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 Table des matieres

 

Avant propos

Le secret

De Anak a Samson (1080 av. JC date approximative)

DAVID A HEBRON, EN ATTENDANT JERUSALEM

HEBRON A L’EPOQUE DU SECOND TEMPLE

DE BARKOH’BA A HEVRON

ENTRE ROME ET BYZANCE

L’INTERMEDE PERSE

LA CONQUETE ARABE

A L’OMBRE DE LA CROIX (1099-1187)

UN REVE

OUVERTURE DE LA CRYPTE DE LA GROTTE DE MAH’PELA

EPOQUE DE SALAH A DIN (SALADIN)

LA DOMINATION MAMELOUKE (1250 – 1517)

Les Ottomans

LE DIX SEPTIEME SIECLE

FIEVRE MESSIANIQUE A HEBRON

LE GUEVIR PEYRERA

Le Hida (Haim David Yossef Azoulay)

LE DIX HUITIEME SIECLE

UN EMISSAIRE DE HEBRON EN AMERIQUE

LE DIX NEUVIEME SIECLE: LE COUR DE L’HISTOIRE S’ACCELERE

Pourim katan de Hebron

LE RABBIN NOIR.

HEBRON HABAD

L’espion du Rabbi chez L’empereur prend sa retraite a…Hebron

HAIM TSVI SCHNERSON,

LE RAV ELIAOU MANI

LE RAV RAH’AMIM YOSEF FRANCO

LES DERNIERES ANNEES DU POUVOIR OTTOMAN

LE VINGTIEME SIECLE

LE RAV HIZKYAOU MEDINI

Chimeon Wizeman, Chimeon Agadol

La Yechiva Slovodka a Hebron

VISITE DU GHETTO

1929

LA FAILLITE

UNE LETTRE

RETOUR A HEBRON 1931-1936

L’EPOPEE DE YAACOV EZRA

En mission a Hebron

LA GUERRE DES SIX JOURS

La clef de la Mahkh’pela

KIRIAT ARBA QUI EST HEBRON (Gen 23,2)

En attendant des jours meilleurs

Bibliographie

Avant propos

(Tab de m.)

 

Relater l’historique de la presence juive a Hebron n’est pas une tache facile. Le sujet semble d’avantage relever de l’actualite que du passe.

L’Histoire pour etre redigee a besoin de temps d’arret, pour permettre une decantation des differents materiaux qui la compose.

Ces temps d’arret en question representent un luxe que Hebron vous refuse, a Hebron le temps court trop vite. Ici l’actualite devient aussitot Histoire et l’Histoire la plus reculee y est vecue comme l’actualite la plus brulante.

Ce livre propose avant toute chose un recul, une perspective historique. Il essaiera de signaler au lecteur les carrefours d’une chronologie, lui permettant ainsi de tracer les grandes lignes d’un recit qui puise ses racines dans le livre de la Genese, et dont les fruits viennent regulierement orner les titres de nos journaux.

Ce travail accorde un eclairage particulier a la presence juive a Hebron, qui constitue en quelque sorte le fil d’Arianne de cet expose.

A quand remonte cette presence? Quelle importance la tradition rabbinique attache au fait que des juifs habitent la ville?

Les relations trilaterales des religions monotheistes sur la place constituent un sujet difficilement contournable. Controle des lieux saints et tolerance ont ils toujours fait bon menage?

De nombreuses questions resteront certainement sans reponses. Contribueront elles seulement a l’elaboration d’une reflexion authentique, liberee des cliches et des prejuges, nous y verrons la recompense de nos efforts.

 

 

 

 

 


 

Le secret

(Tab de m.)

 

Comme beaucoup de sujets qui touchent au destin d’Israel, le souvenir historique et la legende puisent d’une racine commune ancienne, pour faire monter la seve de l’histoire jusqu’aux gros titres de nos journaux.

Hebron est une des plus vieilles villes de l’humanite. Mais qu’est ce qu’une ville?

Une agglomeration d’habitations dont les residents sont regis par les memes regles sociales?

Ou bien est ce encore la muraille qui fait la ville, temoignant ainsi d’une activite economique suceptible d’attirer les envieux.

Le concept propose par les sages est celui de justice. En hebreu talmudique une ville est definie comme siege d’un Bet din: un tribunal. Cette conception du monde qui donne priorite a la qualite sur le nombre, nous permet de comprendre comment un homme, sans etre chef d’etat comme Jules Cesar, ou conquerant tel Gengis Khan, va devenir une reference pour l’humanite toute entiere.

Cet homme verra les rois se prosterner devant lui, pour demander sa benediction. Cet homme qui re-trouve D ieu apres que l’humanite l’ai oublie, constitue un second depart pour l’histoire des hommes. La tradition juive l’appelle le h’aver l’ami (de D ieu) et la ville ou il decide de s’installer sera Hebron (en hebreu “ H’evron” l’endroit ou se trouve l’ami). Contrairement aux revolutionnaires de toutes les epoques Abraham ne cherchera pas a detruire le passe pour construire l’avenir. Au contraire, c’est la ou le maillon de la chaine s’est brise, qu’il viendra renouer avec le Rechit (le commencement).

Si Abraham arrive a Hebron c’est qu’il y cherche les traces du premier homme,qui est y enterre selon la tradition midrachique. En installant sa tente a Hebron Abraham declare: “ c’est moi qui poursuit le projet “creation” tel qu’il avait ete declanche avec Adam, avant la faute.

Tres souvent, nous dit le rav Aviner “on remarque l’importance et la stature d’un homme dans le monde au travers sa volonte d’etre enseveli dans le caveau familial pres de ceux dont il se considere le continuateur”.

En commentant le nom de Keriat Arba (la cite des quatre) qui est l’un des premiers noms de Hebron, Rachi, dira: ”en raison des quatre couples qui y sont enterres:Adam et Eve, Abraham et Sarah, Isaac et Rebecca, Jacob et Lea.

Le fait de rapprocher directement d’Adam et d’Eve les Peres et les Meres d’Israel ”, dit Roland Goestschel, “traduit de facon eclatante l’idee d’une reprise en charge de l’Histoire humaine…” La formule de Goestschel est heureuse car c’est precisement de cela qu’il s’agit, l’expression meme du caractere universelle de Hebron tient dans cette reprise en charge de l’Histoire des hommes.

Abraham ne construit pas Hebron, il ne l’invente meme pas, il vient tout simplement proposer une autre facon d’etre le descendant d’Adam Ha Rishon (Adam le premier homme). En faisant de la sorte, il conteste evidemment la facon d’etre des cananeens qui occupent la ville.

 

Abraham avait certainement les moyens de conquerir la ville par la force.

Lui qui avait poursuivi des rois pour liberer Loth son neveu, comprend qu’une acquisition aussi importante, ne peut etre sujette a un acte brutal.Au contraire un geste d’une telle envergure historique a besoin d’un d’un tres large consensus. La tradition juive se plait a rappeller que certains evenements essentiels de notre histoire comme le retour a Sion consequent a la declaration du roi Cyrus (538 avant JC) ou plus pres de nous la declaration Balfour (1917) viennent exprimer de maniere symbolique la reconnaissance de la communaute des nations, au fait que le peuple d’Israel reintegre ses droits sur la terre d’Israel.

Pour cette raison la Thora va sortir de l’ordinaire en decrivant avec force de details cette negociation commerciale qui marque le debut de l’enracinement du Patriarche sur la terre qui lui a ete promis pour ses descendants. La reconnaissance internationale, les enfants de Het se chargeront de la fournir dans le cadre de cette tractation commerciale qui se deroule au grand jour.

C’est de Hebron que commence le plus grand defi de l’histoire des hommes, ou Israel par le biais d’Abraham et ses descendants sont invites a devenir le nouvel Adam, et Hebron… le nouvel Eden. A ce titre il est interressant de constater qu’un midrache, situe precisement a Hebron l’entree du paradis perdu.

La tradition juive n’accorde guere de place au hasard et a la coincidence. Le detail le plus infime y est synchrone avec les rouages du projet divin.

Hebron la ville physique appartient a la Hebron metaphysique, la couleur du ciel, la forme et la qualite de la pierre,sont intriseques a l’entite Hebron.

En Israel les conditions atmospheriques sont subordonnees a la moralite. Pluies et secheresse en contituent les principaux parametres.

Le livre de la Genese fait defiler devant nous les paysages des tribulations d’Abraham en terre promise. Le patriarche evolue le long d’un axe Nord Sud, dans une region que les israeliens designent par “Gav Hahar “ textuellement, le dos de la montagne. Cet axe est aussi la ligne du partage des eaux, eaux de pluie principalement, qui viendront se deverser sur les versants des collines de Judee

C’est la une region ou le plus precieux des liquides ne coule pas en abondance. Contrairement a l’Egypte, ou Babel, sieges des grandes civilisations de l’antiquite, les grands fleuves ne sont pas au rendez vous au pays de la Bible.

Abraham propose de chercher l’eau a sa source, a la source de toute vie L’eau dont il est question vient de la benediction celeste.

Dans une priere intitulee “chema Israel” (ecoute Israel) il est dit. “Or, si vous etes dociles aux lois que je vous impose en ce jour, … Je donnerai a votre pays la pluie opportune, pluie de printemps et pluie d’arriere saisonLa pluie est recompense comme elle peut etre chatiment, elle sera consequente a la conduite des hommes: ” Prenez garde que votre coeur ne cede pas a la seduction,... La colere du Seigneur s’allumerait contre vous. Il defendrait au ciel de repandre sa pluie et la terre de vous refuserait son tribut.…” (Deut 11, 13-17)

Dans un pays ou l’eau est recue comme un don independant de tout engagement moral, les rois de l’antiquite finissent par se prendre pour des dieux, et leurs sujets des objets destines a assurer leurs caprices les plus fous.

Les Pharaons et les Nabuchodonosor les rois du Nil du Tigre et de l’Euphrate ont verses des fleuves de sang pour realiser leur ambitions les plus insensees.

Cette formidable lecon de reflexion que nous donne la Bible est aussi illustree au travers des relations Loth-Abraham.

Le patriarche n’a pas (encore) de descendant. Une premiere tentative fera de Loth, neveu d’Abraham le premier candidat. Loth a du mal a suivre l’oncle Abraham. Ses idees nouvelles l’effraient.

Pourquoi donc quitter la Mesopotamie ou l’eau, source de toute vie, coule a flots, tourner le dos a l’Egypte ou l’on trace un sillon dans le champs avec le talon, tant le sol en est abreuve, pour venir s’installer sur cette bande de terre aride. Pire encore, accepter la dependance d’un D ieu invisible qui ne prodigue ses pluies que sous certaines conditions.Pour Loth le fardeau est trop lourd, il se brouille avec le frere de son pere. Le Patriarche comprend que son neveu n’a pas l’envergure du successeur qu’il espere, mais il tient neamoins a le preserver des influences nefastes de la civilisation de” l’abondance facile”.

C’est au Sud Est de Hebron sur une colline qui surplombe toute la region qu’il convoque son parent. Puisqu’il faut nous separer, separons nous. “Si tu vas a gauche, j’irai a droite’ si tu vas a droite, je prendrai a gauche.

Gauche et droite indiquent Nord et Sud en geographie biblique, en d’autres termes, Abraham incite son parent a rester sur cette bande de terre etroite le dos de la montagne ou l’homme leve les yeux vers le ciel pour demander l’eau, pour demander la vie.

Observons maintenant la reaction de Loth.

Il leva les yeux et considera la plaine du Jourdain tout entiere arrosee avant que l’Eternel eut detruit Sodome et Gomore…

Il se dirigea du cote oriental… Loth s’etablit dans la ville de la plaine… et dressa ses tentes jusqu’a Sodome” (Gen.XIII (9-12)

En d’autres termes Loth refuse la proposition d’Abraham, il refuse son climat, climat moral et climat tout court. Loth est ostensiblement attire vers Sodome. Son coeur a cede a la seduction.

Sodome il faut le savoir est aussi une region riche en eau, d’importantes nappes souterraines alimentent les sources de la region.C’est precisement le facteur eau qui justifie la decision de Loth, relisons le texte: “Il (Loth) leva les yeux et considera la plaine du Jourdain toute entiere arrosee…”

L’eau est bien trop importante aux yeux de Loth, pour etre confiee a un dieu de moralite. Il sera pret pour cela a servir d’autres dieux. Les dieux de l’argent, de la propriete, de l’interet et du calcul.Sans s’en rendre vraiment compte Loth se prosterne deja devant les dieux de Sodome.

Si Loth echappe par miracle au chatiment de Sodome et Gomorhe, il termine sa carriere par une debacle et un naufrage moral entraine par ses propes filles.

Paradoxalement la terre ou coule le lait, n’est pas celle ou coule le Nil, le Tigre et l’Euphrate.

L’eau, la pluie, le climat sont donc les parametres d’un systeme moral de la nation qui se construit a partir de Hebron.

Plusieurs generations vont s’ecouler avant que les enfants d’abraham d’Isaac et de Jacob (Israel ) revoient Hebron, il faudra attendre pour cela la venue des Juges d’Israel, Josue, Caleb et…Samson.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

De Anak a Samson (1080 av. JC date approximative)

(Tab de m.)

 

Le livre de Josue nous relate la conquete et le partage du pays.

Les tribus en accord avec le successeur de Moise demandent l’autorisation d’entreprendre les differentes campagnes militaires.

Caleb Ben Yeffounne s’adresse a Josue en ces termes: “…et voici qu’a present j’ai quatre vingt cinq ans. Robuste encore comme le jour

 ou Moise me donna cette mission (des explorateurs) j’ai la meme vigueur aujourd’hui qu’alors, pour la guerre et pour toute cette expedition… Josue benit Caleb fils de Yefounne et lui donna Hebron comme heritage” (Josue 14, 10-13)

Non content d’etre probablement le combattant hebreu le plus age, Caleb s’en va conquerir la Cite des Quatre (Kiriat Arba, l’ancien nom de Hebron).

Les quatre en question sont, selon la tradition les survivants de la race des geants qui terrorisaient la region.,au point qu’aucune tribu ne semble desirer conquerir les lieux.

En agissant de la sorte, Caleb fils de Yefounne, prince de la tribu de Juda accomplissait incontestablement un exploit militaire, un acte de bravoure.

Invitant les tribus d’Israel a ne pas se laisser effrayer par un ennemi certainement plus puissant,mais ne beneficiant pas du soutien de la providence divine.

A la mort de Josue les enfants d’Israel consultent le Seigneur pour demander “Qui de nous doit marcher en tete contre les Cananeens pour l’attaquer? ” Le Seigneur repondit: ”C’est Juda (la tribu) qui doit marcher en tete, je livrerai le pays en son pouvoir” (Juges 1.1-2)

Les premiers versets du livre des juges temoignent donc du role tout a fait remarquable que tient la tribu de Juda dans le cadre de la poursuite du programme national.

Malheureusement ce bel elan n’ira pas au bout de sa lancee. Les hebreux maintiendront dans des regions entieres une presence cananeene, au lieu d’achever la conquete.

 Devant cet essouflement inespere, les peuples voisins se reorganisent et relevent la tete. De maniere sporadique des juges parviennent ca et la a mobiliser une ou plusieurs tribu pour empecher la catastrophe.

Ces juges ont bien du mal a introduire une conscience nationale a cette federation de tribus. Devant ce manque de solidarite elementaire

Deborah exprime dans son cantique son mepris pour les tribus qui firent la sourde oreille a la mobilisation decretee:” Pourquoi es tu reste entre les collines, ecoutant le murmure des troupeaux? C’est que pour Reuben grande est la perplexite d’esprit.” (Juges 5-16).

Se voyant refuser le ravitaillement de ses troupes par les gens de Souccot et Penouel, Gedeon sera plus expeditif “…il se saisit alors des anciens de la ville et chatia les habitants de Souccot avec les epines et les ronces du desert. Il demolit aussi la tour de Penouel, et fit perir les habitants de la ville”.(Juges 8-15)

Un juge par contre sort de l’ordinaire. Son cas est desespere.

Samson, de la tribu de Dan est non seulement totalement isole du reste de ses freres au point de combattre seul les guerres d’Israel.Mais voila qu’on ira meme jusqu’a le livrer aux philistins.

L’auteur du livre des juges a du eprouver beaucoup de tristesse en redigeant ces lignes, la meme main qui quelques versets avant venait d’ecrire: ”C’est Juda qui doit marcher en tete, Je livrerai le pays en son pouvoir…” est obligee maintenant d’ajouter ces terribles paroles: ” Alors trois mille hommes de Juda descendirent au creux du rocher d”Etam et dirent a Samson: ne sais tu pas que les Philistins sont les maitres…nous sommes venus pour t’enchainer te livrer aux Philistins”.(Juges15; 11-12)

Les combattants de Juda ont bien change, Caleb Ben Yefounne aurait quelques difficultes a croire qu’il s’agit la de ses descendants.

La tribu de Juda reste la premiere, celle qui se doit de donner l’exemple. A cette nuance pres cependant, c’est desormais dans le cadre de la collaboration avec l’ennemi qu’elle le fait. Elle lui livre le seul homme qui perpetue la memoire de Caleb et sa generation. Les princes de la tribu de Juda accomplissent la un bien curieux exploit militaire. Un detail important a retenir, en ce temps la capitale de Juda est …HEBRON!

Samson reussira une fois de plus a defaire ses adversaires “apercevant une machoire d’ane encore fraiche il avanca la main et s’en saisit et frappa un millier d’hommes” (Juges 15;15).

Mais c’est la suite du recit qui nous ramene a Hebron, en passant par Gaza toute fois. Desireux de provoquer ses ennemis Samson se rend dans la cite de Gaza place forte du pouvoir philistin. Il passe la nuit dans les bras d’une courtisane nous dit le texte.

Minuit sonnant il se leve, saisissant les battants de la porte de la ville avec les deux poteaux…et les porta au sommet de la montagne qui regarde Hebron ” (Juges XVI 3).

Voila la une bien etrange marche forcee. Samson vient donc de provoquer une faille dans le rempart de Gaza.

La ville n’a plus de defense. Pourquoi cependant faudra-t-il porter ce terrible fardeau jusqu’a la montagne qui “regarde Hebron “?

Imaginons la scene dans le detail. Ce que le verset nous decrit en quelques mots se traduit sur le terrain par deux ou trois jours de marche. La distance Gaza-Hebron se chiffre a soixante kilometres, sur la route les gens se retournent pour observer cet homme qui avance en portant son etrange et encombrant fardeau il se peut que certains lui posent des questions: ” He Samson ou donc enmenes tu les portes de Gaza?”

Il n’est pas imposible non plus qu’un cortege se forme derriere le plus etrange des juges d’Israel, des curieux qui veulent savoir les intentions de Samson vu que ce dernier ne parle pas

 Cette marche forcee a t-elle un sens? Notre texte est avare de details, mais il ne nous interdit pas de reflechir.

Revenons a Gaza maintenant, les habitants de la ville ont ete les temoins de l’acte de Samson. Leur ville est desormais plus vulnerable que jamais, les Hebreux preparent certainement une attaque en regle contre le chef lieu philistin.

L’action de Samson ne passe pas inapercue, chez les philistins tout comme chez les enfants d’Israel.

En amenant les portes de Gaza face a la montagne qui regarde Hebron, notre juge biblique s’adresse aux gens de la ville.

Samson a de toute evidence un message a transmettre, ce message est il besoin de le preciser n’est pas verbal. Les portes de Gaza doivent etre vues par les gens de Hebron!

Que signifie donc cet etrange appel aux habitants de Hebron?

Samson demande aux habitants de cette ville de se souvenir de qui ils sont les descendants? Cet appel muet de Samson est adresse egalement au lecteur de la Bible et l’invite a ne pas oublier que la derniere fois ou il fut question de Hebron, c’etait dans un contexte d’heroisme et de foi en D…, Caleb ben Yefoune refuse de se laisser intimider par les fils d’Anak, les geants, il poursuit la mission de Josue ce dernier benit Caleb ben Yefoune et lui donna Hebron comme heritage.(Josue 14-13).

Heroisme et foi en D-ieu ne sont pas precisement d’actualite dans la generation de Samson, peut etre la vue des portes de Gaza, le fait de savoir que la ville ennemie est maintenant decouverte, rendra vaillance, fermete et surtout, foi en Celui qui a promis de leur octroyer ce pays?

Le geste de Samson est en fait lourd de signification. Avec une pudeur consommee, sans un mot de reproche pour ses contemporains (tel que l’avait exprime Deborah dans son cantique) sans leur faire violence (comme l’avait fait Gedeon ), Samson se tait. La morale du silence.

Hebron se tait aussi, mais la bas tout le monde se souvient.

Il y a bien longtemps de cela Caleb ben de Yefonne n’a pas eu peur des geants, des fils d’Anak. Lors de sa mission avec les explorateurs il vint se recueuillir a Hebron au tombeau des Patriarches pour venir y puiser courage et reconfort.

Les portes de Gaza seules semblent poser leur terrible question, la question du livre des Juges: “Qui de nous doit marcher le premier contre le cananeen, (OU LE PHILISTIN) et l’attaquer (MAINTENANT QU’IL N’A PLUS DE PORTES).

Les geants de la generation de Samson s’appelent Gaza, Ashdod, Askelon et Gath, les quatre points forts du pouvoir philistin. Et Gaza qui en hebreu signifie la forte, l’insolente, meme privee de ses portes, continue de terroriser les descendants de Caleb! Un bien penible chapitre s’acheve pour l’Histoire de Hebron, les enfants d’Israel recommencerent a deplaire au Seigneur et Celui ci les soumit aux Philistins durant quarante annees (Juges 1;1).

D’autres chapitres vont suivre, celui des juges annonce deja celui des rois.

Un jeune berger de Judee a donne rendez vous au destin d’Israel c’est a Hebron qu’il rencontre la royaute.

DAVID A HEBRON, EN ATTENDANT JERUSALEM

(1004-997 avant JC)

(Tab de m.)

 

En fuyant les acces de folie du roi Saul, David se refugie au Sud de la Judee. On le signale a Ziv a Maon, mais c’est a Hebron qu’il organise la capitale de son “Davidland”.

David se trouve a Hebron car il s’y sent chez lui, au milieu des gens de sa tribu, Juda. David a Hebron, cela veut dire aussi une certaine maniere d’afficher une legitimite historique aux yeux de tout Israel. Bien que le culte des tombeaux des patriarches ne soit pas encore de saison, le caveau des patriarches a Hebron donne un eclat particulier a la ville.

C’est a Hebron toujours que David rencontre Abner, le general de la maison de Saul, on parle politique, on parle de mettre fin a la guerre civile qui ronge le pays.

Malheureusement, cette initiative sera sabotee par Yoav ben Tsouria chef des armees de David. Vengeance personelle, precaution politique le geste de Yoav coutera la vie a Abner.

Ce dernier sera enterre a Hebron, certainement sur l’ordre de David qui lui fait des funerailles nationales. Abner selon la tradition juive est mis en terre tout pres du caveau de Mah’pela, la sepulture des patriarches.

Ishbochet, le dernier survivant de la maison de Saul est un homme faible, trahit par les siens il sera assassine par des gens de sa propre tribu, celle de Benjamin. Ses assassins se rendent a Hebron, ils apportent sa tete a David en pensant recevoir recompense. Ce dernier leur reserve une surprise d’un autre gout: “sur l’ordre de David les serviteurs les mirent a mort, leur couperent les mains et les pieds et les pendirent pres de l’etang de Hebron. Quant a la tete de Ishbochet, ils la prirent pour la deposer dans le sepulcre d’Abner a Hebron” (II Sam 4;12).

Le chapitre V du second livre de Samuel nous annonce la reconnaissance de la royaute David par tout Israel.

Pour Hebron, c’est la fin d’une periode. Jerusalem, la ville de Jebus s’annonce a l’horizon. Hebron aura le privilege d’etre la ville de la reconciliation: “Toutes les tribus d’Israel viennent aupres de David a Hebron et lui dirent: “Nous sommes ta chair et ton sang. Deja hier, deja avant hier, alors que Saul etait notre roi, c’est toi qui dirigeait toutes les expeditions d’Israel. C’est toi avait dit l’Eternel, qui gouvernera Israel mon peuple, toi qui sera son chef…”.

Tous les anciens d’Israel vinrent donc le trouver a Hebron, le roi David fit un pacte avec eux a Hebron devant l’Eternel, et ils le sacrerent roi d’Israel. David avait trente ans lorsqu’il devint roi.

Son regne fut de quarante ans. Il regna a Hebron sur Juda sept ans et six mois, et dans Jerusalem il regna trente trois ans sur tout Israel et Juda”. (II Sam V 1-5).

Les ambitions royales de Hebron vont connaitre un nouvel espoir, bien ephemere il est vrai, avec Absalon le fils de David.

On s’en souvient, ce dernier formente une revolte contre son pere.

Absalon va se proclamer roi a Hebron. Le stratageme etait simple, le fils de David obtient de son pere l’autorisation de se rendre a Hebron pour faire “acte d’adoration au Seigneur” (II Samuel 15,6).

Absalon veut offrir des sacrifices. “ … va en paix repondit le Roi. Et il se rendit a Hebron. Puis Absalon envoya des emissaires dans toutes les tribus d’Israel avec ce message: “Quand vous entendrez le son du cor vous direz Absalon a ete proclame roi a Hebron “. Le choix de la ville est murement reflechi. Le fils semble marche sur les traces de son pere.

David a connu la royaute a partir de Hebron. La tradition biblique qualifie Absalon de “voleur de coeur”.

Absalon a endormi la confiance de son pere.

Effectivement, souvenons nous que Hebron est aussi une ville refuge.

Une ville ou le meurtrier par inadvertance doit sejourner pour y faire penitence. Absalon n’est il pas responsible de la mort de Amnon son demi frere?

Desarme par son amour paternel, David verra dans la demarche de son fils a Hebron que l’expression d’un pieux sentiment. Absalon essaiera sans succes d’utiliser une nouvelle fois Hebron comme tremplin pour la royaute, mais les temps ont change. Le complot patricide a bien failli reussir, mais Hebron restera la ville des Peres, elle ne sera jamais la ville des rois.

Il en est peut etre mieux ainsi. La royaute ne fut pas toujours a la hauteur de la tache. Trop de rois firent ce “qui est mal aux yeux de l’Eternel”

L’exil encore lui se dessine a l’horizon. Le royaume d’Israel tombe le premier, pour etre suivi par celui de Juda. Le Temple de Jerusalem disparait lui aussi sous l’assaut des conquerants. Une epoque s’acheve une autre voit le jour, on parle deja de la reconstruction du Temple, tout n’est donc pas perdu.

 

 

 

 

 


 

HEBRON A L’EPOQUE DU SECOND TEMPLE

 (520avant JC a 70 apres )

(Tab de m.)

 

Ainsi, meme a l’epoque du Temple, un lien intrinseque unit Jerusalem a Hebron.

Dans cet etat d’esprit, le Talmud de Jerusalem (Yoma 3) et le Talmud de Babylone (Yoma 28-2) nous rapportent que le culte des sacrifices a Jerusalem, sur le mont du Temple, ne pouvait commencer avant que le prepose (memoune) ne declare avoir apercu l’etoile du matin” Barkai”. Il s’agit la du moment ou les premiers rayons de soleil de la journee eclairent la ville de Hebron situee au Sud Est de Jerusalem.

Le Talmud nous explique qu’il est impossible d’entreprendre le culte des sacrifices, sans evoquer le merite des Peres qui reposent a Hebron, sans evoquer le “sacrifice” d’Isaac qui s’est deroule ici precisement sur le mont du Temple, a l’endroit ou les enfants d’Abraham et d’Isaac continuent d’invoquer le meme D ieu.

Les rabbins en profitent pour nous enseigner le caractere tout a fait *traumatisant des sacrifices, qui ne doivent en aucun cas transformer le Temple en une grande boucherie, mais a un lieu de repentir et de priere dans lequel l’homme vient se livrer a la volonte de son Createur.

Les chercheurs attirent notre attention sur le fait que la construction de type herodienne au dessus de la Mearat A Mah’pela, nous rappelle l’enceinte du Michkane par sa forme et ses proportions ou la largeur represente la moitie de la longueur.

En ce qui concerne l’historique de la ville pour ce chapitre du second Temple, il nous faut maintenant nous tourner vers la reference de l’epoque: les ecrits de Flavius Josephe.Joseph, de son nom hebreu Yossef ben Matitiaou, est un temoins oculaire d’une grande partie des evenements qu’il decrit, specialement les terribles annees de la revolte.

Les archeologues accordent generalement beaucoup de credit aux temoignages de Josephe, specialement lorsqu’il s’agit de decrire un pays qu’il a trahi mais qui reste le sien…

Dans sons livre “La guerre des Juifs”, il ecrit “Et c’est ainsi que Simon Bar Giora (un chef de la revolte) … s’attaqua a la petite ville de Hebron, il s’en saisit et tira un butin considerable, beaucoup de provisions en fruits et legumes qu’il soutira aux habitants de la ville

Hebron est la ville la plus ancienne du pays, elle fut construite avant Memphis en Egypte et elle existe depuis 2300 ans.

Ils racontent (les juifs) que la ville servait de residence a Abraham, le pere de la nation juive, apres sa venue d’Aram Naaraim (Mesopotamie).

Il est dit que c’est de Hebron que les enfants d’Abraham descendirent en Egypte.

Aussi, les monuments funeraires des patriarches sont visibles dans cette ville jusqu’a ce jour, et ils sont construits dans un beau marbre…. ”.

La revolte sera ecrasee dans un bain de sang et la ville des Patriarches reconquise par Cerealis, un des generaux de Vespasien.

Il est tout a fait remarquable que Flavius Josephe passe sous silence

*Certains de nos sages tel Nah’manide n’hesite pas a affirmer, qu’en apportant un sacrifice le fidele doit se souvenir qu’il aurait merier la peine de mort que va subir l’animal.

 

l’existence du formidable batiment de type Herodien qui entoure la caverne de Mah’pela.

Pour certains la construction en question devait servir de lieu de culte aux populations Edomites recemment venus au judaisme. De plus ces neophytes seront les plus fanatiques ennemis de Rome durant la grande revolte.

Deux bonnes raisons, selon eux pour que Flavius Josephe refuse de mentionner l’existence de cette construction. Explication qui nous parait peut probable vu que la conversion des Edomites est deja a l’epoque d’Herode un fait accompli, et que d’un point de vue religieux, rien ne nous permet de croire qu’il existe une difference entre eux et les autres juifs. L’existence d’un lieu de culte exclusivement edomite dans une ville aussi charge de souvenirs pour le peuple juif, n’aurait pu passe sous silence. Deja le royaume de Juda resistera encore quelques annees avant de tomber lui aussi sous les assauts des Assyriens. Les Idumeens n’avaient pas attendu la chute definitive des Judeens pour commencer a empieter sur leur territoire. Leur presence neamoins ne semble pas constituer un obstacle a la reinstallation de juifs a Keriat Arba lors du retour de l’exil de Babylone.

La convoitise de ces Idumeens ne semble pas apaisee pour autant, et leur retour dans la cite patriarcale ne sera qu’une question de temps. Il faudra attendre l'’ntervention militaire de Juda Maccabee pour voir a nouveau des juifs a Hebron “ Or Juda et ses freres … combattirent les enfants d’Esau ; ( identifie a Edom dans la litterature juive traditionelle)…

Il (Juda ) saccagea Hebron et les localites de son resort. Il demantela sa fortification et incendia ses tours dans toute l’enceinte”.

Ce raid militaire ne semble pas etre suivi d’une annexion au territoire de la petite Judee. Ce sera a l’initiative d’un autre dirigeant Hasmoneen, Jean Hyrcan que l’Idumee sera ecrasee sa population devra choisir entre la conversion au judaisme ou la mort, pour la premiere et sans doute la derniere les juifs imposerent leur foi par la force. Hebron quant a elle est de nouveau a l’interieur des frontieres d’un etat juif.

Il est possible cependant de proposer une relecture des lignes de Flavius Josephe, en remarquant les nombreuses precautions que prend l’auteur pour decrire l’endroit, la repetition des expressions: “les habitants de l’endroit affirment que …”, “ils disent que …”.

Cela pour finalement arriver a la conclusion qu’il ne s’agit pas la d’une description de l’auteur, mais d’un recueil de temoignages.

Par la suite, Josephe devait quitter Jerusalem pour prendre son poste de commandement militaire de la Galilee. La bas il tombera entre les mains des romains pour devenir, on s’en souvient leur porte parole. Le porte parole de la reddition juive.

En ce qui concerne l’idee d’associer Hebron a une ville ou il est bon de fixer sa derniere demeure, precisons, comme le dit le Talmud, ne signifie pas obligatoirement un lieu interdit aux pretres (cohanim).

Souvenons nous qu’en sa qualite de ville de refuge, Hebron est avant tout une ville (du moins durant l’epoque biblique)de pretres et de levi.

La Bible nous precise que les fils de Kehat (donc des cohanim) y ont ete installes eux aussi. Il semblerait neamoins qu’au retour de l’exil de Babylone le statut de la ville ait change.

Les cohanim et Leviim qui suivirent Ezra et Nehemie etaient sans aucun doute desireux de se regrouper autour du Temple a Jerusalem.

Il est possible, aucun element la ne nous permet de fixer clairement une date, que commence alors l’habitude de considerer Hebron comme une ville ou les juifs souhaitent y etre enterres, a proximite de l’endroit ou reposent les fondateurs de la nation.

Ce caractere de sepulture pour la ville se retrouve dans les livres importants de l’epoque.Le “livre des Jubilees” et “le testament des douze peres” (c’est a dire les enfants de Jacob qui donneront leur nom aux tribus respectives),dans ces deux ouvrages, on explique avec force de details pourquoi et dans quelles circonstances certains personnages importants de la Genese, auraient ete enterres a Hebron.

Parmi eux, Adam et Eve. Detail interressant, Joseph serait, selon les auteurs de ces ouvrages, enterre lui aussi a la Mah’pela.

Une telle tradition vient contredire l’affirmation talmudique qui place le tombeau de Joseph a Sichem en Samarie.

Hebron du second Temple est une petite ville,qui vit dans l’ombre de Jerusalem. Hebron la ville de l’unite premiere n’arrivera pas a enrayer le fleau qui ronge alors la nation juive, la haine gratuite. En ce temps les judeens ont du mal a se rappeller qu’ils sont tous les enfants d’Abraham d’Isaac et de Jacob-Israel.

Cette haine fratricide ne cessera pas un instant, pas meme durant les heures de guerres les plus terribles aux portes de Jerusalem, devant les soldats de Rome. Malgre la defaite, la destruction du Temple et la ruine de Jerusalem les juifs ne s’avoueront pas vaincus deux generations plus tard les voila prets a provoquer une nouvelle fois la puissance romaine.

Le charisme messianique beneficiera cette fois de l’appui des docteurs de la loi pour formenter la revolte de Bar Kohba.

DE BARKOHBA A HEVRON

(Tab de m.)

 

 

Nous sommes en 135. Adrien l’empereur redige son rapport au Senat. La traditionnelle formule ”Moi et mes legions allons bien “ est omise et pour cause. Ni lui ni les legions de l’empire ne vont bien.

La Judee venait une nouvelle fois de secouer le joug de Rome, un historien romain, Dio Cassius dira plus tard de cette revolte; “c’etait comme si le monde entier etait en guerre “. Pour avoir voulu civiliser ce peuple farouche, et lui construire une ville moderne (donc paienne) sur l’emplacement de Jerusalem les romains ne reussiront qu’a provoquer la colere sacree des juifs de Judee.

L’effet de surprise a ete total. Les renforts venus des provinces limitrophes seront balayes, par les combattants de Bar Koh’ba et de Rabbi Akiva. Tel sera le sort des bataillons de la troisieme legion de Cerenaique, de la deuxieme legion basee a Jerusalem avec son embleme odieux de la religion juive: un sanglier sauvage.

 Il en sera de meme pour la cinquieme legion de Macedoine, la onzieme la sixieme et la quatrieme legion connaitront un sort semblable.

La vingt deuxieme legion, entierement decimee, ne sera jamais reconstituer, dans un vain effort d’effacer la cuisante et outrageante defaite.

Malgre cet impresionant palmares des combattants juifs, la victoire des armes sera finalement romaine.

Pour obtenir cette victoire Adrien fait appel a son meilleur stratege, Jules Severe. Il le fait venir a la hate de la lointaine Angleterre. Toute la flotte romaine est maintenant maintenant sur le pied de guerre, elle mouille en Syrie prete a intervenir.

Malgre sa superiorite numerique l’armee romaine evite l’affrontement avec les soldats juifs elle prefere s’attaquer a la population civile qui fournit aux combattants de Bar Koh’ba un appui logistique important.

Tout autour de Hebron les insurges ont creuse des souterrains qui leur permettent de disparaitre dans la nature, apres avoir attaquer les unites ennemies. La encore Jules Severe fera preuve d’une rapide adaptation a la situation, il comprend le long travail de preparation investi par les revoltes.

Ses soldats ne se risqueront pas dans les couloirs creuses sous la terre par les insurges qui deviennent automatiquement un piege mortel pour celui qui ne les connait pas.

Le commandant de l’armee romaine a une bien meilleur idee.

Ses soldats iront en reconnaissance pour reperer toutes les entrees souterraines naturelles ou creusees par la main de l’homme. Ces orifices seront desormais gardes par les legionnaires,pendant ce temps des unites speciales jetteront de la paille enflammee a l’interieur des souterrains.

Ces grenades fumigenes primitives sont terriblement efficaces dans de telles conditions. Le Talmud nous parle des nombreuses victimes etouffees, et pietinees dans les tragiques debandades que nous pouvons imaginer. Les combattants juifs se replient dans leurs forteresses, Betar sera le dernier bastion de Bar koh’ba.

La derniere phase de cette revolte ne se jouera pourtant pas a Betar comme on l’affirme trop souvent. Betar n’etait que la derniere position forte des revoltes.

C’est a Hebron berceau historique de ce peuple etrange, qu’Adrien decide precisement de lui porter un coup qu’il espere fatal. A Elonei Mamre tout pres de Hebron, ou D-ieu dit a Abraham: “Et je te donnerais a toi et ta posterite toute la terre de Canaan comme possession a jamais “ Adrien y construit le plus grand marche d’esclaves.

Adrien n’etait pas un ignorant loin de la, le Talmud rapporte certaines discussions avec Rabbi Yoshua, Adrien l’empereur philosophe s’interesse aux paroles de sagesses du vieux Rabbi sans toujours les comprendre vraiment.

En ce qui concerne l’attachement de ce peuple a sa terre, il a compris.

Cette terre les hebreux la revendiquent a partir d’un ancetre lointain, un homme exceptionel a en croire les dires de Rabbi Yoshua. Cet homme hors du commun les judeens l’appellent Abraham. C’est lui qui contracte le premier l’Alliance avec leur Dieu. Drole d’alliance en verite, Abraham et ses descendants doivent se marquer dans leur chair a l’age de huit jours et leur Dieu etrange leur donne en contre partie… la terre de Canaan!. Hebron, c’est a Hebron que cette Alliance a donc ete contractee, c’est a Hebron que se trouve la demeure eternelle du patriarche.

Ce sera donc a partir de Hebron que le destin de se peuple va changer se dit Adrien le fier.

A la lumiere de ces precisions il est possible de degager une nouvelle dimension a l’interdiction de circoncision promulguee par Rome.

Pas seulement l’interdiction d’un rite cultuel, mais bien la volonte d’effacer un souvenir historique lointain mais o combien significatif celui de l’acquisition d’une terre par un peuple.D’ailleurs n’est ce pas ce meme Adrien qui invente le nom de Syria Palestina pour designer la terre d’Israel? Cette appelation sera a l’avenir celle d’une province d’empire. Des conquerants etrangers viendront les uns apres les autres detruire, construire et a nouveau detruire. Des musulmans opprimeront des chretiens et les chretiens des musulmans, les deux se retourneront chacun a leur facon contre les juifs. Mais jamais le nom “Palestine” ne viendra eveiller un quelconque sentiment d’unite nationale parmi ces populations.

A l’endroit meme ou Abraham a pris racine dans cette terre promise a sa descendance, se dresse maintenant le plus grand marche d’esclaves du pays.

Les cours de cette “marchandise” ont terriblement chutes, sur le marche il y a trop d’esclaves, se plaignent les trafiquants, “Pour une mesure d’avoine quotidienne, vous vous offrez un esclave juif”.

Le site de ce marche est encore visible aujourd’hui, ses grands blocs de granit bien alignes tout le long de leur perimetre, les arabes l’appellent Ramat El Hallil pour les juifs il s’agit d’ Elonei Mamre.

Ici a Elonei Mamre, des milliers de juifs ont appercus pour la derniere fois les paysages de Hebron- Kiriat Arba, la cite des quatre. Les quatre couples de patriarches pleurent en silence en voyant leurs enfants disperses aux quatre coins du monde.

St Jerome dans son commentaire du livre de Jeremie(31:15) remarque:”…apres la derniere conquete qu’entreprit Adrien et lorsque qu’il eut detruit entierement la ville de Jerusalem, un tres grand nombre de juifs de tout age filles et garcons furent vendus au marche de Hebron. De ce fait ce lieu est devenu une abomination pour les juifs qui se refusent meme de le le voir.”

Cela aurait pu constituer le dernier chapitre de l’histoire des juifs comme ce fut le cas de tellement d’autres peuples qui eurent la folie de defier la puissance de Rome. En fait un episode tragique venait de s’achever, C’est avec beaucoup d’humilite qu’il faut le dire mais notre Histoire continue. Peut il en dire autant Adrien? Son Histoire a lui est terminee, elle appartient au passe, aux musees. Le musee d’Israel d’ailleurs expose en permanence une tres belle statue le representant.

Contrairement a Adrien, de Rabbi Akibba il ne nous reste aucune image ou statue, mais ses paroles resonnent encore dans les synagogues et les maisons d’etudes que les juifs continuent d’eriger, ses paroles restent des paroles de vie eternelle.

De temps a autre les descendants de Bar Koh’ba de Rabbi Yoshua et de Rabbi Akibba viennent ici au musee d’Israel a Jerusalem pour admirer le buste de pierre d’Adrien de Titus et tous les autres, ils viennent de tous les coins du pays de Betar, de Yabneh et …de Hebron bien entendu.


 

ENTRE ROME ET BYZANCE

(Tab de m.)

 

 

Apres la defaite des insurges de Bar koh’ba, l’armee romaine en Judee opere une veritable reorganisation. Les deux legions postees en permanence avant la revolte, se voient maintenant renforcees par un grand nombre de corps auxiliaires.

N’oublions pas que le but de ce deploiement de force, vient servir une politique bien definie: la dejudaisation du pays.

La Judee devient ainsi Syria Palestina, et Jerusalem, Alia Capitolina.

En ce qui concerne la ville des Patriarches les romains semblent interresses a y developper le site de Mamre (Eilonei Mamre), le marche d’esclaves d’une part et le temple paien de l’autre etant les premiers fondements d’un nouveau centre urbain.Le commerce romain a effectivement besoin d’une plaque tournante debouchant sur la mer rouge, et qui ne saurait etre confiee a la population juive, l’eternelle revoltee.

Un document date de Novembre 186 decouvert tout pres de Hebron, temoigne de la presence de deux bataillons de cavaliers, les soldats en question sont gaulois, ce meme document fait encore etat de sept autres bataillons recrutes dans les diverses provinces de l’empire.

Les fouilles archeologiques ont mis a jour une tuile avec pour inscription: “Bataillon 1 000". Ce bataillon, nous le savons, etait entierement constitue de recrues de la ville de Tharse.

Des les premiers mois du regne de Marc Aurel (161), l’armee entreprend de grands travaux pour ameliorer les voies de communication.

Une nouvelle voie est tracee entre Jerusalem et Sichem (Alia Capitolona et Neapolis sur les documents romains !). La route Jerusalem Hebron est elargie et se poursuit jusqu’a Joubrin.

La generation post Bar koh’ba aura encore a souffrir de l’animosite de l’administration.

Il faudre attendre pres de cinquante ans pour assister a un changement de politique vis a vis des juifs en generale et de ceux d’Eretz Israel en particulier.

Ce changement, il est vrai, prend forme deja sous le regne d’Antonin le pieux.

Et c’est veritablement sous le regne des Severus (193) que l’on assistera a des relations tout a fait positives.

Chacun des quatre empereurs de cette dynastie temoignera a sa facon de sa volonte de privilegier le public juif. Septime Severe etait un homme autoritaire, un brillant stratege. Caraccala, son successeur, etait plus impulsif encore, mais moins methodique que son pere. C’est lui qui accordera la citoyennete romaine a tous les habitants de l’empire. Algable quant a lui etait un fou furieux voue corps et ame au culte du soleil, debauche et vicieux. Alexandre, son heritier, fut un grand gouverneur avise, sans doute le plus capable des quatre.

Pourtant un denominateur commun unissaient tous ces hommes, leur attitude bienveillante a l’egard des juifs. Le Talmud abonde en temoignages au sujet de l’amitie qui unissait Rabbi Yehouda A Nassi, le compilateur de la michna, et Antonin (les historiens ne peuvent affirmer lequels des empereurs de cette dynastie fut l’ami de Rabbi Yehouda).

La situation en Eretz Israel restait neanmoins difficile en raison du veritable boulversement demographique defavorable aux juifs qui caracterise cette epoque. C’est dans ce contexte qu’il faut aborder les reformes de Rabbi.

Rabbi ordonne de dispenser d’impots agraires prevus par la juridiction biblique les minorites juives de Bet Shean, Cesaree de maniere a endiguer la desertion de ces regions par leurs habitants juifs.

La minorite juive comdamnee a la cohabitation avec les gentils est en butte aux sevices de la population paienne, comme en temoigne certaines representations artistiques de l’epoque.

Rabbi Abahou relate la facheuse habitude des paiens de Cesaree de ridiculiser les coutumes juives dans leurs pieces de theatre.

Ce mepris des juifs se retrouvent dans toutes les couches sociales de la population. Une tradition talmudique rapporte la rixe qui oppose deux prostituees d’Ascalon. Desirant se reconcilier avec sa “ collegue”, l’une des antagonistes proposera d’oublier toutes les insultes dont elle s’est vue gratifiee, a l’exception de «Juive », “celle la ” lui dit elle “je ne te la pardonnerais jamais” (Eh’a Rabbati 1 ; 11).

Si la domination byzantine sera essentiellement marquee par la christianisation de la Judee, la guerre ouverte contre le judaisme il y aura neamoins des periodes de repit qu’il est important de rappeller. En 443 la princesse Eudocie s’installe en Judee. Une installation semi forcee qui deviendra par la suite une veritable histoire d’amour avec Jerusalem.

La princesse en exil semble manifester d’amicales intentions a l’egard des juifs. C’est elle par exemple qui permet a nouveau aux juifs de venir prier a Jerusalem. Durant ses quelques vingt annees de presence dans la cite de David les juifs vont une fois de plus rever le reve de la delivrance prochaine.Un appel est alors lance par les Cohanim (pretres) de Galilee”…Sachez donc que le temps de notre exil est revolu, celui de la reunification de nos tribus a sonne.Les rois de Rome ont donne l’ordre de nous restituer notre ville de Jerusalem depechez vous de rejoindre notre ville de Jerusalem pour les festivites de Souccoth(la fetes des cabanes) car voici que notre royaute est de retour…”

Il semblerait que dans ce climat d’aversion directement lie a la progression du christianisme (devenu entretemps religion d’etat), une autrer exception: « Hebron ». Suzomene, un des peres de l’eglise nous rapporte un temoignage des plus surprenants, puisse qu’il s’agit d’un site qui par le passe eveille chez les juifs de douloureux souvenir,le marche d’esclaves de Mamre. « … A Alonei Mamre, la ou se trouve le terebynte a proximite de Hebron, se deroule jusqu"a ce jour une fete ou affluent les enfants de l "endroit. Cette fete se deroule chaque annee, durant la saison d’ete. Nombreux, ceux qui s"y rendent pour y faire du commerce. Cette fete rassemble tout le monde, en premier lieu les juifs qui y perpetuent la memoire de leurs ancetres, mais aussi les paiens qui y celebrent la venue des anges, et de meme les chretiens, du fait vu que celui qui devait naitre d"une vierge est egalement apparut au juste (Abraham !), pour lui annoncer la redemption des hommes.

