apportaient avec eux
l’atmosphere et la chaleur du royaume hassidique, la force de chanter jusqu’a
l’extase meme et surtout peut etre devant l’adversite. La nouvelle communaute
comptait parmi ses membres des personnes exceptionelles comme par exemple…
Moshe Meizlitch.
Hebron, Tou Bi Chvat de l’annee
1838, plus de vingt ans se sont ecoules depuis la debacle de Napoleon. Le
docteur Levy, secretaire de Moshe Montefiori se retrouve dans la ville des
Patriarches pour y dresser un tableau demographique de la population juive.Un
recencement, qui permettra a son philantrope patron, de mieux orienter son
soutien financier aux juifs de l’endroit.
L’envoye des Montefiori vient de
faire la connaissance de rabbi Moshe Meizlitch, un membre de la communaute
Habad de la ville, les deux hommes sympatisent et voila que leur conversation
tourne maintenant sur les consequences des guerres napoleonienes.
« De nombreuses
traditions circulent au sujet de Napoleon, son attitude vis avis des juifs. Les
initiatives de l’empereur pour regulariser la situation des juifs en Europe
vont contribuer a la naissance de toutes sortes de rumeurs plus ou moins
fondees au niveau historique » Moshe Meizlish ecoutait avec interet
les paroles de son interlocuteur, qui encourage, poursuivait sur le meme
ton: « Deja lors de sa
campagne d’Italie le jeune Bonaparte reussit a provoquer l’entousiasme des
juifs Italiens soumis encore a la dure et humiliante loi des ghettos.
Le journal personel d’un juif
d’Ancone, nous decrit de maniere saisissante l’opinion des juifs italiens vis a
vis de celui qui allait boulverser l’Europe.
‘’Puis vint le mercredi 12 chevat
5557- le 8 fevrier 1797…Mais avant de rapporter les evenements de cette
journee, il faut nous dire que les francais sont animes des meilleurs
sentiments a l’egard des juifs… dans les pays qu’ils conquierent,ils accordent
aux juifs grandeur et puissance,et ils rabaissent la descendance d’Edom…et
celui qui est leur general en chef et qui se nomme Bonaparte, c’est a dire la bonne
part, c’est en realite un homme de bien qui porte le plus grand amour aux
enfants d’Israel.’ » Cet enthousiasme prendra, comme cela arrive bien
souvent en Israel des dimensions theologiques,et toujours en feuilletant le
journal de notre juif italien nous lisons: C’est la me semble –t-il, ce que
voulait dire le prophete Ovadia,au verset VETSIR BAGOYIM
CHOULAH ‘(Ovadia 1 ;1),le mot VETSIR est selon moi l’accrostiche
de l’expression Ve Tsarfatim Yachpilou Romyim ( et les Francais humilieront
les Italiens
» La conversation ou plutot le monologue se deroulait en francais, le docteur
Levy etait visiblement un homme bien informe, ce n’etait pas pour rien que l’on
louait ses services chez les Montefiori, et notre docteur de
poursuivre: « La campagne
de Bonaparte en terre sainte sera de nouveau l’occasion d’evoquer les relations
entre le grand stratege et notre peuple.
Le corse ne verra pas Hebron ni
meme Jerusalem, de passage a Jaffa sur la route de saint Jean d’Acre, il
rencontre un notable juif de Jaffa, le senior Azriel. Le fougueux general
questionne sur l’avenir du pays, son potentiel. Le notable juif lui aurait
repondu que c’est la une terre splendide, mais fort mal administree, les
turcs n’ont rien fait pour la mettre en valeur’’
« Et vous,que feriez-vous
donc pour faire prosperer ce pays? : »
-Une seule chose, remettre son administration aux juifs, aurait repondu
Azrieli sans l’ombre d’une hesitation, en leur permettant de gouverner les
musulmans. Nous construirions des routes et protegerons les caravanes ;nous
etablirons des contacts commerciaux avec les juifs de Livourne, d’Angleterre et
de Hollande.Le commerce international entre l’Orient et l’Occident aurait tout
a y gagner.Entre nos mains les quatre grands ports de Syrie seraient des ports
libres. Je ne sais pas s’il est possible de lier les deux evenements, dit Eliezer Levy « …mais
le fait est qu’un mois plus tard Bonaparte publiait son appel a la nation
juive, l’invitant a se mobiliser sous sa baniere afin de liberer sa patrie
historique.Les declarations de ce genre provenant d’homme d’etat sont certes
rarement desinteresser, Mais je pense que le veritable interet de cette
histoire est que pour la premiere fois depuis bien longtemps, un homme d’etat
(promis a la carriere que l’on sait) venait de lier l’avenir de la terre
d’Israel avec celui du peuple juif …».
Le
docteur Levy faisait reference a l’appel publie le 22 Mai 1799 dans le
« Moniteur Universel » et avait pour titre « Aux legitimes
heritiers de la terre d"Israel »
Bonaparte
allait bientot constater l’efficacite des « legitimes heritiers de la
terre d"Israel » en la personne de Rabbi Haim Farh’i a St Jean
d’Acre.
Ce
dernier etait, selon le temoignage des voyageurs europeens qui visitent le pays
a cette epoque, le veritable maitre du pays, assurant avec une efficacite hors
du commun la gestion de la ville de Akko (St jean d’Acre) en temps de paix
comme en temps de guerre. A ce propos Bonaparte l’apprendra a ses depends.
Napoleon
etait en effet loin de suciter l’unanimite parmi les juifs de sa generation,
pour beaucoup Il s’agissait seulement d’un dangereux agitateur qu’il fallait
neutraliser au plus vite.Rabbi Haim Farh’i etait de ceux la, c’est donc lui qui
organisera la defense de Akko arretant ainsi la progression francaise en terre
sainte. Une autre personne suivait avec inquietude les progres de la revolution
francaise, Rabbi Zalman de Liady le fondateur de la H’assidout H’abad. Les
premieres victoires Napoleonienes ne faisait que rapprocher du grand duel
qu’allaient se livrer l’Empereur des francais avec le Tsar de toutes les
Russies.Certains rabbins n’hesitaient pas a parler en terme de Gog et Magog..
Fallait-il ou non prier pour la victoire de la France? La position des juifs
variait d’un pays a l’autre, quelques fois d’une communaute a une autre a
l’interieur d’une meme region le monde Hassidique lui meme etait
partage.L’opinion de Rabbi Zalman n’etait pas facile a accepter,dans une de ses
lettres il ecrivait: « Le premier jour de Rosh a chana, un peu avant la
priere de Moussaf, j"ai eu la revelation que si Bonaparte
l"emportait, le peuple d"Israel en retirerait richesse et puissance.
Mais
il connaitrait de ce fait la division et leur coeur s’eloignerait de leur Pere
celeste.. Si par contre le Tsar l’emportait, la pauvrete et l’humliation d’Israel
iraient en grandissant,mais leur coeur se rapprocherait et s’unirait a leur
Pere celeste.. » Fort de cette revelation le fondateur du mouvement Habad
allait maintenant tout mettre en oeuvre pour faire echouer le programme du
Francais, jusqua introduire un espion dans l’entourage immediat de l’empereur.
L’opposition
de Rabbi Zalman a Napoleon, n’etait un secret pour personne, mais peu de gens
connaissaient l’histoire de l’espion du Rabbi chez l’empereur. Une personne
bien informee comme le secretaire de Montefiori n’avait jamais entendu parler
d’une telle aventure, et lorsqu’il se risqua de questioner son interlocuteur
sur l’identite de cet espion,il recu la reponse suivante: « Moshe
Meizlitch, pour vous servir ».
_
« Vous avez espionner Napoleon au profit du Tsar »?
_ « Au profit du Rabbi », corrigea le Hassid - Habad
visiblement amuse de la stupefaction de son interlocuteur.
Moshe Meizlitch est ne en Lithuanie, bastion de l’opposition au Hassidisme,
au point qu’aujourd’hui encore le terme de « lithuanien » dans le
monde de la Thora signifie encore anti- hassidisme. En ce temps la, c’est le
gaon de Vilna qui qui sert de reference a tous les ennemis des disciples du
Baal Chem tov. La Hassidoute de Habad aurait essayer semble –t- il de jeter
un
pont de reconciliation entre les deux rives. Aujourd’hui encore nous avons du
mal a comprendre les raisons profondes de cet affrontement. Une chose est sure
en tout cas, des deux cotes on essayait de precher le rapprochement, mais les
passions etaient encore trop presentes pour que ces efforts aboutissent a
quelque resultat. Moshe Meizlitch faisait sans doute parti de ces quelques
inities capables de surmonter le dechainememt des passions, et deplorer le fait
que deux geants de la Thora ne parviennent a se rencontrer a precher l’union
d’Israel dans le respect de l’identite religieuse de chacun.
Moshe
ne se contentait pas de pieuses pensees dans ce domaine, car tout en etant un
disciple proche du Gaone de Vilna, pendant plus de vingt ans, notre homme s’en
ira en secret etancher sa soif de savoir egalement aupres de Rabbi Chneour
Zalman. Celui que le gaone refusait toujours de rencontrer.
Durant
cette longue periode Moshe se sentait dechirer devant l’impossibilite de vivre
au grand jour sa double fidelite a la Thora du Gaone et a la Hassidoute de
l’autre
De la
bouche du Maitre de Vilna il avait une fois entendu que les 613 mitsvot etaient
evoquer en allusion dans le poeme biblique de: Chirat Aazinou, ce qui le
decidera a mettre par ecrit les paroles de son maitre, dans un livre redige a
cette intention.
A la mort du Gaone Reb Moshe decide d’afficher son identification a la
Hassidoute, il devient rapidement un des disciples favori du Rabbi.Cette
confiance dont il jouissait, allait bientot le projeter au premier rang de la
scene internationale, ou plus excatement derriere ses coulisses.
L’antagonisme entre mitnagdim et hassidim continuait de devorer les
communautes d’Europe de l’Est, Reb Moshe se retrouva a deux reprises en prison
a la suite de denonciation, si bien qu’il opta pour la solution du depart. Le
voila en 1803 a Francfort avec pour seule fortune une lettre de recommandation
du Rabbi.
La bas
il monte un commerce de bois qui fructifie assez rapidement, dans le cadre de
ses affaires, il apprend le francais au cours de ses deplacements.
Devant
le manque d’information precise nous nous permettons de supposer que Reb Moshe
devient un fournisseur pour les armees en guerre, dans cette Europe dechiree
par les conflits napoleoniens. Tout ce temps durant il garde le contact avec
son maitre Rabbi chneour Zalman, et le tient au courant de tous les changements
qui survienne dans sa vie privee comme dans l’actualite internationale.
C’est
alors qu’il recoit probablement l’ordre de s’introduire dans le cercle des
conseillers de l’empereur. La encore les details nous manquent,bien des annees
plus tard a Hebron, dans une lettre autobiographique il ecrivait: « … du
fait de la bonne reputation dont je beneficiais aupres du Createur et aux yeux
des hommes,je fus appele a la residence royale, le jour ou le tsar se trouvait
a Vilna,les premiers de la guerre avec Napoleon. Il m"ordonna d"agir
selon ce que je jugerai bon de faire pour me lier avec Bonaparte. Il me fallait
gagner sa confiance,et minformer de ses programmes de deplacement et de ses
plans offensifs.Il (le tsar) ajouta encore beaucoup de details qui n"ont
pas leur place dans cette lettre. … En ce qui me concerne je reussi a deux
reprises a ma trouver tete a tete avec l"empereur,aux moments des combats.Il
m"a confie une lettre que je devais remettre a son armee encerclee a
Dantzig,en me demandant de lui faire parvenir reponse au plus vite. C"est
ce que j"ai fait a deux reprises d"ailleurs, mais entretemps le tsar
prenait connaissance des missives. »
L’historien
Aaron Marcus dans son livre « Der Chassidismus » rajoute quelques
details interessants: ’’…Moshe Meizlitch se presenta un soir dans la tente
qui servait de quartier general porteur d’un important message, et fut
introduit sous la tente ou se trouvait Napoleon.Celui ci etait plonge dans
l’etude d’une carte d’etat major parsemee de pointes jaunes et
bleues.L’empereur tout a ses preparatifs ne s’apercut pas de la presence de
Meizlitch a l’entree de la tente, lui laissant ainsi tout le loisir de noter
les details de la carte qu’il dressait.
Alors que voulant retenir un nom precis Rabbi Moche gravit un trait sur le
pommeau de sa canne Napoleon soudain s’avisa de sa presence. Quelque rapide qu’eut
ete Meizlitch,son geste n’avait pas echappe aux yeux d’aigles de l’empereur.Il
sauta d’un bon sur l’intrus et posa la main sur son coeur pour y deceler
quelques signes d’emotion et l’aveu d’une trahison. De son cote le Hassid resta
d’une immobilite de pierre. Tu merites que l’on te fusille mais ce serait
dommage pour un homme de ta trempe, pars et ne reviens jamais ici »
Selon
une autre version autorisee dans les milieux Habad, Napoleon aurait propose a
reb Moshe de passer a son service,au service de la France
Sur de
sa victoire l’empereur aurait ajouter: Aucune importance que les Russes
sachent donc ce que nous faisions, je les aurais bientot soumis. »
Recevant
la vie en cadeau Moshe Meizlitch devait reste quelques temps encore en Europe,
il eut ainsi le temps de se lier avec l’heritier du Rabbi de Loubavitch celui
que les Hassidim appellent le Admor A Emtsayi (qui est en fait le second rabbi
de la lignee ), sur son son conseil prit la decision de se rendre en Eretz
Israel renforcer la petite communaute Habad qui se montait a Hebron,en 1816.
Il
declina aussi l’allocation que lui proposait le tsar pour les services rendus a
la nation russe. C’est donc ainsi que l’espion du Rabbi chez Napoleon prit sa
retaite a Hebron, apres avoir eu la satisfaction de pouvoir dire:
« Mission accomplie » a son envoyeur. Le docteur Levy prit conge de
son hote, encore etourdi par le recit des aventures du vieil. Mal lui en prit,
car la communaute Habad de Hebron comptait encore quelques enfants terribles,
et l’envoye des Montefiori aurait droit a une autre histoire a vous couper le
souffle.
Haim Tsvi Schnerson est l’arriere petit fils du Rav Zalman de Liady, le
fondateur de la Hassidout H’abad.
L’historien Avraham Riveline, le qualifie d’ “homme de Hebron et de
Jerusalem”.
Doue d’une prodigieuse facilite pour les langues, il sera plus d’une fois
designe comme emissaire special d’Ertez Israel pour les communautes de
diaspora.
On le retrouve ainsi en Perse, et aux Indes, en Australie, aux Etats Unis
et en Afrique du Sud. Haim Tsvi Schnerson aura ete la premiere et probablement
la seule personne du Ychouv Hayachan, a avoir ete recu en audience privee par
un president des Etats Unis, en l’occurrence de General Grant.Chef des forces
Nordistes durant la guerre de secession. Ulysse Grant fut president des etats
Unis huit ans durant, de 1868 a 1876. Haim Schnerson a dix ans, lorsque ses
parents arrivent en Eretz Israel au milieu des annees 40 du 19 eme siecle,
(nous savons qu’un groupe de familles arrive en 1845 ou a sa tete le Rav Yaacov
Schnerson).
Hebron est leur premiere destination, apres quelques annees, la famille
s’installe a Jerusalem. Malgre son jeune age, il n’a pas encore vingt ans, on
l’envoie comme chadar (emmissaire) en Egypte et en Syrie. Cette premiere
entreprise ayant ete couronnee de succes, il est rapidement designe pour des
missions plus perilleuses. Nous le retrouvons en 1861 en Australie, ou il
sejournera a de reprises. L’argent recueilli, servira a la construction
d’habitations a Jerusalem, les fameux “Batei Amahassei “, au quartier
juif de Jerusalem.
Schnerson
profite de sa presence dans les differentes communautes pour exposer ses idees
sur la prochaine delivrance d’Israel. Selon lui, la delivrance est directement
fonction de l’enthousiasme dont les juifs feront preuve pour retourner sur leur
terre et en prendre possession.
Il trouve une oreille attentive dans les milieux chretiens, plus exactement
dans les milieux protestants proches de la Bible qui relient eux aussi la
redemption finale au retour d’Israel sur sa terre. Son aspect exerieur avait de
quoi impressionner ses auditeurs, vetu d’un caftan de soie richement decore, et
coiffe d’un turban a l’oriental, il etait passe maitre en la matiere s’adresser
aux foules qui se deplacaient pour entendre ses idees revolutionnaires pour
l’epoque. En Australie, il rencontre un autre emissaire legendaire, le Rav
Yaacov Sapir, auteur du livre “Even Saphir”. La communication entre les deux
hommes n’est pas bonne, ils se porteront reciproquement de graves accusations.
De retour a Jerusalem, il prepare deja un prochain voyage en Roumanie ou il
sera temoin de la violence exercee contre la population juive.
De nouveau a Jerusalem, il s’exprime tout haut pour la promotion du travail
hebreu, travail ade la terre cela va sans dire, tel qu’il se pratique deja dans
ces nouvelles colonies. Ses paroles ne plaisent pas a tout le monde, ses
paroles provoquent des eclats de voix aTiberiade par exemple. Notre homme ne
s’en emeut pas outre mesure. Nous le voyons maintenant en Angleterre pour creer
un commite de soutien a ses entreprises, sommes en 1868.
La chance ne lui sourit pas specialement, il poursuit cependant sa route
vers les Etats Unis. Des 1869, Schnerson sillonne le pays, vetu a l’oriental,
s’exprimant dans un anglais parfait, continant de diffuser ses idees sur la
redemption d’un peuple qui est tombe amoureux de sa condition d’exile.
Juifs et chretiens l’ecoutent avec le plus grand respect, on le recoit comme
un ambassadeur d’Eretz Israel. En arrivant a Washington, il entreprend une
serie de demarches pour le rappel du consul americain a Jerusalem.
Ce dernier avait en effet soutenu l’activite de missionaires, responsables
du depart d’une jeune fille juive de quatorze ans du foyer familial.
Il sera recu par le ministre des affaire etrangeres. Le president des Etats
Unis d’Amerique demande a le rencontrer.
Haim Tsvi Schnerson, arriere petit fils du fondateur de Habad prononce la
benediction traditionnelle en presence d’un roi ou d’un chef d’etat. Il expose
ensuite ses griefs contre le consul a Jerusalem. Grant ecoute, il s’engage a
etudier personnellement le dossier, quelques mois plus tard un nouveau consul
americain prend ses fonction a Jerusalem.
Ce voyageur infatigable est appercu en 1874 a Tiberiade ou il a monte une
«Agouda le ityachvout H’aklayit (un comite d’installation agricole).
Cette fois ci, les choses tournent mal, ses opposants decident de passer
aux actes. Il sera violement agresse. Son domicile saccage. Ses adversaires
sont resolus de lui donner une lecon qu’il ne sera pas pret d’oublier.
Apres l’avoir roue de coups ils le deshabillerent en public, on
l’attacherent nu comme au jour de sa naissance sur le dos d’un ane, il sera de
la sorte promener dans les rues de la ville. On pousse la cruaute a expliquer
aux non juifs de Tiberiade que cet homme est fou, qu’il se prend pour le
messie, et desire racheter progressivement toute la terre d’Israel pour y
reinstaller les juifs de diaspora. Beneficiant dorenavant de la citoyennete
americaine, il essaiera a plusieurs reprises, mais sans succes, de poursuivre
ses agresseurs en justice, essayant de mobiliser l’ambassadeur americain a
Beyrout, mais sans succes.
En 1882, il entreprend son dernier voyage, destination l’Afrique du Sud.
Quelques jours apres son arrivee, il tombe malade, maladie dont il ne se
relevera pas. C’est a Cap Town que repose cet enfant terrible de la petite
communaute Habad de Hebron, mort d’avoir voulu mettre un terme premature
au joug des nations. La redemption elle continuait de se rapprocher, pour
celui qui savait ecouter. La presence turque en la terre d’Israel touchait a sa
fin.
NE A Bagdad en 1818, le Rav Mani, eleve
d’une des plus hautes figures du judaisme irakien, le Rav
Abdallah Sommer, va des son plus jeune age s’affirme comme une autorite dans le
monde de l’etude.
Tres vite, le jeune prodige s’adonne a l’etude de la
Kabbala ce qui influencera considerablement son mode de vie.
Le Rav Mani, aura plus d’une fois l’occasion de prouver
ses talents d’organisateur, en proposant des reponses aux problemes des
communautes qu’il dirige. En effet le Rav Mani excelle dans l’art de mobiliser
des fonds pour la realisation de ses nombreux projets, sans inflechir pour
autant les principes fixes dans sa jeunesse.
Le Rav dort sur une natte de paille tressee, avec une
pierre plate pour oreiller, lorsqu’il termine un des nombreux jeunes qu’il
s’impose, c’est pour boire un maigre bouillon qu’on lui a prepare.
En 1856, il annonce a ses proches sa decision de se
rendre en Eretz Israel, apres de long mois de preparation, il rejoint une caravane
de commercants arabe qui se rend a Damas.
Le voyage s’effectue a dos de chameau. Le Rav Mani est
accompagne de sa femme Samara, et de ses trois fils, Soliman, Chalom, et
Baroukh.
Le rabbin previent les convoyeurs de la caravane que le
chabbat il s’abstiendra de voyager, et plantera sa tente pour honorer le
septieme jour. La caravane de son cote ralentira le rythme pour lui permettre
de reintegrer le convoi le jour suivant.
Trois mois plus tard, les voila a Jerusalem.Les rabbanim
de la yechiva de Bet-El l’invitent a les rejoindre,en commantant sa venue ils
diront: ”Un lion est monte de Bavel”. Deux apres des problemes de sante
l’obligent a quitter la capitale pour Hebron. Le Rav Mani s’efforce des son
arrivee, d’ameliorer les relations avec la population arabe de la ville. Il
aura tot fait de mettre en pratique ce souhait, lors de l’epidemie de Cholera
qui frappe la ville en 1860.Le Rav Mani montre alors ses qualites
d’organisateur au cours des operations de secours portes a la population
atteinte. Chlihei Mitsva enam nizokim (ceux qui s’en vont realiser une mitsva
ne sont pas atteint par l’adversite) dira-t-il aux jeunes qu’il mobilise pour
cette entreprise. Sur son appel, les amis fortunes de Diaspora, font parvenir
d’importantes sommes d’argent et quantite de colis alimentaires, ainsi que des
medicaments pour Hebron.Juifs et arabes en beneficieront sans distinction.
Fort de ce premier succes, il lance un appel aux
communautes d’Irak et d’Afrique du Nord pour encourager l’Alya et plus
precisement l’Alya a Hebron.
Son appel sera entendu, et plusieurs familles viennent le
rejoindre dans la ville des Peres. Parmi les nombreuses realisations a l’actif
du Rav Mani, citons la construction d’une grande bibliotheque en souvenir du
H’ida, pour cela, il contacte les riches commercants irakiens installes aux
Indes.Pour faire face a l’augmentation de la population juive, il fait
construire un nouveau Beit Hamidrach dans la ville. Toutes les activites
publiques du Rav Mani ne se deroulent pas au grand jour.
En ce temps, arrive a Jerusalem le Rav Akiva, Yosef
Chlezinguer, figure tragique de l’ancien Yichouv, marque par les affronts et
les humiliations de ses opposants. En avance sur son epoque, Le Rav Chlezinguer
reve de colonisation du pays. Deux etapes a son programme, dans un premier
temps racheter un maximum de terres et preparer par la suite l’installation de
familles decidees a se consacrer au travail de la terre,.Avec le Rav Mani, il
formeront une organisation secrete qui s’occupera precisement du rachat des
terrains.
Bientot, vient se joindre a eux David Gutman, l’un des
fondateurs de Petah Tikva, la premiere colonie juive. Les trois ensemble,
entreprennent de perilleuses expeditions pour visiter les terrains mis en vente
par le gouvernement ou tout simplement par des particuliers.En depit des
nombreuses precautions, ces activites menees dans la plus grande discretion
sont eventees par les mlieux ultra orthodoxes, farouchement opposes a ce genre
d’initiatives.
En 1863 Akiva Chlezinger ecrivait: “ En revenant
a Jerusalem, nous compriment que nos opposants eurent connaissance de notre
initiative et s’assemblerent derriere la porte de Jaffa pour nous agresser a
coup de pierres.De ce fait, nous decidames de nous separer. Je penetrais donc
en ville par la porte de Sion, le fils du Rav de Hebron (Le rav en question
etait Soliman Mani) par la porte de Damas et Rabbi David Gutman s’engagea
vers la Porte de Jaffa.. Il dut dut brandir un pistolet et s’ecrier: Le premier
qui ose me toucher recoit une balle dans la tete … ”
Present sur le plan communautaire, soucieux de l’avenir
du yichouv dans son ensemble, le rav Mani n’a pas toujours le loisir de
s’occuper de ses propres problemes.
Atteint d’une maladie des yeux en 1891, le Rav Mani sera
quatre annees durant prive de l’usage de la vue. Les docteurs consultes seront
incapables de lui apporter la guerison.
Quelques semaines avant la fete de Pessah de l’annee
1895, deux musulmans indoux penerent au domicile du Rav.
Ils demandent voir Abou Soliman (c’est ainsi que les
arabes le designent comme etant le pere de Soliman Mani), et affirment qu’ils
ont de quoi guerir le prestigieux Rabbin.
Dans sa detresse, le Rav Mani accepte de confier les yeux
malades a ces deux mysterieux etrangers qui demandent en tout et pour comme
salaire, trois pains de sucre !
( d’une valeur totale de six shilling de l’epoque).
L’operation terminee, le plus age des deux preconise un
delai de trois jours, avant d’oter les pansements apposees, ils reviendraient
alors pour recevoir leur du.
A la date annoncee, les compresses apposees par les deux
musulmans, aussitot retirees et voila que Rav Mani retrouvait l’usage de ses
yeux. Les recherches actives en vue de retrouver les deux bienfaiteurs
n’aboutirent a aucun resultat, les deux indoux restaient introuvables.
En 1899, a 81 ans, le Rav Mani convoque a son domicile
les responsables de la Hevra Kadicha (les pompes funebres de la communaute), a
leur grande surprise le sujet de leur conversation porte sur l’enterrement du
Rav Mani. Le saint homme sentant la fin venir leur demande que sa tombe soit
creusee a proximite de celle du Rav Eliahou Devidach, l’auteur du “ Rechit
H’ohma ”, livre qu’il se remet a etudier cette derniere annee qui lui
reste a vivre.
En Tamouz 1899, il rend son ame au createur.
Des centaines de personnes viendront lui rendre les
derniers honneurs.
Comme ce fut deja le cas dans le passe, les arabes de la
ville commencent alors a diffuser une rumeur, selon laquelle, le Rav Mani etait
un saint musulman (Wali), qui pour des raisons connues de quelques inities
avait choisi de vivre sous l’apparence d ‘un juif.
La consequence immediate d’une telle rumeur etait,
l’obligation de deterrer le defunt, pour lui donner une sepulture musulmane.
Effares par l’idee d’un tel sacrilege, les juifs de Hebron se mobiliserent
alors autour de la famille Mani.De long mois durant, ils organiserent nuit et
jour la garde autour de la derniere demeure du Rav. (C’est la raison pour
laquelle les juifs de Hebron avait adoptaient l’usage de ne rien inscrire sur
les pierres tombales, qui etaient generalement exceptionnellement lourdes, en
vue de decourager toute tentative de violation).
La meme annee le Rav Rah’amim Franco se voyait confier la
responsabilite de succeder au Rav Mani.
Autant les rabbins Medini et Mani etaient mal a l’aise en
presence des puissants de ce monde, autant le Rav France evolue harmonieusement
parmi eux, comme en temoigne son sejour en Autriche. Il se trouve alors en
mission de collecte de fonds pour la ville de Jerusalem.
A Vienne il prend le temps d’admirer la beaute des
jardins entourant la demeure imperiale.
A sa vue, les gardiens persuades qu’il s’agit la d’un
ambassadeur oriental, lui ouvrent grand les grilles en lui faisant
respectueusement signe de rentrer. Le voila qui penetre dans le parc imperial.
Le delegue de la terre sainte decouvre alors une variete infinie de couleurs et
de parfums emanant des innombrables
bosquets de fleurs qui font la fierte de l’endroit.Le rav
prendra meme le temps de s’asseoir sur un banc a, et sortant sa tabatiere en
argent le voila qui s’applique maintenant a tasser son tabac pour mieux le
rouler dans un papier a cigarette.
Intrigue a la vue de cet etranger, un dignitaire, en
compagnie de son secretaire, s’approchent de l’envoye de Jerusalem pour savoir
s’ils pouvaient l’aider en quoi que ce soit.
Absolument, repondit le rabbin, auriez vous, s’il vous
plait, du feu pour allumer ma cigarette. Amuse par tant de spontaneite,
l’empereur Francois Joseph car c’etait lui invite son interlocuteur a monter au
Palais ou il ne manque pas de s’enquerir sur les raisons de sa venue en
Autriche.Realisant qu’il a a faire a l’homme le plus puissant d’Europe le Rav
Franco s’empresse de formuler la traditionnelle benediction que chaque juif se
doit de prononcer a la vue d’un roi des nations. (Beni soit Celui qui a accorde
une partie de Sa gloire a un roi de chair et de sang).
Visiblement, emu par la teneur de ces paroles (les deux
hommes se parlent en francais), l’empereur le presse de questions au sujet de
Jerusalem, la terre Sainte et ses habitants.
Pour finir il tiendra a apporter sa contribution
personnelle pour les juifs de la ville de David.
Avant de prendre conge de lui Francois Joseph ordonne aux
responsables de la communaute de Vienne a veiller personnellement a la bonne
realisation de la mission du Rav Franco.
En 1870, deux ans a peine apres son arrivee a Jerusalem,
Rah’amim Franco assiste comme beaucoup d’autre, a la detresse de la communaute
de Jerusalem.
La dette envers les creanciers arabes, atteint de telles
proportions que les notables de la ville n’ont plus d’autre choix que de vendre
un bien immobilier communautaire, le terrain adjacent a la synagogue Rabban
Yoh’anan Ben Zacai.
Les rabbins de la capitale demanderent cependant une
clause particuliere dans l’acte de vente.L’acheteur devait s’engager a
permettre aux juifs de la ville de racheter le terrain en question dans un
delai de douze mois, au prix auquel il avait ete vendu, si par miracle,
l’argent avait ete reuni entre temps.
Le miracle se realise, et le Rav Franco sera son
instigateur.En apprenant l’existance de cette clause, notre vaillant rabbin se
propose pour une mission a l’etranger consacre au rachat en question. Paris et
Londres figurent parmi les principales etapes de son nouvel itineraire, la
somme de quinze mille francs sera ainsi recoltee pour le plus grand bonheur des
juifs de Jerusalem.
En 1873, en mission en Turquie, il sejourne chez les
richissimes freres Kamundo.Ces derniers etaient introduits aupres de tout les
grands de ce monde. Le Rav Franco ne manquera pas de faire leurs eloges dans
l’un de ses ouvrages.
Ce n’est qu’en 1878 qu’il se voit confier la
responsabilite de la communaute de Hebron.
Les premieres annees apres son entree en fonction seront
marquees par la tension entre lui et le Rav Eliahou Mani.
Malentendus, machinations politiques, quoi qu’il en soit,
la ville de Hebron souffrira de cette division entre partisans du Rav Mani et
ceux du Rav Franco.
Ce sera donc une grande satisfaction que d’assister a la
reconciliation des deux parties.
Reconciliation qui se traduira aussi par la l’union des
deux familles puisque la petite fille de Rav Mani, epousera le fils de Rav
Franco.
En prenant ses fonctions a Hebron, le nouveau rabbin de
Hebron decide de s’installer a l’exterieur du ghetto, encourageant les autres
juifs a l’imiter.
En 1878, de nouveau sur les routes, sa nouvelle mission
sera de ramasser l’argent necessaire a la construction d’un hopital a
l’exterieur du quartier juif.
L’hopital qui portera le nom de Hessed Abraham connaitra
plusieurs phases de constructions, pour finalement beneficier de la tutelle de
l’organisme americain “Hadassa”, au debut de notre siecle.
Bien avant Jerusalem, la ville de Hebron avait deja son
hopital Hadassa !
La mise en arret definitive d’Abdel Rah’man celui que l’on surnomme le
rabbin noir, marque indiscutablement une nouvelle epoque pour Hebron.
Sur un plan economique, la ville redevient un lieu d’echange et
d’approvisionnement pour tout le sud du pays, les bedoins du desert
frequentaient de nouveau les marches de la ville, les pelerins et voyageurs
europeens venaient comme par le passe se presser au pied du tombeau des
patriarches, sans avoir a craindre l’apparition soudaine d’un groupe
menacant,exigeant le paiement d’une rancon pour continuer leur route ou tout
simplement pour avoir la vie sauve..
L’agriculture pouvait se developper en toute quietude, les etalages regorgeaient
de raisins, de ble, d’orge, d’olives, de lentilles, de raisins secs.
Les ateliers des artisans tournaient a plein rendement, pour la fabrication
des jarres de terre, le tissage de la laine, du coton, et des poils de chameau,
la fabrication des produits de verre. Une innovation significative de cette
ambiance de changements, en 1871, sous la pression du consulat russe, un
monastere provoslave est construit au sud de la ville, a cote de l’arbre
designe par la tradition « echel abraham » (le tamaris d’Abraham), au
service des pelerins russes de plus en plus nombreux.
La population de la ville augmente en consequence, selon l’estimation d’une
delegation scientifique anglaise, la population generale de la ville est de
l’ordre de 17 000 habitants. Il semble qu’a cette epoque la, la population
juive tourne autour de 1 400 ames (selon Luntz, il y a en 1895, 810 sepharadim
et 619 ashkenazim). La promiscuite du ghetto devenait maintenant intolerable,
il fallait comme a Jerusalem, commencer a construire a l’exterieur des
murailles.
La primeure en revient en 1871 a Rabbi Israel Romano, un des notables de la
communaute d’Istambul, recemment installe a Hebron. Desirant se retirer des
affaires Haim Romano en confiera la direction a ses fils. En ce qui le concerne
le moment etait arrive de realiser son reve, sa plus belle entreprise,
s’installer sur la terre ancestrale, qui plus est dans la ville d’Abraham.
Cette entreprise consistait precisement a construire une magnifique batisse qui
portera desormais le nom de Bet Romano (La maison Romano), a l’exterieur des
murailles du quartier juif.
Bet Romano n’allait pas seulement servir de residence a la famille de rabbi
Haim, mais aussi de centre d’accueil pour les anciens de la communaute
juive de Turquie arrives a Hebron. Une des pieces sera consacree a
l’amenagement d’une nouvelle synagogue, perpetuant ainsi le rite des juifs
d’Istanboul,(Bet Knesset ha-istambouli).
L’historiographie sioniste accordera une importance tout a fait justifiee,
aux premieres tentatives de la population juive de Jerusalem a sortir a
l’exterieur des murailles. Yoel Moshe Salomon, Yosseph Rivline en seront les
heros qui annoncaient l’avenement d’une ere nouvelle.
L’action de Haim Romano etait pourtant digne d’eloges elle aussi. Et cela a
bien des egards. L’initiative Romano etait infiniment plus risquee. Hebron on
s’en souvient restait a l’ecart de la zone d’influence protectrice des consuls
europeens. Le climat general d’insecurite rendait ce genre type de demarches
infiniment plus problematique qu’a Jerusalem.
Il est regrettable que les historiens, ne semblent pas toujours se souvenir
qu’a Hebron on parlait encore de “ghetto “ pour evoquer le quartier juif.
Cette appelation chargee de tellement de sous entendus, etait une realite
forte de quatre cents ans deja a Hebron. Apprecier l’initiative de Haim Romano
a sa juste valeur, signifiait comprendre que ce juif venait mettre un terme a
une institution qui n’avait plus sa place ni le temps et dans l’espace. En
d’autres termes Haim Romano venait de clore l’ere du ghetto a Hebron. En
annoncant sa volonte de construire sa maison a cet emplacement Romano exprimait
a la population arabe le desir de changement d’une communaute n’etant plus
disposee a se contenter des conditions de dhimmis (citoyen de second rang en
terre d’Islam).
Romano aura ete le premier a avoir ose, ses antecedents il est vrai
intervenaient a sa faveur. Ce n’est pas en vain que rabbi Haim avait ete
surnomme “le Gvir Romano”. Nous avons precedemment parler de cette notion, et
l’intuition populaire se trompe rarement a ce sujet. Haim Romano avait en lui
toutes les composantes du “gvir”.Notre homme en effet avait le maintien d’un
grand seigneur, sa fortune ses relations avec les dirigeants ottomans son
interet pour la communaute, le designaient pour meriter une telle appellation.