Chacun selon sa croyance vient se recueillir sur les lieux. Qui pour prier le D ieu tout puissant, qui pour invoquer les anges offrir des libations de vin et y bruler de l’encens, allant meme jusqu’a sacrifier taureau, belier, mouton, ou coq …

Par respect pour l’endroit, ou par peur de provoquer la colere du ciel, on ne fait pas appel au service de femmes, maquillees et soupoudrees (femmes de mauvaises vies?) comme cela se deroule dans les lieux de fetes … Il n’y a la aucune trace de debauche, et cela malgre la grande promiscuite des tentes, le grand nombre de personnes qui dorment la bas ca et la, les uns a cote des autres …

Durant les heures de festivites, personne ne s’aventure a boire l’eau du puits, car selon une habitude paienne, on y allume une grande quantite de veilleuses, et nombreux sont ceux qui projettent a l’interieur de l’encens et des pieces, ou du vin de libation, c’est sans doute la raison pour laquelle l’eau n’est plus potable. (Suzomene, histoire de l’eglise 2,4).

La politique de l’empereur Adrien semble avoir ete appliquee de maniere ponctuelle: donner un caractere paien a tous les hauts lieux du pays, ainsi, le site Mamre connaissait un nouveau visage, celui de la divinite romaine Markorius. C’est Adrien qui transforme le site en plaque tournante de commerce international, ou l’essentiel des activites se deroulait durant le mois d’ete. Le marche servait principalement les relations commerciales avec l’Arabie, le Talmud et Eusebus le decrivent comme l’un des trois grands marches de Syrie.

 Les relations commerciales avec l’Arabie etaient par le passe, assurees par les populations nabateenes. Ces derniers furent decimes par l’empereur Trajan soixante dix ans plus tot, et l’activite commerciale en souffrait encore. Selon le professeur Yehouda Karmon, le site de Mamre dans le programme d’Adrien avait pour but d’evincer l’importance historique et politique de Hebron (ou selon lui, les juifs continuent d’habiter au lendemain de la revolte de Bar Koh’ba).

Nous savons qu’au lendemain de la defaite de Bar Koh’ba, les romains s’acharnerent sur les juifs de Judee. L’expression litteraire des ces tragiques evenements est le recit de l’execution des dix plus grands sages d’Israel en ces jours. Parmi les martyrs, Rabbi Ismael de Kfar Aziz au sud de Hebron.

La presence d’un sage aussi prestigieux que Rabbi Ismael(qui fut l’ami mais aussi le grand contradicteur de Rabbi Akiva) nous permet de supposer une presence juive significative dans cette region. A l’image des autres sages de sa generation Rabbi Ismael dirigeait une maison d’etudes, et devait probablement etre responsable de nombreux etudiants.

Apres la repression, les romains entreprennent la construction de nouvelles routes et l’amenagement du port d’Elat au sud du pays, pour assurer les contacts avec l’Arabie et l’Inde.

Le site commercial de Mamre va se maintenir durant plus de 500 ans. Les byzantins ne tolereront pas le temple paien, ils le remplacent par une magnifique basilique. Nous trouvons un souvenir de cette basilique dans la mosaique de Madaba, decouverte a la fin du 19 eme siecle sous les ruines d’une eglise bysantine en Transjordanie. Cette mosaique, represente une carte d’Eretz Israel a l’epoque Byzantine, en son centre Jerusalem. Il semble en fait qu’au lendemain de la defaite de Bar Koh’ba, les juifs de Judee, fuirent les villes pour se retrouver a la lisiere du desert de Judee.

Faut il deduire de ce temoignage que les juifs habiterent Hebron durant cette epoque? Rien ne nous permet de l’affirmer avec certitude. Eusebe, un autre pere de l’eglise, decrit Hebron comme un village important, sans y mentionner les juifs. Ce silence ne doit pas pour autant nous mener a de hatives conclusions, les decouvertes archeologiques de ces dernieres annees nous font decouvrir une presence juive insoupsonnee, tant par sa qualite, que par son importance numerique, au sud de Hebron. Qu’il qu’il nous soit permis de rappeller les villages de Maone, Carmel, Kfar Aziz, Samoa, Ziv et bien sur Soussia.

Durant la periode byzantine, les decrets romains concernant l’interdiction des juifs a s’installer a Jerusalem, restent toujours en vigueur, nous ne connaissons rien de semblable en ce qui concerne Hebron.

De plus la presence d’une synagogue a l’interieur de l’enceinte de la Machpela nous oblige a envisager l’existence d’une communaute, capable de resister aux pressions du pouvoir byzantin qui ne temoigne pas de beaucoup de bienveillance a l’ecart des juifs. A ce titre il est bon de souligner que malgre l’animosite dont ils faisait preuve, les dirigeants de Byzance parvinrent a maintenir de longues et profitable annees de paix pour la ville.

De par sa position topographique elevee Hebron presente de nombreux avantages, un sol fertile, particulierement a la culture de la vigne, une pluviometrie relativement equilibree, la presence de nombreuses sources aux alentours font de cette contree une des plus florissante du pays.Les differences de temperatures la saison froide et l’ete toride favorise la culture des pommes et de la vigne. Le professeur Karmon n’ hesite pas a affirmer que les Hebronites etaient les meilleurs viticulteurs du Moyen Orient, ils avaient selon ses dires, appris a prolonger la saison de la vigne de juillet a decembre. Aujourd’hui encore, le visiteur sera surpris de rencontrer sur la route de Hebron les vignes couleurs d’automne encore chargees de leurs fruits precieux, alors que la saison des raisins est terminee partout ailleurs dans le pays.

Al Mukadassi le celebre geographe musulman ecrit que la production agricole de la ville etait, par le passe, principalement exportee vers l’Egypte.

De ce fait il est logique de penser qu’a defaut de pouvoir se recueillir dans la ville de David, les juifs se tournerent vers Hebron. Ainsi temoigne un pelerin chretien du sixieme siecle: « De Bet Lehem aux chenes de Mamre vingt quatre miles. En cet endroit reposent Abraham, Isaac et Jacob et Sarah. La bas se trouvent aussi les ossements de Joseph. On y a construit une basilique avec quatre rangees de colonnes. Au milieu, une cour, une palissade la separe en deux. D’un cote entrent les chretiens de l’autre les juifs, ils font bruler beaucoup d’encens. » (Antonin Martyre).

Hebron restera pres de trois siecles entre les mains des byzantins., de 330 a 638. En 333 c’est un voyageur anonyme de Bordeaux qui visite la ville et s’emerveille de la majeste du monument herodien, qui fait l’orgueil de la cite.

Une legende rapporte que l’empereur Theodore II (448-450) aurait ordonne a ses gens de se rendre a Hebron pour y retirer les depouilles mortuaires des Patriarches, pour les faire parvenir a Constantinople.En s’approchant des tombeaux, les envoyes furent frappes de cecite et ne purent mener a bien leur mission. Cette infructueuse tentative de s’accaparer l’indentite spirituelle de Hebron ne marque pas la fin de l’occupation byzantine. Il faudra attendre encore pres de deux siecles pour eveiller de nouveaux espoirs dans le coeur des juifs de Hebron.

Cet espoir c’est la resurection de la puissance perse qui va leur fournir.

LINTERMEDE PERSE

(Tab de m.)

 

Byzantins et Perses se disputent l’Orient durant ce septieme siecle sans imaginer un instant qu’ils tomberont tout deux d’ici peu sous les coups d’un nouveau prophete qui viendra bouleverser la situation internationale.

Mais n’anticipons pas. Profitant de la faiblesse des dirigeants chretiens Chosroes II, passe a l’attaque. De 611 a 619, ses soldats vont porter la guerre chez l’ennemi.

En 614 les guerriers Chosroes penetrent en Eretz Israel.

Les armees perses rencontrent devant elles, juifs et samaritains persecutes, elles sont accueillies en liberatrices.

A Tiberiade un certain Benjamin a la tete de vingt mille combattants juifs vient grossir les rangs des nouveaux conquerants. Les combattants juifs guerroient a leurs cotes devant les murailles de Jerusalem qui tombent sous leurs assauts. Selon differentes chroniques trois jours de carnage vont suivre pour la population chretienne.

Un gouverneur juif est installe a Jerusalem, selon les sources midrachiques il s’agirait d’un certain Neh’emia fils de H’ouchiel, fils d’Ephraim fils de Joseph, a ses cotes une femme, H’eftsi ba. Il semblerait que le rite des sacrifices soit reinstaure sur le mont du Temple en attendant la reconstruction prochaine du Sanctuaire.

Si revanche il y a eu, elle fut neanmoins de courte duree. Chosroes, le vieux souverain perse n’avait rien d’un Cyrus, et l’alliance judeo perse aucune dimension messianique. Dans le cadre de leur politique internationale, les descendants du grand Cyrus vont rapidement preferer l’element chretien a la minorite juive. Les voila maintenant pret a negocier leur retrait du pays.

. L’alliance avec les Perses aura ete de courte duree,trois ans seulement. Cette periode de notre histoire est mal connue,selon une chronique juive de l’epoque,le livre de Zerubavel l’idylle perse se termine en un affrontement sanglant avec les allies de la veille.Toujours selon l’auteur du livre de Zerubavel, c’est le roi Chosroes lui meme qui viendra frapper a mort Neh’emia fils de H’ouchiel le gouverneur de Jerusalem. Heraclius, est en route pour Jerusalem, nous sommes en 629. De Syrie il penetre en Galilee

Une delegation de juifs vient rendre hommage au maitre de Byzance. Le pouvoir perse n’a aucune intention de se battre pour Jerusalem, encore moins pour leurs allies juifs de la veille.

Selon une tradition chretienne, Heraclius est heberge a Tiberiade chez Benjamin qui quinze ans plutot menait ses vingt mille combattants aux cotes des perses vers la victoire dans la cite de David. Ce meme Benjamin dote d’une tres grande richesse, pousse l’hospitalite a pourvoir a lui seul au ravitaillement de l’armee chretienne.

Hebron situee bien plus au Sud semble restait provisoirement du moins, a l’ecart des evenements. Selon les historiens, l’empereur Heraclius etait personellement bien dispose a l’egard des juifs au point de pardonner leur soutien aux perses quinze ans plus tot.

L’absolution, redigee et ratifiee par Heraclius, chef de l’eglise orthodoxe, se voit ainsi dotee d’une dimension morale doublant sa portee politique.

La pression des gens d’eglise qui exigeaient des represailles, viendra a bout des bonnes intentions d’Heraclius. Ce dernier devra donc ceder ouvrant ainsi la voie a l’implacable et meurtriere vengeance chretienne, la population juive de Jerusalem en fera les frais. Quoiqu’il en soit, la reconquete sera terrible pour les populations juives du pays

Les habitants juifs de Hebron, apprenant le sort de leurs freres dans la ville de David, deciderent de vendre cherement leur vie. Une Kina (poeme d’inspiration religieuse pour les jours de deuil) rappelle le sort des “heros de Hebron”. “C’est a Hebron que tomberent les heros, agiles comme les cerfs dans la colline. Les sages, les chantres et les scribes, tous devoues a la Thora”…

Un detail interessant, l’eglise copte a perpetue des centaines d’annees durant un jour de jeune pour expier le parjure de la parole donnee par le chef de l’eglise aux juifs d’Eretz Israel. Ce pardon ils le demandent a leur dieu de misericorde, pas …aux descendants de leurs victimes.

 La victoire de Byzance et la defaite de la Perse, devaient perdre toute signification devant le nuage de poussiere qui venait d’Arabie.

Les cavaliers d’un nouveau prophete se lancaient maintenant a la conquete du monde.

 


 

LA CONQUETE ARABE

(Tab de m.)

 

“Plus delicieux que le vin genereux, plus doux que le choc des coupes, sont pour moi le maniement des sabres et des lances, et le heurt, sur mon ordre, d’une armee contre une autre. M’exposer a la mort, dans le combat, est ma vie. Vivre pour moi c’est repandre la mort”.

Ces vers du poete arabe Al Motanabbi resument assez bien l’etat d’esprit de ces guerriers de la peninsule arabique qui vont deferler sur le monde un siecle durant.

Les musulmans apparaissent dans la scene de l’Histoire, comme un peuple jeune et vigoureux. Jeunesse et vigueur viendront d’ailleurs bien souvent palier leur manque d’experience, devant les problemes de gestion. Gestion economique, politique et religieuse.

D’un point de vue religieux, l’Islam n’est pas vraiment une inovation dans l’univers monotheiste, car le nouveau prophete ne vient pas denigrer le message de la Bible ou des Evangiles mais il se propose au contraire (selon l’optique musulmane bien sur) de les completer. En la personne de Mahomet, les musulmans voient le dernier prophete. L’humanite doit pour cela se preparer au jour du jugement.

Nos livres d’Histoire ont l’habitude de presenter la conquete arabe en

 

Eretz Israel comme un evenement marquant la liberation du joug byzantin. La verite historique est cependant plus complexe.

Pres de dix ans durant les arabes vont organiser des raids sur le pays, il n’y a pas a proprement parler de conquete. Le butin recolte, ils s’en retournent a leur base de depart.Ces raids ont aussi pour but une reconnaissance du terrain

Ils commencent en 629 de l’ere chretienne, du vivant de Mohamed.La conquete arabe d’Eretz Israel sera directement consequente a leur deux victoires sur les armees de Byzance,la premiere en 634 a Ijnadayine(lieu que les historiens n’arrivent toujours pas a identifier) La seconde sur les rives du Yarmouk en 636 le Vingt septembre de cette meme annee l’empereur Heraclius comprend qu’il vient de perdre Eretz Israel et la Syrie.

Entre temps les villes de Gaza, Samarie (Sebastia), Naplouse, Lod Yabneh Emmaus et Jaffa tombent entre les mains des musulmans. Il est interressant de noter que les arabes n’ont pas l’air presse de se rendre a Jerusalem ou a Hebron, qui ne tomberont qu’en 638.

Cette remarque historique devrait porter a reflexion a tous ceux qui voient dans la conquete musulmane l’expression exaltee d’une identification religieuse envers ces lieux, tellement significatifs pour le judaisme et qui ne representent alors aucune valeur particulere pour l’Islam.

En fait il semblerait que durant cette premiere periode de raids de reconnaissance les populations civiles durent particulierement en souffrir, specialement la population rurale. En temoigne ce document syrien anonyme de l’an 634 qui nous dit: “Le combat entre les romains (les byzantins ) et les musulmans se deroula un vendredi, le 6 fevrier, a douze miles de la ville de Gaza. Les romains ( byzantins) finirent pas prendre la fuite laissant derriere eux leurs officiers qui furent aussitot massacrer par les arabes.qui tuerent aussi quelques quatre mille villageois des environs,chretiens juifs et samaritains…’’

Il serait en fait possible d’envisager que le sort des populations citadines juives fut different de ce que nous venons d’evoquer a l’instant dans la mesure ou elles etaient generalement protegees par des murailles qui les mettaient partiellement du moins a l’abri de ce genre de dangers.

Plusieurs chroniqueurs chretiens viendront sur le tard temoigner du role joue par les juifs dans la chute de Hebron et Cesaree devant les conqerants arabes.Une ancienne chronique arabe precise que lorsque les armees de Caliphe Omar envahirent Eretz Israel les populations chretiennes durent souvent evacuer les lieux. Toujours selon cette meme source, les byzantins auraient prealablement detruits les edifies au dessus des tombeaux de la Machpela, apres avoir obstrue l’entree de la construction herodienne, ce serait donc les juifs qui indiquerent aux nouveaux conquerants, l’emplacement de l’ouverture de la caverne en echange de quoi ils obtinrent du Calife le droit de maintenir leur synagogue dans les lieux.

L’historien Simh’a Assaf rapporte l’existance d’un document de la Gueniza du Caire, selon lequel, les juifs auraient volontairement detruit le baraquement qui leur servait de lieu de prieres sous les byzantins pour obtenir du Calife l’autorisation de reconstruire au meme endroit une synagogue digne de ce nom.

Les juifs obtiendront donc gain de cause aupres d’Omar.

Il est tout a fait surprenant de constater qu’aucune chronique arabe retracant la conquete du pays, ne signale la prise de Hebron par les musulmans, pas un mot pour relater l’entree des vainqueurs dans la ville. La conquete de Hebron n’inspire decidement pas les historiens arabes! Cette ommission est elle fortuite, fruit d’une etrange coincidence ou au contraire s’agit il la d’un detail revelateur d’une absence d’interet totale pour les lieux?

Les historiens vont opter pour la seconde eventualite, selon eux l’identification de l’Islam a la ville de Hebron ne se rattache ni au Coran ni a l’epoque precedant la conquete, mais se fera par etapes, et beaucoup plus tard.

D’ailleurs les sources musulmanes gardent le silence le plus complet jusqu’au dixieme siecle au sujet d’une ville qui est consideree de nos jours comme le quatrieme lieu saint de l’islam. Ces trois siecles de silence, cet interet tardif vis a vis de Hebron devoile un aspect particulier de l’Islam qui bien souvent ne se contentera pas de partager la veneration des lieux saints avec le judaisme, mais viendra en exiger le monopole, quitte a devoir expulser les proprietaires historiques…

Un detail supplementaire temoigne de la meconnaissance des arabes vis a vis de Hebron, les noms qu’ils utilsent pour parler de l’endroit. Les premieres chroniques designent la ville par les noms de H’ibra ou H’afrun, deformation phonetique de l’Hebreu “H’evrone” par la suite ils opteront pour l’appelation “El H’alil” qui signifie “Le bien aime (de D-ieu), allusion a Abraham le Patriarche, qui est ainsi designe dans les sources talmudiques.La encore la tradition musulmane a du mal a prendre ses distances avec ses modeles juifs.

Dans l’encyclopedie de l’Islam nous pouvons lire: ”Le nom biblique d’Hebron, Keriat Arba n’est pas cite dans les sources arabes, fort mal informees sur son appellation originale qu’ils repetent sous diverses formes:Habrun, Hafrun, Hibra (ou Habra)…Alors que le nom au moins de Jerusalem etait connu de musulmans des l’epoque de Mohammad, ils ne savaient rien de Hebron.

L’islam des premieres decennies est une religion jeune et ses premieres notions de saintete seront directement liees aux personages et aux paysages d’Arabie. Comme le christianisme a ses debut, elle subira l’influences de ses predecesseurs. L’influence juive et chretienne sera significative en ce qui concerne le choix de nouveaux lieux saints (a l’exterieur de l’Arabie). D’une maniere generale les musulmans a ce propos, n’essaient pas d’innover ils se savent entierement dependants des juifs pour identifier les lieux d’interet bibliques.

Ces lieux deviendront “saints” pour les musulmans, uniquement par ce qu’ils l’etaient prealablement pour les juifs.

En penetrant en Eretz Israel, ils decouvrent les paysages ou se sont deroulees les scenes bibliques que le Coran a recupere a son compte.

L’Islam neanmoins ne se pressera pas de sanctifier de nouveaux lieux de culte a l’exterieur de l’Arabie. Il y aura la, un long processus historique, des courants opposes vont s’affronter mus par des interets politiques evidents.

Ce qui menera les arabes de l’ignorance, l’indifference a l’interet, pour aboutir bien souvent a une recuperation exclusive des sites religieux en Eretz Israel.

Hebron, la caverne de Mah’pela constitue un exemple frappant de ce changement d’attitude.

Durant une longue periode de tolerance et de pouvoir eclaire, les musulmans partageront la frequentation de ces lieux avec juifs et chretiens. Ce n’est que plus tard qu’ils opteront pour une tendance fondamentaliste consistant a exclure juifs et chretiens ( il faudra attendre le vingtieme siecle pour qu’une administration israelienne y assure enfin une liberte d’acces pour toutes les confessions).

Les arabes vont adopter a leur tour la coutume de pelerinage sur les tombes des personnages importants dans leur tradition religieuse, coutume qui durant les premieres decades de l’Islam, etait uniquement reservee a la tombe du prophete Mahomet et ne souffrait aucune exception.

Ce changement d’orientation provoquera une vive opposition au sein meme de l’orthodoxie musulmane qui considere le pelerinage sur les tombes comme une vulgaire imitation des traditions populaires juives et chretiennes. Jusqu’au 14eme siecle, cette position theologique sera vigoureusement exprimee, comme le montre ce pamphlet du sage Ibn Tamia: “Il est interdit de construire une mosquee au dessus d’un tombeau. Jamais une telle idee aurait pu voir le jour a l'epoque du prophete, ni meme au temps de ses successeurs. Qui donc avait ose formuler une telle pensee. Avraham (en arabe El Halil qui veut dire l’aime de Dieu), la paix soit sur lui, est depuis toujours enterre dans la caverne et malgre cela, cette caverne est depuis toujours fermee et interdite d’acces. Personne n’y venait pour prier, ou pour peleriner. Par contre, on venait prier a la mosquee El Aksa a Jerusalem, et sur le chemin du retour, personne ne songait a s’arreter devant la caverne de Mah’pela ni devant aucune caverne. C’est ainsi que la caverne de Hebron, est restee fermee au public, jusqu’au jour ou les chretiens s’en emparerent, a la fin du quatrieme siecle (de l’Hegire). Ce sont eux qui ont ouvert les portes pour transformer l’endroit en eglise. Ce n’est qu’apres que les musulmans la conquerirent de leurs mains, que nous voyons des fideles venir pour y prier’’.

Il est interressant de noter que jusqu’a ce jour, certains musulmans evitent encore de penetrer a l’interieur de la Machpela, pour les raisons que nous venons d’evoquer. Cependant, la ville de Hebron fut la plus forte, ou plutot l’attrait qu’elle continuait d’exercer sur les masses.

Le flux des visiteurs musulmans venant se prosterner sur la derniere demeure des patriarches ira en grandissant. Les dirigeants de l’Islam jugerent bon d’adapter la theorie religieuse a la realite. Certaines traditions religieuses iront meme a inclure la caverne de Mah’pela dans la fameuse expedition mystique qui amena le prophete d’Arabie a Jerusalem. Les arabes a l’exemple des juifs vont par la suite accorder beaucoup d’importance a Hebron et au souvenir d’Abraham. Ce n’est que beaucoup plus tard, durant le regne des sultans mamelouks que les villages des alentours de la ville seront declares Wakf (propriete des institutions islamiques), leurs productions agricoles servira a financer l’entretien des lieux, et l’accueil des pelerins. Hebron, selon la tradition musulmane, aurait ete promise a Tamim El Dahari, des les premiers temps de l’Islam. Ce dernier etait un des compagnons du prophete. Negociant en huile de son etat, il propose de changer l’eclairage de la mosquee ou priait le messager de l’Islam. Effectivement, les premiers fideles utilisaient des branches de palmiers dattiers en guise de torches.

Le genereux donateur aurait demander une faveur au fondateur de la nouvelle foi: Hebron et ses alentours.

Notons que cette demande aurait eu lieu des annees avant le debut des conquetes.Omar le Calife a qui incombe de realiser la promesse de Mahomet, prendra toutefois la precaution de mettre en garde contre les abus du pouvoir. De ne pas asservir les habitants de la ville, ne pas outrepasser le pourcentage de l’impot prescrit par la loi.

Les impots en question sont ceux reserves aux “dhimmis” les populations non musulmanes de l’empire. Selon l’historien arabe Al Moukadassi, la population musulmane est encore minoritaire a Jerusalem (nous sommes en fin de dixieme siecle), il nous est permis de deduire que la presence musulmane a Hebron devait etre encore des plus limitee. Ce qui revient a dire que la principale population est une population juive. L’islamisation des populations conquises fut certainement un facteur decisif du changement demographique qui s’opere alors. Malheureusement les temoignages ecrits font encore defaut. Notons au passage que durant les premieres annes les musulmans ne sont pas interresses a islamiser les populations conquises, pour la bonne et simple raison qu’un musulman etait alors exempte d’impots.

Assez curieusement, les arabes semblent se desinteresser completement du site Mamre, ou nous l’avons vu, byzantins, romains et juifs, avaient chacun a leur facon, valoriser l’endroit. Les musulmans ne lui accorderont quant a eux aucune importance. Le site de Mamreh restera dans son etat de vestige, tel que nous le connaissons aujourd’hui.

Geographes et historiens musulmans du dixieme siecle decrivent la ville comme un verger benit du ciel ou l’abondance et la diversite de ses fruits font l’admiration de tous. Tel le voyageur persan Nasir H’ousaveh qui n’hesite pas a qualifier l’endroit de’’ Mashad ‘’(endroit saint).

Soucieux de venerer la memoire d’Abraham, les musulmans y pratiquent l’hospitalite avec generosite, le pain, l’huile d’olives et les lentilles constituent le “simat” (repas offert aux pelerins). En developpant les structures d’accueil des pelerins et touristes autour de la mosquee et a l’interieur de la Mah’pela, les arabes contribuent de la sorte au developpement de la ville de Hebron. Le professeur Bratslavi n’ hesite pas a avancer l’hypothese que les juifs durant les premieres decades de l’occupation arabe, etaient egalement responsables de l’acceuil des pelerins musulmans.

La Hebron de la Bible, l’actuelle colline de Roumeida est progressivement transferre dans la vallee autour du tombeau des Patriarches ( Haram El Halil) qui devient ainsi le nouveau centre ou se regroupent differentes institutions religieuses. Al Moukadassi le celebre geographe et historien musulman de Jerusalem (fin du Xeme siecle) distingue encore les quatre subdivisions de la ville (Kiriat Arba, la cite des quatre ), Romeida, Harat Bne Dar, Ramat El Halil (Mamre) et Beit Anoun, ou se pratique une agriculture de haut rendement (aujourd’hui encore les terres de Beit Anoun sont connues pour leur fertilite). Que devient la communaute juive de la ville au lendemain de la conquete arabe? La Gueniza du Caire nous offre une variete de documents de cette epoque. Curieusement, le nom de Hebron fait souvent place a celui de”Tombeau des peres”.

Confirmant ainsi le transfert de la ville de son site premier, la colline de Roumeida, vers le “Haram ” c’est a dire l’emplacement meme du lieu saint autour duquel s’organise la nouvelle ville. Cette epoque a conserve la souvenir d’un certain Saadia Ha Hevroni, auteur de la chronique “He h’aver Le Kivrei Avot” (le sage du tombeau des patriarches).

Saadia est donc le responsable d’un groupe de fideles les “anechei Kivrei avot” (les compagnons des tombeaux des patriarches). En relisant ce parchemin, nous apprenons que les compagnons prient entre autre pour la prompte guerison du Sage Ebiatar, le Rosh yeshiva (dirigeant spirituel) de “Gaon Yaacov”, la celebre Academie Talmudique d’Eretz Israel. Cette academie fait concurrence aux prestigieux centres d’etudes babyloniens de Soura de Poumpedita. Selon les historiens Saadia serait lui meme, la troisieme generation dans la ville a l’epoque de Rabbi Ebiatar.

Dans une lettre conservee a la Gueniza, nous pouvons lire les lignes suivantes: “… de la part de son proche, son aime, et son compagnon qui prie toujours pour lui, Saadia membre de la confederation des peres de l’humanite leur memoire est une benediction.’’

Au onzieme siecle un des descendants de Saadia signe ses lettres selon la formule desormais classique: de la part de son serviteur Yosef Ben Yaacov ben Yosef de Hebron de memoire benie, fils de Saadia.

Nous apprenons que cette communaute est dirigee par le “Haver”(le sage) qui se charge entre autre de recevoir les nombreux juifs qui visitent les lieux.

Ainsi, dans une lettre datee du 26 Aout 1061, Eli ben Ezechiel Hacohen, un des dirigeants de la communaute de Jerusalem, ecrivait a Alloun ben Yaiche de Fostat (le vieux Caire) pour lui annoncer qu’il irait prier aux tombeaux des Patriarches et demander la guerison pour quelques notables de la communaute egyptienne.

Il semblerait que les juifs de la ville vivent principalement du tourisme religieux qui s’organise autour de la Mah’pela. Une autre activite de la communaute sera de proposer a ceux qui pouvaient se le permettre, des funerailles dans le petit cimetiere adjacent a la Makh’pela. Le professeur Avissar ecrit dans son “Sefer Hebron” que les dimensions du cimetiere limitaient serieusement le nombre des candidats. Il s’avere qu’une fois mis en terre les ossement etaient retires de leur tombes respectives pour etre deposees a l’interieur de grandes jarres d’argiles. Ces dernieres etaient ensuite qui etaient descendues dans les sous sol du lieu saint.

Ce qui fait que le petit cimetiere juif renouvellait de la sorte les emplacements disponibles. Differents documents attestent de la presence de ces grandes jarres chargees d’ossements ‘ entre autre une chronique latine de l’epoque de la premiere croisade et quelques annees plus tard le celebre rabbin voyageur Benjamin de Tudele fait etat de leurspresence.

Cette information a certainement fait l’objet d’une etude serieuse de la part des decisionnaires. On le sait la loi talmudique interdit a un Cohen de se trouvera proximite de tombeaux D’un autre cote cette meme interdiction n’est pas valable pour la proximite de sepultures d’etre saints tels les Patriarches. En consequence les rabbins qui approuvent cette interdiction viendront la justifier par la presence d’autres ossements, ormi ceux des Peres de la nation.

En accord avec les dirigeants du Wakf, (institution islamique responsable de gerer les lieux saints, les ecoles religieuses et les mosquees) la communaute de Hebron est, bien entendu responsable de l’hebergement des visiteurs juifs dans la ville sainte.

 En 1060, arrive a la Makhpela un des notables de Jerusalem, dans sa lettre il precise qu’il a prie dans la synagogue a l’interieur de l’enceinte de Makh’pela. Un autre document de la gueniza nous decrit l’endroit aussi comme un lieu de rencontre pour les commercants juifs. L’historien Menashe Harel affirme qu’une deuxieme source de revenus de la ville etait la fabrication de produits laitiers. Dans une missive de l’annee 1080, un certain Rabbi Abraham ben Nathan, ecrit a un correspondant de Fostat (le vieux Caire) lui annoncant la venue de son fils en Egypte, avec un important chargement de fromages de Hebron.

Avec l’inauguration des Omeyades en l’an 661, la Syrie et Damas sa capitale dirigeront le monde musulman.

Le Calife el Malike herite des nations vaincues (perses et Byzantins) leur gout du luxe.Nombreux le soupconnent d’embellir Jerusalem pour faire d’elle la plus belle et la plus sainte ville de l’empire.

Les dirigeants Omeyades n’ont pas bonne reputation dans l’historiographie musulmane.On leur refusent souvent le titre de Calife pour les designer comme Roi. Ils menent bien souvent une vie tout a fait scandaleuse aux yeux des “ulema” (autorites religieuses). Le vin coule a flot a l’occasion des fetes et rejouissances qu’ils organisent. Ils s’entourent de femmes, de musiciens et de poetes. Abdel el Malik ira meme jusqu’a choisir un Coran pour cible dans ses parties de tir a l’arc.

C’est pourtant sous le regne des premiers souverains omeyades que prend naissance la legende qui allait devenir acte de foi pour les musulmans.Chevauchant sa mythologique monture la Bouraque, Mohamed se rend a Jerusalem avant d’etre acueillit par Allah dans son paradis. Cette mystique chevauchee est designee par la tradition islamique par “`Isra”. Certaines traditions forgees vers le huitieme siecle, viendront intercaler Hebron dans ce voyage mysterieux. Hebron viendra de ce fait s’inscrire en seconde etape, d’un circuit religieux, invitant les fideles venir y prier, apres leur sejour a Jerusalem.

Le calife Al Malik entendait par la eclipser l’hegemonie religieuse de la Mecque et de Medine d’ou son rival Ibn Zubair tirait d’enormes benefices grace aux pelerinages. Ce calcul politique ne valorise en rien l’image de marque des dirigeants omeyades.

Quoiqu’il en soit, des milliers de pelerins affluent desormais de Syrie et d’ailleurs vers Jerusalem, ils pousseront ensuite leur pelerinage jusqu’a Hebron, rendant hommage a Abraham le bien aime de D ieu.

Jerusalem et Hebron dans l’optique omeyade avaient donc pour but de contre balancer l’influence des villes de la Mecque et de Medine.

Les periodes abbassides et fatimides qui suivent perpetuent l’existence des juifs a Hebron comme en temoigne la gueniza.

Il faudra donc attendre l’arrivee des croises pour interrompre la presence de cette petite communaute accrochee autour du sanctuaire des patriarches.


 

A LOMBRE DE LA CROIX (1099-1187)

(Tab de m.)

 

 

“ Pendant deux jours les croises se livrerent au pillage et firent un massacre sans exemple depuis l’immense hecatombe des juifs par les romains mille ans plus tot. Il semble bien qu’au lendemain de la victoire il ne resta pas un seul musulman ou juif vivant, a l’exception des defenseurs de la citadelle de David que Raymond de Saint Gilles avait liberes contre rancon et fait conduire a Ascalon. La ville presentait en spectacle un tel carnage d’ennemis, une telle profusion de sang que les vainqueurs eux meme ne pouvaient qu’etre frappes d’horreur et de degout “.

Par ces paroles Guillaume de Tyr venait de decrire la prise de Jerusalem par ceux la meme qui etaient charges de propager la bonne parole parmi les nations.

Durant l’annee suivante les croises elargissent leur controle sur le pays en se rendant maitres de la Samarie, de la Galilee et bien sur de toute la Judee, Hebron etant le point le plus meridional sur la carte du premier royaume croise.

Quelques mois plus tard apres la chute de Jerusalem, c’etait au tour de la ville de Hebron de tomber entre les mains des chretiens. Godefroy de Bouillon s’en etait rendu maitre apres un court assaut. Les juifs avaient certainement quitter la ville afin de ne pas connaitre le sort de leurs freres dans la ville de David. La cite des Patriarches quant a elle, s’appelle dorenavant Saint Abraham de Hebron, ou encore Castelium San Abraham. La Mah’pela est designee “ Sancta Caverna”. C’est a Ascalon semble -t –il que les juifs de Hebron iront se mettre a l’abri de la furie des premiers croises. La mosquee et la synagogue seront respectivement transformees en eglise et monastere, a l’interieur de l’enceinte de la Makh’pela.

Nous avons l’habitude d’affirmer que la periode croisee a Hebron marque une des rares interruptions de la presence juive dans la ville. Cette verite merite toute fois d’etre nuancee, deux raisons a cela. Les croises qui voyaient dans la population juive du pays un element hostile au meme titre que les musulmans, adopteront a l’avenir une position plus moderee vis a vis de ces deux groupes religieux. Cette moderation sera uniquement motivee par des raisons d’interet et non de moralite. A ce titre par exemple ils permettront aux pelerins juifs de visiter la ville comme ce fut le cas pour Maimonide et Rabbi Benjamin de Tudele.

Mais la presence juive sera marquee cependant d’une autre maniere, des plus inattendue cette fois.

L’historien israelien Michael Ich Chalom evoque l’existence d’un document de la premiere croisade, signe d’un certain “Rabbi chlomo Hayatom” (litteralement rabbi Salomon l’orphelin). Ce dernier nous rappelle, que dans les villages aux alentours de la ville des Peres, les juifs ont pour coutume d’accompagner leurs morts pour les enterrer a Hebron.

Deux informations importantes, la premiere nous apprend que, devant l’arrivee des francs, les juifs de Hebron ne prirent pas tous la fuite a Ascalon, mais certains chercherent refuge dans les villages a proximite de la ville. La seconde, qu’ils ensevelissent leur morts a Hebron.

En d’autres termes si les juifs n’obtiendront pas le droit de vivre a Hebron durant l’occupation croisee, ils obtiennent celui d’y mourir!

En attendant les nouveaux conquerants s’organisent sur la place.

Le pouvoir religieux tout comme le pouvoir seculier tient a etre represente dans la ville, ainsi aux cotes du baron ou chatelain ou quelque autre seigneur du roi, nous retrouvons l’exitence d’un prieure de chanoines de saint Augustin.

Le baron Gerard d’Avesnes recevra la seigneurie de Hebron des mains de Godefroy de Bouillon en personne.

Hugues de saint Abraham, Baudouin de saint Abraham Rohart et Gautier Mahumet se succederont a la direction de la ville, avant que celle ci ne soit cedee vers 1156 au seigneur de Kerak. La propriete de la forteresse ( chateau saint Abraham) retourne quant a elle au roi de Jerusalem.

Le seigneur de saint Abraham, nous dit Vincent dans son livre sur le ‘Haram el Halil’,* (terme que les musulmans utilisent pour designer la sepulture des Patriarches a Hebron) avait son conseil de nobles qui se reunissait comme succursale de la Haute-Cour du royaume, avec son privilege de battre monnaie et de rendre la justice seigneurale. Les jures de la bourgeoisie siegeaient a la cour des bourgeois de la ville, sorte de juridiction municipale presidee par le chatelain. Toujours selon Vincent en cas de guerre,la seigneurie de saint abraham devait fournir un contingent de vingt chevaliers de service au roi de Jerusalem.

Fideles a leurs traditions les croises vont entreprendre des travaux de fortifications des lieux, une sorte de fortin au dessus du sanctuaire de Makh’pela destine sans doute a la residence du chatelain et au logement des soldats de la garnison.

La conquete d’Eretz Israel par les croises va redonner a l’expression Terre Sainte une nouvelle signification.

La competition politique entre chretiens et musulmans, la competition religieuse de ces derniers avec le judaisme, aura pour effet immediat de provoquer un regain d’interet pour le pays. Des pelerins des trois religions demandent plus que jamais a voir de leur propres yeux le decor ou se deroulait voila plus de mille ans l’histoire sainte qu’ils venerent chacun a leur maniere.

Nous assisterons a une lente mais sure amelioration des conditions de voyages. Les premieres annees apres la conquete, il etait dangereux pour les pelerins chretiens de se risquer sur les chemins loin des villes. Le tombeau des Patriarches se trouvant hors du circuit des grands pelerinages, isole dans une contree inhospitaliere, voire dangereuse,n’attirait que peu de chretiens dans un premier temps. Les pelerins ne se deplacent qu’en prenant de grandes precautions.

Pratiquement seuls juifs et arabes continuaient a venerer l’endroit en s’y rendant a de nombreuses occasions. “Les sarazzins tendent des embuscades aux chretiens” temoigne un pelerin allemand en 1103. “Ils se cachent dans les grottes dans les failles des rochers pour fondre sur les voyageurs fatigues ou les retardataires des convois …Il n’est pas rare de voir des cadavres des malheureuses victimes ainsi exposees le long des routes, egorgees par ces betes sauvages.”

A cette epoque les croises ont pour roi Baudoin II. Monarque avise, courageux au champ de bataille, Baudoin va savoir utiliser les deux grands ordres militaires qui naitront sous son regne, les Hospitaliers et les Templiers.

Les Hospitaliers disposent pres du Saint Sepulcre du plus grand hopital de l’epoque, dispensant ses soins a quelques deux mille patients.

Benjamin de Tudele, le fameux rabbin voyageur, declame avec admiration “ la bas tous les malades recoivent les soins qui s’imposent pour vivre et pour mourir”.

Les grands axes routiers sont desormais dotes de postes de Templiers qui s’engagent a fournir une escorte armee aux voyageurs.

Templiers et Hospitaliers seront des elements de stabilites politique pour le pays. Ils fourniront bientot une armee permanente qui jusque la, faisait defaut aux souverains croises. Sous le regime croise, Hebron ne beneficiera pas de murailles d’enceinte, la ville n’est pas consideree comme metropole importante. Comme a l’epoque romaine et byzantine, Bet Joubrine remplit le role de chef lieu.

D’un point de vue militaire, Hebron vient s’inscrire dans le cadre d’une lignee de fortifications entre Carmel et Bet Tsour.L’absence d’enceinte ne signifie pas pour autant que la ville est sans defense les croises vont construire une fortifications adjacente a la muraille de Makh’pela.

La Hebron croisee se trouve a mi chemin entre Gaza a l’Ouest et du Kerack Moab a l’Est, itineraire des caravanes de marchands; la encore la ville apparait comme element d’un ensemble non pas militaire mais mercantile.

De cette presence croisee il reste encore les vestiges d’une construction massive a proximite des reperes des tombeaux de Ruth et Jessee(le pere du roi David) Murailles puissantes percees de meurtrieres correspondant tout a fait au mode de vie instauree par les francs. Ils vecurent dans ce pays retranches derriere leurs forteresses. La place forte en question est elle meme construite a l’emplacement d’une anciennne eglise byzantine qui domine la region de par sa position topographique: une des hauteurs au Sud de l’edifice de la Makh’pela:la colline de Roumeida.

Cette colline est en fait le site de la Hebron biblique ; l’endroit est eleve pour en assurer la defense, possede un point d’eau, comme dans la plupart des agglomerations des temps passes ; les tombes de la ville sont disposees a l’Est des habitations de maniere a permettre aux vents (d’Ouest) d’en eloigner les impuretes.

La tradition qui attribue la presence des tombeaux de Ruth et Jesse remonte ”seulement “ au treizieme siecle. Vers 1270 un disciple anonyme du Ramban (Nah’manide) ecrit: “…A Hebron se trouve la caverne de Makh’pela, le tombeau des Patriarches, la nouvelle ville de Hebron est situee a proximite de la Caverne, mais la Hebron antique se dresse sur une colline ou la bas se trouve un cimetierre juif, dans une des cavernes, le tombeau de Jessee pere de David, certains disent qu’il s’agit la de la tombe de Joab…”

Plus de deux siecles plus tard le celebre rabbin italien Obadia Bartenora rappelle lui aussi l’endroit: “…Dans une des collines en face de la caverne de la Makh’pela, au sommet de cette colline, une grande caverne et une belle construction on dit que c’est la le tombeau de Jesse le pere de David

Rabbi Moshe Bassola, venu lui aussi d’Italie visitant la ville en 1522 nous laisse une description pratiquement identique des lieux en y ajoutant toutes fois l’anecdote suivante ”… on raconte qu’un chat qui s’etait engoufre a l’interieur de la caverne (de Jesse ) ete reapparu a la caverne de Makh’pela…” evoquant ainsi l’eventualite d’un passage souterrain reliant les deux sites historiques.

Durant les quatre vingt huit ans de presence latine, nous assisterons a une expansion des vignobles autour de la ville, avec elle un marche aux vins florissant. Selon une ancienne tradition, des pieds de vigne de la region de Hebron auraient ete replantes dans la vallee du Rhin et aussi en Moselle par des croises de retour a leur pays d’origine.

Aujourd’hui encore certains viticulteurs de ces memes regions ont pour coutume de s’enquerir aupres de leurs voisins israelites de la date de la fete des Cabanes, pour fixer la periode des vendages. Car, selon leurs dires, ce raisin venu du pays des juifs continue de murir au rythme des fetes juives Le retour du pouvoir musulman mettra progressivement un terme au commerce de vin, la culture de la vigne connaitra cependant encore des jours heureux. Le type de raisin cultive permettait en effet de produire des raisins secs d’une excellente qualite et un sirop de raisin hautement apprecie que les arabes designent par le terme “Dib”..

La presence chretienne va indiscutablement revaloriser la notion de “Terre Sainte” qui devient ainsi l’objet d’une competition declaree.

Les trois religions accordent une place importante aux visites des lieux saints. L’eglise va creer les “indulgences”, ces especes de bons points moraux que l’on se voit octroye apres le pelerinage. Encourages ou influences par le mouvement des visiteurs chretiens, les voyageurs juifs affluent eux aussi en nombre. Ils ne viennent pas seulement d’Egypte ou de Babylone comme par le passe, mais aussi d’Espagne, de France d’Angleterre et d’Allemagne.

Une place toute particuliere est consacree a Hebron et a la caverne de Mah’pela. Les changements, l’evolution des idees, auront tot fait d’emousser le fanatisme des vainqueurs chretiens, qui avaient dans un premier temps interdit l’acces de la Makh’pela aux juifs et musulmans.

Le grand Maimonide profitera, en 1166, de ce changement d’attitude pour s’incliner sur les tombeaux des patriarches. Visite inoubliable qu’il nous decrit, charge d’emotion:” Le onzieme jour du mois de Hechvan, je sortais de Jerusalem pour me rendre a Hebron, et embrasser le tombeau des peres. Ce meme jour je me rendis donc a la caverne pour y prier et remercier D-ieu, beni soit son Nom des bienfaits qu’Il nous accorde.Je fais le voeu de considerer dorenavant ces deux jours imemorables, celui de la visite du mont du Temple, et celui de la visite a la Makh’pela, comme des jours de fetes, celebres dans la joie, le festin, et les actions de graces.Que D ieu m’assiste pour accomplir mon voeu pour que se realise en moi le verset des psaumes: “Mes voeux vis a vis du Seigneur, je les realiserai, Amen”.

Quelques annees apres Maimonide, c’est Rabbi Benjamin de Tudele qui se trouve dans la ville des patriarches.

Voyageur experimente, observateur averti, notre Rabbi est considere par les historiens comme un informateur serieux. Il ne se contente pas, comme le font souvent les auteurs de l’epoque, de noter les rumeurs qui circulent, mais s’efforce de verifier par lui meme les informations qu’il retranscrit. Durant l’annee 1171, notre rabbin voyageur arrive a Hebron: “… Nous arrivames alors a Saint Abraham de Hebron. Mais la ville ancienne de Hebron, maintenant detruite, se trouvait par le passe sur la montagne, surplombant ainsi la vallee pres du champ de Mah’pela ou se dresse desormais la nouvelle ville. A l’interieur un edifice monumental qu’on appelle Saint Abraham, lieu de priere pour les juifs au temps des ismaelites, ces derniers ont construit six monuments funeraires dedies a Abraham et Sarah, Itshak et Rivka, Yaacov et Lea, et ils racontent a ceux qui se trouvent dans l’erreur (expressions pour designer les chretiens) qu’il s’agit la des tombeaux des patriarches, et ils donnent l’aumone en cet endroit.

Mais si un juif vient a visiter les lieux, et qu’il est pret a soudoyer le gardien de la caverne, ce dernier lui ouvrira une trappe de fer forge remontant a l’epoque des Patriarches de memoire benie. Cette trappe debouche donc sur un escalier eclaire d’une bougie. Pour arriver a une premiere caverne, vide, il en est de meme pour la suivante jusqu’au moment ou il arrivera a la troisieme, et voici qu’il y verra six tombeaux, celui d’Abraham et Sarah, etc …

L’un en face de l’autre, sur chacun des tombeaux se trouvent des lettres gravees dans la pierre.Sur celui d’Abraham est gravee l’inscription: “Ceci est le tombeau d’Abraham”, sur celui d’Itshak on peut lire: “Ceci est le tombeau d’Itshak fils d’Abraham notre pere”, il en est de meme en ce qui concerne Jacob: “Ceci est le tombeau de Jacob fils d’Itshak fils d’Abraham, notre pere…”. Dans cette caverne brule des veilleuses jour et nuit sur ces monuments funeraires”.

Visiter la ville ou le peuple juif a pris naissance n’est pas chose facile a realiser en ces jours.Il n’y a malheureusement pas de presence juive a Hebron. Cette realite ressemble d’avantage a un reve, un bien mauvais reve en realite.Mais les reves font aussi parti de notre patrimoine. La tradition juive sait tres bien que le reve tout seul n’a aucune importance, seule compte l’interpretation qu’on lui attribuera.


 

UN REVE

(Tab de m.)

 

 

Le reve n’est pas une fuite des realites, mais une avance acceleree qui permet a celui qui se bat d’entrevoir une premiere lueur d’espoir face aux epreuves du moment.

La agada (legende ) que nous rapportons maintenant n’est pas simplement un conte. Meme si la teneur historique de cette legende est a la lumiere de nos connaissances actuelles, des plus reduites. Elle n’en est pas moins significative pour cela. L’auteur anonyme refuse d’accepter la cruelle realite du moment: Il n’y a pas de juifs a Hebron!

Le heros de cette agada ne reve pas de victoire mais seulement de resistance. L’epoque des croisades est effectivement une periode si difficile ou meme le reve est oblige de se contenir, de ne pas rever serait on tenter de dire. On reve seulement de …leur resister.

La resistance juive contre les croises a pourtant existee. Les juifs rapellons le, defendaient le quartier nord de Jerusalem, devant les soldats de Godefroy de Bouillon. A cet endroit precis se trouvait le quartier juif de la ville.

A Haiffa, la bravoure des combattants juifs surprendra les guerriers francs et retardera d’un mois la conquete de la ville.

Le fait que nous ne disposions a ce jour d’aucun document retracant une quelconque opposition armee aux croises dans la region de Hebron ne signifie pas automatiquement qu’une telle opposition n’ait point eu lieu. Le travail de l’Historien consiste precisement a ne negliger aucune piste, sachant que toute legende sera toujours porteuse d’une verite historique aussi infime soit elle. Tout en tenant compte des nombreuses circontances historiques qui separent les deuix epoques, le lecteur averti ne manquera pas de relever la ressemblance entre les themes evoques dans notre legende, et les faits et gestes de Gedeon (Juges 6:27). Dans les deux cas les heros ne font qu’appliquer le commandement de la Thora ” Renversez leurs autels, brisez leurs monuments, abbattez les images de leurs dieux…”(Deut. 12: 2-4). Meir ben Eliaou, le personnage qui est au centre de notre legende, vit l'une des periodes les plus difficiles de notre histoire nationale, celle de l’occupation croisee.