Son caractere autoritaire aussi, faisaient de lui un personnage difficilement
contournable.
Son exemple sera bientot suivi par d’autres familles decidees elles aussi a
sortir du ghetto. Ainsi, les Slonim, Rivline, Levy, Capiloto, Castel
etablissent a leur tour leur domicile en dehors du Hatser Hayehoudim (la cour
des juifs).
Quelques annees plus tard alors que la communaute accueillait le rav
Hyzkiaou Medini, on se mit a chercher un local adapte pour y installer le
venere rabbin et ses eleves. De nouveau les regards se tournerent vers Bet
Romano qui pouvait desormais s’enorgueillir d’abriter la prestigieuse Yechiva
“Sdeh H’emed” du rav Medini.
A sa mort les juifs de Hebron ont des difficultes a entretenir une telle
batisse, certains parlent meme de la vendre. Un riche commercant arabe s’y
interesse.
En 1895, le cinquieme Rabbi de Loubavitch fait l’acquisition d’une maison
qui porte desormais le nom de Bet Schnerson. Le Rabbi toujours lui va donner
l’ordre a ses delegues de sauver “Bet Romano” de la menace qui planne sur
elle,en 1912 il rachete l’edifice et les cours avoisinantes.
De nouveau “Bet Romano” abritera une yechiva: “Torat Emet”.
Appelle au chevet de son fils gravement malade a Istanboul Haim Romano
restera a ses cotes jusqu’a sa complete guerison. Atteint par une maladie sur
le chemin du retour Haim Romano meurt a Damas en 1886. Les dernieres annees de
sa vie auront ete troubler par les guerres d’influences au sein de la direction
communautaire. Romano ne restera pas l’ecart. Sa mort subite frappera de
stupeur ses partisans tout comme ses adversaires, il reste au souvenir de tous
un grand homme qui aura permis a la ville de Hebron d’ammorcer son entree aux
temps modernes.
La seconde moitie de ce dix neuvieme siecle est marquee par le signe de la
polemique a Hebron qui continue de s’appeller la ville des Peres mais ne
parvient pas a realiser la ville des freres.
Au centre de cette polemique, Rabbi Yosef Chalom, originaire d’Irak.
Selon l’historien Nathan Chour, Yosef Chalom reussira “l’exploit” de
mobiliser les consuls de Hollande et d’Angleterre dans cette aventure.
Le motif de ce different etait la repartition des fonds de la Halouka entre
Jerusalem et Hebron. Les notables de la capitale insistaient sur le fait que
tous les fonds destines a la ville des Patriarches devaient inevitablement
passer par leur controle. De part et d’autres, des pamphlets seront diffuses:
Les detracteurs de Yosef Chalom publierent « Chever Yosef » (la
faillite de Yosef), le decrivant comme un escroc sans foi ni loi, tandis qu’a
Hebron, ses allies publient en reponse « Edout Beyosef » (temoignage
sur Yosef), expliquant au contraire, qu’il s’agit la d’un homme devoue corps et
ame a sa communaute.
Les proportions de la crise prirent des dimensions inquietantes, l’anatheme
fut prononce par les rabbins de Jerusalem.
Le
consul Finn intervenant au cote de Yosef Chalom, provoquera l’internement de
l’un de ses opposants. Mal lui en prit l’issue de cette dispute lui coutera ses
fonctions de consul. Rabbi Yosef Chalom, finira ses jours en exil a Damas,
brise dans son ame et dans son amour propre.
1856 marque la prise de fonction du Rabbi Eliahou (Sulliman) Mani a Hebron,
lui aussi essaiera de prendre ses distances avec les notables de Jerusalem,
toujours en ce qui concerne l’argent de la Halouka.
Il aura pour cela a affronter l’opposition du Richon Le Tsion (principale
autorite rabbinique du pays) Rabbi Abraham Ashkenazi.
Ce dernier rallie a sa cause Haim Romano. Devant les pressions exercees contre
lui, le Rav Mani demissionne de ses fonctions, Rabbi Rah’amim Franco le
remplace sur l’ordre du Richon Le Tsion. La encore, l’anatheme fut prononce,on
fit de nouveau intervenir les autorites gouvernementales pour obtenir gain de
cause. Ce n’est qu’en 1881 qu’un compromis fut accepte de par et d’autre.Le Rav
Eliaou Mani reprenait ses fonctions de rabbin de la ville,alors que le rav
Franco recevait le titre de Manhig et Nassi. Pendant que les dirigeants
spirituels de la ville etaient occupes a regler des problemes de cette nature,
leur public commencait a s’interresser a de nouvelles alternatives en matiere
d’education.
Vers 1890 les familles sepharades aisees avaient pris l’habitude d’envoyer
leur enfants a l’ecole de l’Alliance a Jerusalem.Certaines allerent meme a
frapper a la porte de la Mission, pour assurer a leur progeniture une education
moderne. (A ce jour ne ne connaissons pas de famille qui passerent au
christianisme pour autant.)
Yehouda loeb Shneerson, dans son livre autobiographique “Hevron, Hevron”
evoque avec emotion l’activite du conte Belavar, consul d’espagne, qui en
collaboration avec Bickler, vice consul allemand a Jaffa, proposait la
nationalite espagnole a chaque juif qui en emettait le desir. Nationalite qui
mettait les juifs du pays hors de portee des fonctionnaires d’Istanboul.
Si le siecle precedent fut un siecle de changement, le siecle qui debute
sera un siecle d’affrontements, un siecle de decisions. Un siecle qui ne
laissera que peu de place au compromis.
Parmis les forces qui devront s’affronter au sein de la population juive,
les deux ychouv (l’ancien et le nouveau). Le vieux ychouv est religieux. Trop
souvent presentee comme une population passive, voire fataliste, les membres de
ces communautes etaient volontier qualifiees par une certaine presse, comme de
pauvres diables, n’ayant qu’un desir, mourrir en terre sainte, et s’y faire
enterrer en attendant les miracles du Roi Messie qui les ramenerait a la vie.
Ces cliches sont aujourd’hui serieusement remis en question, une simple
lecture des chapitres precedents nous montre que la verite historique est
certes bien plus nuancee.
Parmi tout les temoignages ecrits sur Hebron, en ce debut de siecle, nous
avons choisi celui de Rahel Yanai Ben Tsvi, pour mettre en relief cette
difference de disposition entre la nouvelle et l’ancienne communaute.
Yanai Ben Tsvi appartient bien entendu au nouveau ychouv, et malgre le
fosse qui la separe des juifs de Hebron, elle est capable de les observer, avec
respect, elle n’oublie pas qu’il s’agit d’un meme peuple, ou chaque groupe
evolue dans le temps a un rythme different.
« En descendant de la colline, une source d’eau vive jaillit devant
nous, nous nous penchant a meme le sol pour boire l’eau de la source, fraiche
et limpide, la source porte le nom de « source de Sarah notre mere ».
Il est encore tot, a l’entree de la ville, nous croisons
sur notre chemin des habitants(arabes) de Hebron, vigoureux et bien droits, les
gens de la montagne !
Quel dommage que ceux de notre peuple qui vivent ici ne
leur ressemblent pas …
Nos amis nous conduisent directement dans les rues des
juifs H’arat El Yahoud. Le ghetto existe depuis plus de 400 ans. Ferme-t-on
encore les portes la nuit tombee?
Est vraiment entoure d’un grand mur?
Mais voila que nos pieds foulent le sol du quartier juif
…
Des les premiers pas, une atmosphere de galout (Diaspora)
m’envahit. Une petite place des batiments blottis les uns contre les autres. La
promiscuite, et l’entassement me rappelle le ghetto de Corfou, ou encore, les
ruines du ghetto sur le bord du Tibre a Rome …
Mais ici, ce n’est pas le ghetto, nous sommes a Hebron,
au sein de la communaute juive de Hebron. Hebron, une des quatre cites, une des
quatre villes saintes, avec Jerusalem, Safed et Tiberiade. Ici, les juifs de
tous les pays se pressent, de Babylone, de Pologne, de Lithuanie.
Prisonniers du reve de Sion, possedes par le desir
brulant de la redemption … une ribambelle de gamins nous entoure maintenant,
une lueur de tristesse dans les yeux de ces enfants d’Israel, du ghetto de
Hebron, mais c’est l’hebreu qui retentit de leur bouche. Cela me rechauffe le
coeur. Voila que s'’approche de nous le pere de David, Rabbi Meir Agbaba
(Avissar), vetu d’une tunique orientale, coiffe d’un tarbouche (couvre chef a
la mode turque), ses pieds nus glisses dans ses sandales. Sa face s’illumine en
nous voyant, car les amis de son fils sont des invites privileges a ses yeux.
Il serre la main de mes amis, et s’incline legerement
devant moi …
De sa maison, nous beneficions d’une vue magnifique sur
la region, les collines de Hebron qui s’etirent vers le sud, les vignes et les
oliveraies, des arbres en abondance. A proximite de la maison, une parcelle de
terre delaissee: A qui appartient cette terre non cultivee? Et notre hote de
repondre: « Il s’agit de la terre de la communaute … ».
Ce vingtieme siecle voit la poursuite des efforts pour l’elargissement de
l’espace vital des juifs de Hebron.
L’impulsion est donne par les hassidim du mouvement Habad des 1900. Le chef
spirituel du mouvement, le Admour Chalom Dov ordonne la fondation d’une yechiva
qui porte le nom de « Torat Emet », vers laquelle il dirige ses
disciples de Russie qui viennent renforcer la presence H’assidique.
La meme annee, le Rabbi ordonne l’acquisition de nouveaux terrains pour la
somme importante de 100 000 roubles.
L’initiative entamee en 1878 par le Rav Franco, se poursuit, a savoir
l’edification d’un hopital moderne dans la ville.
En 1909, on inaugure le centre medical qui porte le nom de “Hessed Le
Avraham”.
C’est au Rav Soliman Mani (le fils du Rav Eliaou Mani) que l’on doit la
mobilisation du philantrope de Bagdad, David Sassone.
avec l’appui du philantrope de Bagdad, David Sassone. La meme annee, une
nouvelle yechiva ouvre ses portes dans la ville, financee elle aussi par les
membres admirables de la famille Sassone.
D’un point de vue economique, ce vingtieme siecle est marque par la
diversite professionnelle des juifs de Hebron.Les differents corps de metier
sont representes, cordonniers, menuisiers, tailleurs, forgerons,et marchands de
souvenirs pour les touristes. Bien souventce sont des jeunes arabes qui
travaillent comme apprentis.
Le vingtieme siecle sera aussi le siecle de la derniere occupation
etrangere du pays, les britanniques trente annees durant seront donc les
nouveaux maitres du pays. Aucune puissance avant eux ne saura exploiter,
entretenir la tension entre les differentes populations locales, pour justifier
leur presence sur la place. Le premier gouverneur militaire britannique a
Hebron fut le major Curtiss.
La reunion de travail avec les dirigeants arabes de la ville a pour but la
mise en place d’une nouvelle administration.
Cette premiere rencontre devait mettre en confiance la population arabe,
Curtiss quant a lui etait dispose a confie quelques postes de seconde
importance aux fonctionaires musulmans. En ce temps Hebron comptait trois
familles chretiennes, Curtiss confiera entre autre la responsabilite de la
police a un arabe chretien, ainsi que le direction de son secreteriat. Ce
changement de priorite n’etait pas du gout des musulmans, les chretiens quant a
eux tenteront un rapprochement avec la population musulmane en incitant cette
derniere contre les juifs de la ville. Les chretiens avaient une autre raison
d’agir ainsi, les juifs comptaient parmi eux un fort pourcentages de lettres qui
pouvait a l’occurrence concurrencer les fonctionaires chretiens.
Mais le veritable defi de ce siecle
sera de mettre un terme a la presence etrangere qui reduisait le pays au statut
de province d’un empire etranger. Il fallait maintenant aborder avec beaucoup
de prudence et d’humilite ce virage historique. Prudence et humilite, deux
qualites parmi les autres chez le Rav Hizkyaou Medini.
« Je ne comprend pas comment est il possible de diffamer un homme
qui se consacre jour et nuit au bien public, sous pretexte qu’il ne pratique
pas toutes les mitsvot.
Le fait de veiller a l’honneur d’Israel, n’est-t-il pas
une grande mitsva en soi meme ».
C’est en ces termes que repondait le Rav Hyzkyaou Medini a un responsable
de la communaute ashkenaze de Hebron, venu lui reprocher violemment d’avoir
fait bon accueil a Albert Antebi, directeur de l’Alliance Israelite Universelle
a Jerusalem.
Ce dernier venait proposer l’ouverture d’un seminaire rabbinique moderne a
Hebron.Le terme moderne signifiait alors l’enseignement des langues et
l’initiation aux sciences, permettant ainsi aux nouveaux rabbins de mieux
comprendre les problemes d’identite de la generation de demain.
Les deux hommes etaient sur le point de decider de la creation de la
nouvelle institution, mais l’intervention menacante des rabbins ashkenazim
empecherent le projet de se realiser. Jerusalem avait connu en son temps une
polemique semblable lors de l’ouverture de l’ecole “Lemel” qui se proposait
elle aussi d’introduire la population juive de la ville aux exigencences des
temps modernes. La encore les Grands rabbins Sepharades n’eurent aucune peine a
comprendre l’interet d’une telle initiative. Ils encouragerent chaleureusement
la direction de l’ecole a se mettre a l’oeuvre sans attacher trop d’importance
aux menaces des extremistes ashkenazes de la ville. David Avissar, un des
disciples de Rabbin Medini, affirme, que la creation d’une institution moderne
telle que l’Alliance Israelite Universelle quelques vingt ans avant les
horreurs du pogrom de 1929, aurait pu orienter differement le cours des
evenements, et par la meme, leur tragique aboutissement…
Disciple des plus grandes figures rabbiniques de Jerusalem,parmi lesquels
le rav Itsh’ak Kovo appelle a remplir les fonctions de “Richon Letsion” et le
rav Nissim Bourla “Av Bet Din” de Jerusalem, le Rav Haim Hyzkyaou Medini, est
ne en 1832 dans la cite de David.
En 1878 il est atteint d’une grave maladie qui met ses jours en danger a sa
guerison il ajoute un second prenom: “Haim” qui signifie la vie.
A l’age de vingt et un an il perd son pere, Rabbi Raphael Medini qui fut
son premier maitre. Il doit maintenant subvenir aux besoins de sa femme, mais
aussi de sa mere et ses deux soeurs dont il s’occupe jusqu’a leur mariage.
Devant son extreme pauvrete les notables de Jerusalem lui conseillent de se
rendre en Turquie avec les siens. La bas il enseignera au sein des familles
aisees de la communaute.
Il en profite pour frequenter quatorze ans durant la Yechiva du Rav Chlomo
Elfandari dont il devient l’eleve le plus proche.
La maladie l’attend durant son sejour a Istamboul,des annes durant les
meilleurs docteurs de la ville viendront a son chevet pour le soulager de ses
maux. Le rav Medini sera toujours reconnaissant a ses bienfaiteurs qui prirent
en charge les frais de ces longs et onnereux traitements.
En 1865 il publie son premier livre “Mikh’tav H’izkyaou” dans lequel
il laisse apparaitre l’etendue de ses connaissances. Les notables d’Istanbul le
pressent d’accepter un poste de “dayan” qu’il refuse pour ne pas s’ecarter se
l’etude.
C’est a Istamboul qu’il rencontre un notable de la communaute de Crimee
qui, impressione par son savoir le prie d’accepter les fonctions de rav pour la
ville de Crazovzar, en Crimee ou siege alors une importante communaute juive.
Il a alors trente trois ans, et trente trois ans durant il dirigera cette
communaute sur les bords de la mer noire. Comme beaucoup d’autres communautes
les juifs de Crazovzar voyaient leur communaute divisee entre les nostalgiques
des coutumes et les modernes, partisans d’une assimilation latente. Trente
trois ans de patience de travail continu transformeront cette communaute. La
nouvelle generation apprend a revaloriser les etudes religieuses.
A cette epoque une rumeur circulait au sujet de l’origine des juifs de
Crimee,pretendant que ces dernires seraient d’origine caraite. Le rav Medini
repoussera energiquement ces affirmations. La encore l’adversite le frappe,
alors que ses problemes de sante et ses problemes financiers semblent se
resoudre,il perd son fils unique auquel il avait dedie son livre «Or li »
En 1879 il imprime un receuil de poemes liturgiques qu’il intitule tout
simplement “Baquachote” et qui sera reedite seize ans plus tard a
Varsovie sous l’appellation “Naim Zemirote” Mais l’oeuvre qui viendra lui
assurer la notoriete sera son encyclopedie talmudique “Sdeh H’emed” dans
laquelle il repertorie les souces et argumentations des preceptes talmudiques,
des origines aux decisionnaires de son epoque.
C’est en 1899 qu’il decide de retourner definitivement en terre d’Israel.
La ville de Jaffa lui reserve un accueil des plus chaleureux. Deux semaines
plus tard il arrive a Jerusalem ou il espere se consacrer a la redaction de son
oeuvre encyclopedique « Sdeh Hemed ».
Loin de se douter du prestige dont il jouit aux yeux de ses contemporains,
le Rav Medini envisage de terminer la redaction de son oeuvre dans une semi
retraite. Il aura tot fait de comprendre que la tranquilite escomptee ne lui
serait pas accordee de sitot.
En 1901, devant l’insistance des juifs de Hebron, il accepte la charge de
rabbin de la ville,et recoit le titre de H’akh’am Bachi et Av bet Din,
remplacant ainsi le Rav Franco qui venait de disparaitre la meme annee.
A Hebron il fonde une caisse d’entre aide aux necessiteux “Hen ve H’essed”.
En relisant sa biographie, redigee, par David Avissar, l’un de ses plus
proches disciples, nous decouvrons un homme d’une tres grande humilite,
particulierement sensible aux problemes de sa generation.
En mettant a sa disposition la fameuse “Bet Romano” la communaute de Hebron
donne au Rav H’izkyaou Medini l’occasion d’ouvrir une Yechiva ou les etudiants
pouvaient s’adonner a l’etude de la Thora sans avoir a souffrir de conditions
materielles bien souvent difficiles, une yechiva ou les « bnei aniim »,les
fils de familles desheritees pouvaient eux aussi avoir droit aux etudes.
De nombreuses anecdotes viennent illustrer la demarche du Rav Medini,
specialement aupres des petits gens, et des desherites.Veritable reincarnation
de Hillel l’ancien, le Rav Medini va insufler un nouvel elan a l’etude de la
Thora,dans la ville des Peres.
Decede la veille de Hanouka de l’annee 1905, (24 Kislev 5665)le Rav Haim
Hizkyaou Medini repose dans la parcelle du cimetierre reservee aux rabbins de
la ville..
C’est un Ben tsion soulage qui retournait maintenant vers Jerusalem,
soulage mais surement pas rassurer en pensant a l’avenir qui etait reserve a cette
ville ou il avait vu le jour.
S’il etait donne d’etablir un parallele entre les deux
domaines on pourait aisement affirmer que Slovodka est au monde des yechivot ce
que Cambridge est au monde de l’Universite.
Depuis longtemps deja le rav Mordekh’ay Epstein revait de
faire son Alya. Fervent militants des “Amants de Sion” dans sa ville de
Volozhin, il avait fait partie en 1891de la delegation chargee de l’acquisition
des terres de H’edera. Deux ans plus tard designe pour diriger la prestigieuse
Yeshiva” Knesseth Israel” de Slovodka en Lithuanie, il en assumera les
charges jusqu’a la fin de sa vie en 1933.
La premiere guerre mondiale et les boulversements qu’elle
entraine l’obligeront a errer de ville en ville, a la tete de sa yechiva, se
deplacant sans cesse pour echapper a l’adversite.
Au lendemain du conflit il fait partie des fondateurs du
grand conseil rabbinique de Lithuanie, et accede au rang de membre du conseil
de la Moatsa gdolei ha thora ( conseil des grands de la thora) en 1923.
Talmudiste de genie et educateur ne, il est envoye
l’annee suivante aux Etats Unis pour collecter des fonds qui serviront a
l’agrandissement de sa Yechiva.
La situation des juifs en Lithuanie n’etait deja pas
brillante dans les annees vingt, et pour comble de malheur voila que maintenant
le gouvernement decide d’enroler les etudiants des academies religieuses.
Le rav Epstein est en Amerique lorsqu’il apprend la
nouvelle, il comprend alors qu’un compte a rebours venait de se declencher, et
que les jours de “ Knesseth Israel ” sont desormais comptes en terre
d’exil. En accord avec la direction de la Yechiva, (alors qu’il se trouve
encore en Amerique) il prend la decision de transferer son institution en Eretz
Israel.
Ce n’etait pas la premiere fois dans l’Histoire qu’un
rabbin entrainait derriere lui ses plus proches disciples dans le contexte
d’une Alya. Des rabbanim Sepharadim l’avaient fait auparavent avec le rav H’aim
Aboulafia au dix huitieme siecle renovant ainsi la presence juive dans la
sainte ville de Tiberiade. Quelques annes apres lui c’est au tour de rabbi
H’aim Ben Attar de venir fonder a Jerusalem une yechiva qu’il appelle
aussi ” Knesseth Israel bien avant la Yechiva de
Slovodka.
Il en va de meme pour les grandes figures du mouvement
H’assidique venues s’installer en Eretz Israel ainsi que les plus celebres
disciples du Gaon de Vilna. Tous ces importants precedants se confinent
cependant a l’initiative personelle et sporadique.
Le deracinement d’une institution telle que la Yechivat
Slovoka represente quelque chose de plus, une dimension supplementaire un
evenement qui symboliquement marquerait le debut d’un processus de liquidation
de l’exil. L’Histoire n’aime pas les “ SI ”, et pourtant que fallait il donc
pour que l’initiative de Slovodka soit suivie par les autres yechivote
europeenes qui auraient pu ainsi sauver des milliers de victimes tout en
impregnant le ychouv en Eretz Israel d’un caractere thoranique spontane.
Notre unique consolation reside dans ce Midrache qui nous
promet qu’a la fin des temps les synagogues en terre d’exil seront
transplantees en Eretz Israel…
Pendant que le rav Epstein collectait les precieux
dollars pour financer son audacieuse entreprise,un delegue de la Yechiva
parvenait a Jerusalem et obtenait, de la part des autorites mandataires,les
certificats d’immigration pour les cent premiers etudiants.
En ce qui concerne l’emplacement en terre sainte, le
choix de la ville de Hebron etait motive par diverses considerations. En
premier lieu les souvenirs historiques et la saintete de l’endroit
constituaient autant d’atouts, que bien peu de yechivot dans le monde pouvaient
revendiquer.La situation difficile des juifs de Hebron, la baisse de niveau de
ses instituts scolaires, la desertion des jeunes, tout cela constituait un
tableau plutot triste qu’il etait possible neamoins de presenter comme un defi
a relever. Une autre raison pourtant emportera la decision les dirigeants de “
Knesseth Israel “ pour la ville des Peres.
Les etudiants de la grande yechiva de Slovodka appartenaient au mouvement
du “Moussar” ce qui impliquait un mode de vie particulier avec ses signes
exterieurs distinctifs comme le vetement par exemple. Contrairement aux gens de
l’ancien ychouv de la communaute ashkenaze, la redingote, le chapeau de
fourrure et les papillotes n’etaient pas de saison a “Slovodka”.
Le costume europeen, et le feutre elegant constituaient
l’habit de tous les jours des adeptes du rav Epstein, autre detail important la
barbe etant reservee aux enseignants les etudiants arboraient tous les jours un
visage impeccablement rase.
A Jerusalem bastion des extremistes de vieux Ychouv on
voyait les choses d’un oeil differend. Ce type de preocupations n’etaient pas
selon eux, dignes de personnes qui consacrent leur vie a la Thora. La venue
d’une telle d’une telle institution a Jerusalem ne pouvait qu’allumer un
nouveau foyer de polemique.
A l’annonce seulement du projet ces memes extremistes
(Kanaym) diffuserent toutes sortes de tracts et d’affiches pour denigrer les
nouveaux venus avant meme leur arrivee !
Pour les juifs de Hebron il s’agissait d’une aubaine
inesperee, un cadeau du ciel que l’on avait pas demande tant il semblait
irrealisable. La ville on s’en souvient avait particulierement souffert durant
les annees de guerre. D’autre part les differentes vagues d’alyah de l’epoque
moderne continuaient d’ignorer la cite de Hebron.
Les arabes de la ville de leur cote, comprirent
immediatement les incidences economiques d’une telle arrivee et depecherent une
delegation de notables, souhaiter la bienvenue aux eleves du rav Epstein. Nous
sommes en 1924, cinq ans avant la grande tuerie…
Pour les juifs de la Makh’pela il s’agissait la, non
seulement d’un apport numerique considerable,( plus de cent etudiants
accompagnes de leurs rabbins et educateurs), mais surtout une connection vers
l’avenir. Hebron cessait brusquement d’etre “uniquement” la depositaire d’un
passe, elle devenait dorenavant une ville d’avenir qui invitait les jeunes du
monde entier a rejoindre la celebre yechiva.
Les previsions les plus optimistes furent depassees par
la realite, non seulement la ville de Hebron abritait maintenant la plus grande
yechiva du pays, mais cet avantage allait en grandissant avec le temps.
Effectivement en 1929 quelques semaines avant le carnage on y comptait plus de
deux cent soixante etudiants. Il faut dire que les grands noms du mouvement du
Moussar avaient rejoint la yechiva parmi eux le celebre « Saba(grand pere)
de Slovodka », le rav Nathan Tsvi Finkel.
Aux etudiants venant essentiellement de Lithuanie se
joignirent bientot ceux de Russie de Pologne des Etats Unis, d’Angleterre et
bien sur d’Eretz Israel.
Les problemes de logement augmentant avec le nombre
d’etudiants, une rumeur se propagea, selon laquelle les dirigeants songeaient a
demenager leur institut dans une autre ville.
Le probleme n’etait pas nouveau et Hebron n’etait la
ville ideale pour solutioner ce genre de question. Malgre les efforts de la
direction bon nombre d’etudiants logeaient chez l’habitant dans le quartier
juif de la ville.
Paradoxalement, les premiers a reagir devant la menace
d’un eventuel depart de la yechiva furent…les arabes de Hebron. Une delegation
de cheikhs demanderent expressement aux responsables de “Slovodka” de faire
preuve d’encore un peu de patience et proposerent d’evacuer de nouveaux
batiments au profit de la yechiva, tant la presence de cette derniere
constituait une veritable manne pour eux.
En consultant le “Sefer Hevron” le lecteur pourra
s’etonner du peu de pages consacre a la yechiva. Le lecteur cherchera en vain
une photographie de l’inauguration du centre d’etudes, l’evocation des
benedictions de circonstances formulees par les rabbins Ashkenazes et
Sepharades, une trace quelconque de l’emotion et de la joie qui durent marquer
cette memorable journee.
L’evenement en soi avait de quoi justifier l’instauration
d’un jour de fete pour la ville des Patriarches. Ce meme silence un peu gene
cette meme volonte d’evoquer brievement le passage de Slovodka a Hebron se
retrouve egalement dans les documents de la yechiva, les differents “yearbook “
qu’elles publiera. Aucun rappel de la legendaire hospitalite des juifs de
Hebron la encore aucune photographie reunissant les dirigeants communautaires
et les rabbanim de la nouvelle Yechiva.
Certes cette derniere n’aura ouvert ses portes que cinq
ans durant, le pogrom ayant mit fin a ses activites dans la ville des Peres
emportant avec lui, une partie des temoignages qui nous font cruellement
defaut. Il se peut ainsi que ce soit la l’unique raison de ce silence….
Il se peut aussi, que la direction communautaire de la
ville se soit sentie quelque peu debordee par la venue de “Slovodka” a Hebron.
Toujours selon les precieuses informations du” Sefer Hevron” de graves
problemes d’education secouaient alors la communaute,qui cherchait vers
Jerusalem la solution miracle a ses maux. La vie juive a Hebron avait besoin
d’ouvertures et la voila maintenant submergee par la maree lithuanienne.
L’integration d’un organisme aussi important ne devait pas etre chose facile.
Voyait on la nouvelle institution comme une communaute dans la communaute?
Precisons encore une fois qu’aucun document nous permet de fonder de telles
affirmations, c’est justement le manque d’information dans la direction opposee
qui eveille en nous le besoin questionner…
Hebron tout comme Jerusalem, ayant droit aussi a son lot
d’extremistes, il se peut aussi que leur action ait ete la cause de ce silence
qui entoure la presence de “Slovodka” dans la ville d’Abraham.
Quoiqu’il en soit les differends s’effacerent le jour ou
la foule criminelle devalla dans les rues de Hebron. Vingt quatre pensionaires
de la Yechiva touverent la morts durant le carnage de 1929. A partir de ce jour
la yechiva ” Knesseth Israel” portera le nom de ” Hebron “, sans pour autant y
revenir.
Hebron est sans doute la seule ville d’Eretz Israel, ou le terme ghetto est
employe pour designer le quartier juif de la ville.
Il est pour le moins paradoxal que les juifs de Hebron acceptent que l’on
qualifie leur quartier de ghetto, terme forge en terre d’exil, pres des
Fonderies de la ville de Venise en 1516.Il semble que le terme de ghetto fut
adopte a Hebron, en raison des portes du quartier, que l’on refermait la nuit
tombee.
La promiscuite du ghetto, les ruelles etroites et obscures n’avaient pas
grand chose a envier a la Casbah de Hebron..
Le ghetto etait accessible par trois entrees differentes.La porte du marche,
la nouvelle porte et la porte des bains.Les bains en question a l’interieur
d’une belle batisse de l’epoque mamelouque, ont ete transformes en musee, par
la population arabe actuelle.
C’est a la porte du marche, que selon la tradition, fut decouverte de
maniere miraculeuse, une sacoche contenant precisement la somme d’argent qu’un
cupide gouverneur avait decide de soutirer a la communaute.
La nouvelle porte, quant a elle,
debouchait sur un passage obscur voute a l’oriental. La porte des bains enfin,
servait entre autres de point de depart pour les joyeux defiles a l’occasion
des mariages ou autres festivites.
C’etait en fait uniquement la porte du marche que l’on refermait au coucher
du soleil, par le passe.Au-dessus de cette porte un orifice avait ete creuse
dans l’epaisseur de la muraille et permettait aux habitants d’avoir un oeil sur
la ville arabe.
La nouvelle porte ne pouvait par contre qu’inspirer, terreur et repulsion.
Les ruelles qui y menaient etaient souvent jonches de detritus de toutes sortes.
Les delinquants ismaelites en avait fait leur lieu de rencontre, lieu propices
aux agressions envers les passants isoles. La rumeur populaire faisait meme
etat d’esprits malfaisants qui hantaient les lieux de par leur presence.
Une toute autre atmosphere se degageait de la Porte des Bains. Les jours de
fetes voyaient la communaute se retrouver en ces lieux, le bedeau de la
synagogue, un flambeau a la main avait coutume d’inviter les passants a se
joindre au cortege des convives.
Le ghetto etait principalement delimite par deux longues rues en demi
cercles.
La premiere partant vers la droite portait le nom significatif de “Rue
des Caraites “ La seconde portait tout simplement le nom de la principale
institution qui s’y trouvait: « La Synagogue » Ces ruelles
etaient etroites et manquaient de lumiere, comme dans tous les
ghettos,l’expension en surface etait pratiquement impossible.Les nouvelles
familles devaient construire leur maison en hauteur, sur les toits des
habitations deja existantes.
En accedant a ses fonctions de haut commissaire en
Palestine, Herbert Samuel est persuade qu’il pourra mener a bien une double mission:gerer
la realisation du foyer national juif, et favoriser en parrallele
l’amelioration des conditions de vie des populations arabes, musulmanes et
chretiennes.
Les relations entre juifs et arabes etaient deja mauvaises.
Durant les annees 1920 et 1921 des foyers de violences s’allumerent de la
Galilee a Jerusalem en passant par Jaffa. Orchestee par des chefs nationalistes
fanatiques, cette violence etait regulierement ponctuee par des appels aux
meurtres, le slogan le plus populaire etant “etbah’ al yahoud(egorge le juif)”
Cette flambee de haine n’atteindra pas la petite
communaute de Hebron. Les dirigeants musulmans respecteront leur contrat moral
vis a vis de leur dhimmis, en l’occurrence les juifs de la ville. En visitant
le ghetto durant les journees de tension ils annoncaient de la sorte aux
emeutiers potentiels que la population juive etat sous leur protection, et
toute atteinte envers elle serait severement reprimee.
Refusant de deceler dans les evenements des annees 20 un
signe avant coureur de la tendance arabe radicale, le haut commissaire
essayera, desesperement de rassurer les belligerants. Il ne reussira en fin de
compte qu'a augmenter la suspicion des deux camps a son egard.
Un des enjeux pricipaux del’affrontement politique entre
juifs et arabes reside dans la position des antagonistes face a l’immigration
juive.
Les arabes comprennent tres bien l’importance de ce
facteur, leurs pressions sur l’administration britanique finiront par porter
leurs fruits: la parution des differents livres blancs, c’est ainsi que le
Foreign Office designait les differentes decisions de limiter la alyah et le
developpement du Ychouv en Eretz Israel.
Dans ce nouvel engrenage de violence les differences
entre ancien et nouveau yichouv ont tendance a passer en second plan, aux yeux
des arabes du moins, qui considerent chaque nouveau juif dans le pays comme un
renforcement du camp ennemi.
La nomination de Hadj Amin El Husseini aux foctions de
Mufti de Jerusalem apporte une dimension jusqu’a la negligee dans ce conflit la
dimension religieuse.
Ce dernier mobilise le monde musulman devant ce qu’il
qualifie de “menace juive pour le mont du Temple”. En 1928 il cree dans
plusieurs villes du pays, des comites de protections des lieux saints
islamiques. Cette meme annee a Jerusalem un enfant juif est assassine, alors
qu’il rentrait recuperer un ballon dans la cour d’une maison musulmane. La
tension est a son comble lors des fetes de Rosh Ashana et Yom Kippour. Dans
cette perspective de passion religieuse, savamment entretenue par le mufti de
Jerusalem, tous les juifs deviennent ainsi ennemis de la nation musulmane.Il
n’y a maintenant plus place a une quelconque distinction entre ces juifs qui
cohabitaient de tout temps avec les arabes du pays,et les nouveaux venus
desireux de traduire la declaration Balfour en actions politiques sur le
terrain.
Quelques jours plus tard a Jerusalem, les muezzins de la
capitale denoncent la coexistance avec les juifs comme une trahison, provoquant
ainsi un nouveau deferlement de violence et de haine sur les quartiers juifs de
la ville. Le massacre fut evite dans les quartiers pourvus de defenseurs...
De son cote la police britannique debordee dut faire
appel a un groupe d’etudiants d’Oxford de passage pour renforcer ses rangs.
Oded Avissar ecrit que ce meme Vendredi ou les passions se dechainerent a
Jerusalem des rumeurs inquietantes circulaient deja a Hebron.
En debut d’apres midi un arabe en motocyclette, arrivait
de Jerusalem,avec des nouvelles.selon lesquelles le sang arabe coulait a flot
dans la cite de David.
Au meme moment un convoi de vehicules parti de Jerusalem,
fait route vers Hebron, des dizainnes de villageois de H’alh’oul’ et de Tsurif
se joignent a lui. Des leur entree a Hebron, ils assaillent tous les juifs
qu’ils croisaient, immediatement imites par les habitants de Hebron.
A ce moment le rav Slonim sortait de son domicile pour
faire part de ses inquietudes a l’officier de police de service. Le malheureux
fut pris a parti par les emeutiers. Une femme juive, temoin de la scene
s’elance pour proteger le rabbin elle supplie le commandant de Police
d’intervenir immediatement, ce dernier la rabrouera en disant: “de toute facon
tout cela et la faute des juifs.”
C’est alors, affirmeront d’autres temoins, qu’apparut
l’officier de Police Ibrahim Geageara. Le rabbin se dirige vers lui et demande
du secours la encore insultes et mepris seront les seules reponses.
Les assaillants se dirigent maintenant vers le batiment
de la Yechiva Slovodka recemment installee en ville. Ils n’y trouverent qu’un
etudiant qui n’eut meme pas le temps de lever les yeux pour voir les tueurs
fondre sur lui. Cette premiere journee d’emeute devait se solder par un mort et
plusieurs blesses.