Les versets du Deuteronome quant a eux s’adressent a un peuple unit qui s’apprete a prendre possession de sa terre.

 “En ce temps la, Hebron est aux mains des croises. Une eglise domine la caverne de Mah’pela, et une immense banniere a la croix doree se dresse au dessus des toits. Cloches et carillons rivalisent de vacarme, des moines a la tete rasee, des milliers d’incirconcis envahissaient les rues, alors que juifs et musulmans sont condamnes a raser les murs.

A l’emplacement de la Makh’pela, il n’y a plus de synagogue, la mosquee aussi a disparu. Telle etait la decision des nouveaux maitres des lieux.

La detresse des juifs est cependant plus terrible que celle de leurs voisins

musulmans. En ces jours la, vit a Hebron Meir Ben Eliahou. un homme juste, integre, fidele et plein de zele pour la gloire de D ieu.Un homme bon et genereux, recevant ses invites a la maniere d’Avraham, notre pere. Son coeur se presse de douleur tous les jours en voyant cette croix sur la caverne de Mah’pela. Celle la meme, au nom de laquelle des hommes perpetuerent les massacres des saintes communautes d’Israel, depuis la vallee du Rhin leur point de depart, jusqu’a leur destination: Jerusalem

Grande est la tourmente qui dechire son coeur. A cause de nos peches, dit il a qui veut bien l’ecouter, Abraham notre pere, celui qui brisa les idoles de Terah,, doit subir la profanation de voire sa sepulture profanee par des paiens qui introduisent journellement de nouvelles idoles.

C’est alors qu’un esprit de couroux s’empara de lui. Meir avait decider de rendre la vie amere a tout les gens d’eglise de la caverne de Mah’pela.

Depuis quelque temps, en effet, on signalait une serie d’evenements incomprehensibles.

Pareil au Gedeon de la Bible, Meir demolit a la faveur de l’obscurite l’autel consacre au “Baal”. La nuit suivante il abattit les icones nouvellement dressees. Une autre fois la statue d’un saint etait renversee. Une autre fois c’etait le portrait de celle qu’ils appelaient la sainte vierge, qui etait entaille.

Meir avait agi tout seul. Mais comme il n’osait a cause de sa famille, agir en plein jour, il attendait donc le soir pour se glisser a la Makh’pela.

Au matin les gens de la ville se leverent et virent avec effroie, l’autel du Baal renverse, ainsi que tous les autres dommages occasiones.

Ils se dirent l’un a l’autre “qui a pu donc commettre un tel sacrilege?” ils s’informerent firent des recherches et on leur dit “C’est Meir, Meir ben Eliaou qui en est l’auteur.

Alors les gens de la ville dirent a l’eveque” Livre nous ce juif pour qu’il meure, parce qu’il a demolit l’autel de notre Dieu” Mais l’eveque repondit a la foule qui l’assaillait ” Quel avantage tirerons nous de lui donner la mort? Cette mort que vous lui souhaitez est une recompense pour lui, ce qu’il desire plus que toute chose au monde!” Venez emmenons le a Rome et essayons plutot de s’occuper de son ame troublee.

Ils le menerent ainsi jusqu’au port de Jaffa, et la bas l’embarquerent pour la ville de Rome, ou il fut emprisonne dans un monastere.Il s’agissait en fait d’une imposante forteresse qui aurait pu tout aussi bien servir de prison a en juger par son aspect exterieur..

Charge de le rammener a la “Vrai Foi”, ses ravisseurs le vetirent de la tunique des moines et l’abreuverent de sermonts. Ils s’adressaient a lui en latin, langue dans laquelle Meir ne s’exprimait qu’avec beaucoup de difficultes durant les premieres semaines du moins. Mais ses progres furent tels que quelques mois plus tard il faisait deja l’admiration de ses maitres -ravisseurs. Un eveque etait charge de lui apprendre le catechisme et un autre les evangiles.

Meir prenait lentement conscience de la situation, a ce jeu de patience, il se devait d’etre le plus fort et le plus ruse.

Un matin ses instructeurs le menerent a l’interieur d’un petit palais sur le bord du Tibre, des gardes suisses les introduisirent a la bibliotheque. La presence des ces gardes, la richesse de l’endroit, la deference des eveques qui l’accompagnaient, Meir venait maintenant de comprendre que le Pape de Rome avait demander de le rencontrer. Anacletus ll etait immobile sur son fauteuil,le visage soucieux, la presence de Meir sembla le ramener a de meilleurs sentiments.

Les eveques instructeurs de jetterent aux pieds du souverain pontife, ce dernier esquissa un petit signe de desaprobation tel que l’exige le protocole.Quelle ne fut pas leur etonnement en se relevant d’entendre le maitre de l’eglise demander a se trouver seul avec Meir ben Eliaou.

Anacletus etait l’arriere petit fils de Barouch riche negociant juif installe a Rome. Le jour ou il decide de se convertir pour des raisons que l’on ignore, il opte pour le patronyme de Benedict (qui est en fait la traduction de son ancien prenom qui signifie celui qui est beni).Barouch va epouser par la suite la fille d’une vieille famille romaine. De cette union va naitre Leon, nomme en hommage au pape de l’epoque. Quelques annees plus tard, Pierre le fils de Leon rassemble les deux prenoms pour forger un nouveau nom de famille a Rome: Pieroleoni. En cette epoque de troubles en Itale la famille Pieroleoni constitue un veritable groupe de pression dans la vie politique de la cite.Un de ses fils fait d’ailleurs une belle carriere dans l’eglise. On le retrouve en France aux synodes de Chartres et de Beauvaix en 1123 qu’il preside avec le titre de cardinal!

Sept ans plus tard le pape Honorus ll meurt et la course a la succession commence.C’est a lors que l’incroyable se produit, l’arriere petit fils de Barouch est elu sur le trone de st Pierre, sous le nom d’Anacletus ll.

C’est ce meme Anacletus qui s’entretenait en ce moment meme avec la prisonier de Hebron. En quelle langue se deroula l’entretien? Quels furent les sujets abordes? nous n’en savons pratiquement rien. Les conditions de detention d’Eliaou allaient considerablement changer.

Meir dechargea toutes ses forces sur l’etude de la Bible, ce que les chretiens appellent l’ancien testament, au point de le connaitre par coeur.

Ses ravisseurs, fiers de leurs succes, l’avaient maintenant surnomme “l’ecclesiaste”. Quels furent les propos evoques par le successeur de St Pierre, pour quelle raison avait il tenu a rencontrer Meir? Il est des questions qui resteront sans reponses. De Meir personne ne reussit a arracher le moindre aveu.

Une chose est sure neanmoins, les moines se comportaient desormais avec beaucoup plus de defference envers leur “protege”.

Meir pouvait maintenant librement circulait dans les rues de Rome.Prenant un certain plaisir a se retrouver seul dans la grande ville qu’il avait appris a connaitre a defaut de l’aimer.La rue des Vieilles Banques qui donnait sur la rue Pellegrino celebre pour les devantures de ses orfevres, la place Navona, les palais et les monuments temoins de l’arrogance des vainqueurs.

Au cours de ces promenades de meditation,des versets revenaient a sa memoire des paroles de prieres qu’il ne pouvait desormais reciter en liberte.

Nous sommes a la veille de Kippour, Meir n’a pas oublie. Se croyant a l’abris des regards indiscrets, il obeit aux elans de son coeur, et le voici declamer a haute voix les prieres qui bercerent son enfance.

“ Un cure qui chante nos prieres en hebreu, la veille de Kippour? ”

La voix venait de derriere lui, Meir se retourna pour voir un juif de la capitale. s’approchant de lui en souriant.

“Je suis Meir Ben Eliaou de Hebron “, dit il, la voix etranglee par l’emotion, “je suis juif ! j’ai ete vole de la terre des hebreux !”

Le juif italien buvait maintenant chaque parole de Meir Ben Eliaou. La caverne des Patriarches, Hebron, la Terre Sainte et ces fils d’Israel qui refusent de desesperer,qui attendent toujours un signe du ciel pour reprendre la lutte. Parmi ces juifs, Meir, qui seul face a l’adversite, avait oser agir, Meir le prisonnier de Hebron, heros meconnu du peuple juif.

Le recit termine, Meir se taisait maintenant, son interlocuteur continuait de le fixer dans les yeux.

Apres quelques secondes de silence, Yehouda Modiano, c’etait son nom, se saisit des poignes de Meir pour lui dire: “C’est le D-ieu d’Abraham d’Isaac et de Jacob qui a guide tes pas aujourd’hui et c’est par sa volonte que nous nous sommes rencontres en ce jour. Maintenant rassures toi, je suis negociant en epices et j’expedie tous les mois un bateau vers l’Orient, le prochain depart est pour toi !”

Six mois plus tard, Meir Ben Eliaou redecouvrait le vacarme des cloches, des moines la tete rasee, le bousculaient sans se retourner. Mais cela n’avait plus aucune importance, Meir Ben Eliaou etait de retour a Hebron “!

Durant l’occupation croisee se deroule la premiere fouille archeologique de la Makh’pela. La decouverte d’un acces a la caverne des Patriarches provoquera la sensation aussi bien chez les chretiens que chez les musulmans, les sources juives quant a elles resteront etrangement silencieuses.


 

OUVERTURE DE LA CRYPTE DE LA GROTTE DE MAHPELA

(Tab de m.)

 

Selon une chronique latine, des chamoines du pieuret de Hebron decouvrirent accidentellement une entree de la caverne de Makh’pela en 1119. Nous reproduisons quelques passages de cet evenement extraordinaire.

“…Un certain jour au mois de Juin, alors que, suivant l’usage les reguliers se reposaient en apres midi sur leurs couchettes un frere de la meme eglise entra dans la basilique pour se garantir de la chaleur estivale, et s’etendit a meme le dallage pres de la pyramide dite de Saint Isaac. La se trouvait entre deux dalles du pavage un interstice d’ou sortait, venant du sous sol, un vent leger et frais.

Tout en restant la a exposer sa poitrine decouverte a la brise souterraine, le religieux se mis par jeu, a jeter par cette fente de petites pierres qu’il entendit tomber dans une cavite qui lui parut etre une citerne ou une grotte. Attachant au bout d’une baguette un fil long et solide auquelle il avait lie une petite balle de plomb, et le faisant descendre, il mesura onze coudees en profondeur …

Ils soupconnerent que c’etait l’entree de la caverne double. Deux ou trois jours ils passerent a prier D ieu assiduement de mener a bien leur entreprise et a preparer le necessaire pour fendre les pierres car elles etaient dures et presque refractaires a tout instrument de fer …

Lorsque les blocs coupes furent enleves, l’ouverture de la caverne apparut …

Le lendemain, le prieur fit savoir a Arnoul d’entrer de nouveau dans la caverne et d’y fouiller la terre avec grand soin … Quant il eut fouille la terre avec son baton il trouve les os de Jacob, et ignore de qui ils etaient, il en fit un tas, puis, s’etant avance en apportant plus de diligence dans son examen, il vit a la tete de Saint Jacob, l’entree d’une grotte ou etait les ossements d’Abraham et de Isaac.

Cette entree etait close. L’ayant ouverte, il vit une caverne dans laquelle apres y avoir penetre, il trouva au fond, le corps sacre de Saint Abraham scelle, et a ses pieds les ossements du bienheureux Isaac son fils.

Tous en effet, ne furent pas, comme certains pensent ensevelis dans une seule caverne, mais dans une grotte interieur Abraham et Isaac dans une autre exterieure.

Jacob Arnoul qui avait trouve cet important et incomparable tresor …lava les ossements des saints et deposa separement les reliques de chaque Patriarche sur des tables de bois que l’on avait prepare sans doute a cet effet.

Un jour, des freres etant descendus pour prier en ce lieu remarquerent a droite quelques lettres sculptees sur un bloc qu’ils montrerent aux autres, mais alors, personne ne put les dechiffrer. Arrachant donc un bloc en cet endroit, ils ne trouverent que de la terre, mais estimant que ces lettres gravees avaient leur raison d’etre, ils se mirent a creuser le mur d’en face, c’est a dire a gauche en entrant, ils decouvrirent les six des calandes d’aout environ quinze vases d’argiles remplis d’ossements. Sans savoir a qui ils appartenaient. Il est a croire cependant que se sont la les restes de quelques chefs des fils d’Israel ….”

Les croises qui avaient su profiter jadis de la division politique du monde musulman, vont avec le temps perdre leur unite premiere. Ce qu’ils recherchent dorenavant n’est que d’accroitre leurs avantages territoriaux. Pour cela ils sont prets a payer pratiquement n’importe quel prix,n’hesitant pas pour cela a se defaire de toute consideration ideologique religieuse.

L’islam quant a lui va trouver le chef qui realisera l’unite politique qui lui faisait tellement defaut jusqu’a present en la personne de Saladin (Salah’ a din). Les jours du royaume chretiens de Jerusalem sont desormais comptes.

 


 

EPOQUE DE SALAH A DIN (SALADIN)

(Tab de m.)

 

Saladin est le heros que l’Islam attendait depuis l’humiliation des croisades. D’origine kurde, il fut vizir du dernier sultan Fatimide en

1169. Salah a Din s’octroie le titre de sultan d’Egypte en 1171 apres avoir depose ce dernier. Grand seigneur, politicien avise, c’est lui qui chasse les chretiens de Jerusalem l’annee de sa victoire sur l’ensemble des forces croisees aux Cornes de H’itt’in. Nous sommes en 1187.

En fait une nouvelle puissance etait en train de voir le jour en Orient, la puissance Ayoubide. Son originalite se fit sentir essentiellement dans les domaines militaires et religieux.

C’est lui qui mettra en oeuvre la mobilisation de toutes les ressources du monde musulman pour combattre les chretiens. Sur le plan religieux il oeuvre egalement pour la suppression de l” heresie ” chi’ite et inaugure la diffusion d’un enseignement nouveau a l’aide de la madrassa (ecole d’enseignement islamique).

Selon le temoignage du chroniqueur arabe Ibn al Athir Kamil, Hebron tombe entre les mains de Saladin quelques mois apres la conquete d’Ascalon, ville que

Salah al Din decide de raser pour des questions strategiques, il donna l’ordre de tranferer le minbar (estrade du predicateur de la mosquee) a Hebron.

Saladin est par nature une personne tolerante: les chretiens ses ennemis en feront plus d’une fois l’experience. En ce qui concerne les juifs il laisse la encore le souvenir d’un homme politique eclaire, capable d’apprecier les savants et les hommes de lettres. De nombreuses traditions circulent a son sujet concernant ses rapports avec les juifs. Yehouda el El H’arizi affirme qu’il invite les juifs a se reinstaller dans la cite de David au lendemain de la defaite chretienne. Ibn Abi Usabiya, l’ami de rabbi Avraham (le fils de Mamonide), ecrit que ce dernier exercait les fonctions de medecin a la cour de Saladin en Egypte et devint par la suite le medecin de son fils Al Malik al Afdal.

Au lendemain de la conquete de Hebron, Saladin en confie le commandement a ‘Alem e –Din Kaisar l’officier mamelouk responsable de toute la region Sud d’Eretz Israel.

L’Historien Avraham Yaari affirme que le vainqueur des croises prit la decision de fermer pour une duree de deux ans la Makh’pela au grand public (musulmans inclus!).Cette decision quelque peu etonnante, peut partiellement s’expliquer par le fait que Saladin desirait supprimer toute trace de presence chretienne dans la ville. Ainsi un monastere chretien a l’exterieur de la ville fut transforme en Madrassa (ecole islamique) portant le nom du vainqueur des croises.

Avec le regne de Saladin se constitue une nouvelle aristocratie essentiellement issue du Kurdistan, patrie du nouveau sultan. A Hebron un nouveau quartier voit le jour tout pres de la Makh’pela, quartier residentiel principalement destine au milieux proches du pouvoir. Aujourd’hui en longeant le chemin qui relie Keriat Arba a Hebron le visiteur peut admirer un ensemble de belles batisses desafectees que les arabes appellent “H’arat al Kard”, le quartier des kurdes, en souvenir du grand chef kurde qu’aura ete Saladin.

A la mort de Saladin en 1193, les membres de sa famille se font la guerre, le prestige du grand chef d’etat n’est plus qu’un souvenir, la dynastie Ayoubide amorce deja son declin. La ville des Patriarches passe alors entre les mains de Malik al Nasser, gouverneur de Karak, la fameuse place forte en transjordanie.

Durant son regne en l’an 1210, trois cent rabbins de France et d’Angleterre montent en Eretz Israel.

Compte tenu de la faiblesse politique et numerique du peuple juif, cette initiative peut etre consideree a juste titre comme une “croisade juive”. Croisade pacifique cela va sans dire, constituee par l’elite de l’intelligensia juive en Europe. Les heritiers de l’ecole du grand Rachi et les sages de Provence disciples de Maimonide. Un echo de cette fantastique aventure nous parvient de Rabbi Chmouel Ben Rabbi Chimchon “De Jerusalem nous sommes alles a Hebron. Avant d’arriver a Hebron nous sommes arrives au tombeau de Rachel, notre Mere. De la, nous avons poursuivi notre route pour nous retrouver, cette fois, devant le tombeau du prophete Nathan au dessus duquel s’eleve une maison qui provoque la colere (euphemisme a caractere polemique designant une mosquee). De la nous sommes arrives devant un bel edifice construit par le roi Asa. Notre prochaine etape fut Alonei Mamre la; ou se dressait la demeure d’Abraham notre pere, l’endroit meme ou il avait plante sa tente, ainsi que l’arbre sous lequel il acceuillit les anges. A proximite de la coule une source, qui porte le nom de source de Sarah, tout pres de la ville de Hebron.

L’exilarque etait le seul a beneficiait d’une autorisation speciale, pour entrer a la Makh’pela…

Nous sommes partis chez le teinturier (un juif qui avait achete au gouverneur le droit exclusif d’exercer son metier dans la ville); il y avait avec moi, Rabbi Saadia et Rabbi Touvia, nous lui exprimions notre deception: Nous venons de tres loin pour pouvoir enfin prier a l’endroit qui a ete foule par nos ancetres, et pour nous prosterner sur leurs dernieres demeures.Cet homme nous a repondu: Attendez ici jusqu’a demain et alors avec l’aide de D ieu vous entrerez.

Il s’eloigna avec ses amis. Quelques temps plus tard nous penetrames a la Makh’pela en pleine nuit, le gardien s’etant deplace specialement pour nous.

Il y avait quelques vingt quatre marches d’escalier dans un passage etroit d’ou il nous etait impossible de devier ni a droite ni a gauche, et nous avons vu l’endroit du sanctuaire et a l’interieur trois points de reperes … nous nous sommes inclines et nous avons implore la clemence divine, puis nous rentrames a Jerusalem”. Chmouel fils de Rabbi Chimchon qui s’est rendu a Jerusalem en venant de la Galilee en l’an 1210.

Il est difficile de deduire a partir de ce temoignage l’existence d’une communaute juive. Si il y a alors des juifs a Hebron la communaute devait etre des plus reduite. Il se peut meme que ce teinturier qui permit a notre visiteur d’acceder au lieu saint etait la, le seul et unique juif dans la ville. L’insecurite, les guerres de succession qui vont suivre ne faciliteront pas l’installation d’une minorite sans defense. A la mort de Malik al Nasser, ses domaines seront revendiques par son oncle d’Egypte Al Malik Kamil. Au bord de la crise, les princes Ayubides reussiront in extremis a signer un accord de paix selon lequel Hebron et la moitie septentrionale de la terre d’ Israel revenait a l’emir de Kerak, a l’Est du Jourdain. Les descendants du grand Saladin sont bien loin de lui ressembler. Leur maintien au pouvoir est uniquement du a un systeme cynique d’alliances et de trahison. Entre temps un nouvel ennemi lance ses redoutables guerriers vers le moyen Orient, les mongols!Ce sera une dynastie d’esclaves affranchis qui eliminera le dernier heritier de Saladin, pour instaurer quelques deux siecles et demi durant un nouveau pouvoir dans la region. Les mamelouks font leur entrer dans la scene de l’Histoire.


 

LA DOMINATION MAMELOUKE (1250 1517)

(Tab de m.)

 

Un des premiers changement significatif imputable aux mameloukes est incontestablement l’islamisation du pays d’Israel. Certes Omeyades, Abbassides Fatimides et Seljoukides precederent le pouvoir mameloukes sans jamais pourtant reussir a lui donner un cachet musulman tel que le fera le nouveau regime. Paradoxalement les nouveaux dirigeants sont tous d’origine non musulmane telle que l’exige la tradition mamelouke. Sans doute pour faire oublier cette verite ils feront plus que n’importe quelle autre dynastie pour remplir le pays de nouvelles mosquees ou embellir les anciennes (ce sont eux qui recouvrent la dome du rocher a Jerusalem d’une fine couche d’or). Hebron aussi beneficiera de leur prodigalite. Les mameloukes vont encourager les differentes forment d’etudes religieuses specialement les groupements mystiques du type soufistes qui se multiplieront durant cette periode.

Une autre raison d’islamiser le pays est directement liee a l’expulsion des croises et au rejet des bataillons mongols qui brandissent l’etendard de la guerre contre l’islam. Entre temps des milliers de refugiers musulmans fuient la rerreur mongole. Ils cherchent refuge en Eretz Israel, boulversant ainsi les donnes demographiques du pays. Durant l’occupation mamelouke la composition de la population va nettement evoluer en faveur des musulmans.

 Les mameloukes donnent au monde de l’islam la grande revanche qu’il attendait sur la chretiennete. Il s’agit maintenant de traduire cette victoire militaire au domaine religieux et culturel.

Politiquement parlant le nouveau systeme apporte des innovations importantes.Alors que l’Europe etait incapable de concevoir le choix de ses dirigeants, autrement qu’issus de la noblesse, l’ Egypte allait montrer au monde une nouvelle forme d’hegemonie: Il fallait avoir ete esclave pour devenir sultan, telle etait l’etrange devise des dirigeants mamelouks, le mot lui meme signifie tout simplement “propriete de l’etat”. Enleves des leur jeunes age de leurs parents, les mameloukes etaient avant toute chose des esclaves non musulmans destines a constituer l’elite de l’armee arabe. Il seront donc eleves et eduquer dans l’islam et l’art de la guerre. Ces ecoles speciales sont appellees “medrassa”des educateurs ennuques seront responsables de la formation des nouvelles recrues.

Le regime mamelouk se divise en deux epoques. La premiere (1250-1381),celle des sultans “Barhides” il s’agit la de mamelouks d’origine turque. Ce qualificatif rappelle en fait leur caserne d’origine sur une ile du fleuve Bahr. La seconde (1382-1517) sera celle des mamelouks circassiens, ces derniers deciderent de mettre un terme au pouvoir hereditaire ; la encore l’Egypte venait innover.

De ce fait, toute passation de pouvoir devenait impossible et les enfants des dirigeants mamelouks etaient condamnes a redevenir des gens du peuple (ibn a Nass).

Les consequence d’une telle politique seront d’une part l’existence de rivalites permanentes, mais d’autre part un etat d’alerte permanent garant de la qualite des armes mameloukes.

En fait, des les premieres generations de l’Islam, l’element arabe qui constituait le fer de lance de l’armee allait s’emousser avec le temps. Les rudes conquerants du desert avaient abandonne l’extreme simplicite de leur moeurs au contact des peuples plus raffines, nous dit Rene Kalisky.*(Le monde arabe, l’essor et le declin d’un empire)

Les arabes prennent gout au faste et au confort, leur motivation militaire flechie dangeureusement. Les bataillons d’assaut seront dorenevant constitues de combattants turcs, “les mamelouks”. Ces derniers, celebres pour leur vigueur, seront enleves de leur foyer des leur jeunesse pour etre eduques en terre d’Islam. Leur education nous l’avons vu, reside essentiellement en une formation militaire de qualite, et d’un rapide rappel des principes fondamentaux du Coran.

Les premiers sultans mamelouks vont mener une politique exterieure reflechie et adroite. Encourageant le commerce avec l’Europe, ils importent les matieres premieres leur faisant defaut comme le fer et le bois. Comble de l’ironie, les genois leurs fournissent les esclaves qui etaient appelles a renouveller les rangs de l’armee arabe.

Ces nouvelles recrues apporteront ainsi un sang neuf a l’empire vieillissant pour essayer d’enrayer la degenerescence qui le minait

Un homme va restituer a l’Islam sa mentalite de conquerant: le sultan Baybars.

De haute taille, doue d’une force physique peu commune, les yeux bleus, Baybars faisait grande impression sur tous ceux qui l’approchaient.

Achete comme les autres sur le marche d’esclaves de Crimee, notre aventurier sera rapidement admis dans les casernes mameloukes. Sauvage et sanguinaire, ce conducteur d’hommes saura galvaniser ses compagnons par sa bravoure et son energie. Ses victoires militaires contre les croises et les mongols, jusque la invincibles, le couvriront de gloire, plus encore que le legendaire Saladin.

A la tete de ses hommes de main il traque le dernier sultan Ayoubide dont il etait le garde du corps; le malheureux sera jete a l’eau puis harponne avant d’etre acheve a grands coups de sabre. Parvenu au pouvoir, Baybars sera l’homme que la destinee aura choisi pour sauver Eretz Israel du terrible danger qui la menace: le fleau mongol..

Hulegu, le petit fils de Gengis Khan penetre en Syrie musulmane et s’empare successivement des villes Alep, Hamat, Homs et Damas, pour les detruire completement.

Cette avance mongole en Syrie, permet maintenant d’operer des raids de reconnaissance a Hebron, Beit Joubrin et Gaza. Nous ne savons pas quel fut le sort des habitants de ces villes. Les mongols devaient sans doute preparer le terrain pour la prochaine etape de leur conquete: l’Egypte. Ces petits cavaliers venus du fin fond de l’Asie, poussent l’horreur vers des limites encore insoupconnees. Leur cruaute, leur rapidite de deplacement, leur soif de destruction, de pillage et de meurtre, depassent tout ce qui etait connu par le passe.Contrairement aux guerriers arabes de la premiere heure, le faste et la beaute des villes conquises ne les impressionnent pas. Le massacre des populations conquises seul, les interressent, les victimes se chiffrent par dizaines de milliers (dans la seule ville d’Alep, Hulegu aurait fait mettre a mort cinquante mille personnes). Les mosquees de Damas ne seront pas converties en temples mongols, mais rasees jusqu’au sol.

Une derniere information: les mongols n’ont encore jamais perdu une bataille. La progression mongole prend maintenant l’allure d’une campagne anti islamique declaree, tout ce qui est cher aux yeux des musulmans est automatiquement detruit.

L’avance mongole provoque la fuite eperdue de nombreuses familles musulmanes qui cherchent a echapper au massacre. Certaines s’installeront a Hebron telles les Tadmouri et les Djabari qui constituent jusqu’a ce jour les principales clans familiaux (H’amoulah) de la ville.

Avec le recul des ans nous pouvons poser la question: que serait il advenue des lieux saints de la Makh’pela en cas de conquete mongole prolongee des lieux?

Hebron a connu un nombre impressionnant d’occupants et de conquerants, la ville en a souffert, cependant, tous les nouveaux venus avaient comme denominateur commun le respect des lieux saints. La muraille qui entoure l’aire des tombeaux, a fini elle aussi, par etre consideree comme partie integrante du site religieux.

Si aujourd’hui, pres de huit cent ans plus tard, nous pouvons encore admirer le magnifique edifice de la Mah’pela, c’est parce qu’en cette annee de 1260, les mongols allaient connaitre enfin leur premiere defaite, face a Baybars et ses mamelouks. Cela se passait bien au nord de Hebron, a Ein Jaloud, dans la vallee de Jezerel. Les mongols, brises dans leur

elan, se virent rejetes en Perse.

Non content d’avoir preserve l’edifice historique de Mah’pela, Baybars, entreprendra la construction de certains edifices secondaires dependants du sanctuaire, et peut etre meme, le couronnement crenele qui rappelle les crenaux de certaines portes du vieux Caire.

Ce fut egalement a partir de cette epoque que les musulmans, sur son ordre, interdirent l’acces de l’interieur de l’enceinte aux “infideles”. Cette interdiction merite d’attirer notre attention, elle ne correspond pas (encore) aux normes fondamentalistes du monde musulman. L’Islam a fait jusqu’a present preuve de beaucoup de tolerance en matiere religieuse, particulierement a l’egard de judaisme et du christianisme et de leurs lieux saints respectifs. Leur politique vis a vis des chretiens se durcira a partir des guerres de religions que l’on designe par “croisades”. Six ans apres sa victoire sur les mongols, Baybars se prepare a affronter maintenant les francs qui avaient refuse de lui preter main forte contre les descendants de Gengis Khan. Notre mamelouke se prepare donc a une campagne anti chretienne, nous dit le professeur Joshuah Prawer. Il passe d’Egypte a Gaza et de la il fait une entree triomphante a Hebron, ou il peut a juste titre se considerer comme le sauveur de l’Islam et de ses lieux saints. La caverne de Makhpela constitue le moment fort de sa visite; pouvait on choisir meilleur contexte pour y interdire dorenavant l’entree aux chretiens?

Et que deviennent les juifs dans ce contexte? S’ils ne sont pas assimiles aux ennemis de l’Islam au meme titre que les francs, dans l’affrontement militaire qui oppose depuis un siecle la croix et le croissant, dans ce climat de passion et de revanche ils ont tout de meme le tort de ne pas etre musulmans. Ajoutons a cela un argument beaucoup significatif: il n’y aprobablement pas de communaute juive en ces jours dans la ville des Peres et les absents ont toujours torts.

En ce qui les concerne Baybars a fait preuve d’une toute relative generosite en leurs permettant l’acces de la septienne marche. Il serait cependant souhaitable de se souvenir que cette decision humiliante vennait mettre un terme a plus de cinq siecles de tolerance de la part des dirigeants musulmans. C’est donc avec beaucoup d’interrogations qu’il nous faut aborder ce changement de comportement de la part des autorites islamiques. Une analyse de cette societe a l’epoque mamelouke pourra nous aider a comprendre les motivations de ce brutal revirement de situation.

Les guerres entre la chretiennete et l’islam ne sont pas seules responsables de ce raidissement de position. Il sera interessant d’etudier de plus pres la societe musulmane en cette epoque mamelouke, les forces en presence, et les conflits qui l’agitent. On apprendra alors que l’element arabe est en perte de vitesse. L’armee et le pouvoir civil sont entre les mains des mamelouks (de race turque) qui affichent au grand jour leur mepris pour les arabes. Un musulman de souche arabe sait pertinement que la carriere militaire lui est refusee quelques fussent ses aptitudes dans ce domaine. Ses chances de trouver un avancement dans l’administration sont pratiquement nulles. Cette derniere etant reservee aux chretiens et aux juifs, qui constituent une population traditionellement qualifiee pour ce genre de taches. Dans ce partage des responsabilite les arabes sont les grands delaisses du systeme. Les mameloukes ne feront rien pour changer les donnes du probleme. Au contraire ils attiseront la haine contre les minorites religieuses. Donnant ainsi aux arabes un pretexte a leurs mecontentements, face a une situation ou le pouvoir mamelouk etait seul responsable.

Les raisons religieuses tiennent, on pouvait s’en douter, plus que jamais une place preponderante dans ces tensions sociales et politiques.

Au milieu du treizieme siecle (donc a l’epoque de l’interdiction pour les juifs d’acceder a la Makh’pela), un livre de polemique theologique connait une importante diffusion au sein des milieux islamiques. Son titre: “Bonnes reponses a de mauvaises questions”, son propos: prouver que le judaisme n’est qu’une falsification des revelations premieres. Selon l’auteur, la Thora du Sinai aurait ete perdue par les pretres durant l’exil de Babylonie. Ezra aurait donc reecrit une autre Thora de sa propre initiative, totalement deconnectee de la parole divine. Inutile de preciser que ce genre d’argumentation ne devait pas contribuer au respect reciproque entre fideles de differentes confessions…

Les mameloukes etaient des hommes de guerre et des politiciens avises, mais en aucun cas des hommes de lettres. Interdire l’entree des non musulmans au sanctuaire de Makh’pela est avant toute chose une decision religieuse, qui devait etre justifiee par une argumentation du meme ordre. Si nous avons quelques difficultes a imaginer

Baybars, entre deux batailles, consulter des ouvrages de juridiction musulmane et aboutir a une telle decision, on aurait cependant tort de croire que les dirigeants mamelouks etaient indifferents aux sujets religieux, loin de la. Ces derniers perpetuellement soucieux de faire oublier leurs origines etrangeres affichaient une soumission exemplaire aux preceptes islamiques. Ce qui nous amene a envisager l’eventualite que la decision d’expulser juifs et chretiens, ne fut pas l’initiative de Baybars, mais bien celle d’un predicateur islamique fondamentaliste, qui poussa le sultan a accomplir ce changement d’orientation. Ce dernier en accedant a une telle demande faisait preuve d’un acte de foi, de soumission aux elements extremistes islamiques, propre a satisfaire les masses populaires. En etudiant de plus pres l’entourage immediat du sultan, nous decouvrons effectivement la presence d’un predicateur charismatique, beneficiant d’une ecoute toute particuliere aupres du chef mamelouk. Le cheikh Kh’ader avait croise Baybars alors que ce dernier etait encore un jeune officier de la garde du sultan. Rencontre decisive a en croire les sources puisseque Kh’ader venait de devoiler a son interlocuteur l’avenir glorieux qui lui etait reserve. Les deux hommes ne devaient plus se quitter. Les predictions du cheikh’ auraient ete d’une precision telle, qu’elles annoncaienter avec exactitude le lieu et la date precises des innombrables victoires de Baybars.

Khader faisait en fait office de prophete dans la cour du sultan. Notre liseur de bonne aventure avait malheureusement d’autres preoccupations, entre autres de persecuter juifs et chretiens dans l’etat mamelouk. A Damas nous le voyons expulser les juifs de leur synagogue pour y celebrer un ceremonial mystique. A Jerusalem il assassine de ses propres mains les moines du monastere du Golgotha pour transformer l’endroit en mosquee. En evoquant son activite le professeur Ashtor nous dit:”…il semble bien que l’intention du cheikh’ Khader etait de profaner precisement les lieux saints les plus importants des minorites non musulmanes”.

La conjoncture internationale, les tensions sociales a l’interieur de l’etat musulman, le climat de rivalite religieuse et enfin l’entourage immediat du sultan Baybars, devaient aboutir a la fermeture du sanctuaire de Makh’pela aux non musulmans.

S’il nous est eventuellement possible de “comprendre” le cheminement ideologique d’une telle prise de position, il nous est penible de constater le fait que les musulmans choisirent deliberement de sanctifier cette initiative en lui accordant un caractere “religieux – sacre” qui ira en se renforcant avec les ans. Un trait de caractere en passe alors de devenir une seconde nature.

D’un point de vue theologique la decision mamelouke releve d’une attitude intellectuelle scandaleuse. Abraham pour n’evoquer que lui est enterre a Hebron, il reste pour la conscience de l’humanite celui qui a ouvert sa demeure a tous les hommes pour essayer de les rapprocher autour d’un message de fraternite.

Pretendre honorer la memoire d’Abraham, tout en interdisant aux fideles qui se reclament de sa descendance de venir se recueillir sur sa tombe constitue une atteinte au patrimoine meme du Patriarche. Difficile d’imaginer une “maladresse “ religieuse aussi monumentale.

En voulant penaliser les autres, les musulmans inconsciemment venaient de s’ecarter dangereusement de l’heritage abrahamique.

Par le passe, on s’en souvient, juifs et chretiens pouvaient esperer penetrer a l’interieur moyennant finance.Les musulmans auront du mal appliquer cette sanction de maniere continue, et ce n’est qu’au fil des temps que cette (mauvaise) habitude finira par devenir realite.

Sous le pouvoir des mamelouks, les sanctuaires du Mont du Temple a Jerusalem et de la Makh’pela a Hebron sont sous un seul et meme controle. Ces lieux saints seront confies a un fonctionnaire portant le titre de: ” Nazir el Haramayan al Sharifayan”

Grace aux pelerinages, vont se developper les ceremonies rappellant celles qui se deroulaient a la Mecque et a Medine. Les traditions coraniques se mettant au gout du jour viendront legitimer ces nouvelles tendances. Ainsi nous verrons apparaitre de nouvelles formules attribuees au prophete lui meme qui disait: ”Celui qui ne peut me visiter a la Mecque pourra toujours allez visitez le tombeau d’Abraham

A Hebron, Baybars, toujours lui viendra reorganiser la distribution de nourriture gratuite aux pelerins de toutes les confessions.

Les sources divergent quant au menu du Simat (repas du pelerin), un petit pain, un plat de lentilles et une mesure d’huile d’olive, tel est selon certains temoignages l’hommage que l’etat mamelouk rendait a la memoire d’Abraham et sa vertue d’hospitalite.Certains jours, plus de cinq mille repas etaient ainsi retribues. Il arrive aussi que les autorites locales ne respectent pas leur engagement vis a vis des pelerins et detournent a leurs profits les sommes enormes offertes par les sultans.

Un chroniqueur musulman nous decrit la distribution de pain et de djasiseh (bouillie de ble grue) annoncees chaque apres midi au son du tambour, et auquelles participent les habitants et les etrangers sans discrimination aucune.

En 1480, Fabri, un voyageur suisse nous fait part de la terreur qu’il eprouva, lui et ses compagnons au bruit de cette formidable symphonie. Terreur qui se dissipa a la vue d’une corbeille remplie de pains, ces petits pains apportes a leur auberge sans qu’ils en firent la demande. Rabbi Mechoulam de Voltara, originaire de Florence, nous fait deux siecles plus tard une description tout a fait idyllique de cette distribution gratuite. “Les ismaelites respectent beaucoup les lieux, ils donnent trois mille pains au moins chaque jour en l’honneur d’Abraham, Isaac et Jacob.

Un hommage particulier est rendu au souvenir d’Abraham, et en son honneur ils distribuent de la langue, cuisinee a la moutarde, et des tranches de veau tendre tout comme Abraham avait servit aux anges venus le visiter.

En souvenir d’Isaac, ils distribuent du gibier, particulierement apprecie du Patriarche, et a la memoire de Jacob, ils offrent du pain et un plat de lentilles tel qu’il l’avait servit pour son frere Esau”.

Cette distribution ne fait pas l’approbation generale dans l’orthodoxie musulmane.

Deja au onzieme siecle Al Mukadassi elevait ses objections contre la participation aux repas gratuits du “simat”. Certains docteurs de la loi corannique finiront meme par emmettre des doutes quant a la veracite des traditions identifiant la Makh’pela avec la tombe des Patriarches.

Le theologien maghrebien Ibn H’adjadj ira jusqu’a interdire l’entree du sanctuaire d’Abraham. Selon lui les musulmans pieux doivent se garder d’imiter les generations precedentes et rester a l’exterieur du sanctuaire. Autre objet de remarques d’Ibn Hadjadj, les musiciens de Hebron. Ces derniers, jouaient de la trompette du tambourin et d’autres instruments encore apres la priere de l’apres midi, encourageant de la sorte les fideles a danser aux rythmes de leurs musiques. Conduite jugee indecente aux yeux de notre severe theologien.

Parmis les nombreuses mosquees que construit Beybars, se dresse aujourd’hui encore la mosquee Cheikh Ali Baker, autour de cette derniere, se developpe le nouveau quartier “Harat a cheikh”.

Mantsour Kalaouin, le successeur de Beybars, poursuit cette politique de construction publique intensive. A Hebron, il construit un hopital, une auberge d’accueil pour les pelerins, et un hammam (bain maure) amenage aujourd’hui en musee archeologique par les arabes de la ville.

Il amenage aussi les fontaines publiques pour les voyageurs.

C’est lui qui creuse un grand reservoir pour l’alimentation en eau de la ville. Il recouvre le marbre blanc et ocre (couleur specifique de l’archtecture mamelouke), la salle d’Abraham a l’interieur de l’enceinte de la Mah’pela.

Autour de Hebron, dans le village de Halh’oul et Bani Naim, il amenage des mosquees au dessus des tombes presumees des personages bibliques de Jonas et de Loth.

Cette profusion de commodites etablies a titre de structures d’accueil, entraine de grandes depenses, qui seront largement compensees par les recettes que l’affux de pelerins procure a la ville. La bonne gestion du pouvoir mamelouk va permettre une mise en valeurs des nombreux atouts religieux –touristiques de la ville..

En d’autres termes, Hebron se vend bien.

En ces temps la, les habitants de la ville se vantent de posseder a l’interieur de leurs frontieres le champ ou Adam, le premier homme, fut faconne de la main de D-ieu avec comme materiau la terre de ce meme terrain.

Des pouvoirs miraculeux est il besoin de le preciser, etaient attribues a cette terre en question. Des temoignages de voyageurs chretiens au 13 et 14 eme siecle decrivent le miracle permanent qui se deroule dans ce champ. Selon eux, la terre retiree etait revendue en Egypte, en Ethiopie et jusqu’aux Indes lointaines. Ces mottes de terre etaient miraculeusement renouvelles par la Providence divine…

Un pelerin italien en visite durant l’annee 1347 affirme avec emotion: “les musulmans d’Egypte achetent cette terre la au prix fort, ils la machent comme s’il s’agissait la d’une sucrerie ”.

Hebron apparait alors comme une veritable illustration du livre de la Genese.

Dans une lettre adressee a son fils, Nahmanide le celebre exegete biblique du Moyen Age ecrit en 1267 “…je m’apprete a present a me rendre a Hebron, la ville ou se trouve la sepulture de nos ancetres. Et avec l’aide du Tout Puissant m’y choisir un tombeau....” De nombreuses questions restent sans reponses a la lecture de ces lignes. Nahmanide aura donc –t- il reussi a realiser son voeu de gouter au repos eternel a proximite des Patriarches?

Les autorites mameloukes (qui venaient d’interdire la meme annee l’acces de la Makh’pela aux non musulmans) auraient elles donner leur accord a un tel desir? Devant les nombreux arguments qui nous feraient pencher en faveur de reponses negatives, il serait bon de savoir qu’en cette periode anti – chretienne, Nah’manide arrive aureolee d’une gloire toute particuliere, celle de sa victoire theologique a Barcelone durant la disputation religieuse du meme nom. De nombreuses traditions contradictoires s’entetent a indentifier l’emplacement du tombeau du grand maitre, certaines d’entre elles a Hebron, justement devant la trop celebre septieme marche.

Quoiqu’il en soit Nah’manide est un digne representant du changement qui s’opere au sein du monde juif durant ce treizieme siecle, en ce qui concerne les relations avec la terre d’Israel. Alors que Maimonide, le siecle precedant visite le pays mais prefere s’installer en Egypte, omet de signaler le devoir d’habiter le pays d’Israel dans son decompte des obligations religieuses, nous assistons un siecle plus tard a un changement d’orientation radical.

 Samson de Sens, Jonathan de Lunel, Nah’manide, Yeh’iel de Paris et Meir de Rotenbourg pour ne citer que les plus celebres, vont se faire les porte paroles d’un activisme “ sioniste” en ce sens ou ils pronent tous l’imperatif de la montee en Eretz Israel.

Ce ne sont pas seulement des individus isoles qui montent s’installer en terre sainte mais les dirigeants spirituels de leur generation, des chefs de file de differents courants de pensee, tossafistes adeptes de Maimonides ou Kabbalistes. Detail interressant, tous sont issus de la Diaspora chretienne.La deterioration du statut jurique des juifs en Europe n’y est certainement pas pour rien, il semble cependant que les dernieres victoires de Saladin et de Beibars sur les croises, furent interpretes comme un signe du ciel. Ces vagues d’immigration vont renforcer la presence juive dans le pays. Si jusqu’a l’avenement des croisades cette presence etait essentielement constituee de juifs orientaux, nous assistons cette fois a un un renforcement du judaisme europeen au point que certains chercheurs arrivent a la conclusion que ces derniers deviennent majoritaires.Hebron ne semble pas convenir au nouveaux venus qui ne manquent pas d’y effectuer le traditionel pelerinage mais preferent s’installer a Jerusalem et meme a Acre, capitale du royaume croise.

En 1290, c’est un disciple du Ramban (Nahmanide) qui ecrit: “A Hebron se trouve la caverne de Mah’pela, tombeau des patriarches. L’ancienne ville de Hebron se trouvait sur les hauteurs, dans la montagne, la ou se trouve le cimetiere juif au flan de la montagne, et sur le versant une source, qui servait de bain rituel (mikve) pour Sarah notre mere”.

L’ecrivain musulman Ish’ak Al H’alili, redige en 1411 tout un ouvrage consacre a Hebron, et la caverne de Mah’pela. Il evoque l’emplacementde chaque monument funeraire a l’nterieur de la Makh’pela. Selon ses affirmations, devant le tombeau de Sarah, se dresse un rocher sur lequel est grave l’inscription suivante: “Au nom d’Allah, le venere, le tres haut, le tout puissant, qui regit toute chose et qui a pouvoir sur tout, voici le monument de Rivka, femme d’Isaac, a proximite, du monument mortuaire d’ Isaac.

Le grand monument non loin de la, est celui d’Abraham le bien aime de D-ieu, a ses cotes vers l’est, est celui de Sarah. Derriere eux, se trouve les monuments respectifs de Jacob, et a Lea, sa femme”.

El H’allili de preciser: “ceci a ete inscrit par la main d’ Esau ”.

Une legende locale designait le lieu precis ou Cain commet le premier meurtre sur la personne de Abel, son frere. Parmi les vignes magnifiques qui font jusqu’a ce jour la fierte de la region, on venait de loin pour admirer la fameuse vigne plantee par Noe apres le deluge.

Les voyageurs decides pouvaient pousser encore une demi journee de voyage pour se recueillir sur la tombe de Noe, dans l’antique village biblique d’Adoraim, ou se trouve aujourd’hui le village arabe de Doura. Tout cela, sans oublier les differentes traditions religieuses, qui s’accordaient pour identifier le tombeau de Yossef accolle a celui des patriarches, et bien sur, la derniere demeure d’Abner ben Ner, general en chef des armees du roi Saul, assassine a Hebron comme le rappelle le livre de Samuel.

Une telle concentration de sites charges de souvenirs bibliques, ne risquait pas de decevoir le voyageur en quete de recueillement religieux. La structure d’accueil des pelerins, etait aussi un investissement financier intelligent, dans lequel chaque dinar investi par les autorites en rapportait une quantite d’autres dans les caisses de l’Etat.

Une autre activite economique de la ville merite d’attirer notre attention: l’industrie du verre. Il est possible que le travail du verre fut introduit dans la ville au onzieme siecle siecles par des juifs venitiens. Aujourd’hui encore, le principal carrefour situe au nord de la ville porte le nom de “carrefour du verre”. Les touristes peuvent admirer les souffleurs de verre faconnant leur ouvrage avec dexterite. A l’interieur de la ville, se trouve le quartier du verre, ses petites echopes alignees surchargees de mille et un objets fabriques dans cette matiere…

Selon Pline l’ancien, le verre aurait ete decouvert en Eretz Israel, par des marins pheniciens mouillant dans le port de Acco.

Ces derniers voulant rechauffer leurs aliments sur des pierres de Salpetre, au dessus d’un feu de bois, remarquerent que ce materiau, un fois chauffe et mele au sable du rivage, se liquifiait pour se durcir en sechant, et devenir enfin la matiere dure et transparente. Flavius Josephe aussi, sans entrer outre mesure dans les details de la fabrication, rappelle que, a proximite de Acco, se trouve en quantite, le sable propre a la fabrication du verre. Selon une tradition talmudique, la tribu de Zevouloun se trouvant sur le littoral, avait pour elle le monopole de l’industrie du verre.Cest ainsi que les sages du talmud, interpretaient le verset dans lequel Moise benit les membres de cette tribu en disant: “Ils aspirent la richesse des mers et les tresors caches dans le sable” (Deu. 33;19). Les tresors caches dans le sable, c’est le verre nous dit le talmud (Traite Meguila 6A). Nous savons qu’au Moyen age le travail du verre etait longtemps considere comme une activite economique typiquement juive. Une certaine categorie de verre portait meme l’appellation de “verre juif”. Les villes de Antioche et de Tyr etaient connues pour la qualite du verre blanc fabrique par leurs juifs.

Le verre de Hebron etait considere de moins bonne qualite que celui de Syrie, malgre le fait qu’il etait colore de differentes couleurs. Selon Yacobson, le verre de Hebron servait a la fabrication d’ustensiles usuels, alors que celui de Syrie beaucoup plus onereux servait pour la fabrication de produits plus onerux.