La nuit tombee le calme semblait vouloir revenir a
Hebron, personne ne voulait envisager l’eventualite que le pire etait encore a
venir. Ce soir la a vingt heures trente le gouverneur de la ville ordonne aux
juifs de rester chez et de ne sortir sous aucun pretexe durant la journee du
lendemain. ”A cette condition seulement “leur dit il “je pourrai
assurer votre securite”.
Les emeutiers de leurs cotes ne perdaient pas de temps a
six heures du matin ils etaient deja sur pied a l’entree de la ville. Les
responsables communautaires essayerent une fois encore de se rendre au
commissariat de police, personne ne voulut les recevoir, ils furent ainsi de
nouveau rejetes.
Le senario suivant allait maintenant se repeter des
dizaines de fois. La foule exitee encercle une maison juive,et pendant qu’une
pluie de cailloux fait voler en eclats les fenetres de l’edificice, les plus
acharnes parmi les emeutiers s’attaquent aux portes principales pour les
forcer, lorsque celles ci resistent a leurs assauts ils essayent de se frayer
un passage par les toits ou les fenetres.
Ce qui se passa ensuite ressemble helas a tout ce que le
peuple juif a du subir de massacres et pogromes au cours de son Histoire, a
cette difference pres qu’il s’agit la du vingtieme siecle dans une region
administree par les britanniques dans une ville ou les juifs avaient
pratiquement habites depuis la nuit des temps. Les premieres victimes se
comptent parmi les familles Abouchdid et Gozlan.
Itsh’ak Abouchdid etait un homme solide, le premier des
agresseurs s’en rendit compte bien vite et pour avoir la vie sauve il promit a
Itsh’ak de le cacher lui et sa famille. Itsh’ak hesita quelques secondes, et
relacha son agresseur qui en profita pour le poignarder a mort…
Ce sera ensuite les familles Gozlan, Castiel et H’asson
qui allaient connaitre l’horreur. Chez la famille Guershon le viol collectif
preceda le crime tout cela se perpetrait dans le batiment du centre medical
Hadassa ou juifs et arabes recevaient gratuitement leurs soins medicaux. Le
materiel medical les stocks de medicaments rien n’avait ete epargne, il ne
fallait surtout pas que l’on puisse porter secours aux survivants, s’ils
devaient rester des survivants …
Dans un monde qui semblait vouloir retourner au neant, un
homme donnait des
ordres, distribuait des directives, lancait des slogans
que la foule se pressait de reprendre a son compte, il s’agissait du Cheikh’
Talib Maraka. Les differents temoignages des survivants nous permettent de
reconstituer quelques unes des pieuses paroles: “Egorgez les juifs, buvez
leur sang aujourd’hui c’est le jour de l’Islam. Le jour que le prophete a
choisi. Allah et le prophete vous demandent de vous venger des juifs, il nous
faut venger les musulmans assassiner a Jerusalem. Allah est Grand venez avec
moi regardez les jeunes filles juives, elles sont belles elles sont a vous!”
Dans cette constellation de l’horreur ou la bestialite,
la lachete sont elevees au rangs de vertus religieuses ou la honte semble avoir
disparu de la surface de la terre, ca et la allaient apparaitre quelques
sursauts de pitie. Malka Slonim se souvient. “… Quelques minutes apres que
mon pere couvert de blessures et moi meme pumes regagner la maison, nous vimes
apparaitre Abou Chaker notre voisin. Il descendit de sa monture et se posta sur
les marches de l’escalier de notre maison., il frappa ensuite a notre porte
pour nous dire de ne l’ouvrir sous aucun pretexte.Je veux juste vous dire que
je suis la et je ne les laisserai pas vous toucher, fermez les volets fermez
tout et que D-ieu soit avec vous. Abou Chaker commentait de temps en temps
l’odieux spectacle qui se deroulait sous ses yeux, spectacle heureusement que
les Slonim ne pouvaient pas voir.
“Les canailles, ils massacrent les juifs et personne pour
les aider! La police est avec eux les policiers anglais les accompagnent de maison
en maison ils attendent qu’ils finissent leur crimes pour passer a la maison
suivante. D-ieu les paiera en retour “,
“ Nous entendions sa voix” reprend Malka Slonim “et nous
comprenions que notre tour approchait comment pouvait il lui un veillard isole
arreter la meute assoiffee de sang? A un certain moment Abou Chaker arreta ses
commentaires les tueurs s’attaquant maintenant a la maison de mon frere et Abou
Chaker le voyait, le genereux vieillard ne voulait pas augmenter notre
detresse. Nous entendions deja les hurlements des victimes quelques minutes
plus tard nous comprenions que mon frere, sa femme et le petit Aharon n’etaient
plus du nombre des vivants.
Les criminels etaient maintenant tout pres de nous, la
voix d’Abou Chaker s’eleva une fois de plus: Ici vous ne tuerez personne!Ils le
bousculerent mais le vieillard tenait bon, malgre ses soixante quinze ans il
avait encore un corps solide. Abou Chaker s’allongea de tout son long devant le
seuil de notre entree.” Sur mon cadavre seulement vous entrerez dans cette
maison. Un homme dans la foule lui cria: Sale traitre je vais te tuer. Abou
Chaker ne bougeait pas, il trouva meme la force de leur dire:Ici se trouve la
famille du rabbin Slonim qui est aussi ma famille. Venez et tuez moi si vous
voulez mais je ne bougerais pas.
Nous savons qu’un couteau le frappa a la jambe, faisant
immediatement gicler le sang du malheureux, qui ne laissa aucun son s’echapper
de ses levres.
Abou Chaker tenait bon. Un silence suivit, puis de
nouveau les cris, des cris qui s’eloignaient cette fois nous commencions alors
seulement a realiser que nous etions sauves. Mon pere voulut alors ouvrir la
porte pour panser la blessure de notre sauveur mais ce dernier refusait, “mon
role n’est pas encore termine d’autres peuvent encore arriver”.
Les mots sont trop faibles pour decrire les atrocites,
les sevices et la souffrances ils ne pourraient que banaliser ce qui se passa
ce jour la a Hebron. Qui etaient les plus a plaindre les victimes ou les survivants
qui assisterent impuissants aux martyres de leurs proches?
La conduite des autorites britaniques, durant ces deux
heures de carnage respirait le mepris et l’antipathie qu’ils vouaient aux
victimes et aux survivants. Les juifs dans leur agonie continuaient d’etre les
responsables. Pas de manifestation de pitie ou de compassion, qui plus est, les
survivants durent se battre pour obtenir le droit d’enterrer leurs proches avec
les prieres d’usage en presence d’un “miniane”, (les dix personnes
indispensable pour prononcer la priere du Kaddiche, pour le repos des
victimes).
Durant la journee de Chabbat personne ne songea un
instant a apporter de l’eau ou un quelconque ravitaillement aux survivants il
en sera de meme pour la journee suivante.
Lundi seulement seize voitures en provenance de Jerusalem
furent autorisees a evacuerles femmes et les enfants. Des milliers d’arabes
masses sur les toits assistaient en silence au departs des ces malheureux.
Le 15 Octobre marquait l’ouverture du proces des emeutiers,
le Cheikh’ Talib Maraka fut le premier a comparaitre. Lui, tout comme la
majorite des accuses ou des temoins non juifs ne se lasseront pas de repeter
pour toute defense: “Je ne sais pas,je ne me souviens pas “ Le capitaine
de police Caperata se souvenait effectivement avoir vu Talib Maraka au milieu
des “manifestants” mais il etait bien incapable de repeter les propos que ce
dernier avait tenus. Son adjoint arabe Ibrahim Geargea affirma quant a lui
avoir decouvert les corps de Gozlan et Abouchdid sans savoir pour autant ce qui
s’etait
passe. Les jours suivants Maraka ne se contentait plus de
nier toute participation aux emeutes, il se presentait maintenant comme un ami
de longue date de la population juive. Il ne comprenait pas cet acharnement
avec lequel on essayait de lui faire endosser la responsabilite du pogrom. Au
contraire lui Talib Maraka s’etait efforce ce jour la de calmer les esprits!!
Maraka invita les juges a ecouter le temoignage de H’alib
Sisni l’instituteur. Ce dernier livide comme un mort ouvrit la bouche pour
repondre aux questions des juges, il ne reussit …qu’a vomir devant la cour.
Le proces devait prendre par la suite une allure
politique evidente.Les autorites britaniques les premieres n’etaient pas
interressees a faire eclater la verite
au grand jour. La cour decida de deux ans de prison ferme
pour Talib Maraka (qui furent mysterieusement transformees en obligation de se
presenter au poste de police, deux fois par jour) ainsi qu’a une amende de
cinquante livres sterling. Deux des meurtriers du rav Castiel furent mis a mort
par pendaison, puis les seances du tribunal furent suspendues. On ne prit meme
pas la peine de fixer une date de reprise. Les juifs en reaction mirent sur
pied une commission chargee de veiller aux interets des rescapes, pour le
versement d’indemnites pour que justice soit faite vis a vis des assassins, et
de leurs complices.
Les britanniques de leur cote en avaient decide
autrement, tous les efforts de ce commite se heurterent a une fin de non
recevoir les anglais etant decides a ne pas affronter l’odieuse verite.
La grande lecon de ce cauchemar etait que le crime
payait, les interets politiques des anglais ne rencontraient que tres
occasionellement des remords ou des cas de consciences, et lorsque cela devait
arriver ces derniers devaient ceder le pas a la raison d’etat. La participation
massive des arabes de Hebron au massacre, remettait serieusement en question
l’expression “populations civiles innocentes ” tous les meurtriers
etaient des civils, quant a leur innocence fallait-il qu’ils l’aient perdue
depuis bien longtemps.
Une remarque pour conclure, Safed aussi avait connu les
emeutes arabes en 1929, la aussi les britanniques proposerent l’evacuation de
la communaute juive comme solution miracle. Les juifs de Safed refuserent
d’evacuer leur ville, personne aujourd’hui ne considere leur presence comme
une provocation, un obstacle a la paix ou une “installation sauvage”.Ce
droit d’existence que personne ne conteste a Safed est refuse aux juifs a
Hebron, au nom d’une moralite ou les victimes doivent se taire, pour ne pas
deranger les criminels et leurs heritiers.
Pogrom et ghetto sont deux termes qui pouvait on croire, n’avaient plus
raison d’etre au vingtieme siecle, et en Eretz Israel a plus forte raison.
Le pogrom de 1929 a Hebron, marque avant tout la faillite d’une conception.
Cette conception, etant justement unique, et ne souffrant pas de
concurrence devenait ainsi, non pas un instrument de reflexion aupres des
responsables communautaires, mais un carcan de l’esprit, trop etroit pour
contenir les nouvelles realites.
Ces dirigeants communautaires juifs etaient prisonniers de leur conception,
il leur etait difficile d’envisager, une mesure alternative au cas ou la sacro
sainte conception devait s’averer erronee.
Par le passe, la communaute juive de Hebron n’avait pas ete inquietee
durant les emeutes de l’annee 1920, organisees par Amin el Husseini, dont le
bilan s’elevait a cinq morts et deux cent seize blesses a Jerusalem.
En Mars de l’annee 1921, Herbert Samuel desireux de s’attirer la confiance
des nationalistes arabes fait acceder Amin el Husseini, au poste Mufti de
Jerusalem Ce sera une exellente occasion pour le gracier des quinze annees de
prison qu’il venait de recevoir pour sa participation aux emeutes de l’annee
passee. Pour les arabes le message etait on ne peut plus clair, la violence et
le terrorisme payaient !
Au pritemps de l’annee 1921, les manifestations arabes reprennet plus violentes
et plus meutrieres que jamais. Husseini en reste le principal instigateur, la
encore les juifs de Hebron sont tenus a l’ecart du carnage qui commenca a Jaffa
pour se propager les jours suivants a Kfar Saba, Reh’ovote, H’edera, et Petah’
Tikva. Coutant la vie a quarante sept juifs cette fois, parmi eux, l’ecrivain
Y. Brener.
Il est vrai que les dirigeants de la communaute surent par le passe
prevenir intelligement les menaces d’emeutes populaires dirigees contre le
ghetto. En invitant les notables musulmans a visiter le quartier juif jour
apres jour durant les periodes de tension, ils exprimaient de la sorte un
double message. Il fallait d’abord rassurer la population juive bien sur mais
aussi et peut etre surtout mettre la population musulmane en presence d’un
procede bien etabli chez
elle: la protection que l’Islam accorde aux “dhimmi”. Le Mufti, les Cadi
etendent leur protection sur les juifs de Hebron, toute atteinte envers l’un d’entre
eux signifiait automatiquement une declaration de guerre envers les
protecteurs. Cette protection n’est pas gratuite, elle se paye en impots et en
humiliations que les premiers docteurs de l’Islam recommandent d’appliquer
envers les non musulmans. Cette protection reste efficace tant que les
dirigeants politiques musulmans y etaient interresses.
D’autre part les relations entre Hadj Amin El Husseini et les notables de
Hebron etaient carrement mauvaises, et ce n’etait la un secret pour personne.
Ces derniers accusant le mufti de Jerusalem d’utiliser a des fins politiques
personnelles les revenus de la Makhpela qui constituaient une partie importante
de ses ressources financieres.
Pourtant les evenements de 1929 ne ressembleront pas a ceux des annees
precedentes. Nous connaissons la suite de l’histoire, la furie de 1929.
Il est difficile de porter un regard critique sur les martyrs.
En hebreu, ce terme se traduit par Kedochim, qui veut dire aussi des
«saints ».
Dans la tradition juive on sanctifie la memoire des martyrs, pourrait-il en
etre autrement? Ainsi on n’evoquera jamais assez la conduite ignoble des
policiers anglais durant le carnage, la bestialite de la foule excitee a l’idee
du pillage et des violences qui devenaient tout d’un coup permis. La lachete
des dirigeants spirituels musulmans qui encouragerent ouvertement le crime de
femmes, d’enfants, de vieillards et d’etudiants penches sur leurs livres
d’etudes.
Et pourtant, les lecons de l’Histoire ne seraient pas tirees, si l’on
omettait de rappeler la reaction des dirigeants du ghetto. Devant la menace
devenant de plus en plus precise, ils refuserent la proposition de Baroukh
Katinka, officier de la Hagana, qui ecrit: « deux jours avant le
carnage a Hebron, nous recumes l"ordre de nous rendre a Hebron avec douze
combattants pour organiser la defense des lieux… il y avait avec nous dix
hommes et deux femmes.Nous avions volontairement voyager tous feux allumes,
nous voulions vraiment qu’ils nous prennent a parti, afin de pouvoir repondre,
et leur montrer notre force.
Arrives a Hebron apres minuit, nous nous rendimes chez le
Rabbi Eliezer Dan Slonim, le directeur de la banque et chef de la communaute.
Nous l’avons reveille, et lui avons explique que nous apportions avec nous un
fusil mitrailleur, des bombes et des munitions. En reponse il s’ecria qu’il
etait seul juge en matiere de decision en ce qui concerne l’envoi de renfort.
Ses paroles etaient prononcees avec colere et sur un ton de reprimande. …Alors
que nous etions en train de parler, des policiers arabes entrerent et
annoncerent que les personnes qui venaient d’arriver en voiture devaient les
suivre au poste de police.
La, nous attendait Kapereta, l’officier de police, en
pyjama. Il nous demanda ce que nous faisons a Hebron, et nous lui repondimes
que nous etions la pour tourisme … ».
Au petit matin les combattants de la Hagana reprenaient la route de
Jerusalem,expulses pour ainsi dire par ceux la meme qu’ils se proposaient de
defendre..
Ce temoignage douloureux fut remis en question en 1980 lors de la parution
du livre de Yehouda Loeb Scheenerson, ”Hevron, Hevron” ce dernier affirme avoir
demander de l’aide aux dirigeants de la Hagana, aide qui lui fut refusee
sous pretexte que les dangers etaient pratiquement nuls vu que mufti de
Jerusalem responsable des emeutes, etait impopulaire a Hebron. Scheerson
affirme donc avoir recut une reponse negative, il ne nie pas cependant que
le rav Slonim s’opposa a l’envoie d’un delegue responsable d’organiser la venue
de renforts.
L’attaque du ghetto sans defense, et sans volonte de se defendre ne vient
pas illustrer le le debut de cette faillite mais bien son aboutissement.Nous
avons vu en evoquant la noble figure du rav H’izkiyaou Medini, combien il etait
difficile pour certains dirigeants communautaires d’accepter l’idee que les
epoques changent et avec elles les besoins d’un public dont ils etaient
responsables.Le rejet de la proposition de la Hagana ressemble au refus de la
proposition de l’Alliance Israelite Universelle significatifs d’une societe qui
n’a de conseils a recevoir de personne.
Une societe conservatrice a du mal quelques fois a se remettre en question,
ajoutons a cela la dimension religieuse et nous voila prisonier d’un carcan de
prejuges visant a interdire l’existence meme theorique, d’options alternatives.
Dans les deux cas on ne pourra que deplorer l’absence d’une opinion
differente ou a defaut un temoignage de gratitude envers ceux qui proposerent
leur soutien.
On aurait tort cependant de presenter une image simpliste de la
situation,les arguments des dirigeants communautaires n’etaient deconnecter de
la realite hebronienne.Par le passe nous l’avons vu les relations entre juifs
et arabes avaient effectivement resister a la degradation generale qui caracterisait
desormais les liens entre les deux communautes.
Seulement, Hebron n’etait plus la ville, coupee du monde et fermee aux
influences exterieures, les temps etaient en train de changer les anciennes
conceptions de s’effriter. Les bonnes relations entre juifs et arabes dans la
ville n’avaient pas disparues elles n’etaient cependant plus assez fortes pour
affronter les changements de mentalite qui s’operaient maintenant de part et
d’autre..
Non seulement les relations amicales n’avaient pas
disparues, mais dans certains cas elles avaient memes surmonte l’epreuve d’une
facon magistrale.
N’oublions pas que
les survivants du pogrome devaient leur vie, non pas a l’intervention d’une
force armee britanique, mais bien a celle d’une partie de la population arabe,
exactement soixante et une familles, qui sauverent plus de sept cent juifs en
ouvrant leurs portes devant les malheureux, et s’interposant entre le bourreaux
et sa victime.
Plus encore que les faits, ce sont maintenant les reflexions, les pensees
qui hantent maintenant les consciences de part et d’autres.Dans son livre
« Guiborei Hebron » (les heros de Hebron ), Menache Mani,
lui meme descendant de l’illustre famille de rabbins, nous devoile le contenu
d’une lettre.