Malgres ses nombreux atouts, la ville de Hebron reste confinee autour de la Mah’pela, sans vraiment se developper et devenir une metropole importante a l’epoque mamelouke. Les musulmans locaux, sont desormais celebres pour leur franatisme religieux. Les querelles intestines entre une partie de la population d’origine kurde et les grandes familles Teidmouri Djabari qui avait fuit la Syrie devant l’avance mongole empoisonnent les relations sociales dans la ville.

La communaute juive se limite a une vingtaine de familles selon le temoignage du voyageur juif Mechoulam de Voltara, a la fin du quinzieme siecle. Huit ans plus tard, en 1489, un invite de marque arrive a Hebron, il s’agit de Rabbi Obadia de Bartenora, une grande figure du monde juif, celebre entre autre pour son commentaire de la Michna.

Dans une de ses lettres adresse a sa famille en Italie, il ecrit: “Je me suis rendu a Hebron, j’y ai habite de nombreux jours, au point que ma presence la bas m’etait presqu’aussi agreable qu’a Jerusalem, mais l’ambiance entre les fideles y est bien meilleure, il n’y a pas autant de tension qu’a Jerusalem. On compte quelques vingt familles regroupes dans une petite rue a part, et aucun ismaelite ou impur n’y penetre. Hebron est preferable a Jerusalem comme lieu de sepulture, selon les dires des gens du pays…

Le celebre rabbin italien decrit lui aussi le distributions de nourriture autour de la Mah’pela, un plat de lentilles, ou autre legumineuse pour les pauvres d’Israel, et d’Ismael ou les incirconcis. D’autres juifs emettent eux aussi le desir d’etre enterre a Hebron. Nahmanide, on s’en souvient, formule lui aussi un souhait semblable dans la missive qu’il redige pour son fils en 1267.

Les juifs ne desesperent pas de pouvoir prier a l’interieur de la Makh’pela.

Les femmes juives, le visage voile a l’oriental, prennent quelque fois le risque, et se glissent [parmi les musulmans a l’interieur du perimetre interdit.

Les hommes, eux, se contentent desormais de la septieme marche de sinistre memoire, temoin occulaire de l’humiliation d’Israel. Cette periode, ne prendra fin qu’avec la guerre des six jours. Guerre durant laquelle les heritiers des mameloukes seront finalement alors refoules par les descendants des rabbins Chmouel ben Chimchon et Bartenora et de tous les autres, qui n’avaient alors que leurs prieres pour affronter l’adversite.

La terre d'Israel n'etait pas encore au terme de ses epreuves, les ottomans pointent deja a l’horizon, leur occupation sera la plus longue dans le temps, quatre siecles qui malgre un debut prometteur, finiront de ruiner le pays de fond en comble.

Les Ottomans

(Tab de m.)

 

La conquete ottomane d'Erets Israel en 1517 annonce une ere nouvelle pour le pays tout entier. En ce temps-la les turcs constituent ce que nous appelons une super-puissance. Leur empire s'etend sur trois continents. La nouvelle administration qu’ils mettent sur pied s'avere, dans un premier temps, efficace.

Pour la terre d'Israel leur presence represente la plus longue occupation etrangere du pays. Ce n'est qu'en 1917, soit exactement 400 ans plus tard, que les ottomans devront definitivement ceder la place aux troupes du general Allenby.

Comme cela arrive bien souvent durant les guerres de conquete, le principal atout des conquerants reste l'initiative et la rapidite de deplacement.

Ainsi les turcs n'auront pratiquement aucune bataille a mener. Ils rassemblent leurs armees en Syrie, dans l'intention de deposer le pouvoir Mamelouk, qui siege en Egypte. Erets Israel n’est pour eux qu’un lieu de passage, dont il est necessaire de prendre possession, pour mener a bien leur programme. C'est ainsi qu'ils vont traverser le pays, du nord au sud, le long de la plaine cotiere, sans avoir a livrer un seul combat.

C'est sans doute cela que les historiens appellent la conquete ottomane.

Mais n'exagerons rien, les Mamelouks essaient toutefois d'arreter l’avance ottomane. A Khan-Younes leur terrible cavalerie chargera sans doute avec le meme heroisme que les guerriers de Baybars deux cent cinquante ans plus tot. Mais les temps ont changes… les mamelouks pas. L'artillerie turque avec son equipement ultra-moderne pour l’epoque, transformera cette charge heroique en une stupide course a la mort.

Le pouvoir Mamelouk en Egypte est mal en point, il ne lui reste que quelques jours a vivre et il le sait. Les unes apres les autres, les villes du pays depechent leur delegation pour annoncer leur reddition aux nouveaux maitres. Des officiers mamelouks eux memes montrent l’exemple et viennent proposer leurs services aux nouveau maitres du moyen Orient. Les villes du sud par peur d'un retour egyptien essaieront bien de se revolter mais les turcs reagiront avec cruaute, massacrant sans distinction hommes, femmes et enfants.

Pour la population juive du pays, les turcs ne sont pas des inconnus.

On s'en souvient, au lendemain de l'expulsion d'Espagne, les autorites ottomanes annoncent publiquement leur intention d'ouvrir leurs frontieres aux expulses. La nouvelle communaute sefarade de Turquie va tres bientot jouer le role desormais classique des communautes proches du pouvoir central.Un lobby s’organise ses taches seront nombreuses, entre autre la prise en charge des juifs d'Erets Israel.Ce dont elle s’acquittera avec beaucoup de devotion.

Il semble que les turcs ont vite fait de considerer les juifs, comme un element loyal a leur autorite. Ce fut sans doute la raison pour laquelle, les arabes feront, ca et la, eclater leur fureur.

C'est dans cette comprehension des evenements que les historiens essaient d'etudier un document retrouve a la Gueniza du Caire, decrivant la tragedie des juifs de Hebron, en ce debut d’automne 1517. D’autres chercheurs au contraire pensent que c’est precisement la soldatesque turque qui serait responsible des atrocites evoquees dans ce meme document.

Cela se passa durant l'année 1517, le septieme mois, durant les fetes des cabanes. Lorsque l'homme cruel et tyrannique, celui par qui Dieu se sert pour chatier. Celui qui etait le second du gouverneur a Jerusalem ( prions pour sa prochaine reconstruction) decida, au fond de son coeur, de persecuter les juifs de sa ville et de Hebron.

Il s'etait dit: "Hatons nous et partageons le butin que je prendrai aux juifs de ces deux villes, alors qu'ils se sentent encore en securite chez moi".

Et c'est ainsi qu'il executa son complot. En ce jour, ses hommes arriverent a Hebron et ils y tuerent un grand nombre de juifs qui essayerent pourtant de se defendre.

Tous leurs biens furent livres au pillage, au point de ne plus laisser la moindre parcelle de propriete. Pour les quelques rescapes, une seule issue la route: l'exode ils s'en allerent vers Beyrouth.

Avant de prendre le depart et il se haterent de recuperer les rouleaux de la sainte loi, ainsi que tous les objets de la synagogue. Mais helas en raison de nos peches, ils ne retrouverent aucun de ces objets. Ecrit en 1519 dans la sainte communaute de Corfou. Jephet fils de Menache.

Les grandes villes manifesterent une vive animosite envers le nouveau pouvoir et les juifs etaient, consideres comme les allies naturels des ottomans durent en souffrir en consequence.Le document signe de la main de Jephet fils de Menache,ne nous renseigne pas ou peu sur l’identite des agresseurs en cette annee de 1517.

Quoiqu’il en soit les ottomans, durant le premier siecle de leur regne, installent ordre et securite dans le pays. En 1522, Rabbi Moshe de Bassola haute figure rabbinique de la renaissance italienne, visite de la ville. Il y signale une dizaine de familles, le pogrom de 1517 etant sans doute responsable de la diminution du nombre d'habitants juifs. Le quartier ou, plus exactement, la’’ cour des juifs’’, se trouvant alors au nord de quartier Kazazin la ou se regroupent les souffleurs de verre, a l'Ouest de la Makhpela.

Les persecutions religieuses, en Espagne et au Portugal, ameneront, elles aussi, des vagues d'emmigrants en dehors de la peninsule iberique. L'expulsion d'Espagne en 1492 et du Portugal, cinq ans plus tard, injecteront au pays d'Israel un sang neuf. A vrai dire, les ottomans jouissent d'un prestige tout a fait particulier aux yeux des israelites, specialement depuis qu'ils s'emparent de Constantinople en 1453. La chute de la capitale de cette chretiente orientale tellement identifiee avec l'oppression d'Israel, ne pouvait qu’introduire une nouvelle esperance messianique.

Parmi les nombreux personnages qui viendront illustrer ce bouillonnement mystique et politique, David Reouveni tient une place tout a fait particuliere. A la la limite entre la fiction et la realite, enveloppe d'un brouillard de mystere, cet aventurier de genie n'aura pas ete menage par les historiens qui n'hesitent pas a le traiter d'imposteur et de charlatan.

Reouveni se disait emissaire de la puissante tribu de Reouven vivant retranchee dans une mysterieuse contree. Sa mission consiste a rencontrer le pape Clement VIII pour lui proposer une alliance judeo-chretienne qui mettrait fin a l'hegemonie turque en terre d’ Israel.

Israel Eldad attire notre attention sur la teneur du message, alors que les autres historiens s'acharnent sur sa personnalite de Reouveni. Eldad nous propose de reflechir sur le fait que Reouveni a travers son progamme politique est en avance de quatre siecles sur son epoque. Reouveni essaie de soutirer de son illustre interlocuteur une declaration Balfour avant l’heure.

Ce ne sera, en effet, au debut du XXe siecle, qu’une alliance politique judeo europeene viendra mettre un terme a la presence ottomane dans le pays.

Car c’est precisement l’objet de la requete de David Reouveni au pres du Pape a Rome.

Ce meme David Reouveni est maintenant en route vers sa mission en Europe. De passage a Gaza il fera un detour par Hebron pour se recueillir sur le tombeaux des Patriarches. ‘’Moi David fils du roi Shlomo de memoire benie et frere du roi Yossef mon aine…apres avoir entrepris mon voyage pour Gaza le 19 Adar, prenai maintenant la route pour Hebron et voyageai de jour comme de nuit pour y arriver le 20 Adar dans l’apres midi. Les gardiens de la Makhpela vinrent vers moi pour me rendre hommage, ils m’embrasserent les mains et les pieds et me dirent ceci est le tombeau d’Abraham notre Pere…Je formulais une priere, au terme de celle ci …Je m’adressai en ces termes aux gardiens: Ceci n’est qu’un repere et non pas la veritable sepulture car Abraham Isaac et Jacob sont enterres dans la caverne et non a meme le sol. Ils me repondirent: La verite est avec toi.. Je leur ordonnai de me montrer la caverne..Ils me designerent alors l’ouverture, semblable a l’orifice d’un puits…Je demandai alors aux Ismaelites de me laisser seul pour prononcer ma priere…’’

Quel etait le contenu de cette priere, l’histoire n’en a pas garde le souvenir.

Cependant a la lumiere de ce que nous savons sur le personage et sa mission nous ne prenons pas trop de risques en supposant qu’il y avait la, une demande pressante d’assister a la redemption prochaine d’Israel. La volonte de voir le pays libere de la presence turque, de ses soldats et ses impots qui rendaient la vie de plus en plus difficile a la minorite juive du pays.

Ces impots auront pour le moins un avantage inattendu, celui d’avoir preserver des documents permettant au chercheur de reconstituer plus ou moins fidelement quelques donnees sociologiques de l’epoque.

Selon les registres fiscaux de l'annee 1525, aucune famille juive n'est mentionnee, parmi les redevables d'impots. Ce qui ne veut pas dire automatiquement qu’il n’y ait pas de juifs a Hebron cette annee la. Nous savons effectivement que certaines categories sociales en etaient exemptees. Cette meme annee, une epidemie ravage la ville et nous savons que la petite communaute d'Hebron se replie provisoirement sur Gaza.

En 1534, vingt et une familles juives figurent sur ces memes registres.

Le 16e siecle sera indiscutablement le siecle de Safed, et de la mystique juive. Rarement une ville n'aura joue un role aussi considerable dans la creativite religieuse juive. Rabbi Isaac Louria, surnomme le « Ari Hakadoche », prodigue son enseignement a un cercle restreint de disciples. En quelques annees, cet enseignement recemment revele allait se repandre, pour devenir source

De grands mouvements mystiques qui allaient embraser le judaisme tout entier.

Le declin de Safed viendra renforcer les communautes des trois autres villes saintes, de Hebron en particulier. Le Ari Hakadoche etait compare a un lion dans son enseignement, ses disciples a des lionceaux autour de lui.

Parmi eux, Rabbi Malkiel Ashkenazi, celui qui fit l’acquisition 1540 du « Hatser Hakaraim », la cour des Caraites a Hebron.Cette derniere etait retranchee derriere la muraille que constituait les murs exterieurs, alignes en forme de "U".

Les constructions en question, etaient en fait de belles batisses, de trois a quatre etages. Malkiel Ashkenazi viendra ajouter des portes que l'on fermait la nuit tombee pour proteger les habitants de la Cour.C'est encore lui qui, probablement, entreprend la construction de la synagogue "Avraham Avinou" a cette meme epoque.

L’appellation cour des Caraites nous permet-elle d’affirmer qu’a un certain moment des caraites habiterent Hebron? Le silence des sources d’une part et les noms de « Cour des caraites », et « cimetiere caraite », d’autre part, ne facilitent pas la reponse a une telle question.

Noemie Frankel, auteur d’un roman historique sur Hebron, propose un compromis. Selon elle la presence caraite a Hebron est un fait historique

indiscutable, le silence des sources doit etre uniquement attribue a la vigilance de la censure rabbinique, nullement desireuse de ceder une quelconque priorite aux separatistes caraites.

Malkiel Ashkenazi est considere comme l’artisan du renouveau juif a Hebron. Il laisse le souvenir d'un saint homme. Il herite de plusieurs rouleaux de la loi rouleaux rediges de la main meme de Rabbi Haim Vital, le successeur spirituel du Ari Hakadoche. Il enrichi le patrimoine culturel de la communaute en installant sa celebre bibliotheque. Les grands noms du monde rabbinique, le citent abondamment; le Hida et le Rabbi Ishaya Horowitz. Rabbi Malkiel Ashkenazi sera, sans doute, le premier des lionceaux du Ari Hakadosh a s’intaller dans la ville des Peres. Il sera rapidement suivi par d’autres disciples comme Rabbi Eliahou De Vidash, auteur du livre de Morale « Rechit Hoh’ma » (l'origine de la sagesse).Ce dernier sera enterre a Hebron, son tombeau devient rapidement un lieu de pelerinage, il sera profane et detruit en 1948 lors de l’occupation Jordanienne.

En 1996, a l’initiative du Rabbin Yaacov Guedj de Cannes, les tombeaux de quelques uns des plus celebres sages de Hebron seront restaures. Parmi eux, precisement celui du Rav Eliahou de Vidash.

Un autre contemporain de Malkiel Ashkenazi, rejoint a son tour la ville d’Abraham, Rabbi Menahem Berabi Moshe Bavli, auteur du livre « Taamei amitsvoth » (Signification des commandements).Dans son introduction, il prend soin de preciser que tous les benefices de son livre, seront consacres au besoin de la ville de Hebron " pour colmater les breches et assurer et la protection,face a l'activite des brigands »

Nous deduisons par la, que les conditions de securite devaient etre alors des plus precaires. Cette enumaration ne serait pas complete si on omettait de rappeller Rabbi Chlomo Adani, auteur d'un commentaire de la Michna, intitule « Melahat Chlomo » (l'oeuvre de Salomon).

Le successeur de Malkiel Ashkenazi, a la tete de la communaute de Hebron, sera Rabbi Isaac Galipas.Ce dernier porte devant le grand rabbin de Jerusalem, Rabbi Levy Ben Yaacov Ben Haviv, une polemique, sur le rite de priere a adopter a Hebron, entre la communauté sefarade et la communaute des Moustaarabim. Information pour le moins surprenante en ce qui concerne une presence « moustaaravite » a Hebron.

Les Moustaarabim, rappelons le, etaient ces juifs autochtones qui n'avaient sans doute jamais connus l'exil. Fautifs de n'etre, ni Ashkenazes, ni Sefarades, « simplement » juifs d’Eretz Israel l'historiographie les a souvent negliges.

Nous savions que la haute Galilee en abritait quelques-uns. Nous decouvrons maintenant, avec un interet particulier, l'existence de cette communaute anachronique, durant la fin de ce premier siecle, de l'occupation ottomane dans la ville de Hebron.

D'une maniere generale, les turcs reussiront durant le premier siecle de leur occupation, a restaurer l'ordre et la securite dans le pays.

La ville devient le chef lieu administratif de la region. Les habitants musulmans furent dispenses d’impots. Durant le premier siecle les sultans ottomans, a l’exemple de leurs predecesseurs mamelouks, attachent une importance particuliere a l’entretien des sanctuaires de Hebron et de Jerusalem. Nombreux etaient les pelerins de l’empire qui affluaient au devant des lieux saints. Istanbul faisait preuve d’un vif interet au sujet de Hebron, les juifs en profiterent pour y constituer un lobby charge de defendre les interets de leur communaute. En consultant les archives de cette epoque nous apprenons que les domes surplombant les reperes des tombes des patriarches n’avaient pas etaient entretenus depuis l’epoque des mamelouks circassiens. Istanbul depecha donc des artisans de Damas pour effectuer les travaux de restauration

necessaires. Autre decouverte interessante, les gardiens et portiers musulmans de la Makh’pela etaient traditionnellement des ennuques, par egard aux femmes qui se rendaient sur les lieux, afin qu’aucune d’entre elles ne soit importunee pendant leur priere. Cette information ne nous fournit pas un eclairage particulierement favorable sur les moeurs des musulmans de Hebron en cette epoque, qui, par egard a la saintete des lieux continuent d’ecarter juifs et chretiens juges indignes d’y fouler le sol et d’un autre cote se voient reduits a prendre de telles mesures de securite pour assurer une conduite decente dans a l’interieur du sanctuaire.

Une inovation importante va marquer ce premier siecle du pouvoir turc a Hebron. Elle consiste dans la decouverte d’une nouvelle source de revenus, le salpetre, principal composant de la poudre a canon. Ce materiau sera exploite par l’armee ottomane, qui developpe dans le voisinage une industrie de munitions. Les bedouins, pillards de vocation, seront provisoirement neutralises durant cette periode. Dans de telles conditions, ne nous etonnons pas de lire, dans le journal de voyage d'un pelerin francais, la description enthousiaste qu'il nous trace de Hebron et de sa region.

Il s'agit la selon lui, de la region la plus fertile du pays. La vigne de cette region, ses dimensions, les lourdes grappes dorees de soleil, provoque l'emerveillement de notre pelerin. Au travers de nombreux responsas, nous apprenons que les juifs de Hebron s'occupent d'artisanat et de commerce. Mais c'est encore autour des lieux saints que s'organise la majeure partie de l' activite economique de la communaute.

En 1561, Guershon ben Rabbi Asher, consacre a la ville de Hebron et ses lieux saints quelques pages dans son livre »’Yh’ous atsadikim » », un guide pratique pour le pelerin juif.

En 1562, il ne reste plus que 11 familles juives au milieu de quelques 4000 musulmans. Les chiffres de 1596, ne varient pas en ce qui concerne la population juive. La population generale quant a elle a chute a 3000 habitants.

Tous les temoignages concordent pour affirmer que Hebron reste encore une petite ville, un pelerin francais de 1533 y signale l'absence de muraille.

La deuxieme partie du XVIe siecle laisse deja apparaitre des signes avant coureurs d'une lente mais sure degradation. La dependance economique vis a vis des communautes de la diaspora, commence alors a se faire sentir.Dans un responsa destine au rabbin Betsalel Ashkenazi de Jerusalem, une riche juive de Damas, annonce qu’elle legue la moitie de la valeur fonciere de sa maison au benefice de Hebron.

Les conditions de securite se degradent la pression des tribus autour de la ville se fait plus pressante. De grandes quantites de poudre et aussi des armes sorties en fraude des arsenaux de l’armee turque parviendront aux bedoins et aux autres revoltes.

Les autorites ottomanes ont de plus en plus de mal a assurer la securite des visiteurs etrangers. Ils font preuve d'une certaine mauvaise volonte a assumer leurs responsabilites. Les visiteurs se voient exiger le paiement de toutes sortes de taxes, pour la plupart et illegales. Les plaintes repetees aux dirigeants de Constantinople restent pour la plupart lettres mortes.

Ce siecle semble s’achever sur une note pessimiste. Pourtant une veritable revolution spirituelle voit le jour autour des familles eparpillees dans les quatres villes saintes du pays.

 Ce sera le role du 17eme siecle de diffuser son contenu aux quatre coins du monde juif.

 

 

 

 

 

 

 

LE DIX SEPTIEME SIECLE

(Tab de m.)

 

Pour beaucoup d’historiens commence en ce siècle ce qu’il est convenu d’appeller par l’epoque moderne.Cette appellation vient surtout nous permettre de prendre nos distances avec le moyen âge, le temps des corporations des guildes et des cloisonnements de toutes sortes entre le pouvoir et ses sujets.

L’époque moderne se distinguera donc par un développement des différents systèmes économiques, des moyens de production, la diffusion des marchandises, la création de nouveaux marchés. Les nouvelles civilisations en gestation, suppriment les particularismes locaux. En ce qui concerne les juifs, qui représentent a plus d’un egard,un particularisme local (national et religieux), nous devons encore rajouter différentes formes d’antisémitisme qui viennent rehausser ce trait d’identité « différent des autres ».

En cette époque où les petits ont le choix entre se fondre dans la masse où s’éteindre doucement à l’écart des grands courants de l’histoire, le peuple juif, une fois de plus, viendra a l’encontre de toutes les prévisions le concernant.

Des groupes humains, numériquement plus importants, des civilisations et des cultures, pas moins évoluées ont disparu de la scène de l’humanité. Les perses glorieux se sont lentement fondus dans le cadre de l’Islam, les grecs se integres dans les rangs des romains et des Byzantins.Mais les juifs, eux, restent juifs quelle que soit leur appartenance, orientale ou occidentale. Dans leur conscience, et dans la conscience des peuples qui les entourent, ils sont et resteront toujours les enfants d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.

Presenter les juifs comme les descendants des trois Patriarches n’est pas seulement une forme d’expression litteraire, mais bien une revendication authentique d’identite. Chose qui aurait pu se perdre dans le cadre d’un aussi long exil,ou alors devenir dans le meilleur des cas, une espece de tradition mythologique.

Une des raisons qui permirent au peuple juif de traverser avec succes cette nouvelle epreuve des temps modernes sera l’activite des emissaires d’Eretz Israel. Ces envoyes,(en Hebreu “ Chadarim”) etaient charges de collecter des fonds pour leurs communautes respectives, generalement une des quatre villes saintes du pays: Jerusalem, Hebron Safed et Tiberiade. Ces delegues ne venaient pas seulement d’un autre horizon, ils venaient aussi pour de nombreux juifs d’un autre espace temporaire. En effet les Chadarim avec leurs vetements orientaux, leur langage, leurs coutumes, vehiculaient a la fois le passe biblique et l’avenir messianique.

Differents facteurs historiques permirent au peuple juif de passer avec succes cette nouvelle epreuve d’acces aux temps modernes.L’historien qui decidera de se pencher sur ces facteurs devra consacrer un chapitre particulier sur les Chadarim de Hebron. Ces derniers furent en quelque sorte le lien vivant entre le peuple disperse et sa terre d’election.On les considerait comme des saints ou plus exactement des personnes qui portaient en eux une partie de la saintete du pays. La femme sterile attendait leur venue pour recevoir la benediction qui mettra un terme a sa detresse, les communautes dechirees, se pliaient toutes devant leur arbitrage. Leur apparence majestueuse provoquait la crainte et le respect meme en milieu non juif. En temoigne les paroles du Rav Menahem Mendel Krenkel de Cracovie, relatant la visite du celebre emissaire de Hebron, Rabbi Yosef David Azoulay (le Hida), a Versailles: « La reine Marie Antoinette le remarqua elle aussi, et fut impressionnee par son apparence, car Yosef avait beau de traits, et une belle taille. De grande prestance, porteur d’une longue barbe il portait de somptueux vetements, tisses de soie selon l’usage des dignitaires de l’Orient. Toute son apparence temoignait de la noblesse de son etre.

Elle s’enquit donc aupres de ses dames pour pour savoir l’identite, et les fonctions de l’homme qui s’avancait vers elle.

Invite a la cour il rendit visite a la famille royale. Au cours de l’entretien D-ieu avait mis dans sa bouche des paroles qui lui firent trouver grace aux yeux de ses interlocuteurs royaux une heure durant.La Reine lui demanda de benir son fils, et de lui rediger le texte d’une priere en faveur de son heritier…En recompense il recut l’autorisation de penetrer deux heures par jour a la Grande Bibliotheque, d’y emprunter librement livres ou manuscrits et de les selon sa volonte. Cette faveur n’avait ete accordee a aucun juif auparavant. »

Des la premiere moitie du Dix septieme siecle,Hebron envoie plus de vingt Chadarim vers les grandes communautes de l’exil. Raviver la conscience nationale sera precisement le defi que relevera la petite communaute de Hebron, qui envoie ses emissaires sillonner l’Europe, l’Asie et meme les Ameriques. Ils oeuvreront pour resserrer les liens entre les enfants des patriarches disperses de par le monde. Leurs paroles de Thora venaient etancher la soif de redemption au sein des comunautes de l’exil.

S’il leur arrivait de mourir en chemin, leur derniere demeure devenait un lieu de pelerinage.En terre d ‘islam, bien souvent les musulmans eux même se mettaient a venerer leur derniere demeure. Aureoles du prestige de leur ville d’origine, mais aussi de leurs propres autorites, ces savants etaient avant tout des hommes courageux.Le voyage, la collecte de fonds faisait courir de nombreux dangers a un juif sur les routes. Le Chadar se devait etre une personne de robuste constitution, un homme toujours pret a affronter les perils de la route. Souvent, un danger de toute autre nature guettait les emmissaires. Les riches communautes les priaient quelques fois de rester sur place et les invitaient a remplir le poste de rabbin sur la place. On allait meme jusqu’a leur proposer une femme pour les convaincre du serieux de la proposition. En considerant la difficulte de la separation durant des mois et voir des annees, on peut comprendre que plus d’un chadar ait succombe a la tentation.

Par le biais de leurs activites, les coutumes et enseignements du pays d’Israel connurent une diffusion rapide. Prenons a titre d’exemple, la propagation de l’enseignement kabbalistique, ou la diffusion du poeme” lekha dodi”, redige a Safed par rabbi Shlomo El Kabetz, qui sera integree en un temps record dans toutes les communautés d’exil. Le lien qui se développe entre la terre d’Israël et les communautés de la dispersion, devient un lien de vie et d’espérance, un lien de collaboration. Les juifs de la Diaspora comprennent que sans la présence de leurs freres à Hébron, à Jérusalem, Safed ou Tibériade, leur vie communautaire n’a plus de raison d’être.

La foi d’Israël, coupée d’Eretz Israël, se réduit à une croyance stérile et sans avenir. Dans le langage fleuri du Hida (Haim Yossef David Azoulay), il est dit que les prières des juifs de l’exil ne peuvent monter directement vers le trône divin. Ce n’est que pas le biais des juifs d’Eretz Israël, que ces prières peuvent poursuivre leur chemin vers le trône céleste.

Un deuxième argument avancé par le Hida, est lui aussi immédiatement compris par ses frères de la dispersion. Les juifs d’Eretz Israël, leur dit-il, on besoin de votre soutien financier, car en fait, c’est du commandement du rachat des prisonniers qu’il s’agit. Les arabes, comprenant l’importance que les juifs accordent a maintenir leur presence dans le pays de leurs ancetres, leur imposent de lourdes taxes. Sans quoi, ils n’hésitent pas à les jeter en prison, ou a les expulser en cas de manquement aux echeances. Les juifs sont donc reduits a l’etat d’otages volontaires entre les mains de cupides gouverneurs.

Trop souvent, l’historien essaiera de mesurer l’importance du soutien de la diaspora a la fragile communaute juive d’Eretz Israel, sans toujours évaluer correctement l’apport des chadarim à ses mêmes communautés.

Il est en effet plus facile de compter les louis, les florins, ou les dinars, que de mesurer l’émotion, la nostalgie et le retour d’identite que ces émissaires provoquent chez des milliers de juifs qu’ils rencontrent sur leur chemin.

Ce dix septième siècle en Israël, est dominé dans ses deux premières décades par la forte personnalité du gouverneur de Jérusalem, Faroukh Ibn Faroukh.

Si ce dernier réussit à repousser les attaques des bédouins contre les centres urbains, et assurer la protection des pèlerins vers la Mecque, il n’en laisse pas moins pour les juifs, le souvenir d’un oppresseur sanguinaire.

A cette époque, les liens entre Jérusalem et Hébron se resserrent, plusieurs dirigeants de la ville de David viennent chercher refuge autour de la Makhpela pour se mettre hors d’atteinte du tyran.

En ce temps habite Hébron le célèbre poète Rabbi Israël Nadjara, qui quittera la ville durant l’épidémie de 1619, pour se réfugier à Gaza.

Il en fut de même pour le Rav Avraham Azoulay. Il semble que durant ces vingt premières années, c’est Rabbi Eliézer Ibn Arh’a qui dirige la communauté, lui même, fils du venere Itshakh Ibn Arh’a, un disciple du Ari Hakadoch.

Rabbi Eliézer était un savant de grande renommee, plus d’une fois consulte par les sages de Jérusalem en matiere de juridiction talmudique. Il n’hesitera pas en entrer en conflit avec les rabbins de cette ville pour prendre la defense d’une jeune orpheline,la fille du rav Ichayou Horowitz, auteur du: “Chnei Louh’ot Abrith “(les deux tables de la loi).Ce dernier en effet avait prete une importante somme d’argent aux notables de Jerusalem. Durant les persecutions d’Ibn Faroukh, Rabbi Ichayou Horowitz de passage dans la ville, refusa de la quitter et d’abandonner ses habitants a leur triste sort. Ce noble geste de solidarite lui couta un peine d’emprisonnement. A sa mort les notables de Jerusalem refuserent de rembourser a sa fille le montant du pret que son pere leur avait consenti. Vu que la communaute avait du payer une rancon pour obtenir sa liberation.

Il faudra donc attendre l’intervention d’un rabbin de Hebron pour obtenir reparation de l’injustice commise sur la personne d’une orpheline a Jerusalem.

Il semblerait que Rabbi Eliezer dût lui aussi quitter la ville en 1630 à la suite des persécutions d’un gouverneur corrompu. Quelques années plus tard, commence a circuler à Hébron le recit du miracle qui préserva la communauté de la catastrophe. Ces evenements motiveront les rabbins de la ville a inaugurer

un” Pourim Katan” (petit Pourim) le 14 Kislev, en souvenir de l’intervention miraculeuse des Patriarches, que les anciens se plaisent a raconter:

Un cupide gouverneur, ayant décidé d’imposer a notre communaute le paiement d’une amende de 50 000 grouches, se voit réveiller dans son sommeil par trois personnages mysterieux. Ces derniers lui demandent sur le champ de reunir precisement la somme en question. Terrorise par la menacante apparition et tremblant pour sa vie notre gouverneur se saisit d’une sa coche de cuir et s’empresse de rassembler la dite somme sur sa fortune personelle.Le plus jeunes des trois visiteurs lui arrache la sacoche des mains et lui intime de retourner se coucher. A son reveil le gouverneur ne se souvient de rien ou plutot il se souvient que c’est aujourd’hui que les juifs doivent lui payer l’amende fabuleuse. Lorsque les sbires du gouverneur viennent exiger la rançon aupres des dirigeants, terrorises ces derniers remarquent une espece de faille au pied de la muraille. Un peu comme si l’on avait pratique l’ouverture d’une lucarne, et a l’interieur une sacoche de cuir. En decouvrant son contenu, quelle ne fut pas leur émotion d’y trouver precisement les 50 000 grouches exiges.

C’est en reprenant possession de son propre argent que le désagreable personnage comprit que les peres de Hebron veillent sur leurs enfants.

A la mort de Rabbi Eliézer, une polémique viendra marquer la difficulté sur le choix d’ un succésseur à la tête du Beth Hamidrach de la ville.Rabbi Moché Zacout, le candidat le mieux place, restera finalement en Italie.

L’arbitrage de cette polémique sera assuré par Rabbi Chmouel Abouhab d’Italie, lui aussi. Rabbi Chmouel était particulièrement écouté, vu qu’il dirigeait la collecte en faveur de la ville de Hébron.

En 1641, un voyageur Caraïte visite la ville. Chmouel Bah’ar de Crimée, il y compte trente familles. Treize ans plus tard, un autre Caraïte de Crimée lui aussi arrive à Hébron, Moché Ben Eliahou Halévy, decrit l’accueil qui lui fut reserver, selon ses dires, une femme faisait alors office de Melamed Tinokot (institutrice). « Chez eux à Hébron, une maison a été mise a la disposition des visiteurs avec tout le necessaire, draps, couvertures, veilleuses, une petite lampe de verre remplit d’huile d’olive pour l’éclairage, tout ce dont vous aviez besoin se trouve là a portee de la main. Peu avant l’entree du Chabbat nous avons reçu des raisins secs de belle qualité et du pain, les visiteurs sont acceuillis ici avec beaucoup de courtoisie… J’ai vu aussi une femme enseigner les enfants… elle faisait cours pour les touts petits. » Selon le dire du pélerin Guedalia de Saimatitz, les etrangers etaient pris en charge par la communaute trois jours durant, a l’instar d’Abraham notre père, et cela, en depit de leur pauvrete.

En ces temps, les juifs d’Italie de Venise et de Veronne, se distinguent par leur soutien actif a la ville de Hebron. Rabbi Azarria Figgio de Venise compose des louanges en l’honneur de la ville des peres. La famille Abouhave que nous venons d’evoquer se chargera de traduire les bons sentiments en especes sonnantes. Bien souvent se sont des commercants italiens, qui assurent le transfert de fonds vers Hebron, vu que ces derniers beneficiaient bien souvent de comptoires commerciaux dans la region, le plus souvent a Aleph en Syrie.

C’est vers le milieu du 17eme siecle, apparaissent les premiers emissaires de la ville des Patriarches, jusqu’a la, compte tenue du petit nombre de ses habitants, Hebron se voyait relegue au titre de protegee des grandes communautes (Jerusalem ou Safed).

En 1650, la ville envoie Rabbi Moche Peretz. Ce sera plus tard, le tour de Rabbi Avraham Ibn Haim de parcourir la Turquie et les Balkans, il trouvera la mort durant sa mission en Macedonie, dans la ville de Monisterio. Rabbi Haim Rofeh, habitant precedement Safed, et maintenant Rabbin de Hebron, sort lui aussi, en Europe chretienne cette fois. L’argent de la collecte est remis comme prevu a la famille Abouhave en Italie, qui se chargera de la faire parvenir a ses destinataires. Rabbi Meir Rofeh, comme beaucoup d’emissaires, profitera de son sejour parmi les riches communautes pour y faire imprimer des manuscrits de sa composition. C’est du livre de son pere qu’il s’agit cette fois,” Maasse Hya”, un recueil important de commentaires talmudiques. Le livre beneficie d’une recommandation de Rabbi Eliezer Attia et de Rabbi Zacout, le celebre rabbin de Venise.

Ce voyageur intrepide entreprend un deuxieme periple de par le monde a travers le monde, Turquie et Italie, et Hollande constituront les principales etapes de son itineraire. En 1659, un lien solide est tisse entre les juifs d’Amsterdam et de Hebron. Deux chadarim en sont principalement la cause, Rabbi Ben Rofeh, et Rabbi Yehouda Zeev. Entre temps un vent nouveau se leve au sein des communautes d’Orient, porteur de tous les espoirs de redemption Hebron sera l’une des principales etapes de cette aventure.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

FIEVRE MESSIANIQUE A HEBRON

(Tab de m.)

 

Bigame, epoux de la Thora, musulman, roi des juifs tel fut le plus celebre des faux messies des temps modernes.…

Rappelons seulement que le plus illustre des imposteurs se revela aux foules juives … et apres maintes aventures alla en 1666 reclamer au sultan son trone pour finir ses jours en qualite de Mehmet Effendi, portier de la sublime Porte.”

C’est en ces termes que resume Leon Poliakov, l’extraordinaire epopee de ce mysterieux personnage qui reussit a embraser l’esperance d’un peuple entier.Dans cette course aux illusions Hebron se distinga tout particulierement. Ne soyons pas presses de juger cette generation ennivree de parfum messianique. Generation marquee par le deferlement de haine en Europe, celle de Chmielnicki et ses cosaques. Il nous faut au contraire saisir et essayer de comprendre ce contexte catastrophique a l’interieur duquel ces formidables evenements viendront defiler. En Eretz Israel et a Hebron, le pouvoir ottoman se fait plus lache, les cheiks locaux peuvent ainsi exercer leur autorite de la maniere la plus arbitraire, sans avoir grand chose a craindre du gouvernement central.

En 1661 la dette de la communaute envers le gouvernement atteint la somme faramineuse de 7 000 grouches. Dette, faut il le rappeler qui consiste essentiellement aux impots ecrasants que les minorites non musulmanes doivent payer pour justifier leur protection, o combien relative, en terre d’Islam.L’annee precedente, une invasion de sauterelles est venue ruiner la recoltes dans les champs.

Toujours en 1661 Rabbi Hya Dayan est envoye comme emissaire (chadar) en Afrique du Nord pour le compte de la communaute de Hebron. Dans ses lettres d’introductions on a pris soin d’enumerer avec force de detail les differentes calamites qui se sont abbattues sur la ville. En plus des sauterelles que nous venons d’invoquer, les rabbins de la ville decrivent la famine qui s’en suit, et les inevitables maladies qui l’accompagnent. Les relations avec le voisinage arabe n’en sont que plus tendues, et plus explosives. Les bedoins de la region saccagent la synagogue. C’est dans un tel contexte qu’apparait pour la premiere fois Chabatai Tsvi a Hebron…

Les lignes qui suivent sont du Rav Avraham Cuenque. Un erudit de premier plan. Dans les pays ou il sera envoye en mission, comme emissaire de la terre sainte, l’acueil est toujours le meme.On admire sa sagesse, son elocution facile et percutante a la fois. Les communautes juives d’Italie, de France,de Hollande, d’Allemagne,de Hongrie, sont unanimes a son sujet, celles d’ Autriche de Pologne, Lithuanie et d’ Ukraine leur font echo. Cet homme a qui l’on reserve les honneurs d’un prince d’Eretz Israel des annees durant, veillera a ne jamais profiter personnellement des richesses dont on le comblait.

Il prenait soin par exemple de faire parvenir directement le fruit de sa collecte sur place, sans meme prelever le montant de ses frais personnels. C’est donc le temoignage de ce personage exceptionel que nous rapportons, pour essayer de comprendre un peu mieux quel fut l’impact de “Chabbatai Tsvi” sur ses contemporains. Avant donc de se rendre en Egypte, comme emissaire d’Eretz Israel en1664, il Chabbatai Tsvi alla se recueillir sur les tombeaux des Patriarches. C’est au cours de cette visite qu’il fut donne a Abraham Cuenque de voir pour la premiere fois (et probablement la seule) Chabbatai Tsvi.

“Je ne pouvais detacher mon regard de ses yeux. Il a prie au service de Minha dans la cour de notre sainte communaute, puis ensuite tout le public l’a suivit pour la priere du soir a proximite de la caverne de Mah’pela.(il s’agit probablement de la sinistre septieme marche, des escaliers menant a la Makh’pela)

Presque toute la nuit je restais la debout a l’exterieur de la maison ou il logeait, epiant ainsi chacun de ses gestes. Tous ceux qui habitaient le quartier, hommes, femmes et enfants, personne ne songait a dormir cette nuit la, nous etions tous la a le contempler. Il (Chabbatai Tsvi) marchait a l’interieur de la piece, alternant grandes enjambees, et petits pas. La maison toute entiere baignait dans la lumiere des veilleuses, car telle etait sa volonte.

Il recitait de memoire des psaumes toute la nuit a voix haute. Une voix empreinte de joie et d’emotion, radieuse et agreable a ecouter.

Cela jusqu’aux premieres lueurs de l’aube, moment ou il se rendit a l’office du matin …Je peux temoigner combien cet homme m’avait paru etrange. Je me souviens que mes yeux ne se lassaient pas de l’observer avec avidite. Apres la priere du matin, il s’eloigna accompagne seulement d’un serviteur …

A jeun il arriva, a jeun il ressortit de la ville, et mes yeux n’ont plus eu le privilege de le revoir jusqu’a ce jour.”

Hebron ne fut pas la premiere ville du pays a reconnaitre Chabbatai Tsvi, c’est a Gaza, qu’il rencontre Nathan Ha Azati (Nathan de Gaza).

Comme cela se produit bien souvent dans l’histoire des courants messianiques, le messie beneficie de la collaboration d’un prophete qui se chargera de diffuser a travers le monde le message de redemption.

Nathan reussira pleinement dans cette tache. Les relations Hebron Gaza etant ce qu’elles etaient alors, Hebron apres Gaza viendra donc acclamer le nouveau messie. L’enthousiasme de Hebron prendra des dimensions tout a fait inattendues. En effet, les dirigeants de la communaute redigerent une longue missive aux genereux donateurs de la famille Pereira a Amsterdam. Missive dans laquelle ils annoncaient la fin prochaine de l’ere des collectes en diaspora, en raison de …l’avenement du Messie. A ce titre, les rabbins de Hebron conseillerent aux membres de la philantropique famille, de liquider leurs affaires et de se hater de les rejoindre au pays des ancetres.

L’historien sera surpris de constater que ce conseil fut ecoute, partiellement du moins. Avraham Peyrera ayant pris la route pour Eretz Israel, rebrousse chemin,en prenant connaissance de la conversion du pretendu messie a l’Islam.

Il est a signaler qu’a Jerusalem l’ensemble des dirigeants s’opposerent des les premieres heures au personnage (en cela Jerusalem fut certainement la seule communaute au monde a garder une lucidite exemplaire devant l’ampleur du phenomene).

A Hebron comme le souligne l’historien Nathan Chour, la conversion du “messie” a l’Islam ne viendra pas refroidir le soutien de ses partisans.

En fait, il s’agissait la de la deuxieme phase de son devoilement disait on.

Maintenant Chabbatai pourra s’attaquer au monde de l’Islam de l’interieur. Cette strategie mystique semblait pour le moment satisfaire ses fideles, et ce n’est qu’avec le temps que les dernieres braises se refroidiront pour laisser place a la cicatrice d’une chaire brulee a vif.


 

LE GUEVIR PEYRERA

(Tab de m.)

 

La notion de “Gvir “est une notion typiquement juive qui signifie a la fois puissance et generosite. Etymologiquement parlant, puissance seulement suffisait a justifier l’appellation de “Gvir”(de la meme racine que guibor qui signifie:fort, puissant). La tradition populaire aura reserve cette marque de reconnaissance a celui qui mettra precisement cette puissance au service de son peuple, le petit peuple de preference.Le Gvir sera donc ce riche negociant juif qui a ses entres aupres des grands de ce monde, et qui est toujours pret a intervenir pour l’interet de sa communaute, inutile de preciser que tous les riches negociants n’etaient pas des “Gvir”…

Rabbi Avraham Peyrera est ne a Madrid, dans une famille de marranes. Apres avoir sejourne a Venise ), c’est finalement a Amsterdam qu’il decide de s’installeren fuyant l’inquisition. En Hollande, ce havre de tolerance, il revient ouvertement au judaisme. Durant de longues annees, il sera le chef spirituel de la communaute sepharade. Sa femme Sarah lui donne huit enfants, Isaac, Yaacov, Moche, Aaron, David, Rivka, Rahel et Yehoudit.

Durant ces memes annees, Abraham Peyrera oeuvre pour les demunis de sa communaute, en creant differentes caisses de soutien a leur intention. Il faut dire que notre homme est probablement l’homme le plus riche d’Amsterdam.

Ayant fait fortune, comme bien d’autres marranes dans le commerce international, il monte avec son fils Isaac des raffineries de sucres dans la plus grande ville du pays, Amsterdam. Peyrera est un philantrope sa fortune et sa generosite sont continuellement mises a contributions. Il oeuvre avec d’autres notables de la communaute pour fonder la yeshiva OR HATHORA, en premier lieu avec son ami le docteur Efraim Bueno. Ce dernier connaitra la notoriete en servant de modele au grand Rembrandt, dans portrait intitule tout simplement 

“Le docteur”. En 1659, a la suite de l’intervention de deux chadarim de Hebron, Meir Rofeh et Yehouda Zev, il decide de consacrer dorenavant une partie de sa fortune a la ville des Peres. Son projet, la fondation d’une yechiva qui portera le nom de « Hessed Le Abraham ».

Six ans plus tard, la ville de Hebron on s’en souvient, vivait un grand moment d’exaltation messianique, avec l’apparition de Sabbatai Tsvi, et de son prophete Nathan de Gaza. Peyrera comme bien d’autres avec lui sera entraine dans le tourbillon de l’esperance.En 1665 il recoit un courrier d’Eretz Israel, son correspondant,Rabbi Meir Rofe l’invite a le rejoindre a Gaza car: »un homme possede par l’esprit divin et repondant au nom de Nathan, vient de lui faire certaines revelations… » Peyrera, confiant dans l’intuition des sages de Hebron, s’empresse de repondre a l’invitation et se met en route pour Gaza. Il s’apprete probablement a rencontrer ce fameux Nathan et surtout la personne dont il est cense annonce la venue, le Messie d’Israel. La route est longue jusqu’a Gaza, entre temps d’etranges rumeurs commencent a circuler, certaines d’entre elles, plus tenaces que les autres affirment que le “messie”’ vient de renier sa foi pour adopter l’islam. Pour notre philantrope l’aventure se terminera a Venise. Les rumeurs sont desormais confirmees, et il n’y a plus de place pour le doute dans le coeur du genereux philantrope. Il est temps de rebrousser chemin rentrer a Amsterdam. Ce ne sera que beaucoup plus tard que les contemporains de cette tragedie realiseront l’etendue de leur deception.

Rabbi Avraham Peyrera, fut aussi un homme de lettres. Il compose en Espagnol un livre de morale religieuse, ainsi que d’autres ouvrages louant les merites de la terre d’Israel. A sa mort, en 1699, son fils Yaacov, poursuivra l’oeuvre de son pere. A ce titre il agrandit la yechiva a Hebron (cette derniere portera desormais le nom de Hessed Le Abraham ve Emet Le Yaacov), Le dirigeant de la nouvelle yechiva sera Rabbi Avraham Israel Zeevi, gendre d’un autre dirigeant important de la communaute, le Rav Avraham Cuence.

Pour suppleer a d’eventuels aleas dans l’acheminement des fonds d’Amsterdam vers Eretz Israel, Jacob Peyrera fait deposer une importante somme d’argent en Egypte. En marchera sur les traces de son pere Yaacov Peirera meritant ainsi de porter lui aussi le titre de Gvir, que la generation precedente avait attribue a son pere.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Hida (Haim David Yossef Azoulay)

1724 –1806

(Tab de m.)

 

Rabbi Haim Yossef David Azoulay est mieux connu selon initiales de ses prenoms et nom de famille: “Hida”. Mais Hida veut dire aussi “enigme”. Lorsque nous nous penchons aujourd`hui, sur les faits et gestes de ce rabbin de la fin du dix huitieme siecle, il nous est difficile de trouver un autre mot pour essayer de mesurer l’ampleur des ressources de cet emissaire extraordinaire de Hebron, en Diaspora.

Ne a Jerusalem en 1724, le Hida illustre mieux que personne le point de rencontre des traditions sepharades et achkenazes. Par son pere il descend d’une longue et prestigieuse famille de rabbins originaires de Castille, installee au pays d’Israel depuis cinq generations. L’arriere grand-pere du Hida, Rabbi Avraham Azoulay est l’auteur d’un ouvrage celebre: « Hessed le Avraham ». De nombreuses legendes circulent a son sujet, dont celles relatives aux circontances qui l’amenerent a descendre au fond de la caverne de Makh’pela.

Charge par les siens de recuperer l’epee d’un haut dignitaire musulman.

Avec une telle ascendence paternelle le H’ida ne pouvait guere echapper au destin qui lui etait reserve. De par sa mere Rabbi Yossef David Azoulay se rattachait a une illustre famille d’erudits allemands. Sarah Bialer, en effet etait la fille de Yossef Bialer, venu d’Allemagne en 1700 avec son maitre Rabbi Yeouda Ha H’assid. La encore, le H’ida pouvait remercier le ciel de l’avoir predisposer pour la carriere qui l’attendait,le dur metier de Chadar (emissaire pour la Diaspora). Un de ses principaux maitres, une sommite du judaisme marocain, le Rabbi Haim Ben Attar s’installe a Jerusalem pour fonder une Yeshiva reservee a un cercle restreint d’etudiants strictement selectionnes. Le Hida est alors age de 18 ans. Des son plus jeune age le Hida evolu dans un monde de hautes figures rabbiniques, ce qui distingue particulierement cette societe de rabbins sera justement sa mobilite.

Les maitres du Hida furent tous des gens de la route. Leur grandeur reside entre autre dans la capacite qu’ils manifestent a evoluer dans des univers differents. Ses maitres s’efforceront toujours de servir de point de rencontre entre les differentes traditions d’Orient et d’Occident.

Certains seront de celebres emmisaires tels Rabbi Yossef H`ayoun qui a sont retour de mission fonde a Jerusalem la Yeshiva des Cabbalistes “Midrach Hassidim”. Grace aux etres de cette stature les villes de Hebron, et Jerusalem, loin d’etre des regions en marge de l’Histoire, (ce quelles etaient au niveau politique et economique), devenaient au contraire des carrefours internationaux d’une intense activite intellectuelle.

La connaissance, la curiosite et les echanges de vue et la tolerance sont les caracteristiques de cette societe extraordinaire, au sein de laquelle va evoluer le Hida, pour se hisser bientot a sa tete.

Lors de sa premiere mission, le Hida visite plus de cent quarante villes, autant d’occasion pour lui d’epancher sa soif de savoir. De rencontrer les auteurs des differents commentaires qui s’ecrivent a son epoque, de recopier les anciens manuscrits precieusement conserves, en comparant les differentes versions existantes, et les corriger le cas echeant.

Le Hida profite de chacun de ses passages pour prendre des notes sur les gens qu’ils croisent sur son chemin. Les nouveautes scientifiques qu’il decouvre dans differents domaines. Ce qui distingue le H’ida des autres emissaires sera entre autres l’impressionant journal de bord, qui sera plus tard edite sous le titre de “ Maagal Tov ”. Au dela des precieux renseignements d’ordre historique, geographique, ce document est aussi un receuil de confidences. Un emmissaire, est bien souvent un homme seul! Ces envoyes ne l’oublions pas se separent de leurs familles pour de nombreuses annees. A la lecture de ces notes le lecteur prend conscience que ces envoyes etaient avant tout des hommes avec leurs faiblesses et leurs sensibilites, leur suceptibilite quelques fois, et le carnet de notes, est bien souvent le seul et intime confident de notre emmissaire.

Au dela de la dimension ideologique, les rapports humains etaient comme partout ailleurs regis selon les codes de conduite habituels. Les personnes qu’il rencontre defilent devant lui au rythme de ses deplacements. Certains laissent un bon souvenir d’autres… pas. Ce besoin premier qu’un homme eprouve a se confier le H’ida le manifeste a travers ces notes qu’il consigne soigneusement. Ce qui ajoute a ce document une dimension humaine exeptionelle.

La societe environnante, loin de le laisser indifferent le passionne au contraire.

Ainsi, durant les cinq jours ou il demeura a Florence, durant l’annee 1753, le Hida visite le magnifique palais royal et le zoo y attenante, il observe les arsenaux de la ville. Il parcourt pendant plus de trois heures l’immense chantier naval, il decouvre un monde qui ne vit que pour le commerce et la guerre.

Le Hida et son compagnon eurent la permission de visiter un de ces immenses navires, ils le visite de long en large. Le Hida fremit en apprenant que la flotte de Venise avait jouer un role de premier plan dans le transport des meutes de meurtriers qui avaient massacre tant de juifs pendant les croisades.

Quelques semaines plus tard le Hida et son serviteur arrivent a Ancone, provoquant l’engouement de toute la communaute. On lui demande audience des le matin jusqu’aux heures tardives de la nuit. Son impact sur les fideles des plus spectaculaires.

Durant le chabbat, l’exitation, nous pouvons l’imaginer devait etre a son comble, la section hebdomadaire de la Thora est “Haye Sara”(Gen.23), passage qui relate avec force de details l’acquisition par Abraham de la caverne de Makh’pela a Hebron. Un emissaire d’Eretz Israel, originaire de la ville sainte, de Hebron vient commenter les passages de la Paracha..”Ainsi fut devolu le champ d’Ephron situe a Mah’pela, en face de Mamre, le champ avec son caveau, avec les arbres qui le couvraient dans toute son etendue a la ronde. Ce champ fut a Abraham comme acquisition en presence des enfants de Heth et de tous ceux qui etaient venus aux portes de la ville”. Alors Abraham ensevelit Sarah son epouse dans le caveau de Mah’pela, en face de Mamre qui est Hebron dans le pays de Canaan. Le champ avec le caveau qui se trouve fut ainsi adjuge a Abraham comme possession tumulaire par les enfants de Heth”. (Gen.23 ;17-20)

Ces quelques versets prennent tout d’un coup une nouvelle signification pour ces juifs de l’exil qui n’ont jamais vu et ne verront sans doute jamais le champs de Ephron et le paysage de Makhpela. Dans la bouche du Hida, ses versets resonnaient d’un echo tout a fait particulier, celui du vecu celui du present.

Ces versets sacres cessent de se confiner dans le domaine de l’abstrait pour se mettre le temps d’un chabbat a la portee des fideles, a travers cet homme qui nous vient de Hebron. Le Hida apporte avec lui l’atmosphere du pays d’Israel, les images que l’on decouvre avec les yeux de la nostalgie, l’amour d’un pays lointain que l’on n’a jamais vu et qu’on se transmet pourtant de generation en generation.

Dans son journal il ecrit: ”Ces gens la (les juifs d’Ancone) sont sinceres, unanimes dans les marques de respect qu’ils prodiguent aux envoyes d’Israel. Meme envers moi qui suis pourtant le plus jeune, ils firent preuve de mille et un egards De jour comme de nuit, les personnalites importantes de la communaute, ses dirigeants et ses sages venaient me rendre visite. Se succedant ainsi, les uns apres les autres, et cela jusqu’a minuit sonnante”.

En Allemagne dans la localite de Wassertrudingen, une mauvaise surprise l’attend, le rabbin de la ville lui fait savoir qu’il ne sera pas recu. En accord avec les representants d’Eretz Israel a Istamboul, les communautes d’Allemagne ne paieront leur contribution uniquement sous la promesse que les fonds collectes soient destines uniquement aux pauvres des communautes ashkenazes d’Eretz Israel. Pour le fils de Sarah Bialer d’Allemagne et du Rabbin Azoulay de Castille, pour l’eleve des sages de Turquie, du Maroc, du Yemen, du disciple lointain de Rabbi Chimchon de Chantz, le coup est dur!

La rencontre de deux emmissaires dans une meme ville n’est pas toujours une bonne surprise, la encore le temoignage du H’ida vient reequilibrer notre vision des choses, et disons le, notre tendance peut etre a l’idealisation.

Ecoutons plutot:” …parmi cette foule se trouvait Rabbi Bekhor Almoznino queteur de Jerusalem, il commenca a crier que Hebron avait une dette envers lui et qu’il pensait la prendre sur la somme revenant a Hebron. Il etait deja venu chez moi a plusieurs reprises et je l’avais calme, mais il repetait contamment sa doleance.

Un jour, il etait venu me racompter que mon pere lui avait apparu en reve.

Il lui avait dit de me transmettre que je devais m’acquitter de la dette envers lui, et que dans son reve je m’en etais effectivement acquittee ect… je me suis dit qu’il n’existe pas de reve sans details futiles. Tout est vrai dans ce reve, lui dis je exepte le fait que je m’etais acquitte de cette dette. Ce detail me parait un mensonge. Ce jour la il arriva en criant. Je m’adressai a la foule en disant: je vous conjure par la Thora, vous responsables et dirigeants de la communaute, ne lui donnez pas les cent vingts rials sur le compte de Hebron! S’il a une revendication envers Hebron il n’a qu’a se plaindre a Constantinople ou a Hebron! Il fut ensuite eloigne sans menagement…

L’accueil des communautes n’est pas toujours le meme comme nous venons de le voir. Quelques fois l’accueil est franchement hostile. La visite d’un emmissaire est quelques fois jugee trop rapprochee de celle du precedent.

Quelques fois c’est la teneur meme de sa mission qui est remise en cause.

A Worms l’attaque est directe, alors qu’il est l’hote de Rabbi Yaacov Yoshua Polak, auteur du “ Pnei Yoshua “, un fidele de la communaute le prend a parti: “Pourquoi devons-nous soutenir les juifs d’Eretz Israel, de Hebron ou d’ailleurs?

N’avons nous pas assez de pauvres dans notre ville?”, la michna est pourtant assez explicite a cet egard: “Les pauvres de la ville sont prioritaires.”

Au dela de la polemique d’ordre economique, cette remarque mettait a nu tout une comprehension (erronee) de l’existence juive et son Histoire.

Comprehension qui presentait le peuple juif comme une juxtaposition de communautes, ou entre- aide et le soutien reciproque etaient directement proportionnees a la distance qui les separait des indigents. Plus grave encore, pour eux, le passe etait lettre morte, et l’avenir une fade repetition du present. La conscience de peuple etait atrofiee, les ashkenazes devaient s’occuper des ashkenazes, les juifs de Worms, des pauvres de Worms, ainsi de suite jusqu’a Hebron et Jerusalem.

Devant la longueur de l’exil comment s’etonner que de telles remarques en arrive a etre formuler?

C’est donc dans cette optique qu’il faut considerer l’emergeance des Chaddarim dans la scene de l’Histoire juive. Leur charisme provoquait dans bien des cas un eveil de la conscience nationale.

En entendant les temoignages du Hida sur l’existence de juifs a Tunis ou au Caire, ceux d’Allemagne et d’Angleterre pouvaient a leur tour constater un seul et meme destin unissait les enfants d’Israel dans leur dispersion.

Le Hida ne se contentait pas de tisser un formidable reseau de Hessed (de bienfaisance) a travers le monde, il etait aussi capable de lui donner une orientation historique. Si conscience nationale il y a, une presence de juive a Hebron revet elle la meme signification qu’une comunaute de fideles a Kara Burun en Turquie, ou a Schnonungen en Allemagne?

La deuxieme mission du Hida en diaspora, se deroule sous le signe de l’insecurite croissante en Eretz Israel, les Turcs, maitres du pays alors, combattent simultanement sur deux fronts. Ils se battent contre les russes, dont les vaisseaux de guerre semaient la terreur en Mediterranee et devaient faire face a la revolte d’un chef bedoin, Daher El Omar, en Galilee.

Desolation et famine s’installent dans le pays.

Hebron soufrait alors plus que jamais de la pression qu’exercaient alors les tribus du desert sur la ville. Traditionelle opposition entre sedentaires, et nomades. Les ottomans n’etaient desormais plus capable de contenir ces derniers hors de portee des centres urbains. Ils investirent pourtant de serieux efforts dans cette intention, constructions de forteresses le long des grands axes routiers, prise d’otage dans les tribus rebelles, rien n’y fit. Hebron continuait d’etre livree a leur merci. Cette situation se poursuivra pratiquement jusqu’au debut du vingtieme siecle. Les voyageurs temeraires qui se risquaient dans la region, savaient pertinement qu’ils devaient leur payer le khawa, un droit special leur accordant quelque securite...

Desolation et famine s’etende dans le pays, la situation de Hebron est particulierement catrastrophique, les habitants en furent reduits aux rations de nourriture, du pain sec. C’est dans le cadre de cette grande detresse que les chefs de la communaute designerent le Hida pour une seconde mission a l’etranger. Cette fois les etapes les plus dangereuses seront justement les premieres. Entre Jerusalem et Hebron, le Hida est agresse par le Cheik de Yata. Ce dernier exige une forte rancon en echange de la vie sauve des voyageurs.

A El Arish, en direction de l’Egypte, la caravane ou il se trouve est attaque par des pillards bedouins. La encore il faudra marchander pour poursuivre son chemin. Il ne fallait surtout pas se plaindre, une caravane precedente ne venait elle pas d’etre entierement exterminee par des bandits de grands chemins?

Pour cette seconde expedition, le Hida dependant des itineraires des navigateurs, devra passer par Tunis pour rejoindre l’Italie. Dans cette ville, il observe, a son habitude les details du quotidien, il en fera meme les frais:”Mercredi 19 Eloul,nous arrivames a Tunis …nous fumes maltraites par de mechants indigenes. Abraham (son serviteur) essaya de leur parler, mais il fut frappe tres serieusement. Par miracle surgit un juif qui nous conduisit au centre d’acceuil reserve aux emmissaires…”

Il s’interresse tout particulierement aux methodes d’etudes du Talmud, qu’il critique d’ailleurs “je vis moi meme des garcons de quatorze ans capables de lire attentivement, d’une maniere approfondie mais ils limitaient leurs etudes a la Michna au Maharcha…aux methodes des rabbins achkenaze, et etudiaient peu les ecrits de Maimonides. Ils n’etaient pas competents dans les decisionnaires et les auteurs des responsa”.

Certaines remarques de notre rabbin itinerant feront sourir le lecteur, specialement lorsqu’il evoque les manieres de la table: ”je commencais a deguster des plats a la mode nord-africaine en quantite, sans hygiene et sans couvert, inimaginable meme en reve…chacun prenait a qui mieux mieux des morceaux de viandes plein de graisse et d’epices… j’eus vraiment le degout de manger. On fit le tour de la ville pour me trouver une cuillere…”

Apres plusieurs mois de sejours en Tunisie, il peut enfin rejoindre l’Italie qu’il apprecie tout particulierement.

De la, notre emmissaire se rend en France, ou il est introduit devant la famille royale. A Paris, il aura l’occasion de rencontrer des savants chretiens, qui s’entretiennent avec lui de Cabbale et d’autres oeuvres de litterature esoterique.

Une fois de plus, l’erudition et les bonnes manieres du Hida forcent l’admiration de ses interlocuteurs, au point que l’un d’eux (le prepose a la bibliotheque royale) lui confie qu’il ne croit qu’en l’existence du Dieu d’Israel. Apres avoir scrupuleusement sonder les mobiles de son interlocuteur, le Hida lui demande d’observer les preceptes noachides.

A Paris le H’ida rencontre des juifs riches proches de la cour royale et quelques fois en perte d’identite “…Dimanche 28 Kislev …aujourd’hui sont venus monsieur Elie Perpignan et sa femme. A celle ci j’ai donne d’avaler un Schema Israel d’apres la formule de Rabbi Menahem Azaria, parce qu’on craignait qu’elle se convertit, et je les ai invites a faire la paix pour de bon…” (Voyageurs juifs du XVllle siecle, page 202)

Une autre fois c’est un jeune homme, Jacob Lopes Laguna, qui vient se confier a lui lui avouant qu’il avait etudie les livres de Voltaire, et avait pour habitude de boire du vin dans les auberges chretiennes.

Au terme de sa seconde mission, le Hida s’installe a Livourne, ou il se remarie, et peut enfin s’accorder le temps de mettre de l’ordre dans les milliers de notes qu’il consignait durant ses voyages. L’annee 1775 reste marquee par la terrible epreuve imposee aux juifs de Hebron. Le fils du gouverneur de la ville fut retrouve noye dans une fosse d’egout a proximite du ghetto. De la a accuser les juifs de sa mort, il n’y avait qu’un pas qui fut aisement franchi. Les parents de la victime soutenus par une foule haineuse porterent sur les habitants du ghetto la responsabilite du drame.

Le premier reflexe du gouverneur fut de prendre en otage dix membres de la communaute. Le tribunal islamique une fois saisi de l’affaire, condamna les dix malheureux a subir une mort semblable. Dans une missive adressee au H’ida, alors en mission en Italie, les rabbins de Hebron rapportent que l’effroyable sentence venait d’etre communiee en une lourde amende imposee aux juifs de Hebron. La demande de soutien etait redigee par les principales autorites spirituelles de la ville des Peres. Le Hida reprenait des forces en Italie, lorsqu’il eut connaissance de cette tragedie.

L’appel de Hebron fut immediatement imprimee par ses soins a Livourne, pour etre par la suite diffuse dans les principales communautes italiennes.

La demande en aide etait signee par dix notables: H’ya Zeev, Mordekhai Roubio, Yehouda Gomez Pato, Raphael Baggio, Itsh’ak Hacohen, Avraham Roubio, Haim Melamed, Chabatai Hacohen, Aaron Peretz, et Nissim Ovadia.

Une seconde missive destinee au comite de soutien la ville de Hebron (Vaad Pkidei Hebron) fut envoyee a Istanboul.

Elle sera egalement imprimee a Venise cette fois, pour insister sur l’urgence d’une solution. Les annees suivantes seront elles aussi marquees par la menace d’expulsion qui planne sur la communaute. L’insecurite grandissante entraine une crise economique sans precedent, la penurie de denrees alimentaire est specialement critique entre les annees 1783 – 1788. La dette de la communaute se chiffre maintenant a 40 000 florins, et entrainent l’emprisonnement des rabbins de la ville. C’est de leur cellule qu’ils redigent leur appel aux communautes de Diaspora. Ces dernieres une fois de plus reporteront la menace a plus tard.

Livourne sera sa derniere etape, il y passera les dernieres anneesde sa vie avant de s’eteindre en 1806 a l’age de 82 ans.

Il laisse le souvenir d’un homme aux dimension morales hors du commun.

Sa conduite fut celle d’un homme qui exigeait de lui-meme un comportement irreprochable, tout en se rappelant constament qu’il n’etait qu’un homme.

Les miliers de kilometres qu’il parcourt, les centaines de communautes qu’il visite, les differents horizons qu’il decouvre, font de lui une des personnes les plus informees de son siecle.

La somme de ses oeuvres, plus de cent ouvrages, temoignent de la richesse et de la diversite de ses connaissances. Philosophie, morale historiographie, esoterie, ne sont qu’un echantillon du pratrimoine intellectuel qu’il vehicule. La plus marquante de ses victoires sera incontestablement d’avoir reussi a transformer le mythe d’Eretz Israel et de Hebron aux yeux de milliers juifs qui croisent sur son chemin, en une realite historique qui les concerne a tous.

En cela le H’ida etait un digne representant de ce dix hutieme siecle dans l’histoire de notre peuple.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

LE DIX HUITIEME SIECLE

(Tab de m.)

 

Le regne de Mustapha II marque le passage entre le 17 et le 18eme siecle. Durant ses huit annees de pouvoir, l’empire signe plusieurs traites de capitulation devant les puissances europeennes.Le traite de Karlowitz, le 2 Janvier 1699, oblige le sultan a conceder pour la premiere fois de nombreux territoires le long des frontieres.

Dans les provinces musulmanes de l’Empire, l’autorite du Sultan est bien souvent remise en question, les tendances separatistes vont en s ‘accentuant.

L’Afrique du Nord, l’Egypte, essaieront de creer un pouvoir independant,alors que la peninsule arabe sera secouee par le mouvement Wahabiste.

Ce mouvement de mecontentement n’epargnera pas Eretz Israel, ou les chefs locaux exploitent des lacunes ottomanes pour renforcer leur autorite personnelle au detriment de la Sublime Porte.

Une autre consequence du traite de Karlovitz, sera le durcissement des autorites envers les minorites religieuses. Les incroyants ayant humilie l’Empire, (en le forcant a des concessions territoriales), sont donc responsables du durcissement ottoman envers les minorites non musulmanes. Les chretiens etaient, il est vrai, les premiers vises, mais de ce genre de demarche motivee par la rancoeur, les juifs tot ou tard allaient eux aussi en subir les consequences.

Vexations, persecutions et surtout de menaces d’expulsion, ecartees uniquement contre rancon, deviendront monnaie courante.

D’autre part une inflation galopante, une gestion defectueuse contribueront au declin de l’empire. Le pouvoir central, incapable d’assurer la solde des soldats se voit dans l’impossibilite d’assurer l’ordre et la securite dans les provinces.

En 1707, les Janissaires, envoyes deux ans plus tot pour assurer la securite de Jerusalem, desertent apres avoir attendu en vain les arrieres de solde.

Et pourtant, durant ce dix huitieme siecle, Eretz Israel, beneficiera d’un essor economique significative du a l’activite des societes commerciales europeennes. Celles ci assuraient une liaison reguliere avec le Levant. Les venitiens, les hollandais, et plus tard les anglais et francais, s’appliquent a regulariser la situation de leurs delegues dans la region.

Les villes frequentees sont de preference les villes du nord du pays, comme Saint Jean d’Acre, Safed et Tiberiade, proches de Sidon et Damas, sieges deja prosperes de comptoires europeens dans la region.

De son cote le gouvernement de Constantinople essaiera sincerement d’ameliorer les conditions de securite en Eretz Israel, Hebron il est vrai n’est pas vraiment en tete de liste.

Ce sera le littoral, entre Jaffa et Sidon qui beneficiera de ses renovations.

Il faut dire que la situation des villes portuaires ne cessait d’empirer, la ville de Haifa etait entierement sous l’emprise des pirates chretiens, au point de meriter le nom de « petite Malte ».Ces efforts du gouvernement turc, viendront servir les interets de Daher el Omar un chef bedoin en Galilee. Sous sa conduite, le pays connaitra une ere de prosperite sans precedant. Daher encourage les negociants europeens a faire escale a Acco, le commerce du coton, du riz, et du tabac va connaitre alors des heures de gloire.En ce qui concerne le coton par exemple, la Galilee deviendra un des principaux fournisseur de la France, qui devient alors un partenaire privilegie en Eretz Israel. Hebron et Jerusalem n’attirent pas specialement les negociants europeens. Pourtant l’activite agricole autour de Hebron pouvait atteindre de beaux rendements. L’industrie du verre continue aussi de produire pour l’exportation, comme il apparait a la lecture de documents de l’epoque. Le probleme majeur etait en fait un probleme de securite. Un des principaux handicap a la prosperite de cette region etait la stupide guerre des clans auquelle se livrait la population arabe, tribus Kayis contre tribus Yamen. Ces appelations n’etaient en fait que la lointaine reminiscence de l’antique rivalite Nord-Sud a l’epoque pre-islamique dans la peninsule arabique. Dans ces affrontements les juifs se verront une fois de plus pris entre deux feux, dans l’impossibilite de se tenir a l’ecart d’une guerre qui ne les concernait pourtant en rien. Ainsi a leur retour de mission a l’etranger en 1705, rabbi Yossef Guedalia et son frere rabbi Yaacov sont assassines par des bandes armees entre Gaza et Hebron.

En 1724 les dirigeants communautaires diffusaient la missive suivante a leurs freres de Diaspora: “ A cause de la guerre qui frappe notre ville voila plus de trois ans, les Ismaelites de Hebron sont de nouveau divises en deux clans opposes. Nous nous trouvons quant a nous exposes a toutes sortes d’atteintes mortelles et cela jour apres jour. Ainsi les projectiles de plomb passent au dessus de nous et bien souvent viennent terminer leur course dans le quartier juif. Rares sont les notres qui ont ete totalement epargnes, car les deux clans en question menacent sans arret de venir piller nos habitations, bruler nos rouleaux de la loi et livrer notre quartier a la soldatesque, si bien que nous sommes maintenant obliges de verser une rancon de trois mille piastres aux chefs des troupes …”.

Il est certain que les temoignages ecrits des lettres de creances des emmissaires ne constituent pas toujours le temoignage le plus objectif. Les rabbins qui les redigent, s’efforcent quelque fois de decrire leur conditions de vie, avec des couleurs plutot alarmantes, pour atiser la generosite de leurs freres a l’etranger.

Nous savons par exemple que malgre le pietre niveau de securite, Hebron etait le seul centre urbain et le principal, marche de la region, et les bedouins s’abstenaient de l’attaquer. Les caravanees d’Egypte preferaient, suivre la route interieure vers Beer Sheba plutot que la route cotiere. L’industrie du verre, concernait egalement les bedouins de la region. Ces derniers etaient en effet les principaux fournisseurs de soude caustique, produite a partir d’une plante qui poussait pres du rivage de la mer morte.

Au dela des problemes de securite, le dix huitieme siecle est un siecle de remise en question du messianisme en Israel.

Il est certain qu’aux yeux des juifs en exil le concept meme d’Eretz Israel etait automatiquement lie avec l’espoir messianique.Ces deux notions inseparables dans leur essence constituaient on peut s’en douter l’essentiel du message des Chadarim.

Ce message devait maintenant etre manie avec d’infinies precautions au lendemain de l’aventure messianique « Chabtai Tsvi ».Ajoutons a cela que la communaute de Hebron ne s’etait pas contenter de vivre l’evenement comme le reste du monde juif, mais avait pris une part active dans la diffusion des paroles du faux messie et de son prophete Nathan de Gaza. A Hebron les autorites spirituelles contemporaines de ces remous messianiques furent tous de fervents adeptes de Chabtai Tsvi. Rabbi Meir Rofeh, rabbi Avraham Koneki, et rabbi Neh’emia H’ayoun pour ne nommer que les plus celebres.

Il est difficile d’evaluer avec precision quelles furent les consequences de la deception qui allait suivre, concernant les relations Israel –Diaspora. Il est certain que le travail des chadarim n’en devint que plus difficile, n’oublions pas que Chabtai Tsvi lui meme commenca sa carriere publique comme Chadar de la communaute de Jerusalem, en Egypte. L’evocation de la redemption allait maintenant inevitablement rouvrir les cicatrices de la douloureuse aventure chabtaiste. Par ailleurs, l’attente messianique n’etait pas la propriete exclusive des habitants du pays d’Israel, mais bien une authentique composante du caractere national juif. Le peuple juif tout entier ne demandait qu’a y croire. Les juifs d’Eretz Israel, jouent ici le role de la sentinelle en poste, dans la perspective de l’avenement du Messie du messie. La sentinelle trop zelee aura donne l’alarme beaucoup trop tot. Miseres, persecutions et humiliations auront ete en fait les principales raisons de cette fausse alerte historique.

Cependant l’institution des Chadarim etait bien trop profondement ancree dans les consciences juives pour etre reelement menacee.

Durant la premiere moitie du dix huitieme siecle dix neuf Chadarim partirent en mission pour le compte de Hebron.

Le premier emmissaire envoye pour solliciter le soutien financier du lointain Maghreb, sera rabbi Levy Abitbol, lui meme originaire lui meme de Demnate, petite ville situee dans les montagnes de l’Atlas Marocain. Les juifs de cette ville tiraient leur subsistance du travail de la terre.Le vin de leur production etait celebre dans tout le Maroc.

Notons au passage que le fait de garder un lien vivant avec Eretz Israel n’etait pas la prerogative des grandes communautes. Chaque communaute au contraire gardait jalousement, le privilege d’acceuillir, d’heberger et de soutenir les Chadarim dans leur mission. Levy Abitbol recevra un accueil particulierement chaleureux a Meknes de la part du rabbin de la ville Yaacov ibn Tsour. Ce dernier lui fournira des lettres de recomandations pour d’autres communautes.

Trois ans apres, c’est autour de rabbi Chmouel Halevy de prendre, la route des Chadarim pour la communaute de Hebron. Les principales etapes de son itineraire seront: Tripoli (en Lybie) Djerba, Tunis, Tlemcen, Tserfou, Fez, Tetouan, Saleh, Demnate, Meknes et encore beaucoup d’autres petites communautes a la lisiere du desert. En 1711 un autre sage de la ville, Chimeon Abayov est designe pour une mission en Europe cette fois. Les Chadarim profitaient de leur sejour a l’etranger pour imprimer les livres de leur composition. Cette annee la, Rabbi Chimeon Abayov visite les communautes d’Allemagne profitant de son passage dans la terre de predilection de l’imprimerie pour editer son livre « Bat Melekh" »

A Francfort sur Maine il assiste au terrible incendie qui ravage pres de la moitie du quartier juif. Ses manuscrits bien que deposees dans une batisse ravagee par le sinistre furent miraculeusement epargnes cependant jour la.

La sortie des emmissaires avait comme premier but d’eponger la dette de la communaute qui depassait les douze mille reals en 1712 pour atteindre la somme faramineuse de dix neuf mille pesas en 1727.

L’enormite de la dette impliquait dorenavant l’intervention d’une puissante institution juive: Le Vaad Pekidei Kouchta, il s’agissait la d’un conseil special constitue de principaux notables juifs de Constantinople. Ce lobby juif representait une force economique et politique importante capable d’influencer les decisions ottomanes en matiere d’affaires etrangeres. Hautement sollicite, ce forum viendra sans distinction en aide aux juifs sepharades ainsi qu’a leurs freres d’origine europeenne.

Ces notables etaient a la fois introduits dans la vie juive en Eretz Israel, et maintenaient de bonnes relations avec le pouvoir central en Turquie.

Leurs roles n’etait pas seulement de regulariser la mobilisation et le transfert des fonds, mais aussi de certifier l’integrite des differents chaddarim tout en definissant le cadre de leur mission. Par le passe une meme communaute de Diaspora pouvait etre sollicitee par deux Chadarim differents a la meme periode, ce genre de situation desagreable pour tout le monde ne risquait plus de se produire depuis que les notables juifs de Constantinople avaient pris sous leur responsabilite la gestion des affaires d’Eretz Israel.

La ville de Constantinople avait ete choisie aussi du fait qu’elle se trouvait a mi chemin entre les grandes communautes juives d ‘Europe et les villes saintes d’Eretz Israel. En ce qui concerne les problemes des juifs de Jerusalem, le Vaad Pekidei Kouchta pouvait etre fier des resultats qu’il avait obtenu en impliquant personellement la personne du Sultan: Les creanciers renoncaient desormais aux interets et la dette qui s’etait accumulee jusqu’alors, et serait remboursee sur une echeance de dix ans.

A vrai dire ce resultat venait un peu tard pour la communaute ashkenaze de Jerusalem qui, faute de n’avoir pu s’acquitter des impots exiges par le gouverneur de la ville furent tout simplement expulses. La synagogue de ces malheureux fut attaquee par une foule dechainee et les rouleaux de la loi,detruits.

La dramatique issue de la communaute ashkenaze, a sans aucun doute accelere le cours des evenements: l’intervention des juifs de Turquie dans la direction des affaires du Ychouv.Entre temps, la situation economique, a Hebron continue de s’agraver. Le Vaad Pkidei Kouchta decide d’augmenter la part de Hebron.

Il y avait quatre villes qui beneficiaient du soutien financier de la Diaspora, les quatre villes saintes. Cet argent une fois parvenu en Israel etait divise en vingt quatre parts (le chiffre vingt quatre etant un multiple de quatre). Par le passe la ville des Peres recevait quatre parts soit un sixieme de l’ensemble des fonds collectes. A partir de 1700 le nombre de parts destines a Hebron passera a cinq.

En 1728, une des plus importante personnalite rabbinique de la communaute est envoye comme chaddar en Crimee: Rabbi Eliahou Ibn Arh’a, il recoit du Rabbin de Crassow une lettre de recommandation pour les caraites de Crimee.

Ces derniers reserveront un accueil chaleureux au delegue de Hebron, et ouvriront genereusement leur bourses tout en sachant que leur dons ne profiteront pas a des caraites comme eux.

Ils justifieront leur initiative en disant Am Israel Arevim Ze La Ze (le peuple d’Israel est solidaire les uns vis a vis des autres).

A Berlin, en 1729, se cree une caisse de soutien pour Hebron.

Les juifs de Berlin etaient a cette meme epoque soumis a un odieux numerus clausus sous le regne de Frederik William I.Le nombre de famille autorisee a resider en ville etait de 120. Seule une permission speciale donnait aux famille juives la permission de mettre au monde un troisieme enfant. L’initiative de Berlin est d’autant plus interressante que la ville de Berlin ne figure pratiquement pas dans l’itineraire des chaddarim.

En 1733, la situation economique du pays continue d’empirer pour les juifs de Hebron. Les menaces des creanciers deviennent de plus en plus concretes.

L’exemple de Jerusalem, secourus par les notables de Constantinople inspire les rabbins de Hebron a demander un reglement similaire pour leur communaute.

Pour cela, ils choisissent d’envoyer un delegue extraordinaire en la personne de Rabbi Yosef H’ayon.

Venere comme un saint homme, il beneficie (malgre lui) d ‘une reputation de faiseur de miracles, ferru de Talmud et de Cabbale, Rabbi Yosef H’ayon etait l’homme de la situation.

Acceptant la mission qu’on lui confiait, mais refuse toute compensation materielle ou salaire, il prit la route pour Constantinople.

Son plan est simple, il s’agit tout simplement de calquer la solution appliquee a Jerusalem. Dans un premier temps, il avait fallu arriver a un compromis sur la totalite de la somme, et par la suite, se mettre d’accord sur les modalites de paiement. L’impact de Rabbi Yosef sera immediat, quelques temps apres son arrivee se cree a Constantinople le « Vaad Pekidei Hebron » (le conseil de soutien a Hebron), qui prendra en main le sort de la communaute de la ville des peres. A peine epargne de cette terrible menace que voila de nouveau l’adversite se dechaine sur les juifs de Hebron. L’attaque est cette fois soigneusement preparer par les dirigeants chretiens de Jerusalem.Il semble qu’il n’y ait plus de chretiens a Hebron depuis les epidemies du siezieme siecle ou la communaute chretienne s’etait tranportee a Ramlah.

 La presence chretienne en Judee se limitait maintenant a Bet Lehem, Bet Jala et bien sur Jerusalem, ou les differentes representations diplomatiques et religieuses europeenes leur accordaient une certaine protection juridique.

D’une maniere generale, les relations entre juifs et chretiens ne furent jamais tres bonnes. L’eglise catholique etait responsable de trop de persecutions pour qu’il en soit autrement. Les juifs se rangent en ces temps la comme les ennemis naturels du Vatican et de ses allies.

Jerusalem, fut plus d’une fois le theatre d’affrontement entre juifs et fransciscains. Sur le plan theologique, la rivalite entre les deux religions n’avait rien perdu de sa passion avec le temps.Sur un plan politique, les deux groupes entretenaient un puissant lobby a Constantinople. Les juifs de la capitale, pour la plupart d’origine espagnole ou portugaise, ne devaient pas se faire prier pour venir contre carrer les projets des dominicains ou des fransciscains en Eretz Israel.Certains d’entre eux detenaient une fortune colossale et jouerent un role politique de premier plan dans la capitale ottomane, tel l’ancien marrane Jao Miquez revenu au judaisme sous le nom de Yossef Nassi.

Lorsqu’en 1561, le Sultan offrit a Don Yosef Nassi, la ville de Tiberiade et les terres avoisinantes. Ce dernier s’employe a restaurer la ville pour la transformer en un havre de refuge destine aux juifs opprimes.

Pour Boniface Raguse, delegue apostolique en Eretz Israel, Il s’agit la d’une « arrivee de viperes, pire que celles qui hantent les ruines de la ville ».

En ce qui conserne la ville Hebron, la presence chretienne fut toujours des plus limitee en periodes musulmanes. De ce cote la, ils firent preuvent d’une capacite de resistance et d’acclimatation bien inferieure a celle des juifs.

Il faut ajouter aussi que les chretiens etant incirconcis, leur presence a Hebron (la ville d’Abraham), etait beaucoup plus penible aux arabes que celle des juifs.

Il semble cependant qu’en 1735, les chretiens essayerent un double coup de force a Hebron. Leur plan consistait a provoquer l’explulsion des juifs de la ville, et d’obtenir l’autorisation de s’y installer a leur place.

L’argent, le pot de vin, la corruption de fonctionnaires, constituaient comme de coutume, les moyens de lutte les plus efficaces en ce regime ottoman pourri par le systeme de Bakchich.

Il ne restait plus aux juifs de Hebron que de surencherrir sur les sommes promises par leurs ennemis pour preserver leur presence dans la ville sainte. Cette onereuse operation venait de mettre la communaute au bord de la faillite et deja la nouvelle dette atteignait la somme effrayante de 15 000 reale.

En 1749 la ville de Hebron recoit un invite de marque. Rabbi Guershom Kitov, le beau frere du celebre Baal Chem Tov qui realisera le voeux de venir fouler de ses pieds le sol d’Israel.Dans une lettre qu’il redige a son illustre parent il dira: « Lorsqu’il y a une occasion de se rejouir, une brith mila ou tout autre rejouissance, les notables de la ville sont cordialement invites a la fete. Il en est de meme pour toutes les autres celebrations, … lorsque je suis venu ici, le ministre de la ville venu en personne m’ accueillir, pour le remercier, je lui offrais un narguilla que j’avais achete a Istanboul. Ils temoignent beaucoup d’affection a mon egard et pretendent que ma venue leur a porter bonheur ».

Rabbi Guershom restera six ans a Hebron.

La communaute est alors principalement composee de sepharadim.

Les quelques juifs ashkenazim de la ville semblent entretenir de bonnes relations avec la majorite des sepharadim. L’athmosphere d’optimisme qui se degage des paroles de Rabbi Guershom Kitov, cadre mal avec les documents des chaddarim. Ces derniers, effectivement justifient leur sortie en mission par la gravite de la situation dans laquelle se trouve les juifs de la ville.

A en juger par le temoignage des visiteurs europeens de passage a Hebron, il semble que ce dix huitieme siecle fut effectivement un siecle mouvemente pour les habitants de Hebron, et Rabbi Guershom quant a lui, a du certainement beneficie d’une courte accalmie dans la lutte inter tribale a laquelle se livre les populations musulmanes.

Ainsi, le botaniste suedois Frederic Hesselquist ecrit en 1751: « Il y a de cela cinq ou six ans, se deroulait une guerre terrible entre les arabes de Hebron et ceux de Bet Lehem, la majeure partie des habitants de ces deux villages a deja trouve la mort au cours des hostilites, les oliviers ont ete coupes, et ce qu’il en reste temoigne de la tristesse de la situation ». (Voyages and travels in the levant. London 1766 ;pp132).

Le voyageur italien Giovanni F.Marite ecrit en 1767 qu’il ne put se rendre a Hebron comme il le desirait: ” a cause de la guerre qui faisait rage entre les arabes de la region.”

(Viaggi per Isola de Cipro par la Soria a Palestina IV Firenza 1770 ; pp95).

Si pour les juifs ce siecle restera plus que jamais celui de la solidarite, du courage et de la fidelite, un premier bilan de ce dix huitieme siecle nous permet constater que les populations arabes sous la direction de dirigeants irresponsables,plongent le pays dans un Tohu Bohu. Les dramatiques consequences de cette situation se feront ressentir sur le pays de Judee tout entier. Cette politique desastreuse ou il est question de victimes de part et d’autre, d’oliviers coupes entre Bet Lehem et Hebron ou les visiteurs etrangers ont peur de s’aventurer « a cause de la guerre qui faisait rage entre les arabes de la region »

Non content de resister avec vaillance au milieu de la tourmente les juifs de Hebron iront porter le prestige de leur ville en ce dix huitieme siecle jusquaux Ameriques.


 

UN EMISSAIRE DE HEBRON EN AMERIQUE

(Tab de m.)

 

Nous sommes le 28 Mai 1773, le premier jour de la fete de Chavouot a Newport, aux Etats Unis d’Amerique, la synagogue est archi comble.Le gouverneur et les magistrats de la ville sont venus saluer l’invite de la communaute juive, le Rabbi Raphael Hayim Carigal emissaire de la ville de Hebron du pays d’Israel.

Quarante sept minutes durant, le delegue de la ville des patriarches evoque le passe biblique, les racines et l’identite d’Israel, le destin historique des descendants de Jacob, la place de l’exil, son but et ses limites pour deboucher, une fois de plus les esperances messianiques.

Le rabbin parle en espagnol devant les premiers juifs americains descendants des expulses de la peninsule iberique. Dans la salle, parmis les invites, un homme d’eglise Ezra Stiles.Stiles est avant tout un chercheur, un passionne d’histoire et de theologie, il deviendra par la suite le president de la prestigieuse universite de Yale. Stiles n’est pas a sa premiere rencontre avec Carigal.

Les deux hommes se sont rencontres quelques mois plus tot dans cette meme synagogue, durant la fete de Pourim. Stiles demande a Itshak Touro (le pere du philantrope Juda Touro qui confiera a Montefiore une partie de sa fortune pour les juifs de Jerusalem) de lui presenter le delegue de Hebron..

Les deux hommes se lient rapidement d’amitie, une amitie qui resistera aux temps et a la distance. Dans ses notes personnelles, (qui constituent aujourd’hui les principales informations qu’il nous reste sur Rabbi Raphael Haim Carigal), Stiles nous decrit un homme raffine aux manieres soignees, un erudit qui repond patiement aux mille et une question de son interlocuteur chretien.Stiles est aussi impressionne par l’humilite du rabbin de Hebron.

Sur sa demande, les drachot (exposes) de Carigal sont traduites en anglais et diffusees parmis la population chretienne de la ville. Les juifs, se voient honores une telle initiative. Le fascicule de cette traduction a ete conserve, sur la couverture nous pouvons lire: ”A Searmon preached at the synagogue in Newport Rhode Island,called: THE SALVATION OF ISRAEL: On the day of Pentecost or feast of the weeks.The 6 th of month Nissan 5533 or May 28 1773.Being the Anniversary of giving the law at Mont Sinai by the venerable Hocham, the learned Rabbi Haim, Itsh’ak Karigal of the city of Hebron near Jerusalem in the Holy Land.”

L’Histoire de Haim Carigal commence a Hebron ou il voit le jour en 1729.Selon l’historien Avraham Yaari, sa naissance remonte a 1732. Dix huit ans plus tard, il recoit son titre de Rabbin, ses maitres seront Rabbi David Melamed, Meir Guedalia, Yehouda Gomez Pato, le Rav Haim Baggio, Itshak Tsadeka, et le Rav Mordehai Zeev. En 1754, il n’a que vingt cinq ans, lorsqu’il sort pour une premiere mission en Egypte, de ce pays il poursuivra sa mission en Syrie, en Turquie, pour arriver finalement et Bagdad et Ispahan.

En 1757, il est de nouveau designe, pour sortir en Europe cette fois, le circuit est classique, Livourne, Firrenze, Rome, Bologne, Milan, Padoue et Venise.

Il poursuit son chemin vers le nord de l’Italie pour traverser la frontiere et passer en Autriche Hongrie, Vienne, Prague, Nuremberg, Augsburg et Frankfort, seront les principales etapes.

Le voyage se poursuit pour l’emmener devant les communautes d’Amsterdam et de Londres. Au terme de sa seconde mission, il entreprend de se rendre a l’ile de Curacao en 1762, ou de riches commercants sepharadim, constituent une petite communaute. A l’epoque, le controle de l’ile etait confie a l’administration hollandaise. De retour a Hebron en 1764 il se ressource quatre ans durant, avant de repondre une fois de plus a l’appel de la route.

En 1768, il visite les communautes de Marseille, Paris. Le voila maintenant partant pour l’Angleterre, ou il restera deux ans et demi en tant qu’enseignant au Beit Midrach de Londres, pour un salaire honorable de cent livres Sterling.En 1771 il quitte la capitale anglaise pour…la Jamaique ou il reside pres de deux ans avant d’arriver a Philadelphie, New York et Newport sont les prochaines etapes.

A Newport ou il sejourne cinq mois durant, a titre d’invite du riche armateur Aaron Lopez. Ce dernier commandera les services d’un artiste pour realiser en 1772, le portrait de Carigal. A la mort de notre rabbin, Stiles l’ami fidele, demande alors Lopez de lui faire don du portrait pour l’exposer dans la gallerie du college de Yale, Lopez refuse, on ira vers un compromis, une reproduction du portrait sera realise pour l’universite de Yale.

En juillet 1773, Carigal prend conge de ses amis de Newport, Aatron Lopez, Isaac Touro, et surtout Ezra Stiles, avec lequel il entretiendra une correspondance suivie … en hebreu !

Sa nouvelle destination, Surinam, aux Indes occidentales, ou il arrive apres 49 jours de navigation perilleuse, il n’y restera que 6 mois pour s’installer finalement a Barbados comme rabbin de la communaute “Nidh’ei Israel”.

La communaute l’empresse d’inviter sa famille a le rejoindre. Au moment ou tout semble annoncer un debut de repos pour ce voyageur intrepide, la mort le surprend en ete 1777.

Dans son testament, Rabbi Haim Carigal partage ses biens entre les membres de sa famille, et …Hebron bien entendu.


 

LE DIX NEUVIEME SIECLE: LE COUR DE LHISTOIRE SACCELERE

(Tab de m.)

 

Le 19eme siecle annonce un rapprochement certain entre l’Orient et l’Occident.

Le pays du levant, qui semblait indefiniment plonge dans une torpeur orientale, devient maintenant le theatre d’une importante activite diplomatique internationale. La question d’Orient, fait desormais l’actualite depuis la campagne de Bonaparte en Egypte.Les chanceliers europeens, s’interessent de nouveau a Eretz Israel.

Cet interet politique est double d’un interet culturel et religieux authentique.

Pelerins et voyageurs sont de plus en plus nombreux a entreprendre le voyage en terre sainte. L’épopée coloniale qui s’annonce permettra une prise de contact entre le judaisme occidental et les juifs sous juridiction islamique.Cette redecouverte de ces frères oubliés amenera a la creation d’organismes internationaux tel l’Alliance Israelite Universelle.Si les motifs de l’Alliance sont avant tout d’ordre humanitaires, leur retombees auront evidement des consequences d’ordre politique pour l’avenir.

Les juifs d’Eretz Israel ne sont plus seulement une realite historique, ils sont desormais l’objet de preocupations politiques. Dans cet effort d’assistance et de soutien, une place particuliere est reservee a Moise Montefiore, qui mieux que tout autre, symbolise le sentiment de responsabilite qui anime une certaine partie du judaisme occidental envers les communautes d’Eretz Israel.

Montefiore visite le pays a sept reprises il manifeste un interet veritable pour les problemes du Ychouv. A l’occasion de son sejour a Hebron le 17 Juillet 1839, il obtient du gouverneur de la ville la permission exeptionelle de visiter la Caverne de Makh’pela.La nouvelle se repand rapidement dans la ville des centaines de musulmans dechaines courent maintenant devant le cortege du philantrope pour lui barrer la route. Judith Montefiori note dans ses carnets de voyage que sont mari etait decider a ignorer la menace et continait sa route vers le lieux saint.Entre temps plusieurs juifs de la ville furent sauvagement agresses c’est alors que le noble vieillard et sa compagne deciderent de renoncer a leur projet.

Montefiori savait etre genereux avec les uns, ferme et menacant a l’occasion.Il entreprend plusieurs recencements, encourage ses corelegionaires a entrer dans la vie active, a ne plus etre dependants de l’argent de la H’alouka.Il s’efforce de travailler en bonne entente avec les consuls europeens du pays.

Un role exceptionnel est d’ailleurs tenu par ces consuls. Leur intervention consiste avant tout a la protections des minorites juives et chretiennes. Role qu’ils accomplirent generalement avec une motivation souvent digne d’eloge.

Autre phenomene qui doit attirer notre attention, l’activite des missionaires. Certaines eglises anglophones interpretaient ce regain d’interet mondial envers la terre sainte comme un signe premonitoire des temps messianiques.

Selon eux, cette effervescence messianique, etait directement liee au retour des juifs dans leur pays historique, et au… retablissement de leur souverainete nationale.

Ce changement d’attitude, tout a fait remarquable, est particulierement visible chez les diplomates et hommes d’eglise anglais, durant ce dix neuvieme siecle.

Le consul britannique a Jerusalem, et sa femme, James et Elisabeth Ann Finn en seront le plus bel exemple.

Beaucoup d’historiens attribuent entre autre la declaration Balfour a ce climat exceptionnel que nous venons d’evoquer, et qui commence a prendre forme des les premieres decades du dix neuvieme siecle.

En 1846 c’est au tour de Frankel, le fondateur de l’ecole Lemel a Jerusalem de visiter la ville sous la conduite de son guide un habitant du ghetto. Un musulman coiffe d’un turban vert(distinction reservee aux descendants du prophete) leur barre la route, la main tendue a une eventuelle obole.Frankel s’empresse de tendre quelques pieces au parent pauvre du messager de l’islam. Ce dernier s’empressa d’empocher la monnaie tout en continuant a leur interdire le passage. “C"est alors que mon guide jugea bon d’intervenir” 

ecrit Frankel, ”voyant que les paroles etaient sans effet sur notre trouble fete,il fit pleuvoir sur lui une pluie de coups coups de poing et coups de pied.J"etais epoustoufle d"une telle audace, epoustoufle mais aussi effare…Cela voudrait-il dire que les temps ont change? Lorsque je posai la question a mon guide il me repondit: " Lorsqu"ils voyent qu"ils ont a faire a plus fort qu"eux ils redeviennent tout d"un coup craintifs comme des agneaux.. »

La lecture des temoignages des voyageurs europeens, ne peut que confirmer cette atmosphere de sympatie, melee d’admiration envers les juifs du vieux ychouv. Les meme motifs reviennent regulierement dans les differents temoignages. S’il s’agit de faire l’eloge de la proprete des lieux, de l’hospitalite dont ils font preuve envers les visiteurs, de leurs connaissance des langues europeennes et leurs bonnes maniere, sans oublier bien sur la finesse des visages des femmes et des enfants qu’aucun voile ne cache.