Lettre que nous pourrions intituler « reflexions d’un survivant »
Redigee par un juif du ghetto, elle est destinee a un arabe de la ville.
Entre les deux peuples, un mur de haine, et de rancoeur, entre ces deux
hommes pourtant les sentiments sont differents. Le juif doit la vie a l’intervention
de son voisin arabe Abou Yiad. Une des rares personne qui conserverent leur
dignite humaine, qui s’interposerent pour sauver des hommes, des femmes, des
enfants du carnage que les siens organiserent contre les juifs de Hebron.
Le juif, H’akham Reouven (le sage Reouven), est maintenant a
Jerusalem avec les rescapes de sa communaute, et c’est de la qu’il s’adresse a
son sauveur, qui fait partie des ennemis de son peuple.
Dans sa lettre H’akham Reouven (les arabes l’appelaient Abou Khader), epanche
son coeur, pose des questions qu’il sait d’avance sans reponses, et par dessus
tout, ose encore parler d’avenir, d’un avenir ou les arabes n’essaient plus
d’eliminer les juifs, d’un avenir ou les hommes cessent d’evoquer la memoire
d’Abraham pour justifier leur comportement de bete feroce.
De Jerusalem, la ville sainte a Hebron, la ville du
« bien aime ».
A l’attention d’ Abou Yiad, l’homme de la misericorde.
Maintenant seulement, je suis capable d’evaluer toute la
misericorde dont tu as fait preuve envers moi, les miens et tous ceux qui
m’accompagnerent ce jour la, quand tu nous retira des griffes de la bete.
Maintenant, je comprends combien j’etais seul dans cette
tourmente, et Dieu sera seul pourra te rendre le bien que tu m’as fait, et Dieu
seul est capable de chatier les meurtriers, a la mesure de leurs crimes.
Si un jour l’historien venait a retracer sur les pages
d’un livre les journees de malheur qui furent les notres dans cette contree, il
ne pourrait en aucun cas les comparer avec ce que nous avons du endurer ici a
Hebron. Non pas que la sauvagerie fut differente, je parle de la sauvagerie des
tiens, des gens de ta foi, ni meme de la trahison des tiens, des gens de ta
foi, qui trahirent les juifs de Hebron, fragiles et silencieux, vulnerables.Ni meme
encore du fait qu’ils assaillirent avec toutes sortes d’armes des vieillards,
des femmes et des enfants, qui n’avaient rien pour se proteger.
Lui, l’historien, se devra de preciser que toutes ces
victimes, furent massacres, mutilees, par ceux la meme qui hier encore,
franchissaient le seuil de leur maison, en voisin, en ami, en confiance.
Et c’est ainsi, que les meres et les filles furent
violees devant les yeux des peres et des maris, par ces memes voisins ces memes
personnes de confiance, ceux qui avaient l’habitude hier encore de franchir en
ami le seuil de nos maisons Et c’est en vain qu’elles implorerent la, en vain.
Elle sera grande, elle sera terrible la honte et
l’oppobre de ces voisins, le jour ou ils devront rendre des comptes a Allah et
a son prophete.
Le glaive d’Ibrahim, l’elu de Dieu les poursuivra pour
avoir souiller de leurs crimes la ville ou repose sa gloire.Pour avoir piller
les maisons des survivants. De ces pauvres gens qui, par amour et par devotion
pour ceux qui sont enterres a la Caverne de Makhpela, n’ont jamais quitte la
ville.
A Hebron, mon pere et moi avons cohabite avec vous et vos
peres, durant de nombreuses generations. Nous avons amene le progres dans la
ville, et dans vos foyers. Nous avons transforme vos baraquements en belles et
spacieuses demeures. Le produit de vos champs, nous l’avons rachete au meilleur
prix pour apporter abondance et benediction.Nous vous avons enseigne le
commerce, et les lois de l’economie.Nous avons enraye vos maladies, nous avons
soigne vos enfants.
Je te pose la question Abou Yiad, est-ce donc en
dechainant cette tuerie contre nous, en versant notre sang, que vous vous
acquittez de votre du? Je sais bien que « tout cela » est l’oeuvre de
la racaille, de canailles qui furent exites par des gens qui n’ont que mepris
et haine pour la terre de saintete qui est la notre.
Mais, ou etaient donc les autres, les gens de foi, les
craignant Dieu comme toi?
Pourquoi ne se sont-ils pas dresses devant la breche?
comme tu l’as fait.
Pourquoi leur voix ne se fit-elle pas entendre, la voix
des chefs de familles, des chefs de clan, les H’anouri, les H’adjizi, ou les
Tamimi?
Pourquoi personne ne les a vus, tous ceux qui d’un simple
geste, etaient capables de repousser les emeutiers, et leurs mains criminelles?
Comment se fait-il que leur coeur ne soit point brise en
morceaux en voyant les survivants blesses, meurtris et affames, quitter la
ville de Hebron?
Laisse moi maintenant te confier une mission:
Je te prie de dire a toutes ces personnes, que nous
reviendrons a Hebron.
Nous sommes un peuple qui a helas trop connu la
souffrance, mais nous avons aussi appris avec le temps les vertus de la
patience. Nous n’abandonnerons jamais la sepulture de nos ancetres.
Et cette fois, c’est par le sang de nos martyrs que nous
venons d’acquerir a nouveau et pour toujours notre droit eternel sur la ville
sainte.
Ce n’est pas par le glaive que nous reviendrons vers la
ville de l’elu de Dieu, mais par notre travail et notre labeur. Pas comme des
misereux nous reverrons ta face o Hebron, mais par la force et l’heroisme nous
te releverons de tes ruines. Une fosse commune a ete creusee pour nos freres
les martyrs du massacre. Nous elevons un monument funeraire sur lequel nous
graverons les noms des soixante quatre martyrs du jour de la destruction.
Nous n’apparaitrons plus une nouvelle fois entre les murs
d’un ghetto, dans l’obscurite malfaisante des ruelles etroites.Nous y
reviendrons, meme si le jour doit tarder a venir, mais nous reviendrons a
Hebron, nettoyer les signes de la destruction, pour y construire une belle
ville, avec une maison de prieres et dans cet endroit que vous avez deshonore,
du haut de son minaret, nous saluerons du « chalom » le muezzin qui
appellent les fideles a la priere par dessus du tombeau des patriarches.
Benediction de paix.
Abou Kader.
C’est autour du Rabbin Haim Baggio, que vont se regrouper en 1931, les juifs
decides a revenir a Hebron, moins de deux ans apres le pogrom.
La longue file de voitures defile maintenant, a Jerusalem des centaines de
personnes assistant a l’evenement, ne sachant s’il faut se rejouir, ou au
contraire eprouver de la compassion pour les candidats du retour?
Deux policiers juifs en armes accompagnaient le convoi.
L’accueil ne fut pas des plus cordiaux.
Les arabes de la ville ne cherchent pas a cacher leur stupeur, “ Al yehoud
les juifs sont de retour”, il y eut cependant quelques uns pour exprimer leur
satisfaction au grand jour.
Il faut dire que depuis le depart des juifs, la situation economique de la
ville s’etait serieusement degradee. A Hebron il faut le savoir, les artisans
sont pratiquement tous juifs en ces jours la. Les relations entre les deux
communautes sont marquees par le feu des evenements. Un feu allume il y a pres
de trois ans par les uns et qui brule encore dans les consciences des autres.
Les questions restent sans reponses. Les regards des musulmans se derobent
pour la plupart, tandis que ceux des revenants essayent de percer le silence,
de repondre a la question: ou est il celui la quand on nous tuait?
Et puis avec le temps, la vie semble reprendre ses priorites sur le
souvenir. La communaute reprend forme autour du Kollel sepharadi.
Le grand rabbinat de Jerusalem vient de lancer un appel dans le pays pour
soutenir le retour des juifs de la ville des Peres, cet appel est signe par le
Rav Ouziel et le Rav A.Isaac Kook.
Le presence renouvellee des juifs dans la ville donne le signal aux
touristes et aux pelerins.Le retour des juifs, en fait, marque en quelque sorte
un semblant de rehabilitation des arabes de Hebron, leur reinsertion dans la
famille des hommes. On ne visite pas une ville qui massacre ses juifs!
Les “revenants” s’etaient installes au centre de la ville, dans la rue Bab
El Zaouiya des contacts avaient ete pris avec differents responsables de
l’organisation sioniste mondiale pour organiser ce retour. Differents projets
de developpement de la ville furent etudies comme par exemple l’acquisition de
mille dounam de terrains agricoles, l’installation de pres de cent familles
nouvelles, et la creation d’une zone industrielle, autant d’initiatives qui
resteront helas sans lendemain.
A cette meme epoque, les jeunes gens organisent un noyau d’auto-defense.
On les voit frequement voyager a Jerusalem, ou ils font l’acquisition de
deux pistolets, et 72 cartouches, un veritable arsenal pour l’epoque...
Quelques jours plus tard, c’est David Raziel, accompagne de deux de ses
lieutenants, visitent la ville sous la conduite de Yaacov Ezra, un jeune de
Hebron particulierement actif.
David Raziel, futur commandant de l’irgoun jouit deja d’une autorite
incontestee aupres des defenseurs juifs de Jerusalem.
Raziel decide a ne pas trahir sa reputation d’homme de terrain, apporte
avec lui une valise remplie de grenades, des pistolets et des munitions. Le
rabbin Baggio ferme les yeux, c’est la sa maniere de donner son consentement.
Convoque le meme soir au poste de police il est questionne sur les trois juifs
de ce
matin,” des touristes un peu exentriques “ dira t il en ignorant les
apprehensions de son interlocuteur trop zele.
18 Aout 1932, troisieme anniversairee du pogrom.
On se souvient. Les cicatrices se reveillent. On pleure en silence. Les
elocutions maintenant.
Rivline, l’instituteur s’en prend aux differents organisations, dont le
« fond de soutien a Hebron », qui en guise de soutien,
distribuait ses promesses a tour de bras, sans meme songer qu’il fallait
quelque fois les realiser.
Eleazar, instituteur lui aussi, essaye de reconforter il parle de patience
de reussite et meme de victoire. 1933, le printemps amene avec lui de violentes
manifestations arabes, a Jaffa pour l’instant...
Les rumeurs d’une prochaine explosion a Hebron gagnent du terrain. Elles
s’infiltrent lentement dans les consciences, pour venir saper les fondements de
motivations. Au terme d’une rendonnee eclair a Jerusalem,
l’instituteur Eleazar toujours lui, revient le soir meme avec six
combattants de la Hagana (quatre hommes et deux femmes).
Ils resteront au secret, caches dans l’infirmerie plusieurs jours durant,se
tenant prets a intervenir en cas de besoin.
Les manifestations se declenchent a Hebron, la foule scande les slogans
haineux des meneurs, des poings haineux sont tendus vers les maisons juives.Ce
sera tout pour cette fois.
Ce sera trop neanmoins pour certaines familles qui auront l’impression de
revivre une seconde fois le cauchemar.
Le Rav Baggio de son cote ne se decourage pas, il reussi a convaincre le
rabbin Eliezer Yedid a fixer demeure a Hebron, ce dernier verse dans l’etude de
la Cabbala est apprecie et consulte par un nombreux public.Le rabbin Baggio ne
regarde pas la depense pour installer le sage dans la ville des Peres dans la
ville du pogrom !
Un public tout aussi nombreux continuait de consulter le rabbin, mais aucun
de ses disciples et admirateurs ne franchira le pas et demenagera a Hebron pour
le suivre.
L’ete suivant, un autre espoir allait faire battre les coeurs, la venue en
pelerinage du grand rabbin d’Egypte sur la tombe des Patriarches, le Rav Nahum
accompagne du h’akham Yosef Kasawi, le fils du ministre egyptien du tresor, du
professeur Itsh’ak Ben Tsvi ainsi que d’autres responsables de l’agence juive
etaient venus saluer les illustres invites.
Par une autorisation speciale, la delegation fut autorisee a penetrer a
l’interieur de la Makhpela.De nouveaux projets sont ebauches, la encore, la
deception allait suivre. Quelques jours plus tard, un conseil de rabbins se
reunit pour envisager la construction d’une yechiva a la memoire du grand
cabbaliste marocain Abraham Ibn Diwane.
Les travaux de fondations sont meme entrepris.Comme pour les precedantes
initiatives, il n’y aura pas de continuation. En 1935, Yaacov Pat, le
commandant regional de la Hagana se rend a Hebron pour se faire une idee
precise des problemes de defense.Le Rav Baggio lui assure son entiere
collaboration.Un plan de defense est etabli. La synagogue Abraham Avinou
servira de « planque » pour les armes et les munitions achemines de
la capitale.
A l’approche des fetes de la nouvelle annee (Rosh Hachana), c’est le Rabbi
de Gour qui tient a prier sur le tombeau des Patriarches.
Accompagne de dix de ses disciples, le tsadik, les yeux fermes, depasse la
septieme marche pour prier.Les arabes, scandalises, essaient par la force, de
le faire reculer. Mal leur en prend les accompagnateurs du rabbin, feront le
vide autour d’eux. C’est maintenant au tour des arabes de se plaindre a la
police de la ville, mais pour coups et blessures seulement.
Dans la nuit du 23 Avril 1936, la communaute fut transferee dans le plus
grand secret a Jerusalem. Le lendemain, les arabes, en constatant le depart precipite
de leur voisins juifs s’empresserent de piller leurs maisons, et la synagogue
Abraham Avinou, ou fut trouvee la « planque » de la Hagana.
Tous les juifs de Hebron furent definitivement evacues par les britaniques
en 1936, tous, sauf Yaacov Ezra, huitieme generation dans la ville des
Patriarches
Les premiers premiers jours des proces, Yaacov, comme les d’autres, avait
espere une action energique de la justice qui lui permettrait de retourner a
ses occupations quotidiennes.Comprenant bientot la deception qui l’attendait,
Yaacov annonca sa volonte de reprendre en main la laiterie de son pere, apres
le transfert perpetre par les anglais en 1936.
Retourner vivre a Hebron en 1936, alors que le pays tout entier est plonge
dans une atmosphere de guerre, semblait defier toute logique, et pourtant des
amis arabes lui avaient assures qu’ils le protegeraient s’il decidait seulement
de ne pas lui aussi abandonner la ville.
Marie, pere de famille, Yaacov Ezra vivait en semaine a Hebron, ou il
continuait de faire marcher sa laiterie.Le chabbat seulement il rejoignait sa
famille a Jerusalem.
En fait, il fallait pratiquement tout reprendre a zero, les pilleurs ne
l’ayant pas epargner au lendemain de l’evacuation par les britanniques.
Yaacov evoluait dans la journee en toute liberte, le soir, pour dormir, il
regagnait l’ancienne infirmerie, plus facile a defendre en cas d’attaque de la
foule. Les arabes s’etaient habitues a voir ce juif tetu, seul, au milieu d’un
univers hostile, circuler dans les rues de la Casba.
Pour l’observateur etranger, Yaacov Ezra semble evoluer dans un monde
surrealiste. Hebron, la ville des fanatiques musulmans ouvre ses portes au juif
Yaacov.On l’invite a boire le cafe, on parle avec lui de politique. Il va
meme jusqu’a assister aux reunions politiques des nationalistes arabes.
Dans ces reunions, on ne parle que de revanche et de l’expulsion imminente
des juifs de Palestine.Yaacov ecoute en haussant les epaules, le soir venu il
retourne a son infirmerie, a Bet Hadassa. De temps, quelques juifs venaient en
visite accompagnes d’un policier, pour repartir le soir meme. Avec le debut des
hostilites, de la seconde guerre mondiale, le monde arabe saluait avec eclat
les victoires des armees nazies.
A Hebron, les esprits recommancaient une fois de plus a s’echauffer au
point que meme ses amis musulmans lui conseillerent de quitter. Notre fabriquant
de fromage semble ceder pour la premiere fois.
Quelques semaines plus tard il est de retour a Hebron, decide a affronter
l’adversite. Les combattants de l’Irgoun faisaient maintenant les gros titres
des journaux, en defiant en ce temps la, la premiere puissance coloniale.
Dans les cafes de Hebron, on parlait maintenant de ces jeunes juifs
temeraires qui ignoraient la peur et se donnaient corps et ame dans un combat
de liberation nationale.
Yaacov Ezra, devait indirectement beneficier de cette aureole de gloire.
L’appartenance supposee de Yaacov a l’irgoun resolvait l’enigme de la
temerite de sa vie quotidienne dans la ville du pogrom.
L’explosion du quartier general britannique, installe dans l’aile droite de
l’hotel King David, avait fortement impressionner les esprits a Hebron, elle
avait aussi coute la vie a un notable important de la ville, le Cheikh Bader.
Yaacov Ezra, poussa l’audace jusqu’a assister aux obseques du defunt, et a
se rendre au domicile de la famille pour presenter ses condoleances.
La tendance a l’exageration etant l’une des caracteristiques des conteurs
moyen orientaux, Yaacov avait droit maintenant aux histoires les plus
invraisemblables au sujet des combattants juifs.
Il ecoutait sans mot dire, se souvenant du jour, il visitait la ville avec
un certain David Raziel, premier commandant de l’Irgoun.
L’annee 1947, le 29 Novembre, la societe des nations decoupe a partir de la
carte d’Eretz Israel deux etats, un etat juif, et l’autre arabe.
La societe des nations ne connaissant pas Yaacov Ezra, decide que Hebron
sera relie a l’etat arabe.Le lendemain, le 30 Novembre 1948, Yaacov Ezra devait
quitter Hebron pour ne plus jamais y revenir.
Il aura ete onze ans durant pour ainsi dire, le seul juif,a Hebron !
Aujourd’hui encore, plus de quarante ans apres sa dissolution, l’unite 101 continue
de jouir d’une reputation tout a fait exeptionelle au sein de Tsahal.
Formee a l’instigation de Moche Dayan, et sous la direction personnelle
d’Ariel Sharon, la petite unite va accumuler les missions les plus dangereuses,
en territoire ennemi.
Constituee principalement de jeunes recrues, hautement motivees, l’unite
veillera jalousement a beneficier d’un traitement particulier de la part du
haut commandement de l’armee, largement justifie par les resultats obtenus. Les
noms des principaux combattants ont vite fait d’entrer dans la legende de la
nouvelle armee.
Sans en avoir ete le commandant, Meir Har Tsion restera sans aucun doute le
plus celebre de ses baroudeurs. En parlant de lui, Moche Dayan dira: “ C’est le
plus vaillant combattant d’Israel depuis Bar Koh’ba ”.
Meir n’est pas un homme de discours, d’ailleurs la petite phrase de Dayan
l’agace.
Silencieux, d’un naturel solitaire, Meir est avant tout un chasseur. Il
aime suivre les pistes, relever les traces, ou les brouiller au besoin.
Si ce n’est ce contexte de guerre, Meir Har Tsion aurait pu etre un de ces
grands reporters, amoureux de la nature, qui traque les fauves jusqu’a leurs
repaires dans les contrees reculees du monde.
Les « fauves » de cette annee 1953 traversent la frontiere
jordanienne, pour semer la mort et le desarroi en territoire israelien.
On les appelle en arabe,” fedayin ”, (liberateurs), ceux qui
rachetent la patrie par le sang, juif de preference celui des femmes et des
enfants des villages frontieres. Selon les renseignements militaires, Hebron
est l’une des principales bases d’operations des fedayin, et c’est precisement
a cet endroit precis que Tsahal a decide de frapper.
Meir Har Tsion une fois de plus, prendra la tete de l’operation, une fois
de plus, il choisira Katcha, Koh’ba et Eytan pour l’accompagner.
Les quatres ont l’habitude de “ travailler ” ensemble et malgre
leur jeune age (en 1953, le plus age n’a que 20 ans), ils ont deja un long
palmares derriere eux.
Meir
et Katcha sont amis depuis leur tendre enfance, au mochav Richpone, ils ont
frequente la meme ecole primaire et tire les memes tresses de cheveux.
Les hommes de l’unite 101 ont appris a ne plus s’etonner de rien. Les
missions se suivent et ne se ressemblent pas, elles exigent toujours plus
d’audace, de temerite, un niveau professionel toujours plus pousse, des
preparations plus minutieuses.
Pourtant, en entendant le nom de Hebron, Katcha ne peut s’empecher de
ressentir un pincement au coeur.
Meir jette un regard oblique sur son ami, il se souvient d’une conversation
au cours de laquelle Katcha avait evoque le pogrome de 29 a Hebron, un cousin a
lui y avait trouve la mort dans les conditions que l’on peut imaginer. Meir ne
donna pas le temps a ses interlocuteurs de laisser vaquer leurs pensees. Son
doigt parcourait la carte pour indiquer l’itineraire choisi.
Un itineraire connu en fait, historique meme, celui des 35 combattants de
la Hagana venus secourir la region de Gouch Etsion assieges par les irreguliers
arabes en 48. Decouverts avant d’avoir pu rejoindre les assieges, ils furent
massacres jusqu’au dernier par des arabes de …Hebron qui faisaient route vers
Jerusalem.
Le commando aura a parcourir 45 kilometres dans des conditions difficiles,
c’est l’hiver, et il neige cette annee sur les monts de Hebron. Chaque
combattant porte onze cartouchieres de Tommy Gun, et plusieurs charges
d’explosifs. Au coucher du soleil, ils prennent la route, les voila maintenant,
passant a grandes enjambees le kibboutz Lamed-He.
Le rythme soutenu de leur progression ne parvient pas encore a rechauffer
leur corps en raison du froid vif de la saison. Le programme est simple,
marcher toute la nuit pour arriver aux premieres lueurs de l’aube devant leur
objectif, la mission en elle-meme ne devait pas durer plus de quelques minutes,
puis repartir avant que l’ennemi ait le temps de realiser ce qui lui arrive.
Apres trois heures de marche Meir constate qu’ils n’ont pas le temps de
contourner les deux prochains villages arabes comme prevu.
D’un geste de la main, il fit signe a Katcha de s’approcher, “ nous
allons passer entre les deux, malgre les dangers que cela comporte, il nous
faut a tout prix rattraper le retard ”.
Quelques sept cent metres separaient les deux villages en question. Un
chien aboya dans la nuit, un autre lui fit echo. Les parachutistes se
regardent, esperant que le froid allait decourager les villageois de sortir.
Leur priere dans l’obscurite est exaucee, les lumieres des maisons basses
sont maintenant derriere eux, et s’eloignent rapidement pour disparaitre dans
le noir.
La route se fait maintenant plus difficile, l’ascension vers Hebron a
commence, de temps en temps une tache blanche, la neige. La progression devient
plus penible, le chargement se fait plus lourd, la respiration plus penible
“Voila maintenant la route Beth Lehem Hebron, plus que
quelques kilometres, et nous verront apparaitre les premieres maisons de la
ville”.
Une fine couche de glace recouvre le sol, Meir glisse et tombe bruyamment.
Il est une heure du matin lorsqu’ils apercoivent les premiers toits de
Hebron
Pas une ame qui vive, le froid n’y est pas etranger.
Derriere
les fenetres lumineuses, une silhouette furtive se decoupe de temps a autre.
Parvenus maintenant au coeur de la ville, Meir, apres un rapide reperage
des lieux, designe a ses compagnons d’armes, les batisses a
“ visiter ”.
Eytan et Koh’ba prennent position pour couvrir Meir et Katcha qui
s’approchent du premier portail, et deposent les charges de dynamite.
L’explosion provoque un nuage de neige dans l’air,et l’obscurite dans la
maison.
Les combattants juifs sans perdre de temps, s’engouffrent a l’interieur en
lachant des courtes rafales. A l’exterieur Eytan et Koh’ba durent eux aussi
faire usage de leurs armes pour eloigner les premiers venus alertes par
l’explosion.
La situation se deteriore rapidement, les soldats juifs sont pratiquement
cernes de toute part. Profitant de la confusion generale, Meir pointe en
direction de l’ouest donnant ainsi le signe de la retraite. Soudain Katcha voit
apparaitre a sa droite un sergent de la garde nationale, sans prendre le temps
de viser, il presse a deux reprises sur la detente, pour voir son homme
s’ecrouler.
Katcha en profitera pour lui rafler au passage son parabellum, marque d’une
croix gammee en argent. Apres une course de plusieurs minutes il se met a
chercher Eytan des yeux, ne le voyant pas il l’appelle, toujours aucun signe du
jeune combattant. Katcha defiant alors la prudence la plus elementaire,
commenca alors a hurler le nom de son compagnon. Quelques secondes
s’ecoulerent, le bruit d’une cavalcade, bientot suivit de l’explosion d’une
grenade, les memes que Tsahal utilise.
Katcha avoua plus tard, qu’une fraction de seconde il avait cru ne plus
jamais revoir Eytan, pensant que ce dernier venait de mettre fin a ses jours,
afin de ne pas tomber vivant aux mains de ses poursuivants.
Le silence qui suivit l’explosion m’avait inspire une telle pensee. Ce
n’est qu’avec l’apparition de la silhouette de leur compagnon qu’ils reprirent
leur course vers le nord-ouest.
Au bout quelques kilometres, sur les versants enneiges, Meir donne l’ordre
de s’arreter. Les voila qui avalent maintenant a pleines poignees la neige des
rochers pour etancher leur soif. Le chemin de retour est plus facile, moins de
materiel sur le dos, une topographie en descente leur permet de garder le
rythme d’enfer que leur impose le commandant.
Derriere eux, les arabes de Hebron commencent a peine a realiser ce qui
leur arrive. Il faudra attendre encore quatorze ans pour que des soldats juifs
en uniforme retournent a Hebron, ce ne sera pas pour y repartir aussitot mais
bien pour permettre le retour des survivants du pogrom.
Le Temple
en feu offrait un spectale effrayant, voyant les flammes devorer leur
sanctuaire les juifs essayerent desesperement d’arreter l’incendie. Les pretres
seuls comprirent la pleine signification de l’evenement qui se deroulait sous
leurs yeux,en effet une tradition talmudique raconte que les levites se
rassemblerent sur le toit du Temple de Jerusalem et lancerent les clefs de
l’edifice vers le ciel: ” Maitre du monde!nous n’avons pas ete dignes de ta
confiance, nous n’avons pas su garder Ton sanctuaire, reprends en donc la les
clefs” …une main de feu se referma sur la clef pour disparaitre aussitot…
En
1967 le ciel s’ouvrira de nouveau.
Les
clefs du Mont du Temple, du tombeau de Rachel et de la Makh’pela et du tombeau
de Joseph seront de nouveau confier aux enfants d’Israel, en esperant cette
fois qu’ils sauront en etre les dignes depositaires.
La guerre des six jours
represente pour ceux qui l’ont vecu de pres comme de loin, un evenement que
l’on peut qualifier de miraculeux.
La surprise de la
victoire, sa rapidite le retour aux sites bibliques sanctifies par la
conscience et par le souvenir, autant de facteurs qui provoquerent une emotion
sans egale aupres des masses juives et de leurs elites.
Les nations du monde ne
resterent pas impassibles, une vague de sympathie de soutien, sans precedant
emergeait du fin fond des consciences.
Deux cliches de cette
guerre impregneront le souvenir des hommes.
Jerusalem, les
parachutistes en pleurs embrassent les pierres geantes du ”Kotel ”.
Etrange contraste, entre ces hommes durs ces guerriers avertis et l’emotion
qu’ils manifestent en essuyant des larmes devant ces pierres...
Pour les millions de
juifs qui vivent l’evenement en direct sur les ecrans de leur televiseur
l’emotion est a peine moins forte.
L’intensite du moment
est telle que l’expression”coeur de pierre” semble deplacee tant ces pierres la
sont differentes.
On les embrasse avec
pudeur on leur parle, on glisse dans ses interstices une priere que l’on vient
de griffoner a la hate, dans un moment d’intimite supreme avec le destin
d’Israel.
Le Rav Goren l’aumonier
en chef des armees d’Israel, sonne dans la corne de belier, le cri de
ralliement de l’ame juive retentit apres un silence deux fois millenaire.
Un antique midrache
avait pris le risque de nous decrire ce jour de retrouvailles avec Jerusalem:” et
les enfants d’Israel sonneront dans la corne de belier et le monde entier
entendra”.
La prophetie se
realise.Les correspondants de presses de tous les pays suivent et vivent les
evenements qu’ils retransmettent en direct pour leurs auditeurs et
telespectateurs. Le Rav Goren souffle dans son shofar de toutes ses forces, on
l’entendra au meme moment a Paris a New York, aux quatre coins du monde. Les
agences de presse se chargent de la realisation technique de la prophetie.
Un autre moment fort se
deroule a Hebron cette fois.Les journalistes ne sont plus la pour faire vibrer
l’evenement. Le rav Goren toujours lui comprend que c’est au tour de la ville
des Patriarches maintenant d’accueillir ses enfants, nous lui passons la parole
sans plus tarder.
Propos recueillis par
le docteur Yossef Charvit.
Apres
la liberation de Jerusalem, des que les combats cesserent, je decidai de me
rendre au cimetiere du Mont des Oliviers, pour me recueillir sur le tombeau de
ma mere. Dix neuf ans durant lesquels Jerusalem etait divisee, venait de se
terminer. Dix neuf ans que les arabes avaient employes a devaster
systematiquement les monuments et les plaques commemoratives, a un point tel
qu’il me fut impossible d’identifier l’emplacement de sa tombe.
Je
pris donc la decision de ne pas m’attarder,la guerre se poursuivant, nos forces
se dirigeaient maintenant vers le sud, vers Goush Etsion, vers la ville des
Peres.
On
allait maintenant liberer Hebron, je tenais a arriver le premier dans la cite
des Patriarches. J’etais persuade que nous etions a la veille d’un combat
difficile, les arabes de Hebron etant tristement celebres pour leur cruaute,…En
debut de soiree, je quittai donc Jerusalem pour Bet Lehem (sur la route de
Hebron)…
Les Jordaniens avaient mine la voie, notre avance s’en trouva ralentie…
La clef du tombeau de
Rachel
A mon
arrivee, Bet Lehem etait deja entre nos mains, je decidai sur le champs de me
rendre au tombeau de la matriarche Rachel.
Ce n’est que vers minuit que nous trouvames
mon chauffeur et moi l’emplacement du tombeau.
Le
portail etait ferme par une chaine de metal et un cadenas, il me fallut plus
d’une heure de travail pour en avoir raison…
Je me trouvais
maintenant pres d’une porte basse, une belle porte de bois. Je ne voulai pas
l’endomagee…
C’est
alors qu’une main inconnue lanca a mes pieds un lourd trousseau de clefs. Sans
poser de question je les ramassai a la hate pour penetrer enfin dans l’enceinte
de la sepulture en evoquant le verset: ” Une
voix retentit dans Rama, une voix plaintive d’amers sanglots. C’est Rachel qui
pleure ses enfants, qui ne veut pas se laisser consoler de ses fils perdus. Or
dit le Seigneur que ta voix cesse de gemir et tes yeux de pleurer car il y aura
une recompense a tes efforts dit l’Eternel, ils reviendront a leurs frontieres.”
(Jeremie 31,15).
Poursuivant
ma route vers la prochaine etape, Gush Etsion, je demandai au Lieutenant
Colonel la permission de m’adresser aux troupes. Il me fourni un haut parleur,
et debout sur la tourelle d’un tank je me tournai vers les combattants en leur
disant: “soldats je tiens a vous rappeler que nous allons bientot liberer la
deuxieme ville sainte du pays. La ville des Peres, la ville ou David commenca a
regner. La ville qui precede Jerusalem par son histoire. Je tiens aussi a vous
rappeler qui sont les arabes de Hebron, les meurtriers les plus feroces du
pays, ceux la meme qui organiserent des pogroms par le passe. Ceux qui en 1948
assassinerent les defenseurs du Goush Etsion, et qui mutilerent leurs cadavres
des heures durant, dans cette colline meme ou nous nous trouvons. Au nom de
l’Eternel soyez forts et victorieux”…
Halhoul, le dernier village avant Hebron, aux
fenetres des maisons des drapeaux blancs improvises, nous arrivames enfin dans
la ville des Patriarches.
La
ville etait deserte, je demandai a un jeune garcon le chemin qui meme tombeau
d’Ibrahim.
En
arrivant devant la Mahpela, je fus soudain pris d’une grande emotion.
Particulierement en foulant la septieme marche, de triste reputation, de
l’escalier qui menait au lieu saint. Les portes de l’edifice etant closes, je
cherchai en vain deux heures durant le moyen d’y entrer pour prier a
l’interieur du lieu saint.
Quelques
minutes plus tard le bruit d’un tank attira mon attention, avec l’aide des
soldats nous reussimes a forcer une des entrees de l’edifice. Ma priere
terminee, je vis avancer deux arabes envoyes du cheikh Djabari, le maire de
Hebron. Ils me firent savoir que ce dernier desirait me rencontrer pour me
remettre un acte de reddition. Je leur expliquai que l’endroit est mal choisi
pour cela. La makhpela est un lieu ou tous les hommes doivent se sentir soumis
a Dieu. Et il n’est pas convenable qu’un homme se soumette a un autre en ces
lieux !”
Entretemps
j’annoncai que l’endroit serait provisoirement ferme durant les quarante jours
a venir, je rappellai aux deux arabes que durant des centaines d’annees, le
lieu etait interdit d’acces pour les juifs. Quelques semaines apres cette
journee historique on celebrait le mariage d’un soldat a Hebron. Djabari, qui
assistait a la ceremonie me demanda alors de lui laisser un souvenir. En
fouillant dans mes poches je trouvai un exemplaire de la priere avant la sortie
au combat que nous distribuone aux soldats de Tsahal. Je lui grifonnai en guise
d’autographe.
“ c’est ainsi que seront deroutes tes ennemis
Seigneur”.
La guerre des six jours aura permis le retour des juifs a Hebron. Retour
qui s’effectuera par etapes. Les colons, comme les designait la presse eurent beaucoup
de difficultes avec les autorites israeliennes, qui preferaient se faire forcer
la main, plutot que d’afficher clairement une position.
Ygal Allon, figure de proue du mouvement travalliste, annonca des les
premiers jours son soutien au repeuplement juif de Hebron..Contrairement aux
autres dirigeants de son parti, Allon ne considerait pas le pogrom de 1929
comme un accident de l’Histoire, ou un evenement isole, mais au contraire comme
un traumatisme national qui exigeait une reparation.
A Ben Gourion qui lui demandait quelques annees avant la guerre des six
jours comment il envisageait la liberation de Hebron, il repondait: “ c’est
a grands coups de canons que les meurtriers de 1929 doivent nous entendre
revenir a Hebron ”..
C’est a David Ben Gourion que revient l’honneur de rediger l’introduction
du Sefer Hebron “ le livre de Hebron ”.
Son message est ponctue de citations bibliques, le “ vieux ”
comme le designent ses admirateurs affichent sans ambiguite son identification
culturelle et politique avec Hebron, Sichem et Jerusalem qu’il evoque dans un
meme enthousiasme.
Un homme, le Rav Moche Levinger dirigera le combat du retour. Autour de lui
se cree un veritable mouvement de masse, le Bloc de la loi ( Gush Emunim),
les adherents se reclament de l’enseignement du Rav Kook, le noyau dur du
mouvement est issu de la grande yeshiva “ Mercaz Harav ” a Jerusalem.
Les retrouvailles avec les paysages de Judee Samarie ont provoque un veritable
retour aux sources pour une grande partie de l’opinion publique israelienne.
Elles ont donne naissance a un nouveau type de pionniers, qui auront la
vitalite du nouveau Yichouv et la ferveur religieuse de l’ancien.
Kiriat Arba, la nouvelle localite,
sera la mere de toutes les autres implantations qui fleurissent en Judee
Samarie, dans le Golan et la bande de Gaza.
La caverne de la Makhpela et de nouveau envahie par les visiteurs. On vient
se ressourcer, toucher l’Histoire du bout des doigts. Une jeunesse passionee se
lance dans de longues randonnees Bible en main, son uniforme: sandales, jeans
delaves, et une calotte tricotee pendante negligemment sur le cote d’une
chevelure en desordre.
Les jeunes filles ne restent pas en marge, elles font preuve d’autant de
vitalite que leur compagnon et quelques fois elles memes prennent les
initiatives. Mariees, et meres de famille, elles continuent de mener le meme
mode de vie militant. Le repeuplement de Hebron en est la meilleure
illustration. Un “commando” de femmes et de petits enfants de Keriat Arba
penetre en pleine nuit dans le batiment desafecte de Bet Hadassa.
Au petit matin les militaires israeliens decouvrent avec stupefaction les
nouveaux locataires de la maison. Les conditions de vie a l’interieure sont des
plus deplorables la crasse, la poussiere, l’absence de toute commodite
a de quoi decourager les plus temeraires, c’est precisement ce que pensent
les membres du gouvernement Begin. On connait la suite.