En 1840, Stephen Olin, docteur en theologie, pasteur de l’eglise methodiste est de passage a Hebron: « …les juifs ont dans cette ville deux petites synagogues, et plusieurs ecoles.Ils viennent de differents pays: d’Italie d’Espagne de Hollande mais aussi d’Allemagne de Russie et de Grece.Hebron est une ville sainte, un lieu de pelerinage pour les juifs …Nous fumes recus avec beaucoup de cordialite par le rabbin de la ville, un beau vieillard, imposant de dignite, sa famille a apporte avec elle les habitudes et le mode de vie d’Amsterdam la plus propre des villes, …On nous recus avec beaucoup de chaleur, la maison etait d’une proprete impressionnante et meublee avec gout, ce qui ne les a pas empeche de s’excuser, en disant qu’ils nous recevaient dans des conditions indignes de nous … »

En 1843, c’est au tour de John Wilson, de beneficier de l’hospitalite des juifs de Hebron.

Wilson, pasteur ecossais, nous a laisse un des principaux ouvrages de cette litterature des voyageurs du 19eme siecle.

Son livre «The land of the bible visited and described in an extensive journey», a force de reference pour tout ce qui concerne les informations sur les communautes juives et samaritaines.De son passage a Hebron, il ecrit: «Nous fumes conduits dans une salle, a meme le sol, des tapis deroules, et dans un coin de la piece, s’entassaient les matelas … a peine nous etions arrives, qu’ils allumerent pour nous des petites lampes a huile. L’huile provenait de la vallee de Mamre, tout pres d’ici. Des jeunes gens se chargerent d’amener nos bagages, alors que de gracieuses jeunes filles apportaient de l‘eau claire pour nous rafraichir, elles nous proposerent, comme le veut la coutume en Orient, de nous dechausser et rincer nos pieds …On nous apporta ensuite un repas copieux.Nos hotes veillaient a ce que nous ne manquions de rien. Apres les epreuves du desert, et la marche de nuit epuisante, nous etions en mesure d’apprecier a sa juste valeur l’hospitalite qui nous etait ainsi offerte».

Detail interressant, Wilson est temoins de la venue du Cheikh Ad Ekl Rah’man, dans le ghetto, en observateur perspicace, le pasteur ecossais a vite fait de comprendre le climat d’insecurité qui règne dans le ghetto.

« Le chef des musulmans de Hébron, le Cheikh Abdel Rah’man, vient à son tour de nous saluer. Les juifs étaient visiblement inquiets de le voir ainsi dans leur quartier …Dans le but de l’encourager à veiller comme il se doit sur la communauté juive, nous lui avons longuement expliquer que le peuple anglais accorde beaucoup d’importance au bien-être des juifs, et que la reine Victoria elle-même, soutient de toutes ses forces l’action de Sir Moses Montefiori.

Je lui rappelait qu’a l’occasion dans son voyage à Damas, lors de l’accusation de meurtre rituel,, la reine a octroyé a Montefiori la plus haute distinction honorifique du royaume ».

Quatre ans plus tard, en 1847 Harriet Martineau, une jeune anglaise, découvre la ville des patriarches, Harriet est une femme passionnée de voyages, issue d’une famille hugenots, émmigrée en Angleterre, elle devient rapidement un auteur à succès, les livres qu’elle rédige sont essentiellement des livres d’enfants. Si Harriet souffre d’un handicap important, la surdité, elle saura néanmoins toujours ouvrir ses yeux et son coeur envers ceux qu’elle aime.

Dans son ouvrage en trois volumes « Easte life » elle écrit: « Nous avons ressenti un vif plaisir à voir de nouveaux des visages découverts, sans ce voile opaque (qui cache la face des femmes musulmanes)… Ici, tout comme à Jérusalem, nous avons vu des personnes à la peau et aux cheveux clairs, et aux yeux limpides. De ma vie, je n’ai vu de tels yeux, des grands yeux nobles et délicats, des yeux qui vous font monter des larmes de par l"emotion qu"ils eveillent en vous.Les traits de leur visage étaient pour la plupart d’entre eux agréable… Chacunes d’elles se distinguaient par sa beauté. Pourtant plusieurs personnes souffraient de maladie de la peau, spécialement à Jérusalem. Nous allâmes ensuite dans les ruelles du quartier juif vers la synagogue. Du fait que le rabbin ne s’y trouvait pas, il nous fut impossible de voir des précieux manuscrits qu’elle renfermait, mais nous avons cependant apperçu les beaux enfants étudiant à la synagogue…

Nous nous dirigeâmes par la suite vers la maison du rabbin, sa femme souriante nous accueillit en nous proposant du café, mais nous ne voulions pas l’incommoder, quelques instants plus tard, son mari arrivait, il nous invita à souper avec eux, et cela, malgré notre nombre. Nous avions en face de nous un homme consideré, d’un âge avancé, le visage encadré d’une barbe grise. Son apparence aurait inspiré plus d’un artiste ».

La ville de Hébron restera quelque peu à l’écart de cette activité qui touche éssentiellement, Jérusalem. Toute fois les échos de ces changements parviennent jusqu’à la ville des pères, et avec eux leur message d’espoir.

Le consul Finn, n’hésitera pas à se déplacer et à intervenir énergiquement pour la protection des juifs de la ville.Il en sera de même pour le consul autrichien de Jérusalem.

La situation économique de la ville semble s’améliorer de nouvelles industries voient le jour, la savonnerie qui sans concurencer les fabriques de Naplouse, contribueront neanmoins a la prosperite de la ville. En ces temps la le savon d’Eretz Israel etait particulierement demande au Moyen Orient, vu que sa composition excluait l’utilisation de graisse animale, (la crainte des musulmans etait d’utiliser un produit fabrique a base de graisse de porc). Selon le professeur Karmon la peausserie et la filature de coton connurent aussi une belle expension. Hebron ne l’oublions pas etait le seul centre urbain et le principal marche de la region.

En 1807, une famille de notable arabe, du clan Kashkoul, accepte de vendre à la communauté un terrain de cinq dounam, (le terrain en question correspond au marché de Hébron qui se trouve aujourd’hui dans la prolongation du quartier Abraham Avinou). Du côté juif, le document est signé par H’aïm Hamitsri (Haïm, le juif égyptien), il s’agit en fait du Rav Haïm Baggio, effectivement originaire du pays des pyramides. Un nouveau document est signé en 1816, il s’agit d’un bail à long terme dans lequel des responsables du Wakf remettent à la communauté juive, un vaste terrain de 800 dounam, qui doit servir entre autre de cimetière. Parmi les signataires du côté musulman, les chefs de famille Tamimi.

Le pouvoir central en Turquie continue de se détériorer lentement mais surement.Les puissances occidentales, il est vrai, entretiennent soigneusement cette agonie politique. Leur logique est simple, l’empire ressemble à un viel homme malade, à sa mort, les héritiers peuvent être entrainés à une terrible guerre de succession, qu ‘il faut repousser au plus tard possible.

C’est d’ailleurs pour cela qu’ils mettront un terme à la conquète égyptienne d’Eretz Israël et de Syrie.Moh’amed Ali, l’énergique dirigeant du Caire, va remettre en question l’autorité de la Sublime Porte.

L’initiative ne plait pas aux Européens, mais ils ne font rien pour l’entraver.

Pendant pres de 1831 a 1841, il instaure un regime de reforme dans le pays.

Encourage par ses succes, il prepare une poursuite de sa campagne en direction de la Turquie, le coeur de l’empire, s’en est trop pour les nations europeennes qui passeront aux actes et le forceront a faire demi tour en Egypte.


 

Pourim katan de Hebron

(Tab de m.)

 

Octobre 1831, apres des annees de preparations meticuleuses Mohamed Ali, gouverneur d’Egypte passe a l’attaque.Le pouvoir ottoman souffre alors plus que jamais de sa mauvaise administration de la corruption et de l’incapacite de ses dirigeants a prendre en main les provinces de l’empire.

L’Egypte quant a elle connait depuis deux decades deja un formidable courant de reformes qui ont pour but de la transformer en un etat moderne, dote d’une administration efficace. Pour cela Mohamed Ali engage des instructeurs europeens charges de mener a bien cette mission.L’armee sera particulierement concernee par ses reformes.

L’Empire ottoman est encore designe comme le vieil homme malade, Mohamed Ali quant a lui est bien decider a l’achever. D’autant plus que le sultan de Constantinople,n’a pas tenu sa parole envers le gouverneur d’Egypte,en obtenant son aide lors de la revolte en Grece,et en refusant de realiser sa promesse et de lui confier la direction des provinces d’Eretz Israel et de Syrie.

Le commandement de l’armee egyptienne est confie a Ibrahim Pacha le fils adoptif du maitre des pyramides.Les villes du pays tombent les unes apres les autres entre ses mains l’opposition est pratiquement nulle.

En fait elle viendra s’organiser a partir de Akko(St Jean d’Acre)

La ville protegee par ses hautes murailles est pratiquement imprenable Bonaparte en avait fait le dur apprentissage a ses depends. Ibrahim pacha reussira la ou le premier consul echoua, le destin de Hebron vient a ce meme moment de se lier a celui de Akko. En effet la resistance a l’avance egyptienne a donc pour chef le gouverneur de la ville de Akko, Abdallah Pacha.Ce dernier, orphelin des son enfance a ete eleve par Rabbi Haim Farh’i de la celebre famille de banquiers originaire de Damas.Farh’i selon les visiteurs europeens qui visitent le pays a cette epoque, etait le veritable gestionnaire du pays. Grace a lui Akko devient une plaque tournante du commerce entre le levant et l’Europe.

C’est encore Haim Farh’i qui est responsable de la nomination d’Abdallah comme gouverneur de la ville.L’idee d’etre redevable a autrui n’est pas facilement acceptee par Abdallah le meilleur moyen de prouver qu’il peut aussi bien gouverner sans les conseils du vieux rabbin qui l’a accueilli jadis est tout simplement de le suprimer. Abdallah le petit orphelin d’hier enverra deux de ses hommes assassiner son bienfaiteur,le Rav HaimFarh’i sera etrangle puis son corps sera jete a la mer.

Depuis la puissante famille Farh’i de Damas ne connaitra pas de repos avant d’obtenir vengeance pour le crime particulierement odieux contre leur frere.

Cette vengance ils l’executeront en apportant tout leur soutien a Ibrahim Pacha l’egyptien.

Mai 1834 apres trois ans de pouvoir egyptien en Eretz Israel,eclate la revolte des falahs,qui refusent de s’engager dans l’armee d’Ibrahim Pacha. Ce dernier est surpris par l’audace des arabes de Hebron qui attaquent les troupes egyptiennes pres des piscines du roi Salomon au sud de Bet Lehem provoquant ainsi de nombreuses pertes en vies et en materiel. L’egyptien fou de rage est bien decide a faire payer a la ville de Hebron le prix de sa temerite.

La ville des patriarches a toutes les raisons de s’attendre au pire

Selon une premiere tradition la population juive pris la precaution de deposer dans une caverne a la sortie de la ville les rouleaux de la loi,ainsi que d’autres objets precieux pouvant exiter la convoitise des soldats. La communaute toute entiere comprend plus que jamais que son destin est maitenant entre les mains du Maitre du monde. Ils enverront une delegation aupres d’Ibrahim Pacha,pour lui demander d’epargner le ghetto pour demander un miracle en quelque sorte.

Ce miracle se realisera par la presence des freres Farh’i dans la camp egyptien le jour precisement ou la delegation venait d’etre annoncer.

L’intervention des banquiers de Damas aura donc ete l’instrument du miracle.Selon un tableau de pierre dispose a la synagogue Avraham Avinou, le 19 yiar de la meme annee les juifs de Hebron se devaient de feter un Pourim Katan (petit Pourim) egalement designe comme Pourim d’Ibrahim Pacha.

Cette tradition ne fait malheureusement pas l’unanimite.

Il semble bien que ce happy end se rapporte d’avantage a la legende qu’a la verite historique.Selon une premiere source, le pogrom n’aura pas ete evite, laissant derriere lui son lot de malheur habituel, femmes violentees vieillards assassines et rouleaux de la loi mis en pieces par la soldatesque.

Rabbi Israel de Shklov dans son livre « Peat A Choulh"an » affirme qu’a Hebron « …les juifs eurent a souffrir lors de la conquete de la ville plusieurs personnes trouverent la mort et des femmes furent souillees par les soldats … »

 Rabbi Menah’em de Kimenitz dans sa chronique « Korot a etim » rapporte lui aussi les memes actions ignobles qui selon lui avaient ete autorisees par le commandement egyptien pour une duree de six heures « seulement ».

Un visiteur grec de passage parle lui aussi des heures d’epouvantes et de detresse,selon lui cinq jeunes filles juives auraient payees de leur vies les quelques heures de relachement de discipline tolerees par le commandement egyptien.

Devant de telles sources d’information le travail de l’historien n’est pas simplifie,il se trouve a un carrefour de donnes sans pouvoir opter pour une direction precise. Peut etre faut il considerer cette difficulter d’interpretation comme la difficulte pour les juifs de Hebron eux memes a evaluer les evenements qui les toucherent de si pres.Les consequences auraient pu etre beaucoup plus terribles d’ou le souci pour certains de voir la un petit Pourim. Pour d’autres il faut retenir que ce jour la quelques uns parmi les juifs de la ville des patriarches payerent au prix de leur vie et de leur honneur la conquete egyptienne de Hebron.


 

LE RABBIN NOIR.

(Tab de m.)

 

Abdel Rahaman Issa Omar n’a rien d’un Daher El Omar.

Aine d’une famille de huit enfants du village de Doura, (situe sur le site biblique de Adouraim). Abdel Rah’aman, sera tour a tour, chef de bande, gouverneur de la région de Hebron, mais dans tous les cas de figure, exploiteur de la détresse des habitants du ghetto.

Menahem Chmouel Slonim nous le décrit comme un ignoble tyran, terrorisant les populations civiles sans défense: « Il avait l’habitude de se promener au marche de Hebron, un bâton a la main, a la vue d’un objet qui existait sa convoitise, il disait a son propriétaire, le bel objet que voilà”.

L’allusion était claire, et l’objet en question etait livre l’heure qui suit a son domicile. Si quelque fois, il croisait sur son chemin une personne portant un vêtement nouveau, il lui faisait remarquer qu’elle était indigne de porter un tel habit, a l’interpelle de retirer le vetement pour le remettre a l’ignoble.

La tradition juive le désigne sous le nom de « Rabin noir ».

Il semble que se soit les membres de la communaute de Habbad qui lui donne cette appellation. Toujours selon le témoignage des Slonim, Abdel Rah’man fit un jour irruption au domicile du Rav Levy Itshak Slonim. Ce dernier était en train de mettre de l’ordre dans le comité de la communauté des hassidei habad.

Sur la table l’argent de la Halouka (collecte effectuee dans les communautes de Diaspora), et les registres des comptes.

Je pourrais prendre tout l’argent que voilà, mais étant d’une nature honnête, je ne prendrais pas l’argent destine aux pauvres, je demande juste a recevoir ma part de la Halouka, vu que je suis responsable de votre sécurité”.

Depuis ce jour, nous dit Slonim, Abdel El Rah’man etait inscrit dans le registre de la communauté Habad de Hebron, sous le nom de Rav Hachah’or (le rabbin noir). L’historien Tsvi Ilan écrit que Abdel El Rah’man fut écarté du pouvoir durant l’occupation égyptienne.

Le témoignage des Slonim vient quelque peu nuance cette affirmation: « Lorsque Ibrahim Pacha (le fils adoptif de Mohamed Ali, gouverneur d’Egypte), prit possession de la ville, les soldats égyptiens eurent la permission trois jours durant de piller Hebron.

Les juifs essaieront de sauver leurs biens, en les cachant sous terre, dans les crevasses du ghetto, et se réfugièrent dans la cour du rabbin noir.

Seul Israel Yaffe était reste sur place, a cote de sa fille malade te incapable de se déplacer.

Sous la menace des soldats, ce dernier fut forcer de leur indiquer l’emplacement des biens caches.

Israel Yaffe s’en alla ensuite rapporter l’affaire au Rav Yosef Chmerling, consul autrichien a Hebron, qui entretenait de bonnes relations avec le rabbin Noir …

Abdel El Rah’ man, après avoir refusé à trois reprises d’intervenir, fini par se laisser fléchir, et s’adresse au commandement de la troupe, tous les effets furent rendus à leur propriétaire le jour même. »

Des soldats égyptiens furent même désigner pour monter la garde devant le quartier juif. Le témoignage de visiteurs chrétiens nous proposeune version plus terrible, selon eux, le quartier juif fut saccagé entièrement.

Le voyageur J.D Paxton écrit en 1839: « Il y a quelques années, lorsque Ibrahim Pacha pris possession de Hébron, ces soldats commirent des atrocités contre les juifs.

Ils pillèrent maison par maison, saccagèrent la synagogue, brisant et détruisant, en pensant trouver les objets précieux que les juifs auraient cachés, et déchirèrent les rouleaux de la loi, et commirent encore d’autres abominations. » (letters on Palestine and Egypt Lexinton Ky 1839).

Aux dires de Shmouel Slonim, le Rabbin Noir, tout indésirable qu’il était fini par devenir un personnage familier. A son retour de voyage, quelle ne fut pas la surprise de Lévy Itshak Slonim, en voyant Abdel El Rah’man parmi le comité d’accueil. Dans les bagages du rabbin, deux objets devaient provoquer l’intérêt du Cheikh.Un splendide samovar en cuivre étincelant, fut immediatement “sacrifie”, et un bracelet montre qui aurait du connaitre un sort semblable a celui du samovar. Mais cette fois ci, le rabbin n’était pas disposé à concéder. « Cheikh Abdel Rah’man, prend garde à toi, cet objet est la création des démons, porte le à ton oreille et écoute”.

Intrigué par le tic tac de la montre, qui selon les explications du rabbin, n’etaient rien d’autres que les cognements d’un mauvais genie prisonier a l’interieur du boitier, l’arabe s’empressa de reposer l’objet de sa convoitise, quitta les lieux sur le champ. Depuis ce jour, à chacune de ses visites, il prenait soin de demander d’abord si le mauvais genie etait encore prisonnier dans sa boite.

Cette dernière anecdote ne doit pas nous induire en erreur sur la personnalité d’Abdel Rah’man, un être cupide et violent, ne respectant jamais la parole donnée, voleur de native, et criminel à l’occasion.

Un autre trait de caractère du Cheikh de Doura, tiendra dans l’usage cynique qu’il fera de son controle de la caverne de Makhpéla.

Un touriste anglais agressé par l’un de ses frères, décida de se plaindre au gouverneur de Jérusalem. Le Rabbin noir effaré essaye (en vain) de convaincre la victime d’annuler sa deposition, pour cela, il promet de permettre a l’avenir le libre acces du lieu saint a tous les visiteurs anglais de passage.

La même année le médecin juif de Jérusalem, docteur Frankel, obtient lui aussi le droite de visiter le tombeau des patriarches en remerciement des soins médicaux prodigués sur la personne du Cheikh..

Impuissant devant Abdel Rah’man, le pouvoir ottoman essaie de s’en faire un allié, en lui confiant le contrôle d’une région qu’il dirige de facto, en esperant de la sorte eveiller en lui un soupcon de loyaute envers la Porte.

Peine perdu, le Cheikh de Doura est le spécialiste du volte face. Lorsque les turcs exasperes parviendront a se saisir de sa personne lui, il parviendra encore a leur fausser compagnie.

Deux interventions extérieures tenteront de mettre un terme aux activités de ce nuisible personnage. La première du consul britannique à Jérusalem James Flinn. A la lecture des comptes rendus de ce dernier, nous apprenons qu’en août 1850, le diplomate anglais se rend lui-même à Hébron pour s’informer de la situation des juifs. “Abdel El Rah’man “écrit-il, “soutire aux juifs la somme mensuel de 100 piastres, pour la protection qu’il est sensé leur assurer.”

Flinn se rend une seconde fois à Hébron, accompagné cette fois d’une troupe armée (des soldats turcs mis à sa disposition). A Hébron, les juifs terrorisés refusent de porter plainte contre leur « protecteur », Flinn, qui n’est pas dupe à ce manège, continuera de faire pression sur les turcs pour neutraliser le bandit.

Dans son journal, il écrit: « Mes pauvres et malheureux juifs… les enfants d’Abraham, Isaac et Jacob, les martyrs de la caverne de Makhpéla, étaient terrorisés. Leurs visages décolorés par la peur… Ils suivaient chacun de mes pas, chacun de mes mouvements, tant ils craignaient les mauvaises surprises que leur réservait ce tyran ».

En 1855, les turcs décident une fois pour toute d’en finir avec Abdel El Rah’man, la tête du rebel est mise à prix à 25000 piastres.

Montéfiore et sa femme sont alors en visite à Hébron, c’est leur quatrième séjour en terre sainte. Judith Montéfiori apprend que deux femmes musulmanes désirent lui parler. Il s’agissait de la femme et de la sœur d’Abdel El Rah’man, ces dernières se jettent aux pieds de la lady et implorent la grâce pour leur parent qui venait d’etre arrete. L’entretien dure une heure et demi. Judith Montefiori écoute en silence. Les musulmanes supplient elles promettent et jurent que dorénavant sera différent pour les juifs, si elle et son mari interviennent en faveur de leur bandit de parent.

Dans son journal, la femme du célèbre philanthrope écrit: « Je leur demandai de quitter maintenant les lieux au plus vite, faute de quoi je me verrai dans l’obligation de signaler leur presence aux soldats qui nous escortent …

En 1858, le vieux brigand est de retour, décide une fois de plus de ruser avec les turcs. Ce n’est qu’en 1863, que ces derniers l’enverront en exil, à l’île de Rhodes pour le laisser mourir dans sa cellule quelques temps plus tard.

Abdel El Rah’man Issa Omar de Doura aura près de 30 ans durant terrorisé la ville de Hébron et sa région.

La communaute de H’abad qu’il avait lachement exploitee, ne devait pas regretter outre mesure sa disparition. La ville de Hebron inscrivait en ces jours l’un des plus beaux chapitres de son histoire avec la venue des hassidim du mouvement H’abad.

HEBRON HABAD

(Tab de m.)

 

« Ceux qui craignent Dieu devraient manifester leur bienveillace et leur amour envers le site des Patriarches de tout leur coeur et de toute leur ame en renforcant la presence de nos freres en ces lieux ancestraux.

Ainsi nous beneficierons des vertus sacrees de nos Peres et nos prieres atteidront chaque jour les hauteurs celestes en passant par la caverne de la Makhpela,le lieu de repos de nos ancetres,et nous serons combles de nombreuses benedictions et d’une longue vie ». C’est en ces termes que le Rabbi des H’assidim de H’abad encourageait ses disciples venus s’installer a Hebron sur ses recomandations, en1882.

A quel moment s'organise la communaute des hassidim de Habad a Hebron?

Les reponses varient selon les sources. Faut il encore se mettre d'accord sur les termes "commencer". Nous savons selon les dires du Rabbi menahem Shnerson qu'en 1816 un h'assid du nom de chimon Chmerling visite la ville pour y acheter des terres qui serviront l'installation de familles.

Les premieres familles arriveront de Galilee, plus precisemment des villes de Safed et Tiberiade. Les Hassidim de Habad desirant rester a l'ecart de la polemique qui oppose Hassidim et Mitnagdim (adversaires du mouvement du Baal Chem Tov). A ce titre, Hebron represente un terrain neutre ou la seule communaute juive representee etait sepharade. Selon le livre "Bet Harabi", en 1823 un second groupe vient s'installer en ville, a sa tete le Rav Menache Haykin, et cela, sur la recommandation du Admour Haemtsai.

Ils viennent renforcer les quelques quinze familles que l'on signalent en 1819.

Parmi les nouveaux venus de l'annee 1823, la fille du Admour Ahemtsai (le deuxieme rabbi de la dynastie), la rabbanite Menouh'a Rah'el de memoire benie.

Elle habitera plus de 50 ans durant a Hebron, laissant derriere elle le souvenir d'une femme infatigable dans ses actions de bienfaisance. Sa reputation avait d'ailleurs largement depassee le cadre de la communaute juive.

Plus personne ne s'etonnait de voir les femmes musulmanes se presser au seuil de sa maison pour demander de l'aide un conseil ou simplement une benediction de la bouche de la rabbanite.

La piece minuscule ou elle aimait se recueillir dans le quartier Abraham Avinou est devenu aujourd'hui un lieu de priere pour les juifs de Hebron, ils honorent sa memoire, par l'implantation d'un Kollel (cerle d’etudes religieuses).

La nouvelle communaute va rapidement devenir l'objet de persecutions de la part des arabes de la ville. Ils etaient europeens donc riches aux yeux des musulmans de la ville des Peres, qui vivaient dans un etat de denuement extreme.Non pas que la situation des sepharades etait au beau fixe,leur detresse n’etait un secret pour personne, mais l’habitude faisant, une sorte d’acceptation du sort etait nee. Ces derniers faisaient neanmoins partie du paysage emotionnel des arabes, alors que les disciples du Baal Chem Tov avec leurs etranges redingotes, leurs etaient totalement etrangers.

L'arrivee des juifs europeens, devait surtout exciter la convoitise des sheikh de la region. De par sa situation geographique, Hebron etait a l’ecart de la zone d'influence effective des consulats europeens, qui etendaient leur protection sur les minorites non musulmanes du pays.

Les juifs de Hebron, en general, et les Hassidim de Habad en particulier, eurent a souffrir de la terreur qu'instaura le cheikh Abdoul rakhman du village de Dora. Il sera surnomme le (harav Hashakhor).

Les pressions exercees par le rabbin Noir eurent pour consequence immediate, de rapprocher les deux communautes, ashkenaze et sepharade.

 

 

 

 

Des 1830, un premier accord de collaboration entre les deux groupes est signe.

Il est, en autre, question d'une repartition des fonds de la khalouka, le soutien financier, que les juifs de l'etranger faisaient regulierement parvenir a leurs freres d'Erets Israel. Un autre aspect de cette collaboration sera l'envoi de Chadarim, emissaires d’Erets Israel, charges de collecter des fonds pour … Hebron et non pas pour leur communaute respective. Ainsi, nous verrons des delegues ashkenazes dans les communautes de la diaspora sepharade, et vice versa. Des emissaires Habad arriverent ainsi jusqu'a Bombay pour recevoir d'importantes sommes d'argent de la prestigieuse famille Sassonne, surnommes les Rothschild de l'Orient.

En 1835 Rabbi Nathan Amram est designe comme chadar (emissaire special) par les deux communautes. Dans ses lettres de recommandation pour les communautes de la Diaspora, il ne manque pas de mentionner les terribles epreuves de 1834, annee ou le gouverneur d’Egypte,Mohamed Ali apres avoir leve l’etendard de la revolte contre le Sultan de Constantinople, reprime dans un bain de sang la revolte des fellah arabes... Durant les premieres annees, la communaute Habad est dirigee par un “Memoune be ir ha Kodesh Hevron” (prepose a la ville sainte de Hebron).

Par la suite, le Rav Shimeon Menache Haykin, au debut des annees soixante recoit le titre de Av Beth Din (responsible du tribunal religieux )et Parnass (administrateur) jusqu’en 1892. Il sera pareillement le Rosh Yeshiva de la yeshiva Habad sur place, accumulant aussi les charges de responsable de la Hevrat Hah’nassat Kala et Gabai bikour holim (deux organisations d’entre aide chargees respectivement de fournir une dote aux jeunes filles necessiteuses, et un soutien moral et materiel aux malades de la communaute). Toutes ces charges ne l’empecherent pas d’etre aussi le chantre durant les jours de fetes.

Le Rabbi de l’epoque, (le Tsemah’ Tsedek), l’avait surnomme Chimeon Menache Atsadik Cheli. Le rav Dov Baer Efrat devait lui succeder a la tete des hassidim de Hebron. Cela malgre l’opposition du Admour Chalom Dov Baer.

Tout en reconnaissant sa grande erudition thoranique, le Rabbi avait des doutes quant a ses aptitudes a gerer les problemes de la communaute.

Au sein de ses opposants, principalement de la famille Slonim, on le designait comme “Gadol Bathora ou Baderekh Eretz” (grand dans la thora, et d’une conduite exemplaire). A Jerusalem ou il se retire, on le verra reconcilier h’assidim et mitnagdim a la mort de Rabbi Chmouel Salant.

Son successeur sera le Rav Chlomo Yehouda Lev Eliozorov, disciple du Rav Haykin et du …Rav Mani.

En 1852, le Rav Chneour Zalman ben Menahem Mendel est designe pour une mission de colectes de fonds en Orient. On le verra dans differents pays arabes et plus tard a Bombay. Ce rabbin Ashkenaze vetu a l’oriental fera tres forte impression aupres de David Sassone, la famille Sassone d’origine Irakienne, detenait on s’en souvient, un veritable empire economique en Orient.

Empire qui reposait entre autre sur la banque familiale de reputation internationale. David Sassone financera ainsi la construction de deux synagogues Habad a Hebron, une synagogue supplementaire pour les visiteurs et un nouveau bain rituel dans la ville des peres. En 1912 le cinquieme rabbi de Loubavitch,le rav Chalom Beer Sheerson, rachete a la communaute sepharade le bel edifice de Bet Romano. Romano riche negociant de Turquie avait choisi de s’installer a Hebron trente trois ans plus tot. Les hassidim de H’abad vont inaugurer a Bet Romano la nouvelle Yeshiva ‘’TORAT EMET’’ qui etait alors la plus grande yechiva du mouvement Loubavitch dans le pays.

Le Rav Yaacov Yossef Slonim sera le dernier Rabbin Habad de la ville, avant les emeutes tragiques de 1929.

Sepharadim et ashkenazim et h’assidim egalement seront les victimes du pogrom de 1929, parmi elles, Eliezer Slonim (le fils du rav Yaacov Yosef), sa femme et son fils. Au lendemain de la guerre des six jours,parmi les premiers habitants de Keriat Arba se trouvaient de nouveau quelques familles Habad parmi elles, le peintre Nah’shon qui unit dans ses tableaux le portrait du Rabbi et les paysages de Hebron.

Dernierement c’est le richisisme Gutnik d’Australie,lui aussi Hassid Habad, qui apporte un soutien financier appreciable aux juifs de la ville.

La venue de hassidim a Hebron ne se limitait pas seulement a une augmentation numerique de la presence juive en ces lieux (chose importante en soi). Les nouveaux venus apportaient avec eux l’atmosphere et la chaleur du royaume hassidique, la force de chanter jusqu’a l’extase meme et surtout peut etre devant l’adversite. La nouvelle communaute comptait parmi ses membres des personnes exceptionelles comme par exemple… Moshe Meizlitch.

Lespion du Rabbi chez Lempereur prend sa retraite aHebron

(Tab de m.)

 

 

Hebron, Tou Bi Chvat de l’annee 1838, plus de vingt ans se sont ecoules depuis la debacle de Napoleon. Le docteur Levy, secretaire de Moshe Montefiori se retrouve dans la ville des Patriarches pour y dresser un tableau demographique de la population juive.Un recencement, qui permettra a son philantrope patron, de mieux orienter son soutien financier aux juifs de l’endroit.

L’envoye des Montefiori vient de faire la connaissance de rabbi Moshe Meizlitch, un membre de la communaute Habad de la ville, les deux hommes sympatisent et voila que leur conversation tourne maintenant sur les consequences des guerres napoleonienes.

« De nombreuses traditions circulent au sujet de Napoleon, son attitude vis avis des juifs. Les initiatives de l’empereur pour regulariser la situation des juifs en Europe vont contribuer a la naissance de toutes sortes de rumeurs plus ou moins fondees au niveau historique » Moshe Meizlish ecoutait avec interet les paroles de son interlocuteur, qui encourage, poursuivait sur le meme

ton: « Deja lors de sa campagne d’Italie le jeune Bonaparte reussit a provoquer l’entousiasme des juifs Italiens soumis encore a la dure et humiliante loi des ghettos.

Le journal personel d’un juif d’Ancone, nous decrit de maniere saisissante l’opinion des juifs italiens vis a vis de celui qui allait boulverser l’Europe.

‘’Puis vint le mercredi 12 chevat 5557- le 8 fevrier 1797…Mais avant de rapporter les evenements de cette journee, il faut nous dire que les francais sont animes des meilleurs sentiments a l’egard des juifs… dans les pays qu’ils conquierent,ils accordent aux juifs grandeur et puissance,et ils rabaissent la descendance d’Edom…et celui qui est leur general en chef et qui se nomme Bonaparte, c’est a dire la bonne part, c’est en realite un homme de bien qui porte le plus grand amour aux enfants d’Israel.’ » Cet enthousiasme prendra, comme cela arrive bien souvent en Israel des dimensions theologiques,et toujours en feuilletant le journal de notre juif italien nous lisons: C’est la me semble –t-il, ce que voulait dire le prophete Ovadia,au verset VETSIR BAGOYIM CHOULAH ‘(Ovadia 1 ;1),le mot VETSIR est selon moi l’accrostiche de l’expression Ve Tsarfatim Yachpilou Romyim ( et les Francais humilieront les Italiens » La conversation ou plutot le monologue se deroulait en francais, le docteur Levy etait visiblement un homme bien informe, ce n’etait pas pour rien que l’on louait ses services chez les Montefiori, et notre docteur de

poursuivre: « La campagne de Bonaparte en terre sainte sera de nouveau l’occasion d’evoquer les relations entre le grand stratege et notre peuple.

Le corse ne verra pas Hebron ni meme Jerusalem, de passage a Jaffa sur la route de saint Jean d’Acre, il rencontre un notable juif de Jaffa, le senior Azriel. Le fougueux general questionne sur l’avenir du pays, son potentiel. Le notable juif lui aurait repondu que c’est la une terre splendide, mais fort mal administree, les turcs n’ont rien fait pour la mettre en valeur’’

« Et vous,que feriez-vous donc pour faire prosperer ce pays? : »

-Une seule chose, remettre son administration aux juifs, aurait repondu Azrieli sans l’ombre d’une hesitation, en leur permettant de gouverner les musulmans. Nous construirions des routes et protegerons les caravanes ;nous etablirons des contacts commerciaux avec les juifs de Livourne, d’Angleterre et de Hollande.Le commerce international entre l’Orient et l’Occident aurait tout a y gagner.Entre nos mains les quatre grands ports de Syrie seraient des ports libres. Je ne sais pas s’il est possible de lier les deux evenements, dit Eliezer Levy « …mais le fait est qu’un mois plus tard Bonaparte publiait son appel a la nation juive, l’invitant a se mobiliser sous sa baniere afin de liberer sa patrie historique.Les declarations de ce genre provenant d’homme d’etat sont certes rarement desinteresser, Mais je pense que le veritable interet de cette histoire est que pour la premiere fois depuis bien longtemps, un homme d’etat (promis a la carriere que l’on sait) venait de lier l’avenir de la terre d’Israel avec celui du peuple juif …».

Le docteur Levy faisait reference a l’appel publie le 22 Mai 1799 dans le « Moniteur Universel » et avait pour titre « Aux legitimes heritiers de la terre d"Israel »

Bonaparte allait bientot constater l’efficacite des « legitimes heritiers de la terre d"Israel » en la personne de Rabbi Haim Farh’i a St Jean d’Acre.

Ce dernier etait, selon le temoignage des voyageurs europeens qui visitent le pays a cette epoque, le veritable maitre du pays, assurant avec une efficacite hors du commun la gestion de la ville de Akko (St jean d’Acre) en temps de paix comme en temps de guerre. A ce propos Bonaparte l’apprendra a ses depends.

Napoleon etait en effet loin de suciter l’unanimite parmi les juifs de sa generation, pour beaucoup Il s’agissait seulement d’un dangereux agitateur qu’il fallait neutraliser au plus vite.Rabbi Haim Farh’i etait de ceux la, c’est donc lui qui organisera la defense de Akko arretant ainsi la progression francaise en terre sainte. Une autre personne suivait avec inquietude les progres de la revolution francaise, Rabbi Zalman de Liady le fondateur de la H’assidout H’abad. Les premieres victoires Napoleonienes ne faisait que rapprocher du grand duel qu’allaient se livrer l’Empereur des francais avec le Tsar de toutes les Russies.Certains rabbins n’hesitaient pas a parler en terme de Gog et Magog.. Fallait-il ou non prier pour la victoire de la France? La position des juifs variait d’un pays a l’autre, quelques fois d’une communaute a une autre a l’interieur d’une meme region le monde Hassidique lui meme etait partage.L’opinion de Rabbi Zalman n’etait pas facile a accepter,dans une de ses lettres il ecrivait: « Le premier jour de Rosh a chana, un peu avant la priere de Moussaf, j"ai eu la revelation que si Bonaparte l"emportait, le peuple d"Israel en retirerait richesse et puissance.

Mais il connaitrait de ce fait la division et leur coeur s’eloignerait de leur Pere celeste.. Si par contre le Tsar l’emportait, la pauvrete et l’humliation d’Israel iraient en grandissant,mais leur coeur se rapprocherait et s’unirait a leur Pere celeste.. » Fort de cette revelation le fondateur du mouvement Habad allait maintenant tout mettre en oeuvre pour faire echouer le programme du Francais, jusqua introduire un espion dans l’entourage immediat de l’empereur.

L’opposition de Rabbi Zalman a Napoleon, n’etait un secret pour personne, mais peu de gens connaissaient l’histoire de l’espion du Rabbi chez l’empereur. Une personne bien informee comme le secretaire de Montefiori n’avait jamais entendu parler d’une telle aventure, et lorsqu’il se risqua de questioner son interlocuteur sur l’identite de cet espion,il recu la reponse suivante: « Moshe Meizlitch, pour vous servir ».

_ « Vous avez espionner Napoleon au profit du Tsar »?

_ « Au profit du Rabbi », corrigea le Hassid - Habad visiblement amuse de la stupefaction de son interlocuteur.

Moshe Meizlitch est ne en Lithuanie, bastion de l’opposition au Hassidisme, au point qu’aujourd’hui encore le terme de « lithuanien » dans le monde de la Thora signifie encore anti- hassidisme. En ce temps la, c’est le gaon de Vilna qui qui sert de reference a tous les ennemis des disciples du Baal Chem tov. La Hassidoute de Habad aurait essayer semble –t- il de jeter

un pont de reconciliation entre les deux rives. Aujourd’hui encore nous avons du mal a comprendre les raisons profondes de cet affrontement. Une chose est sure en tout cas, des deux cotes on essayait de precher le rapprochement, mais les passions etaient encore trop presentes pour que ces efforts aboutissent a quelque resultat. Moshe Meizlitch faisait sans doute parti de ces quelques inities capables de surmonter le dechainememt des passions, et deplorer le fait que deux geants de la Thora ne parviennent a se rencontrer a precher l’union d’Israel dans le respect de l’identite religieuse de chacun.

Moshe ne se contentait pas de pieuses pensees dans ce domaine, car tout en etant un disciple proche du Gaone de Vilna, pendant plus de vingt ans, notre homme s’en ira en secret etancher sa soif de savoir egalement aupres de Rabbi Chneour Zalman. Celui que le gaone refusait toujours de rencontrer.

Durant cette longue periode Moshe se sentait dechirer devant l’impossibilite de vivre au grand jour sa double fidelite a la Thora du Gaone et a la Hassidoute de l’autre

De la bouche du Maitre de Vilna il avait une fois entendu que les 613 mitsvot etaient evoquer en allusion dans le poeme biblique de: Chirat Aazinou, ce qui le decidera a mettre par ecrit les paroles de son maitre, dans un livre redige a cette intention.

A la mort du Gaone Reb Moshe decide d’afficher son identification a la Hassidoute, il devient rapidement un des disciples favori du Rabbi.Cette confiance dont il jouissait, allait bientot le projeter au premier rang de la scene internationale, ou plus excatement derriere ses coulisses.

L’antagonisme entre mitnagdim et hassidim continuait de devorer les communautes d’Europe de l’Est, Reb Moshe se retrouva a deux reprises en prison a la suite de denonciation, si bien qu’il opta pour la solution du depart. Le voila en 1803 a Francfort avec pour seule fortune une lettre de recommandation du Rabbi.

La bas il monte un commerce de bois qui fructifie assez rapidement, dans le cadre de ses affaires, il apprend le francais au cours de ses deplacements.

Devant le manque d’information precise nous nous permettons de supposer que Reb Moshe devient un fournisseur pour les armees en guerre, dans cette Europe dechiree par les conflits napoleoniens. Tout ce temps durant il garde le contact avec son maitre Rabbi chneour Zalman, et le tient au courant de tous les changements qui survienne dans sa vie privee comme dans l’actualite internationale.

C’est alors qu’il recoit probablement l’ordre de s’introduire dans le cercle des conseillers de l’empereur. La encore les details nous manquent,bien des annees plus tard a Hebron, dans une lettre autobiographique il ecrivait: « … du fait de la bonne reputation dont je beneficiais aupres du Createur et aux yeux des hommes,je fus appele a la residence royale, le jour ou le tsar se trouvait a Vilna,les premiers de la guerre avec Napoleon. Il m"ordonna d"agir selon ce que je jugerai bon de faire pour me lier avec Bonaparte. Il me fallait gagner sa confiance,et minformer de ses programmes de deplacement et de ses plans offensifs.Il (le tsar) ajouta encore beaucoup de details qui n"ont pas leur place dans cette lettre. … En ce qui me concerne je reussi a deux reprises a ma trouver tete a tete avec l"empereur,aux moments des combats.Il m"a confie une lettre que je devais remettre a son armee encerclee a Dantzig,en me demandant de lui faire parvenir reponse au plus vite. C"est ce que j"ai fait a deux reprises d"ailleurs, mais entretemps le tsar prenait connaissance des missives. »

L’historien Aaron Marcus dans son livre « Der Chassidismus » rajoute quelques details interessants: ’’…Moshe Meizlitch se presenta un soir dans la tente qui servait de quartier general porteur d’un important message, et fut introduit sous la tente ou se trouvait Napoleon.Celui ci etait plonge dans l’etude d’une carte d’etat major parsemee de pointes jaunes et bleues.L’empereur tout a ses preparatifs ne s’apercut pas de la presence de Meizlitch a l’entree de la tente, lui laissant ainsi tout le loisir de noter les details de la carte qu’il dressait.

Alors que voulant retenir un nom precis Rabbi Moche gravit un trait sur le pommeau de sa canne Napoleon soudain s’avisa de sa presence. Quelque rapide qu’eut ete Meizlitch,son geste n’avait pas echappe aux yeux d’aigles de l’empereur.Il sauta d’un bon sur l’intrus et posa la main sur son coeur pour y deceler quelques signes d’emotion et l’aveu d’une trahison. De son cote le Hassid resta d’une immobilite de pierre. Tu merites que l’on te fusille mais ce serait dommage pour un homme de ta trempe, pars et ne reviens jamais ici »

Selon une autre version autorisee dans les milieux Habad, Napoleon aurait propose a reb Moshe de passer a son service,au service de la France

Sur de sa victoire l’empereur aurait ajouter: Aucune importance que les Russes sachent donc ce que nous faisions, je les aurais bientot soumis. »

Recevant la vie en cadeau Moshe Meizlitch devait reste quelques temps encore en Europe, il eut ainsi le temps de se lier avec l’heritier du Rabbi de Loubavitch celui que les Hassidim appellent le Admor A Emtsayi (qui est en fait le second rabbi de la lignee ), sur son son conseil prit la decision de se rendre en Eretz Israel renforcer la petite communaute Habad qui se montait a Hebron,en 1816.

Il declina aussi l’allocation que lui proposait le tsar pour les services rendus a la nation russe. C’est donc ainsi que l’espion du Rabbi chez Napoleon prit sa retaite a Hebron, apres avoir eu la satisfaction de pouvoir dire: « Mission accomplie » a son envoyeur. Le docteur Levy prit conge de son hote, encore etourdi par le recit des aventures du vieil. Mal lui en prit, car la communaute Habad de Hebron comptait encore quelques enfants terribles, et l’envoye des Montefiori aurait droit a une autre histoire a vous couper le souffle.

 

HAIM TSVI SCHNERSON,

(Tab de m.)

 

Haim Tsvi Schnerson est l’arriere petit fils du Rav Zalman de Liady, le fondateur de la Hassidout H’abad.

L’historien Avraham Riveline, le qualifie d’ “homme de Hebron et de Jerusalem”.

Doue d’une prodigieuse facilite pour les langues, il sera plus d’une fois designe comme emissaire special d’Ertez Israel pour les communautes de diaspora.

On le retrouve ainsi en Perse, et aux Indes, en Australie, aux Etats Unis et en Afrique du Sud. Haim Tsvi Schnerson aura ete la premiere et probablement la seule personne du Ychouv Hayachan, a avoir ete recu en audience privee par un president des Etats Unis, en l’occurrence de General Grant.Chef des forces Nordistes durant la guerre de secession. Ulysse Grant fut president des etats Unis huit ans durant, de 1868 a 1876. Haim Schnerson a dix ans, lorsque ses parents arrivent en Eretz Israel au milieu des annees 40 du 19 eme siecle, (nous savons qu’un groupe de familles arrive en 1845 ou a sa tete le Rav Yaacov Schnerson).

Hebron est leur premiere destination, apres quelques annees, la famille s’installe a Jerusalem. Malgre son jeune age, il n’a pas encore vingt ans, on l’envoie comme chadar (emmissaire) en Egypte et en Syrie. Cette premiere entreprise ayant ete couronnee de succes, il est rapidement designe pour des missions plus perilleuses. Nous le retrouvons en 1861 en Australie, ou il sejournera a de reprises. L’argent recueilli, servira a la construction d’habitations a Jerusalem, les fameux “Batei Amahassei “, au quartier juif de Jerusalem.

Schnerson profite de sa presence dans les differentes communautes pour exposer ses idees sur la prochaine delivrance d’Israel. Selon lui, la delivrance est directement fonction de l’enthousiasme dont les juifs feront preuve pour retourner sur leur terre et en prendre possession.

Il trouve une oreille attentive dans les milieux chretiens, plus exactement dans les milieux protestants proches de la Bible qui relient eux aussi la redemption finale au retour d’Israel sur sa terre. Son aspect exerieur avait de quoi impressionner ses auditeurs, vetu d’un caftan de soie richement decore, et coiffe d’un turban a l’oriental, il etait passe maitre en la matiere s’adresser aux foules qui se deplacaient pour entendre ses idees revolutionnaires pour l’epoque. En Australie, il rencontre un autre emissaire legendaire, le Rav Yaacov Sapir, auteur du livre “Even Saphir”. La communication entre les deux hommes n’est pas bonne, ils se porteront reciproquement de graves accusations. De retour a Jerusalem, il prepare deja un prochain voyage en Roumanie ou il sera temoin de la violence exercee contre la population juive.

De nouveau a Jerusalem, il s’exprime tout haut pour la promotion du travail hebreu, travail ade la terre cela va sans dire, tel qu’il se pratique deja dans ces nouvelles colonies. Ses paroles ne plaisent pas a tout le monde, ses paroles provoquent des eclats de voix aTiberiade par exemple. Notre homme ne s’en emeut pas outre mesure. Nous le voyons maintenant en Angleterre pour creer un commite de soutien a ses entreprises, sommes en 1868.

La chance ne lui sourit pas specialement, il poursuit cependant sa route vers les Etats Unis. Des 1869, Schnerson sillonne le pays, vetu a l’oriental, s’exprimant dans un anglais parfait, continant de diffuser ses idees sur la redemption d’un peuple qui est tombe amoureux de sa condition d’exile.

Juifs et chretiens l’ecoutent avec le plus grand respect, on le recoit comme un ambassadeur d’Eretz Israel. En arrivant a Washington, il entreprend une serie de demarches pour le rappel du consul americain a Jerusalem.

Ce dernier avait en effet soutenu l’activite de missionaires, responsables du depart d’une jeune fille juive de quatorze ans du foyer familial.

Il sera recu par le ministre des affaire etrangeres. Le president des Etats Unis d’Amerique demande a le rencontrer.