Les nouvelles colonies proposent des conditions de vie difficile.Pour
surmonter ces difficultes l’exaltation, la certitude de participer a quelque
chose, de grand d’historique.
Le mouvement Gush Emounim pratique
nous l’avons dit la politique du fait accompli, un noyau de jeunes gens vient
s’installer sur une colline quelque part en Judee ou en Samarie. La, ils
plantent un drapeau d’Israel, quelques tentes en attendant que l’armee ou la
police viennent leur demander d’evacuer les lieux.Pendant ce temps une
delegation se charge des pourparlers avec les autorites,loin des medias
Le manege devient classique apres une ou deux evacuations, ou les colons
adoptent la politique de la resistance passive, le gouvernement autorise une
fois sur deux la nouvelle implantation.
La presse israelienne, et l’establishment vont forger une nouvelle
expression:les “territoires ”ce terme contient en lui toutes les
hesitations et les begaiements politiques des differents gouvernements
d’Israel, qui n’ont pas su tres bien comprendre la signification profonde de
ces evenements, en les reduisant a une eventuelle monnaie d’echange politique.
Un proverbe talmudique n’affirme-t-il pas que: ”celui pour qui se realise un
miracle, n’est pas toujours capable d’en saisir la portee ”.
Au lendemain de la guerre des six jours, les arabes de la ville sont
persuades que les israeliens vont consommer leur vengeance pour les massacres
perpetres en 29 et en 48.Avec le temps ils commencent eux aussi a se
familiariser avec les changements qui s’operent dans la societe israelienne.
Ils comprennent que si le nouveau mouvement d’implantation marque des
points sur le terrain, il ne fait cependant pas l’unanimite dans l’opinion
publique israelienne.A ce titre ils sauront exploiter la politique liberale de
Moche Dayan,et son antipathie politique a l’egard des milieux sionistes
religieux.
Prenons a titre d’exemple, un principe aussi elementaire que la liberte de
culte a l’interieur de la Makh’pela.
Le gouvernement israelien, en la personne de Moshe Dayan ne manifesta
aucune opposition face aux affirmations du Wakf (administrations musulmane des
lieux saints) selon lesquelles la Makhpela etait une mosquee, et en aucun
pretexte un juif ne peut exiger de venir y prier.
Pourtant, combien de personnes se souviennent que ce sont les “colons
sauvages” de Keriat Arba qui finirent par obtenir que tout juif puisse
venir librement prier sur le second lieu saint du judaisme. Cela apres
plusieurs mois de lutte durant lesquels un juif qui lisait simplement de
Psaumes a l’interieur de la Makh’pela etait immediatement arrete.
Le droit de venir vivre a Hebron, et de prier a la Makh’pela fut acquis a
prix de sang. Car autoriser les juifs a celebrer librement leur culte
signifiait proteger les acces du lieu saint,lorsque cette protection etait
hesitante, les attentats se multipliaient.
Le droit de mourir et d’etre enterre a Hebron devra lui aussi etre l’objet
d’un bras de fer avec les autorites israeliennes. La mort prematuree du
nourisson Avraham Nahshon allait accelerer le cours de l’histoire. Sa mere
Sarah avait decider d’enterrer son fils au vieux cimetierre juif de Hebron,
cela malgre l’interdiction formelle du gouvernement. Cette fois c’etait Sarah
qui venait chercher un tombeau pour Avraham, etrange retour de l’histoire.
La restauration de la synagogue “ Avraham Avinou ”nous offre un autre
exemple de la lutte des habitants de Keriat Arba pour renover les sites
detruits durant l’occupation jordanienne entre 48 et 67. Le quartier juif fut
rase (sur son emplacement furent construits un marche, des latrines et une
decharge municipale). Les jordaniens y trouverent meme la place d’y installer
un abattoir! La synagogue de la communaute sepharade fut elle aussi detruite un
enclos a betail s’elevait maintenant a sa place.
Il aura fallu toute la tenacite du professeur Ben Tsion Tavger, physicien
repute d’Union Sovietique qui choisit de s’installer a Keriat Arba et de se
consacrer a rechercher les ruines de l’antique synagogue sous des tonnes de
detritus. Arrete plusieurs fois par les autorites le professeur Tavger finit
par obtenir gain de cause, la synagogue fut ainsi renovee. Tavger et ses amis
n’etaient pourtant pas au bout de leurs peines, en effet le gouvernement avait
decider que le site une fois restaure ne serait pas destine a redevenir un lieu
de culte mais un…musee! Ce genre d’obstacles n’allait pas arreter le tetu
professeur qui avait tenu tete aux autorites sovietiques des annees 70. En 1977
apres deux ans de lutte la la priere etait de retour a “Avraham Avinou”.
L’opinion publique israelienne est quelques fois difficile a suivre. Elle
est capable de se mobiliser toute entiere si un chef d’etat etranger devait
declarer les juifs “indesirables” dans son pays. Et pourtant, une partie de
cette meme opinion vous dira que d’habiter a Hebron constitue une provocation
politique qu’il serait souhaitable d’eviter.En d’autres termes un juif peut
habiter,en Espagne patrie de l’inquisition, en Allemagne la ou vit le jour le
parti national socialiste, en Ukraine terre des cosaques,, sans que la chose ne
soit percue comme une provocation politique. Mais choisir de retourner vivre a
Hebron la ville qui detient le record de continuite juive. Ville qui vit ses
fils humilies, assassines dans un pogrom en plein XXe siecle. Choisir de
retourner vivre en ces lieux apres une absence forcee de moins de quarante ans,
constitue une provocation politique?
Que c’est-il donc passe durant ces quatre decades qui separent l’ignoble
tuerie de 1929 a la liberation de la ville en 1967? Quel type d’amnesie est
donc venu frapper ces moralistes? Inconscience, ignorance des faits ou tout
simplement manque d’honnetete intellectuelle. Croire qu’il est possible
d’effacer le passe en pressant la touche « Delete » de l’Histoire, ou
de solutioner un probleme par l’absurde en niant son existence meme.
A Hebron depuis 1929, les assassins ont herites des biens de leur victimes.
Essayer de remettre en question une telle issue constitue donc “une
provocation politique qu’il serait souhaitable d’eviter”.
Pour un meme public qui milite pour une constitution au parlement, qui voit
au travers de la Cour Supreme de justice le fer de lance de la democratie du
pays, la garantie de la protection des droits de l’homme et du citoyen, le
pogrom de 29 est un sujet tabou, qu’il vaut mieux eviter.Ce qui n’empechera
pas Yossi Sarid, ancien ministre de l’education, d’exiger l’enseignement du
genocide armenien perpetre par les turcs en debut de siecle.
Cette carence morale qui mine le systeme politique israelien ne presage
rien de bon.
Il est difficile de construire sur un terrain aussi glissant. Le jour ou
Aaron Gross se faisait assassine a Hebron, le ministre de la police Haim Bar
Lev demandait cyniquement: “ qu’est ce qu’un juif avait donc a chercher
a Hebron a ce moment la? ”…
Sur les plans culturel, sioniste et religieux, Hebron Keriat Arba
represente un carrefour qui propose des directions opposees.
D’un point de vue culturel d’abord, Hebron, plus precisement la figure
d’Abraham, est au centre d’une polemique.Le patriarche doit-il devenir une
espece de Vercingetorix juif destine a satisfaire les amateurs de folklores et
de musees, ou au contraire, servir de source d’inspiration a la creation
litteraire et aux autres expressions culturelles nationales.
Sur le plan sioniste, est il est legitime de revendiquer notre droit sur
cette terre en se referant au Patriarche Abraham a son acte d’acquisition.
Les actes des Peres sont ils des enseignements a suivrent pour les fils,
comme l’avait formuler Nahmanide. Lequel cas, une atteinte a notre souverainete
nationale a Hebron, renoncement a nos droits historiques, signifieraient le
debut d’un compte a rebours, le processus d’auto destruction du mouvement
sioniste.
D’un point de vue religieux, Hebron est encore au centre d’un debat anime.
Faut-il considerer la Makhpela comme un lieu saint, trop saint pour devenir
patrimoine national d’un peuple de retour sur sa terre. Lequel cas la septieme
marche pourrait amplement nous suffire.
Ou sans pour autant diminuer sa valeur religieuse, considerer Hebron comme
une croisee des chemins inevitable entre un peuple une terre et une loi.
D’un point de vue politique, cadre des polemiques les plus passionnees, les
habitants juifs de Hebron sont rudement pris a partie par les opposants
ideologiques, les mouvements de gauche, et donc par la presse.
En 1994, alors que le premier ministre israelien Itshak Rabin serre la main
de Yasser Arafat a Washington, les enfants des victimes du massacre de 1929 se
reunissent a Jerusalem pour envisager une demarche juridique. On s’en souvient
les survivants du pogrom n’eurent droit a aucune reparation.
Le journaliste de l’hebdomadaire “Kol Haire” qui recouvre
l’evenement a du mal a dissimuler ses sentiments de satisfaction a l’idee d’une
prochaine evacuation des juifs de Hebron: ”Maintenant que les vents de paix
soufflent ces jours ci, les enfants de familles alors evacues de Hebron
comprennent qu’il est temps d’exiger des indemnites, avant qu’Arafat, soutenu
par Rabin, “ ejecte ” les colons de Hebron, aux quatre vents.
(Aujourd’hui 6 ans plus tard les vents de paix se sont transformes en tempetes
de terreur qui ont deja provoque la mort de plusieurs centaines d’israeliens…)
L’article en question nous apprend neanmoins certains faits interressants.
Yosef Ezra (le fils de Yaacov Ezra, que nous avons precedement evoque),
prit alors (en 1994) l’initiative d’ecrire aux 120 deputes de la Knesset, pour
leur rappeler le deroulement des evenements de 1929 a 1936, date ou les anglais
evacuerent les juifs de la ville.
Parmi les 35 deputes qui prirent la peine de lui repondre, Yael Dayan,
membre du parti travailliste lui repond: “ Deja, avant l’independence
du pays, la presence des juifs a Hebron etait superflue, et ne faisait
qu’envenimer une situation deja suffisement compliquee entre les deux
peuples ”.
Un depute israelien venait a sa maniere de resumer pres de 4000 ans
d’Histoire juive a Hebron par les mots “ presence superflue ”.
La difficulte de se reclamer de la ville des peres
(D’apres un cours du Rav Yeouda Ashkenazi-Manitou, intitule,: Heritage et
fidelite)
Les hommes n’ont pas ete uniformement des aiguilleurs efficaces de
l’histoire. Les uns comme Adam, l’ont fait derailler…Abraham et Moise l’ont
lancee sur des voies nouvelles, dont les relais futurs attendent d’autres et
nouveaux aiguilleurs.
Andre Neher. L’exil de la parole.
En
presentant Hebron comme la ville des Peres, nous faisons la une reference
historique.C’est a Hebron que les Patriarches ont vecu, c’est a Hebron qu’ils
ont fixe leur demeure eternelle.
Est ce
la pour autant, la seule signification possible de l’expression « ville
des Peres »? Si oui, cela nous relegue, nous autres habitants de Hebron a
un statut comparable a celui de gardien de mausolee, ou guide de musee dans le
meilleur des cas. Une situation ou l’avenir de l’endroit se confond avec son
passe. Maniere elegante de constater que l’endroit en question n’a en fait plus
d’avenir, juste des souvenirs.
Le Rav
Yehouda Ashkenazi Manitou (Zatsal) nous invite quant a lui, a reflechir sur la
definition du mot « pere » a travers les criteres de la tradition
juive. Un Traite du Talmud est appele « Perkei Avot »,(Les maximes
des Peres) pour justement attirer notre attention sur la nuance entre les
termes de « Pere » et « Maitre ». D’Avraham il est dit
« Avraham Avinou » Avraham notre Pere alors que Moise est designe
dans la tradition juive comme « Moshe Rabbenou » Moise notre Maitre.
S’il nous est donne
d’ajouter une nouvelle comprehension au concept de « pere » alors
peut etre que l’expression De « villes des peres» viendra elle aussi
s’enrichir d’une nouvelle dimension non pas uniquement orientee vers le passe,
mais aussi, et peut etre surtout, vers l’avenir.
Le
pere selon l’enseignement de Manitou, est celui qui possede, entre autre, la
capacite de transmettre les valeurs de la morale, alors que c’est le maitre qui
enseigne la loi.
N’importe
quel maitre ne devient pas pere dans le sens ou l’entend la tradition.
Quel
sera le critere de selection, qui fera que nos sages attribueront le titre
de «pere »
a un …maitre? Andre Neher dira, celui qui sera capable de relancer le train de
la ou d’autres l’ont fait deraille. L’histoire des hommes a besoin de nouveaux
aiguilleurs a chaque generation. Manitou formule cette idee de maniere plus
abstraite, mais tout aussi precise: Est appelle « pere » celui qui
est capable de recapituler l’identiter anterieure, et de donner les criteres de
choix a travers toutes les bifurcations possibles pour l’avenir… Si parmi tous
les maitres, seuls ceux-la sont nommes « peres », c’est non seulement
parce qu’ils ont recu, mais qu’ils sont capables de recapituler en vue de
transmettre.
La
encore le rav Yehouda Ashkenazi attire notre attention sur le fait que la
langue hebreue distingue deux termes differents pour designer le concept
d’ heritage:Nah’ala et Yeroucha.
Nah’ala
c’est l’heritage que le pere transmet a son fils d’ou l’expression hebraique
« nah"alat avot » l’heritage des peres.
Yeroucha
signifie, par contre, ce que le fils veut (ou peut) recevoir. N’importe quel nah’ala
ne devient pas yeroucha. Cet etat de choses est pertinent en ce qui concerne le
statut de Hebron. L’heritage des peres etant quelque chose qui fait appel au
passe donc commun a tous les juifs. Mais tous les juifs ne sont pas prets a en
assumer la responsabilite. Selon certains, la veritable responsabilite en ce
qui concerne Hebron, serait precisement de se decharge de cet heritage. En fait
la notion de pere ne peut se verifier que par rapport a celle de fils.
Corollairement est fils celui qui reste fidele au projet des peres. Or la
fidelite essentielle, ne se limite pas a la fidelite au passe, mais bien a la
fidelite au projet de ceux qui ont commence cette histoire. Plus encore nous
dit Manitou: la fidelite a l’acquis peut etre une infidelite lorsqu’elle
est en porte a faux avec la direction que doit prendre le projet des
initiateurs de la lignee.
Paradoxalement
dans la mesure ou ils sont fideles au projet des peres, donc a l’orientation
qu’ils choisissent, les veritables peres sont les fils. Les peres sont ces
nouveaux aiguilleurs de l’histoire pour reprendre la metaphore du professeur
Neher, ceux la meme qui donnent rendez vous aux generations avenirs dans les
relais futurs, pour leur indiquer les differents chemins qui menent a
l’aboutissement du projet.
Le rav
Elyakim Simsovic parle d’une foi qui nous vient de l’avenir et poursuit en
disant: » le passe est incapable de repondre aux sollicitations d’un present
inconnu. Reconduire les attitudes anciennes c’est fermer les perspectives
d’avenir surlesquelles ce present s’ouvrait et fourvoyer l’histoire sur une
voie sans issue. »
L’idee
que le projet des Peres est realisable en passant par differentes bifurcations,
implique inevitablement la notion de tolerance et d’ouverture. Les detracteurs
de Hebron se plaisent a la presenter comme un repaire d’intolerance justement …
Se
reclamer de la ville des peres aujourd’hui c’est d’etre capable d’assurer un
niveau de moralite, individuelle ou collective. Cette carence de moralite
n’etait elle pas aujourd’hui le denominateur commun de trop nombreux hommes
politiques qui nous dirigent. Combiens de politiciens, des presidents aux
ministres en passant par les membres du parlement, ont ete par le passe
eclabousse par des affaires de corruption? Combien de decisions touchant au
destin meme du pays ont ete obtenu en achetant la voix de tel ou tel depute?
Se
reclamer de la ville des Peres signifie savoir faire preuve de patience envers
ceux qui veulent le Messie tout de suite et ceux qui exigent la paix
maintenant, en se rappelant que ces deux exigeances sont issues
d’autentiques valeur juives.
Se
reclamer de la ville des peres c’est aussi se souvenir qu’un carrefour n’est
pas seulement un endroit ou les chemins se separent, mais justement le point de
rencontre de deux routes differentes..
La presence a Hebron de quelques centaines de juifs entoures de milliers d’arabes
hostiles constitue un probleme semblable a celle d’un etat juif au milieu d’une
centaine de millions d’arabes encore hostiles a sa presence au Moyen Orient.
Notre generation a eu le privilege d’assister a la signature de deux
accords de paix entre Israel et ses voisins. Le tour de Hebron viendra aussi.
Dans les negociations qui precederont les representants des differentes
delegations devront se souvenir que Hebron etait une ville juive avant que la
vieille Europe ne soit seulement consciente du formidable destin politique qui
l’attendait. Hebron etait une ville juive avant que les arabes ne viennent
enrichir la pensee universelle d’une reflexion monotheiste authentique.
Hebron detient, plus encore que Jerusalem, le record de continuite juive,
aucune ville au monde pas meme la cite de David ne peut s’enorgueillir d’une
telle carte de visite historique. Depuis les temps bibliques en passant par le
Moyen Age, pour arriver a l’epoque ou nous vivons, Hebron a pratiquement
toujours heberge une communaute d’Israel. Les rares interruptions de ce vecu
juif se comptent sur les doigts d’une main et ont toujours ete le resultat de
l’usage de la force, et la brutalite des conquerants.
Au cours de ces rares interruptions dans cette continuite les juifs
refusaient de se decourager et, a prix fort ils continuerent de visiter Hebron
de s’approcher du caveau des Patriarches pour y murmurer une priere, en
soudoyant quelque cupide gouverneur. Quelques fois c’est au risque de leur vie,
et deguises en “non juifs” pour dejouer la vigilance de leurs oppresseurs
qu’ils venaient embrasser les pierres de Hebron.
L’adhesion des juifs a Hebron ne tient pas au fait qu’ils y eurent la vie
facile, ils y vecurent comme une minorite, toleree dans le meilleur des cas,
persecutee le plus souvent.
Qualifier aujourd’hui un juif de “ colon” a Hebron est une appelation
decidee a ignorer toutes ces donnees historiques, ne pouvant ainsi qu’entraver
la bonne marche d’un debat suffisament difficile en soi..
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