Haim Tsvi Schnerson, arriere petit fils du fondateur de Habad prononce la benediction traditionnelle en presence d’un roi ou d’un chef d’etat. Il expose ensuite ses griefs contre le consul a Jerusalem. Grant ecoute, il s’engage a etudier personnellement le dossier, quelques mois plus tard un nouveau consul americain prend ses fonction a Jerusalem.

Ce voyageur infatigable est appercu en 1874 a Tiberiade ou il a monte une «Agouda le ityachvout H’aklayit (un comite d’installation agricole).

Cette fois ci, les choses tournent mal, ses opposants decident de passer aux actes. Il sera violement agresse. Son domicile saccage. Ses adversaires sont resolus de lui donner une lecon qu’il ne sera pas pret d’oublier.

Apres l’avoir roue de coups ils le deshabillerent en public, on l’attacherent nu comme au jour de sa naissance sur le dos d’un ane, il sera de la sorte promener dans les rues de la ville. On pousse la cruaute a expliquer aux non juifs de Tiberiade que cet homme est fou, qu’il se prend pour le messie, et desire racheter progressivement toute la terre d’Israel pour y reinstaller les juifs de diaspora. Beneficiant dorenavant de la citoyennete americaine, il essaiera a plusieurs reprises, mais sans succes, de poursuivre ses agresseurs en justice, essayant de mobiliser l’ambassadeur americain a Beyrout, mais sans succes.

En 1882, il entreprend son dernier voyage, destination l’Afrique du Sud.

Quelques jours apres son arrivee, il tombe malade, maladie dont il ne se relevera pas. C’est a Cap Town que repose cet enfant terrible de la petite communaute Habad de Hebron, mort d’avoir voulu mettre un terme premature

au joug des nations. La redemption elle continuait de se rapprocher, pour celui qui savait ecouter. La presence turque en la terre d’Israel touchait a sa fin.


 

LE RAV ELIAOU MANI

(Tab de m.)

 

NE A Bagdad en 1818, le Rav Mani, eleve

d’une des plus hautes figures du judaisme irakien, le Rav Abdallah Sommer, va des son plus jeune age s’affirme comme une autorite dans le monde de l’etude.

Tres vite, le jeune prodige s’adonne a l’etude de la Kabbala ce qui influencera considerablement son mode de vie.

Le Rav Mani, aura plus d’une fois l’occasion de prouver ses talents d’organisateur, en proposant des reponses aux problemes des communautes qu’il dirige. En effet le Rav Mani excelle dans l’art de mobiliser des fonds pour la realisation de ses nombreux projets, sans inflechir pour autant les principes fixes dans sa jeunesse.

Le Rav dort sur une natte de paille tressee, avec une pierre plate pour oreiller, lorsqu’il termine un des nombreux jeunes qu’il s’impose, c’est pour boire un maigre bouillon qu’on lui a prepare.

En 1856, il annonce a ses proches sa decision de se rendre en Eretz Israel, apres de long mois de preparation, il rejoint une caravane de commercants arabe qui se rend a Damas.

Le voyage s’effectue a dos de chameau. Le Rav Mani est accompagne de sa femme Samara, et de ses trois fils, Soliman, Chalom, et Baroukh.

Le rabbin previent les convoyeurs de la caravane que le chabbat il s’abstiendra de voyager, et plantera sa tente pour honorer le septieme jour. La caravane de son cote ralentira le rythme pour lui permettre de reintegrer le convoi le jour suivant.

Trois mois plus tard, les voila a Jerusalem.Les rabbanim de la yechiva de Bet-El l’invitent a les rejoindre,en commantant sa venue ils diront: ”Un lion est monte de Bavel”. Deux apres des problemes de sante l’obligent a quitter la capitale pour Hebron. Le Rav Mani s’efforce des son arrivee, d’ameliorer les relations avec la population arabe de la ville. Il aura tot fait de mettre en pratique ce souhait, lors de l’epidemie de Cholera qui frappe la ville en 1860.Le Rav Mani montre alors ses qualites d’organisateur au cours des operations de secours portes a la population atteinte. Chlihei Mitsva enam nizokim (ceux qui s’en vont realiser une mitsva ne sont pas atteint par l’adversite) dira-t-il aux jeunes qu’il mobilise pour cette entreprise. Sur son appel, les amis fortunes de Diaspora, font parvenir d’importantes sommes d’argent et quantite de colis alimentaires, ainsi que des medicaments pour Hebron.Juifs et arabes en beneficieront sans distinction.

Fort de ce premier succes, il lance un appel aux communautes d’Irak et d’Afrique du Nord pour encourager l’Alya et plus precisement l’Alya a Hebron.

Son appel sera entendu, et plusieurs familles viennent le rejoindre dans la ville des Peres. Parmi les nombreuses realisations a l’actif du Rav Mani, citons la construction d’une grande bibliotheque en souvenir du H’ida, pour cela, il contacte les riches commercants irakiens installes aux Indes.Pour faire face a l’augmentation de la population juive, il fait construire un nouveau Beit Hamidrach dans la ville. Toutes les activites publiques du Rav Mani ne se deroulent pas au grand jour.

En ce temps, arrive a Jerusalem le Rav Akiva, Yosef Chlezinguer, figure tragique de l’ancien Yichouv, marque par les affronts et les humiliations de ses opposants. En avance sur son epoque, Le Rav Chlezinguer reve de colonisation du pays. Deux etapes a son programme, dans un premier temps racheter un maximum de terres et preparer par la suite l’installation de familles decidees a se consacrer au travail de la terre,.Avec le Rav Mani, il formeront une organisation secrete qui s’occupera precisement du rachat des terrains.

Bientot, vient se joindre a eux David Gutman, l’un des fondateurs de Petah Tikva, la premiere colonie juive. Les trois ensemble, entreprennent de perilleuses expeditions pour visiter les terrains mis en vente par le gouvernement ou tout simplement par des particuliers.En depit des nombreuses precautions, ces activites menees dans la plus grande discretion sont eventees par les mlieux ultra orthodoxes, farouchement opposes a ce genre d’initiatives.

En 1863 Akiva Chlezinger ecrivait: “ En revenant a Jerusalem, nous compriment que nos opposants eurent connaissance de notre initiative et s’assemblerent derriere la porte de Jaffa pour nous agresser a coup de pierres.De ce fait, nous decidames de nous separer. Je penetrais donc en ville par la porte de Sion, le fils du Rav de Hebron (Le rav en question etait Soliman Mani) par la porte de Damas et Rabbi David Gutman s’engagea vers la Porte de Jaffa.. Il dut dut brandir un pistolet et s’ecrier: Le premier qui ose me toucher recoit une balle dans la tete … ”

Present sur le plan communautaire, soucieux de l’avenir du yichouv dans son ensemble, le rav Mani n’a pas toujours le loisir de s’occuper de ses propres problemes.

Atteint d’une maladie des yeux en 1891, le Rav Mani sera quatre annees durant prive de l’usage de la vue. Les docteurs consultes seront incapables de lui apporter la guerison.

Quelques semaines avant la fete de Pessah de l’annee 1895, deux musulmans indoux penerent au domicile du Rav.

Ils demandent voir Abou Soliman (c’est ainsi que les arabes le designent comme etant le pere de Soliman Mani), et affirment qu’ils ont de quoi guerir le prestigieux Rabbin.

Dans sa detresse, le Rav Mani accepte de confier les yeux malades a ces deux mysterieux etrangers qui demandent en tout et pour comme salaire, trois pains de sucre !

( d’une valeur totale de six shilling de l’epoque).

L’operation terminee, le plus age des deux preconise un delai de trois jours, avant d’oter les pansements apposees, ils reviendraient alors pour recevoir leur du.

A la date annoncee, les compresses apposees par les deux musulmans, aussitot retirees et voila que Rav Mani retrouvait l’usage de ses yeux. Les recherches actives en vue de retrouver les deux bienfaiteurs n’aboutirent a aucun resultat, les deux indoux restaient introuvables.

En 1899, a 81 ans, le Rav Mani convoque a son domicile les responsables de la Hevra Kadicha (les pompes funebres de la communaute), a leur grande surprise le sujet de leur conversation porte sur l’enterrement du Rav Mani. Le saint homme sentant la fin venir leur demande que sa tombe soit creusee a proximite de celle du Rav Eliahou Devidach, l’auteur du “ Rechit H’ohma ”, livre qu’il se remet a etudier cette derniere annee qui lui reste a vivre.

En Tamouz 1899, il rend son ame au createur.

Des centaines de personnes viendront lui rendre les derniers honneurs.

Comme ce fut deja le cas dans le passe, les arabes de la ville commencent alors a diffuser une rumeur, selon laquelle, le Rav Mani etait un saint musulman (Wali), qui pour des raisons connues de quelques inities avait choisi de vivre sous l’apparence d ‘un juif.

La consequence immediate d’une telle rumeur etait, l’obligation de deterrer le defunt, pour lui donner une sepulture musulmane. Effares par l’idee d’un tel sacrilege, les juifs de Hebron se mobiliserent alors autour de la famille Mani.De long mois durant, ils organiserent nuit et jour la garde autour de la derniere demeure du Rav. (C’est la raison pour laquelle les juifs de Hebron avait adoptaient l’usage de ne rien inscrire sur les pierres tombales, qui etaient generalement exceptionnellement lourdes, en vue de decourager toute tentative de violation).

La meme annee le Rav Rah’amim Franco se voyait confier la responsabilite de succeder au Rav Mani.


 

LE RAV RAHAMIM YOSEF FRANCO

(Tab de m.)

 

Autant les rabbins Medini et Mani etaient mal a l’aise en presence des puissants de ce monde, autant le Rav France evolue harmonieusement parmi eux, comme en temoigne son sejour en Autriche. Il se trouve alors en mission de collecte de fonds pour la ville de Jerusalem.

A Vienne il prend le temps d’admirer la beaute des jardins entourant la demeure imperiale.

A sa vue, les gardiens persuades qu’il s’agit la d’un ambassadeur oriental, lui ouvrent grand les grilles en lui faisant respectueusement signe de rentrer. Le voila qui penetre dans le parc imperial. Le delegue de la terre sainte decouvre alors une variete infinie de couleurs et de parfums emanant des innombrables

bosquets de fleurs qui font la fierte de l’endroit.Le rav prendra meme le temps de s’asseoir sur un banc a, et sortant sa tabatiere en argent le voila qui s’applique maintenant a tasser son tabac pour mieux le rouler dans un papier a cigarette.

Intrigue a la vue de cet etranger, un dignitaire, en compagnie de son secretaire, s’approchent de l’envoye de Jerusalem pour savoir s’ils pouvaient l’aider en quoi que ce soit.

Absolument, repondit le rabbin, auriez vous, s’il vous plait, du feu pour allumer ma cigarette. Amuse par tant de spontaneite, l’empereur Francois Joseph car c’etait lui invite son interlocuteur a monter au Palais ou il ne manque pas de s’enquerir sur les raisons de sa venue en Autriche.Realisant qu’il a a faire a l’homme le plus puissant d’Europe le Rav Franco s’empresse de formuler la traditionnelle benediction que chaque juif se doit de prononcer a la vue d’un roi des nations. (Beni soit Celui qui a accorde une partie de Sa gloire a un roi de chair et de sang).

Visiblement, emu par la teneur de ces paroles (les deux hommes se parlent en francais), l’empereur le presse de questions au sujet de Jerusalem, la terre Sainte et ses habitants.

Pour finir il tiendra a apporter sa contribution personnelle pour les juifs de la ville de David.

Avant de prendre conge de lui Francois Joseph ordonne aux responsables de la communaute de Vienne a veiller personnellement a la bonne realisation de la mission du Rav Franco.

En 1870, deux ans a peine apres son arrivee a Jerusalem, Rah’amim Franco assiste comme beaucoup d’autre, a la detresse de la communaute de Jerusalem.

La dette envers les creanciers arabes, atteint de telles proportions que les notables de la ville n’ont plus d’autre choix que de vendre un bien immobilier communautaire, le terrain adjacent a la synagogue Rabban Yoh’anan Ben Zacai.

Les rabbins de la capitale demanderent cependant une clause particuliere dans l’acte de vente.L’acheteur devait s’engager a permettre aux juifs de la ville de racheter le terrain en question dans un delai de douze mois, au prix auquel il avait ete vendu, si par miracle, l’argent avait ete reuni entre temps.

Le miracle se realise, et le Rav Franco sera son instigateur.En apprenant l’existance de cette clause, notre vaillant rabbin se propose pour une mission a l’etranger consacre au rachat en question. Paris et Londres figurent parmi les principales etapes de son nouvel itineraire, la somme de quinze mille francs sera ainsi recoltee pour le plus grand bonheur des juifs de Jerusalem.

En 1873, en mission en Turquie, il sejourne chez les richissimes freres Kamundo.Ces derniers etaient introduits aupres de tout les grands de ce monde. Le Rav Franco ne manquera pas de faire leurs eloges dans l’un de ses ouvrages.

Ce n’est qu’en 1878 qu’il se voit confier la responsabilite de la communaute de Hebron.

Les premieres annees apres son entree en fonction seront marquees par la tension entre lui et le Rav Eliahou Mani.

Malentendus, machinations politiques, quoi qu’il en soit, la ville de Hebron souffrira de cette division entre partisans du Rav Mani et ceux du Rav Franco.

Ce sera donc une grande satisfaction que d’assister a la reconciliation des deux parties.

Reconciliation qui se traduira aussi par la l’union des deux familles puisque la petite fille de Rav Mani, epousera le fils de Rav Franco.

En prenant ses fonctions a Hebron, le nouveau rabbin de Hebron decide de s’installer a l’exterieur du ghetto, encourageant les autres juifs a l’imiter.

En 1878, de nouveau sur les routes, sa nouvelle mission sera de ramasser l’argent necessaire a la construction d’un hopital a l’exterieur du quartier juif.

L’hopital qui portera le nom de Hessed Abraham connaitra plusieurs phases de constructions, pour finalement beneficier de la tutelle de l’organisme americain “Hadassa”, au debut de notre siecle.

Bien avant Jerusalem, la ville de Hebron avait deja son hopital Hadassa !

En 1901, le Rav Franco rendait son ame a D.. ieu, ayant ainsi symboliquement introduit sa communaute dans un vingtieme siecle charge d’espoirs et de menaces.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LES DERNIERES ANNEES DU POUVOIR OTTOMAN

(Tab de m.)

 

La mise en arret definitive d’Abdel Rah’man celui que l’on surnomme le rabbin noir, marque indiscutablement une nouvelle epoque pour Hebron.

Sur un plan economique, la ville redevient un lieu d’echange et d’approvisionnement pour tout le sud du pays, les bedoins du desert frequentaient de nouveau les marches de la ville, les pelerins et voyageurs europeens venaient comme par le passe se presser au pied du tombeau des patriarches, sans avoir a craindre l’apparition soudaine d’un groupe menacant,exigeant le paiement d’une rancon pour continuer leur route ou tout simplement pour avoir la vie sauve..

L’agriculture pouvait se developper en toute quietude, les etalages regorgeaient de raisins, de ble, d’orge, d’olives, de lentilles, de raisins secs.

Les ateliers des artisans tournaient a plein rendement, pour la fabrication des jarres de terre, le tissage de la laine, du coton, et des poils de chameau, la fabrication des produits de verre. Une innovation significative de cette ambiance de changements, en 1871, sous la pression du consulat russe, un monastere provoslave est construit au sud de la ville, a cote de l’arbre designe par la tradition « echel abraham » (le tamaris d’Abraham), au service des pelerins russes de plus en plus nombreux.

La population de la ville augmente en consequence, selon l’estimation d’une delegation scientifique anglaise, la population generale de la ville est de l’ordre de 17 000 habitants. Il semble qu’a cette epoque la, la population juive tourne autour de 1 400 ames (selon Luntz, il y a en 1895, 810 sepharadim et 619 ashkenazim). La promiscuite du ghetto devenait maintenant intolerable, il fallait comme a Jerusalem, commencer a construire a l’exterieur des murailles.

La primeure en revient en 1871 a Rabbi Israel Romano, un des notables de la communaute d’Istambul, recemment installe a Hebron. Desirant se retirer des affaires Haim Romano en confiera la direction a ses fils. En ce qui le concerne le moment etait arrive de realiser son reve, sa plus belle entreprise, s’installer sur la terre ancestrale, qui plus est dans la ville d’Abraham. Cette entreprise consistait precisement a construire une magnifique batisse qui portera desormais le nom de Bet Romano (La maison Romano), a l’exterieur des murailles du quartier juif.

Bet Romano n’allait pas seulement servir de residence a la famille de rabbi

Haim, mais aussi de centre d’accueil pour les anciens de la communaute juive de Turquie arrives a Hebron. Une des pieces sera consacree a l’amenagement d’une nouvelle synagogue, perpetuant ainsi le rite des juifs d’Istanboul,(Bet Knesset ha-istambouli).

L’historiographie sioniste accordera une importance tout a fait justifiee, aux premieres tentatives de la population juive de Jerusalem a sortir a l’exterieur des murailles. Yoel Moshe Salomon, Yosseph Rivline en seront les heros qui annoncaient l’avenement d’une ere nouvelle.

L’action de Haim Romano etait pourtant digne d’eloges elle aussi. Et cela a bien des egards. L’initiative Romano etait infiniment plus risquee. Hebron on s’en souvient restait a l’ecart de la zone d’influence protectrice des consuls europeens. Le climat general d’insecurite rendait ce genre type de demarches infiniment plus problematique qu’a Jerusalem.

Il est regrettable que les historiens, ne semblent pas toujours se souvenir qu’a Hebron on parlait encore de “ghetto “ pour evoquer le quartier juif.

Cette appelation chargee de tellement de sous entendus, etait une realite forte de quatre cents ans deja a Hebron. Apprecier l’initiative de Haim Romano a sa juste valeur, signifiait comprendre que ce juif venait mettre un terme a une institution qui n’avait plus sa place ni le temps et dans l’espace. En d’autres termes Haim Romano venait de clore l’ere du ghetto a Hebron. En annoncant sa volonte de construire sa maison a cet emplacement Romano exprimait a la population arabe le desir de changement d’une communaute n’etant plus disposee a se contenter des conditions de dhimmis (citoyen de second rang en terre d’Islam).

Romano aura ete le premier a avoir ose, ses antecedents il est vrai intervenaient a sa faveur. Ce n’est pas en vain que rabbi Haim avait ete surnomme “le Gvir Romano”. Nous avons precedemment parler de cette notion, et l’intuition populaire se trompe rarement a ce sujet. Haim Romano avait en lui toutes les composantes du “gvir”.Notre homme en effet avait le maintien d’un grand seigneur, sa fortune ses relations avec les dirigeants ottomans son interet pour la communaute, le designaient pour meriter une telle appellation. Son caractere autoritaire aussi, faisaient de lui un personnage difficilement contournable.

Son exemple sera bientot suivi par d’autres familles decidees elles aussi a sortir du ghetto. Ainsi, les Slonim, Rivline, Levy, Capiloto, Castel etablissent a leur tour leur domicile en dehors du Hatser Hayehoudim (la cour des juifs).

Quelques annees plus tard alors que la communaute accueillait le rav Hyzkiaou Medini, on se mit a chercher un local adapte pour y installer le venere rabbin et ses eleves. De nouveau les regards se tournerent vers Bet Romano qui pouvait desormais s’enorgueillir d’abriter la prestigieuse Yechiva “Sdeh H’emed” du rav Medini.

A sa mort les juifs de Hebron ont des difficultes a entretenir une telle batisse, certains parlent meme de la vendre. Un riche commercant arabe s’y interesse.

En 1895, le cinquieme Rabbi de Loubavitch fait l’acquisition d’une maison qui porte desormais le nom de Bet Schnerson. Le Rabbi toujours lui va donner l’ordre a ses delegues de sauver “Bet Romano” de la menace qui planne sur elle,en 1912 il rachete l’edifice et les cours avoisinantes.

De nouveau “Bet Romano” abritera une yechiva: “Torat Emet”.

Appelle au chevet de son fils gravement malade a Istanboul Haim Romano restera a ses cotes jusqu’a sa complete guerison. Atteint par une maladie sur le chemin du retour Haim Romano meurt a Damas en 1886. Les dernieres annees de sa vie auront ete troubler par les guerres d’influences au sein de la direction communautaire. Romano ne restera pas l’ecart. Sa mort subite frappera de stupeur ses partisans tout comme ses adversaires, il reste au souvenir de tous un grand homme qui aura permis a la ville de Hebron d’ammorcer son entree aux temps modernes.

La seconde moitie de ce dix neuvieme siecle est marquee par le signe de la polemique a Hebron qui continue de s’appeller la ville des Peres mais ne parvient pas a realiser la ville des freres.

Au centre de cette polemique, Rabbi Yosef Chalom, originaire d’Irak.

Selon l’historien Nathan Chour, Yosef Chalom reussira “l’exploit” de mobiliser les consuls de Hollande et d’Angleterre dans cette aventure.

Le motif de ce different etait la repartition des fonds de la Halouka entre Jerusalem et Hebron. Les notables de la capitale insistaient sur le fait que tous les fonds destines a la ville des Patriarches devaient inevitablement passer par leur controle. De part et d’autres, des pamphlets seront diffuses: Les detracteurs de Yosef Chalom publierent « Chever Yosef » (la faillite de Yosef), le decrivant comme un escroc sans foi ni loi, tandis qu’a Hebron, ses allies publient en reponse « Edout Beyosef » (temoignage sur Yosef), expliquant au contraire, qu’il s’agit la d’un homme devoue corps et ame a sa communaute.

Les proportions de la crise prirent des dimensions inquietantes, l’anatheme fut prononce par les rabbins de Jerusalem.

Le consul Finn intervenant au cote de Yosef Chalom, provoquera l’internement de l’un de ses opposants. Mal lui en prit l’issue de cette dispute lui coutera ses fonctions de consul. Rabbi Yosef Chalom, finira ses jours en exil a Damas, brise dans son ame et dans son amour propre.

1856 marque la prise de fonction du Rabbi Eliahou (Sulliman) Mani a Hebron, lui aussi essaiera de prendre ses distances avec les notables de Jerusalem, toujours en ce qui concerne l’argent de la Halouka.

Il aura pour cela a affronter l’opposition du Richon Le Tsion (principale autorite rabbinique du pays) Rabbi Abraham Ashkenazi.

Ce dernier rallie a sa cause Haim Romano. Devant les pressions exercees contre lui, le Rav Mani demissionne de ses fonctions, Rabbi Rah’amim Franco le remplace sur l’ordre du Richon Le Tsion. La encore, l’anatheme fut prononce,on fit de nouveau intervenir les autorites gouvernementales pour obtenir gain de cause. Ce n’est qu’en 1881 qu’un compromis fut accepte de par et d’autre.Le Rav Eliaou Mani reprenait ses fonctions de rabbin de la ville,alors que le rav Franco recevait le titre de Manhig et Nassi. Pendant que les dirigeants spirituels de la ville etaient occupes a regler des problemes de cette nature, leur public commencait a s’interresser a de nouvelles alternatives en matiere d’education.

Vers 1890 les familles sepharades aisees avaient pris l’habitude d’envoyer leur enfants a l’ecole de l’Alliance a Jerusalem.Certaines allerent meme a frapper a la porte de la Mission, pour assurer a leur progeniture une education moderne. (A ce jour ne ne connaissons pas de famille qui passerent au christianisme pour autant.)

 

Pour cependant limiter les risques encourus par de telles initiatives, le juge Malkiel Mani fonda une ecole moderne aux cotes du traditionel Talmud Thora.

En 1904 une association d’etudiants portant le nom de TSEIREI HEVRON

proposait gratuitement des cours d’hebreu moderne a la population du quartier juif.Leur intention etait l’ouverture d’une ecole ou l’enseignement dispense serait en Hebreu.( a l’image de l’activite educative d br reouveL’historien Nathan Chour affirme qe cette initiative aurait ete repoussee par la Rav H’izkiaou Medini, David Avissar qui fut l’eleve du Rav Medini, affirme quant a lui que la premiere reaction du rabbin fut de saluer une telle initiative.Les pressions des ”extremistes achkenazes” selon l’expression de David Avissar, durent le faire renoncer a accorder son soutien.

`Les dernieres annees du pouvoir ottoman a Hebron seront sous le signe de la premiere guerre mondiale.L’administration turque plus etrangere que jamais             

au destin des populations du pays fait peser son joug plus lourdement que par le passe.

Le gouvernement ottoman entre en guerre quelques mois apres le debut des hostilites. Dans un premier tempps il declare l’ajournement des dettes contractees a des particuliers, cela jusqu’a la fin de la guerre.. Les juifs seront les principales victimes de cette decision a Hebron. D’un autre cote les pays europeens en guerre avec Istanboul, ne permettent plus aux communautes juives d’apporter leur soutien financier a leurs freres d’Erertz Israel.

La deuxieme demarche du gouvernement ne sera pas moins terrible, les accords de capitulations signes avec les puissances europeennes sont annules, du fait de l’etat de guerre. En consequence la protection des consuls europeens disparaissait par la meme occasion, livrant ainsi les juifs aux mains d’une administration hostile. Pour les detenteurs d’une nationalite etrangere, ce qui etait le cas de la majorite des juifs, le choix propose etait d’accepter la nationalite ottomane (et ses retombees, le service militaire par exemple) ou l’expulsion du pays, beaucoup de familles juives arriverent de la sorte en Egypte ou il sejournerent jusqu’a la fin de la guerre.

Yehouda loeb Shneerson, dans son livre autobiographique “Hevron, Hevron” evoque avec emotion l’activite du conte Belavar, consul d’espagne, qui en collaboration avec Bickler, vice consul allemand a Jaffa, proposait la nationalite espagnole a chaque juif qui en emettait le desir. Nationalite qui mettait les juifs du pays hors de portee des fonctionnaires d’Istanboul.

 Plus encore les turcs pratiquent maintenant une politique de mobilisation obligatoire, dans une meme famille ils n’hesitent pas a enroler le pere et les fils de la maison, privant ainsi ces memes familles des personnes capables de subvenir a leurs besoin. La situation a Hebron est certes difficile les enroles de force ne reviendront pas pour la plupart augmentant ainsi le pourcentage de veuves et d’orphelins dans la communaute. L’hotel de la famille Epstein etait maintenant deserte, la banque Anglo-Palestine elle aussi dut fermer ses portes l’activite commerciale etait pratiquement paralysee.

De nouveau l’activite d’un consul occidental viendra alleger les epreuves de la communaute juive de la ville. Cette assistance inespereee viendra du cote americain. Galsbourg, le consul des Etats unis, fera parvenir de l’argent et de l’or aux juifs de Hebron permettant ainsi d’organiser un soutien financier aux plus demunis.

Devant les obstacles et l’adversite la petite communaute ne perd pas sa vocation d’entre aide et d’hospitalite.Car il y a maintenant d’autres juifs qui sont la de passage a Hebron, enroles de force dans l’armee ottomane, ils souffrent eux aussi de la faim et de la maladie,le typhus qui fait des ravages dans les rangs de l’armee et de la population civile.Comme par le passe les juifs de la ville des Peres ouvrent leurs portes genereusement et partagent avec eux leur maigre quotidien.

1918,la premiere guerre mondiale se termine, avec elle une presence turque de quatre cent ans appartient deja au passe.

 


 

LE VINGTIEME SIECLE

(Tab de m.)

 

Si le siecle precedent fut un siecle de changement, le siecle qui debute sera un siecle d’affrontements, un siecle de decisions. Un siecle qui ne laissera que peu de place au compromis.

Parmis les forces qui devront s’affronter au sein de la population juive, les deux ychouv (l’ancien et le nouveau). Le vieux ychouv est religieux. Trop souvent presentee comme une population passive, voire fataliste, les membres de ces communautes etaient volontier qualifiees par une certaine presse, comme de pauvres diables, n’ayant qu’un desir, mourrir en terre sainte, et s’y faire enterrer en attendant les miracles du Roi Messie qui les ramenerait a la vie.

Ces cliches sont aujourd’hui serieusement remis en question, une simple lecture des chapitres precedents nous montre que la verite historique est certes bien plus nuancee.

Parmi tout les temoignages ecrits sur Hebron, en ce debut de siecle, nous avons choisi celui de Rahel Yanai Ben Tsvi, pour mettre en relief cette difference de disposition entre la nouvelle et l’ancienne communaute.

Yanai Ben Tsvi appartient bien entendu au nouveau ychouv, et malgre le fosse qui la separe des juifs de Hebron, elle est capable de les observer, avec respect, elle n’oublie pas qu’il s’agit d’un meme peuple, ou chaque groupe evolue dans le temps a un rythme different.

« En descendant de la colline, une source d’eau vive jaillit devant nous, nous nous penchant a meme le sol pour boire l’eau de la source, fraiche et limpide, la source porte le nom de « source de Sarah notre mere ».

Il est encore tot, a l’entree de la ville, nous croisons sur notre chemin des habitants(arabes) de Hebron, vigoureux et bien droits, les gens de la montagne !

Quel dommage que ceux de notre peuple qui vivent ici ne leur ressemblent pas …

Nos amis nous conduisent directement dans les rues des juifs H’arat El Yahoud. Le ghetto existe depuis plus de 400 ans. Ferme-t-on encore les portes la nuit tombee?

Est vraiment entoure d’un grand mur?

Mais voila que nos pieds foulent le sol du quartier juif …

 

Des les premiers pas, une atmosphere de galout (Diaspora) m’envahit. Une petite place des batiments blottis les uns contre les autres. La promiscuite, et l’entassement me rappelle le ghetto de Corfou, ou encore, les ruines du ghetto sur le bord du Tibre a Rome …

Mais ici, ce n’est pas le ghetto, nous sommes a Hebron, au sein de la communaute juive de Hebron. Hebron, une des quatre cites, une des quatre villes saintes, avec Jerusalem, Safed et Tiberiade. Ici, les juifs de tous les pays se pressent, de Babylone, de Pologne, de Lithuanie.

Prisonniers du reve de Sion, possedes par le desir brulant de la redemption … une ribambelle de gamins nous entoure maintenant, une lueur de tristesse dans les yeux de ces enfants d’Israel, du ghetto de Hebron, mais c’est l’hebreu qui retentit de leur bouche. Cela me rechauffe le coeur. Voila que s'’approche de nous le pere de David, Rabbi Meir Agbaba (Avissar), vetu d’une tunique orientale, coiffe d’un tarbouche (couvre chef a la mode turque), ses pieds nus glisses dans ses sandales. Sa face s’illumine en nous voyant, car les amis de son fils sont des invites privileges a ses yeux.

Il serre la main de mes amis, et s’incline legerement devant moi …

De sa maison, nous beneficions d’une vue magnifique sur la region, les collines de Hebron qui s’etirent vers le sud, les vignes et les oliveraies, des arbres en abondance. A proximite de la maison, une parcelle de terre delaissee: A qui appartient cette terre non cultivee? Et notre hote de repondre: « Il s’agit de la terre de la communaute … ».

Ce vingtieme siecle voit la poursuite des efforts pour l’elargissement de l’espace vital des juifs de Hebron.

L’impulsion est donne par les hassidim du mouvement Habad des 1900. Le chef spirituel du mouvement, le Admour Chalom Dov ordonne la fondation d’une yechiva qui porte le nom de « Torat Emet », vers laquelle il dirige ses disciples de Russie qui viennent renforcer la presence H’assidique.

La meme annee, le Rabbi ordonne l’acquisition de nouveaux terrains pour la somme importante de 100 000 roubles.

L’initiative entamee en 1878 par le Rav Franco, se poursuit, a savoir l’edification d’un hopital moderne dans la ville.

En 1909, on inaugure le centre medical qui porte le nom de “Hessed Le Avraham”.

C’est au Rav Soliman Mani (le fils du Rav Eliaou Mani) que l’on doit la mobilisation du philantrope de Bagdad, David Sassone.

avec l’appui du philantrope de Bagdad, David Sassone. La meme annee, une nouvelle yechiva ouvre ses portes dans la ville, financee elle aussi par les membres admirables de la famille Sassone.

D’un point de vue economique, ce vingtieme siecle est marque par la diversite professionnelle des juifs de Hebron.Les differents corps de metier sont representes, cordonniers, menuisiers, tailleurs, forgerons,et marchands de souvenirs pour les touristes. Bien souventce sont des jeunes arabes qui travaillent comme apprentis.

Le vingtieme siecle sera aussi le siecle de la derniere occupation etrangere du pays, les britanniques trente annees durant seront donc les nouveaux maitres du pays. Aucune puissance avant eux ne saura exploiter, entretenir la tension entre les differentes populations locales, pour justifier leur presence sur la place. Le premier gouverneur militaire britannique a Hebron fut le major Curtiss.

La reunion de travail avec les dirigeants arabes de la ville a pour but la mise en place d’une nouvelle administration.

Cette premiere rencontre devait mettre en confiance la population arabe, Curtiss quant a lui etait dispose a confie quelques postes de seconde importance aux fonctionaires musulmans. En ce temps Hebron comptait trois familles chretiennes, Curtiss confiera entre autre la responsabilite de la police a un arabe chretien, ainsi que le direction de son secreteriat. Ce changement de priorite n’etait pas du gout des musulmans, les chretiens quant a eux tenteront un rapprochement avec la population musulmane en incitant cette derniere contre les juifs de la ville. Les chretiens avaient une autre raison d’agir ainsi, les juifs comptaient parmi eux un fort pourcentages de lettres qui pouvait a l’occurrence concurrencer les fonctionaires chretiens.

 Mais le veritable defi de ce siecle sera de mettre un terme a la presence etrangere qui reduisait le pays au statut de province d’un empire etranger. Il fallait maintenant aborder avec beaucoup de prudence et d’humilite ce virage historique. Prudence et humilite, deux qualites parmi les autres chez le Rav Hizkyaou Medini.


 

LE RAV HIZKYAOU MEDINI

(Tab de m.)

 

« Je ne comprend pas comment est il possible de diffamer un homme qui se consacre jour et nuit au bien public, sous pretexte qu’il ne pratique pas toutes les mitsvot.

Le fait de veiller a l’honneur d’Israel, n’est-t-il pas une grande mitsva en soi meme ».

C’est en ces termes que repondait le Rav Hyzkyaou Medini a un responsable de la communaute ashkenaze de Hebron, venu lui reprocher violemment d’avoir fait bon accueil a Albert Antebi, directeur de l’Alliance Israelite Universelle a Jerusalem.

Ce dernier venait proposer l’ouverture d’un seminaire rabbinique moderne a Hebron.Le terme moderne signifiait alors l’enseignement des langues et l’initiation aux sciences, permettant ainsi aux nouveaux rabbins de mieux comprendre les problemes d’identite de la generation de demain.

Les deux hommes etaient sur le point de decider de la creation de la nouvelle institution, mais l’intervention menacante des rabbins ashkenazim empecherent le projet de se realiser. Jerusalem avait connu en son temps une polemique semblable lors de l’ouverture de l’ecole “Lemel” qui se proposait elle aussi d’introduire la population juive de la ville aux exigencences des temps modernes. La encore les Grands rabbins Sepharades n’eurent aucune peine a comprendre l’interet d’une telle initiative. Ils encouragerent chaleureusement la direction de l’ecole a se mettre a l’oeuvre sans attacher trop d’importance aux menaces des extremistes ashkenazes de la ville. David Avissar, un des disciples de Rabbin Medini, affirme, que la creation d’une institution moderne telle que l’Alliance Israelite Universelle quelques vingt ans avant les horreurs du pogrom de 1929, aurait pu orienter differement le cours des evenements, et par la meme, leur tragique aboutissement…

Disciple des plus grandes figures rabbiniques de Jerusalem,parmi lesquels le rav Itsh’ak Kovo appelle a remplir les fonctions de “Richon Letsion” et le rav Nissim Bourla “Av Bet Din” de Jerusalem, le Rav Haim Hyzkyaou Medini, est ne en 1832 dans la cite de David.

En 1878 il est atteint d’une grave maladie qui met ses jours en danger a sa guerison il ajoute un second prenom: “Haim” qui signifie la vie.

A l’age de vingt et un an il perd son pere, Rabbi Raphael Medini qui fut son premier maitre. Il doit maintenant subvenir aux besoins de sa femme, mais aussi de sa mere et ses deux soeurs dont il s’occupe jusqu’a leur mariage.

Devant son extreme pauvrete les notables de Jerusalem lui conseillent de se rendre en Turquie avec les siens. La bas il enseignera au sein des familles aisees de la communaute.

Il en profite pour frequenter quatorze ans durant la Yechiva du Rav Chlomo Elfandari dont il devient l’eleve le plus proche.

La maladie l’attend durant son sejour a Istamboul,des annes durant les meilleurs docteurs de la ville viendront a son chevet pour le soulager de ses maux. Le rav Medini sera toujours reconnaissant a ses bienfaiteurs qui prirent en charge les frais de ces longs et onnereux traitements.

En 1865 il publie son premier livre “Mikh’tav H’izkyaou” dans lequel il laisse apparaitre l’etendue de ses connaissances. Les notables d’Istanbul le pressent d’accepter un poste de “dayan” qu’il refuse pour ne pas s’ecarter se l’etude.

C’est a Istamboul qu’il rencontre un notable de la communaute de Crimee qui, impressione par son savoir le prie d’accepter les fonctions de rav pour la ville de Crazovzar, en Crimee ou siege alors une importante communaute juive.

Il a alors trente trois ans, et trente trois ans durant il dirigera cette communaute sur les bords de la mer noire. Comme beaucoup d’autres communautes les juifs de Crazovzar voyaient leur communaute divisee entre les nostalgiques des coutumes et les modernes, partisans d’une assimilation latente. Trente trois ans de patience de travail continu transformeront cette communaute. La nouvelle generation apprend a revaloriser les etudes religieuses.

A cette epoque une rumeur circulait au sujet de l’origine des juifs de Crimee,pretendant que ces dernires seraient d’origine caraite. Le rav Medini repoussera energiquement ces affirmations. La encore l’adversite le frappe, alors que ses problemes de sante et ses problemes financiers semblent se resoudre,il perd son fils unique auquel il avait dedie son livre «Or li »

En 1879 il imprime un receuil de poemes liturgiques qu’il intitule tout simplement “Baquachote” et qui sera reedite seize ans plus tard a Varsovie sous l’appellation “Naim Zemirote” Mais l’oeuvre qui viendra lui assurer la notoriete sera son encyclopedie talmudique “Sdeh H’emed” dans laquelle il repertorie les souces et argumentations des preceptes talmudiques, des origines aux decisionnaires de son epoque.

C’est en 1899 qu’il decide de retourner definitivement en terre d’Israel. La ville de Jaffa lui reserve un accueil des plus chaleureux. Deux semaines plus tard il arrive a Jerusalem ou il espere se consacrer a la redaction de son oeuvre encyclopedique « Sdeh Hemed ».

Loin de se douter du prestige dont il jouit aux yeux de ses contemporains, le Rav Medini envisage de terminer la redaction de son oeuvre dans une semi retraite. Il aura tot fait de comprendre que la tranquilite escomptee ne lui serait pas accordee de sitot.

En 1901, devant l’insistance des juifs de Hebron, il accepte la charge de rabbin de la ville,et recoit le titre de H’akh’am Bachi et Av bet Din, remplacant ainsi le Rav Franco qui venait de disparaitre la meme annee.

A Hebron il fonde une caisse d’entre aide aux necessiteux “Hen ve H’essed”.

En relisant sa biographie, redigee, par David Avissar, l’un de ses plus proches disciples, nous decouvrons un homme d’une tres grande humilite, particulierement sensible aux problemes de sa generation.

En mettant a sa disposition la fameuse “Bet Romano” la communaute de Hebron donne au Rav H’izkyaou Medini l’occasion d’ouvrir une Yechiva ou les etudiants pouvaient s’adonner a l’etude de la Thora sans avoir a souffrir de conditions materielles bien souvent difficiles, une yechiva ou les « bnei aniim »,les fils de familles desheritees pouvaient eux aussi avoir droit aux etudes.

De nombreuses anecdotes viennent illustrer la demarche du Rav Medini, specialement aupres des petits gens, et des desherites.Veritable reincarnation de Hillel l’ancien, le Rav Medini va insufler un nouvel elan a l’etude de la Thora,dans la ville des Peres.

Decede la veille de Hanouka de l’annee 1905, (24 Kislev 5665)le Rav Haim Hizkyaou Medini repose dans la parcelle du cimetierre reservee aux rabbins de la ville..

 

 


Chimeon Wizeman, Chimeon Agadol

(Tab de m.)

Ce que n’avait oser realiser aucun gouvernement de gauche sera finalement executer par un chef de gouvernement de droite du parti Likoud. A Hebron l’emotion est a son comble, plus de quatre vingt pour cent de la ville passera dans quelques jours aux mains de la police palestinienne. Un homme suit les evenements avec une attention toute particuliere, en entendant la nouvelle il prend contact avec la commandement de Tsahal dans la region et demande d’effectuer une derniere visite a Hebron, a la casbah de Hebron plus exactement. Bentsion Wizeman, puis ce que c’est de lui qu’il s’agit, demande a visiter la maison ou son pere et lui ont vu le jour. Tsahal est d’accord, la presse aussi, et ainsi la veille du retrait, les telespectateurs israeliens decouvrent a travers l’ecran de leur televiseur, Bentsion Wizeman escortee de quelques soldats, se promener dans la casbah de la ville. Le voila qui s ‘arrete maintenant devant une grande batisse, la maison des Wizeman dit il avec emotion au journaliste de la premiere chaine qui l’accompagne.

Dans la ville arabe le bruit se propage rapidement, les anciens se pressent pour voir le «yahoud » (juif) nostalgique. On echange meme une poignee de main Bension parle dans leur langue avec ce meme accent trainant typique aux arabes de Hebron, on se rappelle le passe, la nostalgie d’une periode meilleure? Rien n’est moins sur.

« Les Wizeman ont toujours ete sionistes », explique -t –il « mon arriere grand pere a decider de monter alors qu’il etait etudiant a la yechiva du Rabbi de Santz. Il prend un beau jour la decision de venir ici, c’est le debut d’une aventure qui va durer plusieurs mois. En Italie, a Trieste plus exactement il rencontre son frere qui, sans concertation premiere avait pris la meme resolution. Ils arrivent a Hebron en 1865, les deux freres y fondent une famille, et se virent l"un et l"autre gratifie d"un fils qu"ils prenoment « Chimeon ».

« Il y aura Chimeon le forgeron et Chimeon Agadol, c’est a dire mon grand pere » » nous dit Bension avec une pointe de fierte. « Mon grand pere etait un personage hors du commun, un homme fort qui n’avait pas usurpe le surnom qu’on lui avait accolle: « Chimeon le grand » sa taille elevee sa demarche, sa voix, tout en lui respirait la force, l’autorite. Les grands recherchaient sa compagnie et l’appreciait. Chimeon etait un familier du consul autrichien a Jerusalem, ce qui lui a valu la nationalite de ce pays. En ces temps troubles de l’administration ottomane une nationalite europeenne pour un juif etait de loin la meilleure police d’assurance qu’il soit.

Les relations avec le consul etaient telles, que ce dernier avait reussi a convaincre le gouverneur turc de confier la collecte des impots a mon grand pere. de memoire d’ottoman on n’avait jamais vu ca !

En ce temps la les impots se payaient principalement en nature, Chimeon Agadol se deplacait dans les villages aux alentours de la ville et recueillait les impots en question sous forme d’une partie de la recolte ou de tetes de betail. C’etait une tache qui n’a jamais ete tres populaire a Hebron comme ailleurs. Quelques fois il preferait prendre avec lui une escorte armee, precaution peu avisee du fait que ces gardes du corps eux memes musulmans avaient le plus grand mal a s’identifier a leur mission. Ainsi au cours de l’une de ses tournees le voila sorti de Hebron, flanque de deux bedoins armes, c’est alors qu’un presentiment tenace s’empara de lui, lui demandant de rester sur ses gardes sans preciser d’avantage la nature du danger.Quelques minutes plus tard alors que les dernieres maisons de la ville disparaissaient derriere eux, Chimeon comprend que ses deux lascars ont ete soudoyes pour le suprimer. Connaissant bien les arabes, pour avoir grandi avec eux, il avait appris a les respecter et a s’en mefier a la fois. Ce jour la, cette connaissance des hommes et de leurs coutumes devait lui sauver la vie. Moins d’une heure apres le depart grand pere mettait pied a terre invitant ses « faux amis » a l’imiter, pour partager les vivres prevus pour la route ces derniers surpris n’eurent pas le temps de refuser. Chimeon savait pertinement qu’un bedouin qui a beneficie de votre hospitalite ou qui a partage avec vous votre pain ne prendra jamais le risque de se deshonnorer en levant la main sur vous …dans la meme journee. Il n’en fallait pas plus a notre ami pour se mettre a l’abri de leur conspiration.

 Hebron au debut de ce vingtieme siecle est une communaute juive bien vivante ou sepharadim et ashkenazim se cotoient et vivent en bonne entente. Chez les achekenazes il y a des Hassidim et des modernes, adeptes du mouvement du Moussar a la Yeshiva de Slobodka. La ville etait geree par un conseil de sept delegues representant les differentes tendances. Ce conseil elu pour une periode deux ans sera dirige. de longues annees par Chimeon Agadol. Bien qu’etant lui meme Hassid de Karlin, il entretenait d’exellentes relations avec le Admour de H’abad, le rabbi Dov Beer. C’est lui qui procedera pour la communaute H’abad l’achat de Beit Romano, une des plus belles batisses de la ville a l’epoque. Avec le Rabbi il entretenait une correspondance reguliere, ou les sujets d’actualite etaient regulierement evoques. Chimeon Agadol revait d’une Alyah massive, de milliers de juifs debarquant a Hebron entre autres un peu comme venait de faire le rav Epstein avec la Yechivat Slobodka. D’ailleurs il est souvent question d’Alyah dans leur correspondance et le Rabbi ne cache pas son accord de principe.

En 1918 Haim Weizman, le futur president de l’etat juif est de passage a Hebron. Comme tous les hotes de marque, il est recu chez grand pere. La discussion est animee, Weizman ne comprend pas pourquoi les dirigeants spirituels du judaisme ashkenaze ne sont pas plus actifs pour la promotion de la Alyah(la montee des juifs en Israel). Chimeon lui recommande de nuancer son affirmation, il se leve de table pour aller chercher dans un tiroir une lettre signee de la main du Rabbi de Loubavitch, lettre dans laquelle le sage declare sans detour son point de vue sur l’urgence d’une Alyah collective. Le futur president de l’etat visiblement surpris, demande la permission de garder cette lettre.

Quelques annes plus tard c’est au tour du Rabbi de visiter la ville des Peres bien entendu il sera recu en grande pompe par la famille Wizeman. Grand pere evoque alors sa discussion avec le chef de l’executif sioniste, Haim Weizman et sa demande de garder le message du Rabbi. « Je comprends maintenant pourquoi »dit le Rabbi « Weizman affirmait dans ses discours qu"il etait en possession d"une lettre signee de ma main temoignant de mon soutien a la Alyah, bien que de mon cote je n"aie jamais ecrit quoique ce soit a monsieur Weizman... »

« Mais le grand privilege de grand pere » nous dit Bentsion, une lueur de malice dans les yeux « tient du fait qu’il fut probablement le seul juif a penetrer a l’interieur de l’enceinte de la Makh’pela a cette epoque. On s’en souvient les musulmans y interdisaient l’acces aux juifs et aux chretiens depuis le milieu du treizieme siecle. Interdiction qui avait pris une dimension fanatique regrettable.

En ces jours, une epidemie de diphterie s’etait alors declaree a Jerusalem avec son lot habituel de victimes, principalement parmi les enfants. Questionnes sur les mesures a suivre, les dirigeants spirituels de la ville de David repondirent que deux juifs devaient se rendre a la Makh’pela pour interceder aupres du Tout Puissant en invoquant le merite des Peres. Ils s’adresserent pour cela au Rav de Hebron, rabbi Hyzkyaou Medini.

Un seul homme pouvait tenter une telle entreprise, le rav Medini avait automatiquement penser a Chimeon Agadol. Sa connaissance des arabes ses relations avec les consuls europeens le designaient pour un telle entreprise. L’idee avait du plaire a mon grand pere, il restait maintenant deux details a regler: Choisir deux candidats, et decider de quelle maniere les introduire a la Makh’pela, sans eveiller les soupcons des gardiens du « wakf ». Il fut decide que le rav Weber et lui meme se porteraient volontaires, avec la benediction du Rav Medini bien entendu. La deuxieme question se revelait beaucoup plus delicate. Le fanatisme des musulmans de la ville ne facilitait pas ce genre de mission…

Une idee commencait deja a prendre forme dans sa tete, en sa qualite de recepteur d’impots Chimeon le grand en savait long sur la situation economique de son entourage, les difficultes de la vie quotidienne, et particulierement celles de regler ses impots en temps voulu, devant une administration ottomane qui ne plaisantait pas sur ce sujet. Chimeon Agadol etait generalement connu pour la patience qu ‘il savait deployer a l’egard des necessiteux. C’est ainsi que son devolu se porta sur un des gardiens de la Makhpela, l’homme etait redevable d’une somme relativement importante Chimeon choisi d’aborder le sujet sans detour, en fonction de la reaction de son interlocuteur il saurait a quoi s’en tenir. L’idee de se debarasser d’un arriere d’impot n’etait pas desagreable a notre gardien. Ce dernier ne prit meme pas l’air d’etre etonne et fit preuve d’un esprit d’initiative digne d’eloges. « Nous sommes en pleine periode de vendanges » dit il et comme tu le sais les hebronites desertent la ville pour sejourner dans les vignes, de plus durant cette periode il est de coutume d’offrir chaque soir un repas de fete aux gardiens du h’aram (lieu saint) Presentez vous ton compagnon et toi vetus comme des femmes arabes pendant que je retiendrai mes deux fils venus me remplacer pour le repas vous en profiterez pour entrer et prier ». Le lendemain en debut de soiree deux « musulmanes » penetraient silencieusement a la Makh’pela, un des gardiens voulu faire une remarque au sujet de cette grande femme aux formes carrees, mais son pere lui ordonna de se taire. Chimeon Wizeman et le rav Weber venait ainsi de penetrer la ou un juif ne l’avait pas depuis fort longtemps. La nuit durant ils epancherent leur ame sur le tombeau respectifs des trois Patriarches. Au petit matin, deux « musulmanes » quitterent le site de priere, comme si elles y avaient passer la nuit ! Le gardien les suivit du regard, cette musulmane de haute taille a la demarche puissante avait quelque chose de vaguement familier … Ce n’est qu’en arrivant chez lui que Wizeman prit conscience de la disparition du petit recueil des Psaumes qu’il avait pris soin d’emporter avec lui.

L’oubli etait d’autant plus facheux que son nom figurait sur le livre en Hebreu et en Turc. Chimeon Agadol s’empressa de retourner sur les lieux de son exploit, afin de prevenir le gardien de sa negligence lui demandant expressement d’aller rechercher le petit livre.. Si quelqu’un te vois le ramasser lui dit-il precises que tu l’as trouve hier en dehors du « Haram » » Le gardien inquiet ne se fit pas prier pour reparer au plus vite cet incident de parcours. Malheureusement ses recherches n’aboutirent pas. Le receuil de Psaumes restait introuvable. Faillait il voir un clin d’oeil de la Providence, une maniere de rappeller qu’Elle n’etait pas tout a fait etrangere a la reussite de l’entreprise. »

C’est un Ben tsion soulage qui retournait maintenant vers Jerusalem, soulage mais surement pas rassurer en pensant a l’avenir qui etait reserve a cette ville ou il avait vu le jour.

Une autre personne aurait pu se joindre a Bentsion ce jour la a Hebron, elle aussi avait une maison et une histoire a Hebron. Elle n’a pas pu se joindre a Bentsion, pas voulu sans doute. Fallait il donc reveler que le grand pere du chef d’etat major de Tsahal * responsable du “redeploiement “ israelien dans la ville des Peres comptait lui aussi parmi les habitants de cette vie juive, avec Chimeon Agadol et tous les autres.

 

 

*Le chef d’etat major a cette epoque etait Amnon Lipkin Shah’ar.

 

 

 


 

La Yechiva Slovodka a Hebron

(Tab de m.)

 

 

S’il etait donne d’etablir un parallele entre les deux domaines on pourait aisement affirmer que Slovodka est au monde des yechivot ce que Cambridge est au monde de l’Universite.

Depuis longtemps deja le rav Mordekh’ay Epstein revait de faire son Alya. Fervent militants des “Amants de Sion” dans sa ville de Volozhin, il avait fait partie en 1891de la delegation chargee de l’acquisition des terres de H’edera. Deux ans plus tard designe pour diriger la prestigieuse Yeshiva” Knesseth Israel” de Slovodka en Lithuanie, il en assumera les charges jusqu’a la fin de sa vie en 1933.

La premiere guerre mondiale et les boulversements qu’elle entraine l’obligeront a errer de ville en ville, a la tete de sa yechiva, se deplacant sans cesse pour echapper a l’adversite.

Au lendemain du conflit il fait partie des fondateurs du grand conseil rabbinique de Lithuanie, et accede au rang de membre du conseil de la Moatsa gdolei ha thora ( conseil des grands de la thora) en 1923.

Talmudiste de genie et educateur ne, il est envoye l’annee suivante aux Etats Unis pour collecter des fonds qui serviront a l’agrandissement de sa Yechiva.

La situation des juifs en Lithuanie n’etait deja pas brillante dans les annees vingt, et pour comble de malheur voila que maintenant le gouvernement decide d’enroler les etudiants des academies religieuses.

Le rav Epstein est en Amerique lorsqu’il apprend la nouvelle, il comprend alors qu’un compte a rebours venait de se declencher, et que les jours de “ Knesseth Israel ” sont desormais comptes en terre d’exil. En accord avec la direction de la Yechiva, (alors qu’il se trouve encore en Amerique) il prend la decision de transferer son institution en Eretz Israel.

Ce n’etait pas la premiere fois dans l’Histoire qu’un rabbin entrainait derriere lui ses plus proches disciples dans le contexte d’une Alya. Des rabbanim Sepharadim l’avaient fait auparavent avec le rav H’aim Aboulafia au dix huitieme siecle renovant ainsi la presence juive dans la sainte ville de Tiberiade. Quelques annes apres lui c’est au tour de rabbi H’aim Ben Attar de venir fonder a Jerusalem une yechiva qu’il appelle

aussi ” Knesseth Israel bien avant la Yechiva de Slovodka.

Il en va de meme pour les grandes figures du mouvement H’assidique venues s’installer en Eretz Israel ainsi que les plus celebres disciples du Gaon de Vilna. Tous ces importants precedants se confinent cependant a l’initiative personelle et sporadique.

Le deracinement d’une institution telle que la Yechivat Slovoka represente quelque chose de plus, une dimension supplementaire un evenement qui symboliquement marquerait le debut d’un processus de liquidation de l’exil. L’Histoire n’aime pas les “ SI ”, et pourtant que fallait il donc pour que l’initiative de Slovodka soit suivie par les autres yechivote europeenes qui auraient pu ainsi sauver des milliers de victimes tout en impregnant le ychouv en Eretz Israel d’un caractere thoranique spontane.

Notre unique consolation reside dans ce Midrache qui nous promet qu’a la fin des temps les synagogues en terre d’exil seront transplantees en Eretz Israel…

Pendant que le rav Epstein collectait les precieux dollars pour financer son audacieuse entreprise,un delegue de la Yechiva parvenait a Jerusalem et obtenait, de la part des autorites mandataires,les certificats d’immigration pour les cent premiers etudiants.

En ce qui concerne l’emplacement en terre sainte, le choix de la ville de Hebron etait motive par diverses considerations. En premier lieu les souvenirs historiques et la saintete de l’endroit constituaient autant d’atouts, que bien peu de yechivot dans le monde pouvaient revendiquer.La situation difficile des juifs de Hebron, la baisse de niveau de ses instituts scolaires, la desertion des jeunes, tout cela constituait un tableau plutot triste qu’il etait possible neamoins de presenter comme un defi a relever. Une autre raison pourtant emportera la decision les dirigeants de “ Knesseth Israel “ pour la ville des Peres.

Les etudiants de la grande yechiva de Slovodka appartenaient au mouvement du “Moussar” ce qui impliquait un mode de vie particulier avec ses signes exterieurs distinctifs comme le vetement par exemple. Contrairement aux gens de l’ancien ychouv de la communaute ashkenaze, la redingote, le chapeau de fourrure et les papillotes n’etaient pas de saison a “Slovodka”.

Le costume europeen, et le feutre elegant constituaient l’habit de tous les jours des adeptes du rav Epstein, autre detail important la barbe etant reservee aux enseignants les etudiants arboraient tous les jours un visage impeccablement rase.

A Jerusalem bastion des extremistes de vieux Ychouv on voyait les choses d’un oeil differend. Ce type de preocupations n’etaient pas selon eux, dignes de personnes qui consacrent leur vie a la Thora. La venue d’une telle d’une telle institution a Jerusalem ne pouvait qu’allumer un nouveau foyer de polemique.

A l’annonce seulement du projet ces memes extremistes (Kanaym) diffuserent toutes sortes de tracts et d’affiches pour denigrer les nouveaux venus avant meme leur arrivee !

Pour les juifs de Hebron il s’agissait d’une aubaine inesperee, un cadeau du ciel que l’on avait pas demande tant il semblait irrealisable. La ville on s’en souvient avait particulierement souffert durant les annees de guerre. D’autre part les differentes vagues d’alyah de l’epoque moderne continuaient d’ignorer la cite de Hebron.

Les arabes de la ville de leur cote, comprirent immediatement les incidences economiques d’une telle arrivee et depecherent une delegation de notables, souhaiter la bienvenue aux eleves du rav Epstein. Nous sommes en 1924, cinq ans avant la grande tuerie…

Pour les juifs de la Makh’pela il s’agissait la, non seulement d’un apport numerique considerable,( plus de cent etudiants accompagnes de leurs rabbins et educateurs), mais surtout une connection vers l’avenir. Hebron cessait brusquement d’etre “uniquement” la depositaire d’un passe, elle devenait dorenavant une ville d’avenir qui invitait les jeunes du monde entier a rejoindre la celebre yechiva.

Les previsions les plus optimistes furent depassees par la realite, non seulement la ville de Hebron abritait maintenant la plus grande yechiva du pays, mais cet avantage allait en grandissant avec le temps. Effectivement en 1929 quelques semaines avant le carnage on y comptait plus de deux cent soixante etudiants. Il faut dire que les grands noms du mouvement du Moussar avaient rejoint la yechiva parmi eux le celebre « Saba(grand pere) de Slovodka », le rav Nathan Tsvi Finkel.

Aux etudiants venant essentiellement de Lithuanie se joignirent bientot ceux de Russie de Pologne des Etats Unis, d’Angleterre et bien sur d’Eretz Israel.

Les problemes de logement augmentant avec le nombre d’etudiants, une rumeur se propagea, selon laquelle les dirigeants songeaient a demenager leur institut dans une autre ville.

Le probleme n’etait pas nouveau et Hebron n’etait la ville ideale pour solutioner ce genre de question. Malgre les efforts de la direction bon nombre d’etudiants logeaient chez l’habitant dans le quartier juif de la ville.

Paradoxalement, les premiers a reagir devant la menace d’un eventuel depart de la yechiva furent…les arabes de Hebron. Une delegation de cheikhs demanderent expressement aux responsables de “Slovodka” de faire preuve d’encore un peu de patience et proposerent d’evacuer de nouveaux batiments au profit de la yechiva, tant la presence de cette derniere constituait une veritable manne pour eux.

En consultant le “Sefer Hevron” le lecteur pourra s’etonner du peu de pages consacre a la yechiva. Le lecteur cherchera en vain une photographie de l’inauguration du centre d’etudes, l’evocation des benedictions de circonstances formulees par les rabbins Ashkenazes et Sepharades, une trace quelconque de l’emotion et de la joie qui durent marquer cette memorable journee.

L’evenement en soi avait de quoi justifier l’instauration d’un jour de fete pour la ville des Patriarches. Ce meme silence un peu gene cette meme volonte d’evoquer brievement le passage de Slovodka a Hebron se retrouve egalement dans les documents de la yechiva, les differents “yearbook “ qu’elles publiera. Aucun rappel de la legendaire hospitalite des juifs de Hebron la encore aucune photographie reunissant les dirigeants communautaires et les rabbanim de la nouvelle Yechiva.

Certes cette derniere n’aura ouvert ses portes que cinq ans durant, le pogrom ayant mit fin a ses activites dans la ville des Peres emportant avec lui, une partie des temoignages qui nous font cruellement defaut. Il se peut ainsi que ce soit la l’unique raison de ce silence….

Il se peut aussi, que la direction communautaire de la ville se soit sentie quelque peu debordee par la venue de “Slovodka” a Hebron. Toujours selon les precieuses informations du” Sefer Hevron” de graves problemes d’education secouaient alors la communaute,qui cherchait vers Jerusalem la solution miracle a ses maux. La vie juive a Hebron avait besoin d’ouvertures et la voila maintenant submergee par la maree lithuanienne. L’integration d’un organisme aussi important ne devait pas etre chose facile. Voyait on la nouvelle institution comme une communaute dans la communaute?

Precisons encore une fois qu’aucun document nous permet de fonder de telles affirmations, c’est justement le manque d’information dans la direction opposee qui eveille en nous le besoin questionner…

Hebron tout comme Jerusalem, ayant droit aussi a son lot d’extremistes, il se peut aussi que leur action ait ete la cause de ce silence qui entoure la presence de “Slovodka” dans la ville d’Abraham.

Quoiqu’il en soit les differends s’effacerent le jour ou la foule criminelle devalla dans les rues de Hebron. Vingt quatre pensionaires de la Yechiva touverent la morts durant le carnage de 1929. A partir de ce jour la yechiva ” Knesseth Israel” portera le nom de ” Hebron “, sans pour autant y revenir.


 

VISITE DU GHETTO

(Tab de m.)

 

Hebron est sans doute la seule ville d’Eretz Israel, ou le terme ghetto est employe pour designer le quartier juif de la ville.

Il est pour le moins paradoxal que les juifs de Hebron acceptent que l’on qualifie leur quartier de ghetto, terme forge en terre d’exil, pres des Fonderies de la ville de Venise en 1516.Il semble que le terme de ghetto fut adopte a Hebron, en raison des portes du quartier, que l’on refermait la nuit tombee.

La promiscuite du ghetto, les ruelles etroites et obscures n’avaient pas grand chose a envier a la Casbah de Hebron..

Le ghetto etait accessible par trois entrees differentes.La porte du marche, la nouvelle porte et la porte des bains.Les bains en question a l’interieur d’une belle batisse de l’epoque mamelouque, ont ete transformes en musee, par la population arabe actuelle.

C’est a la porte du marche, que selon la tradition, fut decouverte de maniere miraculeuse, une sacoche contenant precisement la somme d’argent qu’un cupide gouverneur avait decide de soutirer a la communaute.

 La nouvelle porte, quant a elle, debouchait sur un passage obscur voute a l’oriental. La porte des bains enfin, servait entre autres de point de depart pour les joyeux defiles a l’occasion des mariages ou autres festivites.

C’etait en fait uniquement la porte du marche que l’on refermait au coucher du soleil, par le passe.Au-dessus de cette porte un orifice avait ete creuse dans l’epaisseur de la muraille et permettait aux habitants d’avoir un oeil sur la ville arabe.

La nouvelle porte ne pouvait par contre qu’inspirer, terreur et repulsion. Les ruelles qui y menaient etaient souvent jonches de detritus de toutes sortes. Les delinquants ismaelites en avait fait leur lieu de rencontre, lieu propices aux agressions envers les passants isoles. La rumeur populaire faisait meme etat d’esprits malfaisants qui hantaient les lieux de par leur presence.

Une toute autre atmosphere se degageait de la Porte des Bains. Les jours de fetes voyaient la communaute se retrouver en ces lieux, le bedeau de la synagogue, un flambeau a la main avait coutume d’inviter les passants a se joindre au cortege des convives.

Le ghetto etait principalement delimite par deux longues rues en demi cercles.

La premiere partant vers la droite portait le nom significatif de “Rue des Caraites “ La seconde portait tout simplement le nom de la principale institution qui s’y trouvait: « La Synagogue » Ces ruelles etaient etroites et manquaient de lumiere, comme dans tous les ghettos,l’expension en surface etait pratiquement impossible.Les nouvelles familles devaient construire leur maison en hauteur, sur les toits des habitations deja existantes.

Dans l’historiographie sioniste « classique » ghetto est un terme pejoratif, il est charge de tous les maux de l’exil. Le ghetto selon cette optique symbolise tout ce que l’epopee sioniste se proposait d’oublier, d’effacer.

En relisant la description physique du ghetto nous eprouvons tous ce sentiment de malaise en evoquant ses ruelles etroites et insalubres ses maisons surpeuplees qui tendent en hauteur faute de pouvoir autrement. Un sentiment semblable vous saisit en relisant les difficultes de la communaute en ce debut de vingtieme siecle a affronter les problemes nouveaux. Le ghetto physique n’etait en fait que la representation materielle de cette atmosphere de saturation, qui annoncait la fin d’une periode sans pour autant comprendre ce que l’avenir reservait.


 

1929

(Tab de m.)

 

En accedant a ses fonctions de haut commissaire en Palestine, Herbert Samuel est persuade qu’il pourra mener a bien une double mission:gerer la realisation du foyer national juif, et favoriser en parrallele l’amelioration des conditions de vie des populations arabes, musulmanes et chretiennes.

Les relations entre juifs et arabes etaient deja mauvaises. Durant les annees 1920 et 1921 des foyers de violences s’allumerent de la Galilee a Jerusalem en passant par Jaffa. Orchestee par des chefs nationalistes fanatiques, cette violence etait regulierement ponctuee par des appels aux meurtres, le slogan le plus populaire etant “etbah’ al yahoud(egorge le juif)”

Cette flambee de haine n’atteindra pas la petite communaute de Hebron. Les dirigeants musulmans respecteront leur contrat moral vis a vis de leur dhimmis, en l’occurrence les juifs de la ville. En visitant le ghetto durant les journees de tension ils annoncaient de la sorte aux emeutiers potentiels que la population juive etat sous leur protection, et toute atteinte envers elle serait severement reprimee.

Refusant de deceler dans les evenements des annees 20 un signe avant coureur de la tendance arabe radicale, le haut commissaire essayera, desesperement de rassurer les belligerants. Il ne reussira en fin de compte qu'a augmenter la suspicion des deux camps a son egard.

Un des enjeux pricipaux del’affrontement politique entre juifs et arabes reside dans la position des antagonistes face a l’immigration juive.

Les arabes comprennent tres bien l’importance de ce facteur, leurs pressions sur l’administration britanique finiront par porter leurs fruits: la parution des differents livres blancs, c’est ainsi que le Foreign Office designait les differentes decisions de limiter la alyah et le developpement du Ychouv en Eretz Israel.

Dans ce nouvel engrenage de violence les differences entre ancien et nouveau yichouv ont tendance a passer en second plan, aux yeux des arabes du moins, qui considerent chaque nouveau juif dans le pays comme un renforcement du camp ennemi.

La nomination de Hadj Amin El Husseini aux foctions de Mufti de Jerusalem apporte une dimension jusqu’a la negligee dans ce conflit la dimension religieuse.

Ce dernier mobilise le monde musulman devant ce qu’il qualifie de “menace juive pour le mont du Temple”. En 1928 il cree dans plusieurs villes du pays, des comites de protections des lieux saints islamiques. Cette meme annee a Jerusalem un enfant juif est assassine, alors qu’il rentrait recuperer un ballon dans la cour d’une maison musulmane. La tension est a son comble lors des fetes de Rosh Ashana et Yom Kippour. Dans cette perspective de passion religieuse, savamment entretenue par le mufti de Jerusalem, tous les juifs deviennent ainsi ennemis de la nation musulmane.Il n’y a maintenant plus place a une quelconque distinction entre ces juifs qui cohabitaient de tout temps avec les arabes du pays,et les nouveaux venus desireux de traduire la declaration Balfour en actions politiques sur le terrain.

Quelques jours plus tard a Jerusalem, les muezzins de la capitale denoncent la coexistance avec les juifs comme une trahison, provoquant ainsi un nouveau deferlement de violence et de haine sur les quartiers juifs de la ville. Le massacre fut evite dans les quartiers pourvus de defenseurs...

De son cote la police britannique debordee dut faire appel a un groupe d’etudiants d’Oxford de passage pour renforcer ses rangs. Oded Avissar ecrit que ce meme Vendredi ou les passions se dechainerent a Jerusalem des rumeurs inquietantes circulaient deja a Hebron.

En debut d’apres midi un arabe en motocyclette, arrivait de Jerusalem,avec des nouvelles.selon lesquelles le sang arabe coulait a flot dans la cite de David.

Au meme moment un convoi de vehicules parti de Jerusalem, fait route vers Hebron, des dizainnes de villageois de H’alh’oul’ et de Tsurif se joignent a lui. Des leur entree a Hebron, ils assaillent tous les juifs qu’ils croisaient, immediatement imites par les habitants de Hebron.

A ce moment le rav Slonim sortait de son domicile pour faire part de ses inquietudes a l’officier de police de service. Le malheureux fut pris a parti par les emeutiers. Une femme juive, temoin de la scene s’elance pour proteger le rabbin elle supplie le commandant de Police d’intervenir immediatement, ce dernier la rabrouera en disant: “de toute facon tout cela et la faute des juifs.”

C’est alors, affirmeront d’autres temoins, qu’apparut l’officier de Police Ibrahim Geageara. Le rabbin se dirige vers lui et demande du secours la encore insultes et mepris seront les seules reponses.

Les assaillants se dirigent maintenant vers le batiment de la Yechiva Slovodka recemment installee en ville. Ils n’y trouverent qu’un etudiant qui n’eut meme pas le temps de lever les yeux pour voir les tueurs fondre sur lui. Cette premiere journee d’emeute devait se solder par un mort et plusieurs blesses.

La nuit tombee le calme semblait vouloir revenir a Hebron, personne ne voulait envisager l’eventualite que le pire etait encore a venir. Ce soir la a vingt heures trente le gouverneur de la ville ordonne aux juifs de rester chez et de ne sortir sous aucun pretexe durant la journee du lendemain. ”A cette condition seulement “leur dit il “je pourrai assurer votre securite”.

Les emeutiers de leurs cotes ne perdaient pas de temps a six heures du matin ils etaient deja sur pied a l’entree de la ville. Les responsables communautaires essayerent une fois encore de se rendre au commissariat de police, personne ne voulut les recevoir, ils furent ainsi de nouveau rejetes.

Le senario suivant allait maintenant se repeter des dizaines de fois. La foule exitee encercle une maison juive,et pendant qu’une pluie de cailloux fait voler en eclats les fenetres de l’edificice, les plus acharnes parmi les emeutiers s’attaquent aux portes principales pour les forcer, lorsque celles ci resistent a leurs assauts ils essayent de se frayer un passage par les toits ou les fenetres.

Ce qui se passa ensuite ressemble helas a tout ce que le peuple juif a du subir de massacres et pogromes au cours de son Histoire, a cette difference pres qu’il s’agit la du vingtieme siecle dans une region administree par les britanniques dans une ville ou les juifs avaient pratiquement habites depuis la nuit des temps. Les premieres victimes se comptent parmi les familles Abouchdid et Gozlan.

Itsh’ak Abouchdid etait un homme solide, le premier des agresseurs s’en rendit compte bien vite et pour avoir la vie sauve il promit a Itsh’ak de le cacher lui et sa famille. Itsh’ak hesita quelques secondes, et relacha son agresseur qui en profita pour le poignarder a mort…

Ce sera ensuite les familles Gozlan, Castiel et H’asson qui allaient connaitre l’horreur. Chez la famille Guershon le viol collectif preceda le crime tout cela se perpetrait dans le batiment du centre medical Hadassa ou juifs et arabes recevaient gratuitement leurs soins medicaux. Le materiel medical les stocks de medicaments rien n’avait ete epargne, il ne fallait surtout pas que l’on puisse porter secours aux survivants, s’ils devaient rester des survivants …

Dans un monde qui semblait vouloir retourner au neant, un homme donnait des

ordres, distribuait des directives, lancait des slogans que la foule se pressait de reprendre a son compte, il s’agissait du Cheikh’ Talib Maraka. Les differents temoignages des survivants nous permettent de reconstituer quelques unes des pieuses paroles: “Egorgez les juifs, buvez leur sang aujourd’hui c’est le jour de l’Islam. Le jour que le prophete a choisi. Allah et le prophete vous demandent de vous venger des juifs, il nous faut venger les musulmans assassiner a Jerusalem. Allah est Grand venez avec moi regardez les jeunes filles juives, elles sont belles elles sont a vous!”

Dans cette constellation de l’horreur ou la bestialite, la lachete sont elevees au rangs de vertus religieuses ou la honte semble avoir disparu de la surface de la terre, ca et la allaient apparaitre quelques sursauts de pitie. Malka Slonim se souvient. “… Quelques minutes apres que mon pere couvert de blessures et moi meme pumes regagner la maison, nous vimes apparaitre Abou Chaker notre voisin. Il descendit de sa monture et se posta sur les marches de l’escalier de notre maison., il frappa ensuite a notre porte pour nous dire de ne l’ouvrir sous aucun pretexte.Je veux juste vous dire que je suis la et je ne les laisserai pas vous toucher, fermez les volets fermez tout et que D-ieu soit avec vous. Abou Chaker commentait de temps en temps l’odieux spectacle qui se deroulait sous ses yeux, spectacle heureusement que les Slonim ne pouvaient pas voir.

“Les canailles, ils massacrent les juifs et personne pour les aider! La police est avec eux les policiers anglais les accompagnent de maison en maison ils attendent qu’ils finissent leur crimes pour passer a la maison suivante. D-ieu les paiera en retour “,

“ Nous entendions sa voix” reprend Malka Slonim “et nous comprenions que notre tour approchait comment pouvait il lui un veillard isole arreter la meute assoiffee de sang? A un certain moment Abou Chaker arreta ses commentaires les tueurs s’attaquant maintenant a la maison de mon frere et Abou Chaker le voyait, le genereux vieillard ne voulait pas augmenter notre detresse. Nous entendions deja les hurlements des victimes quelques minutes plus tard nous comprenions que mon frere, sa femme et le petit Aharon n’etaient plus du nombre des vivants.

Les criminels etaient maintenant tout pres de nous, la voix d’Abou Chaker s’eleva une fois de plus: Ici vous ne tuerez personne!Ils le bousculerent mais le vieillard tenait bon, malgre ses soixante quinze ans il avait encore un corps solide. Abou Chaker s’allongea de tout son long devant le seuil de notre entree.” Sur mon cadavre seulement vous entrerez dans cette maison. Un homme dans la foule lui cria: Sale traitre je vais te tuer. Abou Chaker ne bougeait pas, il trouva meme la force de leur dire:Ici se trouve la famille du rabbin Slonim qui est aussi ma famille. Venez et tuez moi si vous voulez mais je ne bougerais pas.

Nous savons qu’un couteau le frappa a la jambe, faisant immediatement gicler le sang du malheureux, qui ne laissa aucun son s’echapper de ses levres.

Abou Chaker tenait bon. Un silence suivit, puis de nouveau les cris, des cris qui s’eloignaient cette fois nous commencions alors seulement a realiser que nous etions sauves. Mon pere voulut alors ouvrir la porte pour panser la blessure de notre sauveur mais ce dernier refusait, “mon role n’est pas encore termine d’autres peuvent encore arriver”.

Les mots sont trop faibles pour decrire les atrocites, les sevices et la souffrances ils ne pourraient que banaliser ce qui se passa ce jour la a Hebron. Qui etaient les plus a plaindre les victimes ou les survivants qui assisterent impuissants aux martyres de leurs proches?

La conduite des autorites britaniques, durant ces deux heures de carnage respirait le mepris et l’antipathie qu’ils vouaient aux victimes et aux survivants. Les juifs dans leur agonie continuaient d’etre les responsables. Pas de manifestation de pitie ou de compassion, qui plus est, les survivants durent se battre pour obtenir le droit d’enterrer leurs proches avec les prieres d’usage en presence d’un “miniane”, (les dix personnes indispensable pour prononcer la priere du Kaddiche, pour le repos des victimes).

Durant la journee de Chabbat personne ne songea un instant a apporter de l’eau ou un quelconque ravitaillement aux survivants il en sera de meme pour la journee suivante.

Lundi seulement seize voitures en provenance de Jerusalem furent autorisees a evacuerles femmes et les enfants. Des milliers d’arabes masses sur les toits assistaient en silence au departs des ces malheureux.

Le 15 Octobre marquait l’ouverture du proces des emeutiers, le Cheikh’ Talib Maraka fut le premier a comparaitre. Lui, tout comme la majorite des accuses ou des temoins non juifs ne se lasseront pas de repeter pour toute defense: “Je ne sais pas,je ne me souviens pas “ Le capitaine de police Caperata se souvenait effectivement avoir vu Talib Maraka au milieu des “manifestants” mais il etait bien incapable de repeter les propos que ce dernier avait tenus. Son adjoint arabe Ibrahim Geargea affirma quant a lui avoir decouvert les corps de Gozlan et Abouchdid sans savoir pour autant ce qui s’etait

passe. Les jours suivants Maraka ne se contentait plus de nier toute participation aux emeutes, il se presentait maintenant comme un ami de longue date de la population juive. Il ne comprenait pas cet acharnement avec lequel on essayait de lui faire endosser la responsabilite du pogrom. Au contraire lui Talib Maraka s’etait efforce ce jour la de calmer les esprits!!

Maraka invita les juges a ecouter le temoignage de H’alib Sisni l’instituteur. Ce dernier livide comme un mort ouvrit la bouche pour repondre aux questions des juges, il ne reussit …qu’a vomir devant la cour.

Le proces devait prendre par la suite une allure politique evidente.Les autorites britaniques les premieres n’etaient pas interressees a faire eclater la verite

au grand jour. La cour decida de deux ans de prison ferme pour Talib Maraka (qui furent mysterieusement transformees en obligation de se presenter au poste de police, deux fois par jour) ainsi qu’a une amende de cinquante livres sterling. Deux des meurtriers du rav Castiel furent mis a mort par pendaison, puis les seances du tribunal furent suspendues. On ne prit meme pas la peine de fixer une date de reprise. Les juifs en reaction mirent sur pied une commission chargee de veiller aux interets des rescapes, pour le versement d’indemnites pour que justice soit faite vis a vis des assassins, et de leurs complices.

Les britanniques de leur cote en avaient decide autrement, tous les efforts de ce commite se heurterent a une fin de non recevoir les anglais etant decides a ne pas affronter l’odieuse verite.

 

 

La grande lecon de ce cauchemar etait que le crime payait, les interets politiques des anglais ne rencontraient que tres occasionellement des remords ou des cas de consciences, et lorsque cela devait arriver ces derniers devaient ceder le pas a la raison d’etat. La participation massive des arabes de Hebron au massacre, remettait serieusement en question l’expression “populations civiles innocentes tous les meurtriers etaient des civils, quant a leur innocence fallait-il qu’ils l’aient perdue depuis bien longtemps.

Une remarque pour conclure, Safed aussi avait connu les emeutes arabes en 1929, la aussi les britanniques proposerent l’evacuation de la communaute juive comme solution miracle. Les juifs de Safed refuserent d’evacuer leur ville, personne aujourd’hui ne considere leur presence comme une provocation, un obstacle a la paix ou une “installation sauvage”.Ce droit d’existence que personne ne conteste a Safed est refuse aux juifs a Hebron, au nom d’une moralite ou les victimes doivent se taire, pour ne pas deranger les criminels et leurs heritiers.

 


 

LA FAILLITE

(Tab de m.)

 

Pogrom et ghetto sont deux termes qui pouvait on croire, n’avaient plus raison d’etre au vingtieme siecle, et en Eretz Israel a plus forte raison.

Le pogrom de 1929 a Hebron, marque avant tout la faillite d’une conception.

Cette conception, etant justement unique, et ne souffrant pas de concurrence devenait ainsi, non pas un instrument de reflexion aupres des responsables communautaires, mais un carcan de l’esprit, trop etroit pour contenir les nouvelles realites.

Ces dirigeants communautaires juifs etaient prisonniers de leur conception, il leur etait difficile d’envisager, une mesure alternative au cas ou la sacro sainte conception devait s’averer erronee.

Par le passe, la communaute juive de Hebron n’avait pas ete inquietee durant les emeutes de l’annee 1920, organisees par Amin el Husseini, dont le bilan s’elevait a cinq morts et deux cent seize blesses a Jerusalem.

En Mars de l’annee 1921, Herbert Samuel desireux de s’attirer la confiance des nationalistes arabes fait acceder Amin el Husseini, au poste Mufti de Jerusalem Ce sera une exellente occasion pour le gracier des quinze annees de prison qu’il venait de recevoir pour sa participation aux emeutes de l’annee passee. Pour les arabes le message etait on ne peut plus clair, la violence et le terrorisme payaient !

Au pritemps de l’annee 1921, les manifestations arabes reprennet plus violentes et plus meutrieres que jamais. Husseini en reste le principal instigateur, la encore les juifs de Hebron sont tenus a l’ecart du carnage qui commenca a Jaffa pour se propager les jours suivants a Kfar Saba, Reh’ovote, H’edera, et Petah’ Tikva. Coutant la vie a quarante sept juifs cette fois, parmi eux, l’ecrivain Y. Brener.

Il est vrai que les dirigeants de la communaute surent par le passe prevenir intelligement les menaces d’emeutes populaires dirigees contre le ghetto. En invitant les notables musulmans a visiter le quartier juif jour apres jour durant les periodes de tension, ils exprimaient de la sorte un double message. Il fallait d’abord rassurer la population juive bien sur mais aussi et peut etre surtout mettre la population musulmane en presence d’un procede bien etabli chez

elle: la protection que l’Islam accorde aux “dhimmi”. Le Mufti, les Cadi etendent leur protection sur les juifs de Hebron, toute atteinte envers l’un d’entre eux signifiait automatiquement une declaration de guerre envers les protecteurs. Cette protection n’est pas gratuite, elle se paye en impots et en humiliations que les premiers docteurs de l’Islam recommandent d’appliquer envers les non musulmans. Cette protection reste efficace tant que les dirigeants politiques musulmans y etaient interresses.

D’autre part les relations entre Hadj Amin El Husseini et les notables de Hebron etaient carrement mauvaises, et ce n’etait la un secret pour personne. Ces derniers accusant le mufti de Jerusalem d’utiliser a des fins politiques personnelles les revenus de la Makhpela qui constituaient une partie importante de ses ressources financieres.

Pourtant les evenements de 1929 ne ressembleront pas a ceux des annees precedentes. Nous connaissons la suite de l’histoire, la furie de 1929.

Il est difficile de porter un regard critique sur les martyrs.

En hebreu, ce terme se traduit par Kedochim, qui veut dire aussi des «saints ».

Dans la tradition juive on sanctifie la memoire des martyrs, pourrait-il en etre autrement? Ainsi on n’evoquera jamais assez la conduite ignoble des policiers anglais durant le carnage, la bestialite de la foule excitee a l’idee du pillage et des violences qui devenaient tout d’un coup permis. La lachete des dirigeants spirituels musulmans qui encouragerent ouvertement le crime de femmes, d’enfants, de vieillards et d’etudiants penches sur leurs livres d’etudes.

Et pourtant, les lecons de l’Histoire ne seraient pas tirees, si l’on omettait de rappeler la reaction des dirigeants du ghetto. Devant la menace devenant de plus en plus precise, ils refuserent la proposition de Baroukh Katinka, officier de la Hagana, qui ecrit: « deux jours avant le carnage a Hebron, nous recumes l"ordre de nous rendre a Hebron avec douze combattants pour organiser la defense des lieux… il y avait avec nous dix hommes et deux femmes.Nous avions volontairement voyager tous feux allumes, nous voulions vraiment qu’ils nous prennent a parti, afin de pouvoir repondre, et leur montrer notre force.

Arrives a Hebron apres minuit, nous nous rendimes chez le Rabbi Eliezer Dan Slonim, le directeur de la banque et chef de la communaute. Nous l’avons reveille, et lui avons explique que nous apportions avec nous un fusil mitrailleur, des bombes et des munitions. En reponse il s’ecria qu’il etait seul juge en matiere de decision en ce qui concerne l’envoi de renfort. Ses paroles etaient prononcees avec colere et sur un ton de reprimande. …Alors que nous etions en train de parler, des policiers arabes entrerent et annoncerent que les personnes qui venaient d’arriver en voiture devaient les suivre au poste de police.

La, nous attendait Kapereta, l’officier de police, en pyjama. Il nous demanda ce que nous faisons a Hebron, et nous lui repondimes que nous etions la pour tourisme … ».

Au petit matin les combattants de la Hagana reprenaient la route de Jerusalem,expulses pour ainsi dire par ceux la meme qu’ils se proposaient de defendre..

Ce temoignage douloureux fut remis en question en 1980 lors de la parution du livre de Yehouda Loeb Scheenerson, ”Hevron, Hevron” ce dernier affirme avoir

demander de l’aide aux dirigeants de la Hagana, aide qui lui fut refusee sous pretexte que les dangers etaient pratiquement nuls vu que mufti de Jerusalem responsable des emeutes, etait impopulaire a Hebron. Scheerson affirme donc avoir recut une reponse negative, il ne nie pas cependant que le rav Slonim s’opposa a l’envoie d’un delegue responsable d’organiser la venue de renforts.

L’attaque du ghetto sans defense, et sans volonte de se defendre ne vient pas illustrer le le debut de cette faillite mais bien son aboutissement.Nous avons vu en evoquant la noble figure du rav H’izkiyaou Medini, combien il etait difficile pour certains dirigeants communautaires d’accepter l’idee que les epoques changent et avec elles les besoins d’un public dont ils etaient responsables.Le rejet de la proposition de la Hagana ressemble au refus de la proposition de l’Alliance Israelite Universelle significatifs d’une societe qui n’a de conseils a recevoir de personne.

Une societe conservatrice a du mal quelques fois a se remettre en question, ajoutons a cela la dimension religieuse et nous voila prisonier d’un carcan de prejuges visant a interdire l’existence meme theorique, d’options alternatives.

Dans les deux cas on ne pourra que deplorer l’absence d’une opinion differente ou a defaut un temoignage de gratitude envers ceux qui proposerent leur soutien.

On aurait tort cependant de presenter une image simpliste de la situation,les arguments des dirigeants communautaires n’etaient deconnecter de la realite hebronienne.Par le passe nous l’avons vu les relations entre juifs et arabes avaient effectivement resister a la degradation generale qui caracterisait desormais les liens entre les deux communautes.

Seulement, Hebron n’etait plus la ville, coupee du monde et fermee aux influences exterieures, les temps etaient en train de changer les anciennes conceptions de s’effriter. Les bonnes relations entre juifs et arabes dans la ville n’avaient pas disparues elles n’etaient cependant plus assez fortes pour affronter les changements de mentalite qui s’operaient maintenant de part et d’autre..

Non seulement les relations amicales n’avaient pas disparues, mais dans certains cas elles avaient memes surmonte l’epreuve d’une facon magistrale.

 N’oublions pas que les survivants du pogrome devaient leur vie, non pas a l’intervention d’une force armee britanique, mais bien a celle d’une partie de la population arabe, exactement soixante et une familles, qui sauverent plus de sept cent juifs en ouvrant leurs portes devant les malheureux, et s’interposant entre le bourreaux et sa victime.

Les notions d’ancien et nouveau Ychouv etaient entrain de s’estomper, et ceux qui ne le comprirent pas a temps allaient le payer au prix fort.


 

UNE LETTRE

(Tab de m.)

 

Plus encore que les faits, ce sont maintenant les reflexions, les pensees qui hantent maintenant les consciences de part et d’autres.Dans son livre « Guiborei Hebron » (les heros de Hebron ), Menache Mani, lui meme descendant de l’illustre famille de rabbins, nous devoile le contenu d’une lettre.

Lettre que nous pourrions intituler « reflexions d’un survivant »

Redigee par un juif du ghetto, elle est destinee a un arabe de la ville.

Entre les deux peuples, un mur de haine, et de rancoeur, entre ces deux hommes pourtant les sentiments sont differents. Le juif doit la vie a l’intervention de son voisin arabe Abou Yiad. Une des rares personne qui conserverent leur dignite humaine, qui s’interposerent pour sauver des hommes, des femmes, des enfants du carnage que les siens organiserent contre les juifs de Hebron.

Le juif, H’akham Reouven (le sage Reouven), est maintenant a Jerusalem avec les rescapes de sa communaute, et c’est de la qu’il s’adresse a son sauveur, qui fait partie des ennemis de son peuple.

Dans sa lettre H’akham Reouven (les arabes l’appelaient Abou Khader), epanche son coeur, pose des questions qu’il sait d’avance sans reponses, et par dessus tout, ose encore parler d’avenir, d’un avenir ou les arabes n’essaient plus d’eliminer les juifs, d’un avenir ou les hommes cessent d’evoquer la memoire d’Abraham pour justifier leur comportement de bete feroce.

De Jerusalem, la ville sainte a Hebron, la ville du « bien aime ».

A l’attention d’ Abou Yiad, l’homme de la misericorde.

Maintenant seulement, je suis capable d’evaluer toute la misericorde dont tu as fait preuve envers moi, les miens et tous ceux qui m’accompagnerent ce jour la, quand tu nous retira des griffes de la bete.

Maintenant, je comprends combien j’etais seul dans cette tourmente, et Dieu sera seul pourra te rendre le bien que tu m’as fait, et Dieu seul est capable de chatier les meurtriers, a la mesure de leurs crimes.

Si un jour l’historien venait a retracer sur les pages d’un livre les journees de malheur qui furent les notres dans cette contree, il ne pourrait en aucun cas les comparer avec ce que nous avons du endurer ici a Hebron. Non pas que la sauvagerie fut differente, je parle de la sauvagerie des tiens, des gens de ta foi, ni meme de la trahison des tiens, des gens de ta foi, qui trahirent les juifs de Hebron, fragiles et silencieux, vulnerables.Ni meme encore du fait qu’ils assaillirent avec toutes sortes d’armes des vieillards, des femmes et des enfants, qui n’avaient rien pour se proteger.

Lui, l’historien, se devra de preciser que toutes ces victimes, furent massacres, mutilees, par ceux la meme qui hier encore, franchissaient le seuil de leur maison, en voisin, en ami, en confiance.

Et c’est ainsi, que les meres et les filles furent violees devant les yeux des peres et des maris, par ces memes voisins ces memes personnes de confiance, ceux qui avaient l’habitude hier encore de franchir en ami le seuil de nos maisons Et c’est en vain qu’elles implorerent la, en vain.

Elle sera grande, elle sera terrible la honte et l’oppobre de ces voisins, le jour ou ils devront rendre des comptes a Allah et a son prophete.

Le glaive d’Ibrahim, l’elu de Dieu les poursuivra pour avoir souiller de leurs crimes la ville ou repose sa gloire.Pour avoir piller les maisons des survivants. De ces pauvres gens qui, par amour et par devotion pour ceux qui sont enterres a la Caverne de Makhpela, n’ont jamais quitte la ville.

A Hebron, mon pere et moi avons cohabite avec vous et vos peres, durant de nombreuses generations. Nous avons amene le progres dans la ville, et dans vos foyers. Nous avons transforme vos baraquements en belles et spacieuses demeures. Le produit de vos champs, nous l’avons rachete au meilleur prix pour apporter abondance et benediction.Nous vous avons enseigne le commerce, et les lois de l’economie.Nous avons enraye vos maladies, nous avons soigne vos enfants.

Je te pose la question Abou Yiad, est-ce donc en dechainant cette tuerie contre nous, en versant notre sang, que vous vous acquittez de votre du? Je sais bien que « tout cela » est l’oeuvre de la racaille, de canailles qui furent exites par des gens qui n’ont que mepris et haine pour la terre de saintete qui est la notre.

Mais, ou etaient donc les autres, les gens de foi, les craignant Dieu comme toi?

Pourquoi ne se sont-ils pas dresses devant la breche? comme tu l’as fait.

Pourquoi leur voix ne se fit-elle pas entendre, la voix des chefs de familles, des chefs de clan, les H’anouri, les H’adjizi, ou les Tamimi?

Pourquoi personne ne les a vus, tous ceux qui d’un simple geste, etaient capables de repousser les emeutiers, et leurs mains criminelles?

Comment se fait-il que leur coeur ne soit point brise en morceaux en voyant les survivants blesses, meurtris et affames, quitter la ville de Hebron?

Laisse moi maintenant te confier une mission:

Je te prie de dire a toutes ces personnes, que nous reviendrons a Hebron.

Nous sommes un peuple qui a helas trop connu la souffrance, mais nous avons aussi appris avec le temps les vertus de la patience. Nous n’abandonnerons jamais la sepulture de nos ancetres.

Et cette fois, c’est par le sang de nos martyrs que nous venons d’acquerir a nouveau et pour toujours notre droit eternel sur la ville sainte.

Ce n’est pas par le glaive que nous reviendrons vers la ville de l’elu de Dieu, mais par notre travail et notre labeur. Pas comme des misereux nous reverrons ta face o Hebron, mais par la force et l’heroisme nous te releverons de tes ruines. Une fosse commune a ete creusee pour nos freres les martyrs du massacre. Nous elevons un monument funeraire sur lequel nous graverons les noms des soixante quatre martyrs du jour de la destruction.

Nous n’apparaitrons plus une nouvelle fois entre les murs d’un ghetto, dans l’obscurite malfaisante des ruelles etroites.Nous y reviendrons, meme si le jour doit tarder a venir, mais nous reviendrons a Hebron, nettoyer les signes de la destruction, pour y construire une belle ville, avec une maison de prieres et dans cet endroit que vous avez deshonore, du haut de son minaret, nous saluerons du « chalom » le muezzin qui appellent les fideles a la priere par dessus du tombeau des patriarches.

 

Benediction de paix.

Abou Kader.


 

RETOUR A HEBRON 1931-1936

(Tab de m.)

 

C’est autour du Rabbin Haim Baggio, que vont se regrouper en 1931, les juifs decides a revenir a Hebron, moins de deux ans apres le pogrom.

La longue file de voitures defile maintenant, a Jerusalem des centaines de personnes assistant a l’evenement, ne sachant s’il faut se rejouir, ou au contraire eprouver de la compassion pour les candidats du retour?

Deux policiers juifs en armes accompagnaient le convoi.

L’accueil ne fut pas des plus cordiaux.

Les arabes de la ville ne cherchent pas a cacher leur stupeur, “ Al yehoud les juifs sont de retour”, il y eut cependant quelques uns pour exprimer leur satisfaction au grand jour.

Il faut dire que depuis le depart des juifs, la situation economique de la ville s’etait serieusement degradee. A Hebron il faut le savoir, les artisans sont pratiquement tous juifs en ces jours la. Les relations entre les deux communautes sont marquees par le feu des evenements. Un feu allume il y a pres de trois ans par les uns et qui brule encore dans les consciences des autres.

Les questions restent sans reponses. Les regards des musulmans se derobent pour la plupart, tandis que ceux des revenants essayent de percer le silence, de repondre a la question: ou est il celui la quand on nous tuait?

Et puis avec le temps, la vie semble reprendre ses priorites sur le souvenir. La communaute reprend forme autour du Kollel sepharadi.

Le grand rabbinat de Jerusalem vient de lancer un appel dans le pays pour soutenir le retour des juifs de la ville des Peres, cet appel est signe par le Rav Ouziel et le Rav A.Isaac Kook.

Le presence renouvellee des juifs dans la ville donne le signal aux touristes et aux pelerins.Le retour des juifs, en fait, marque en quelque sorte un semblant de rehabilitation des arabes de Hebron, leur reinsertion dans la famille des hommes. On ne visite pas une ville qui massacre ses juifs!

Les “revenants” s’etaient installes au centre de la ville, dans la rue Bab El Zaouiya des contacts avaient ete pris avec differents responsables de l’organisation sioniste mondiale pour organiser ce retour. Differents projets de developpement de la ville furent etudies comme par exemple l’acquisition de mille dounam de terrains agricoles, l’installation de pres de cent familles nouvelles, et la creation d’une zone industrielle, autant d’initiatives qui resteront helas sans lendemain.

A cette meme epoque, les jeunes gens organisent un noyau d’auto-defense.

On les voit frequement voyager a Jerusalem, ou ils font l’acquisition de deux pistolets, et 72 cartouches, un veritable arsenal pour l’epoque...

Quelques jours plus tard, c’est David Raziel, accompagne de deux de ses lieutenants, visitent la ville sous la conduite de Yaacov Ezra, un jeune de Hebron particulierement actif.

David Raziel, futur commandant de l’irgoun jouit deja d’une autorite incontestee aupres des defenseurs juifs de Jerusalem.

Raziel decide a ne pas trahir sa reputation d’homme de terrain, apporte avec lui une valise remplie de grenades, des pistolets et des munitions. Le rabbin Baggio ferme les yeux, c’est la sa maniere de donner son consentement. Convoque le meme soir au poste de police il est questionne sur les trois juifs de ce

matin,” des touristes un peu exentriques “ dira t il en ignorant les apprehensions de son interlocuteur trop zele.

18 Aout 1932, troisieme anniversairee du pogrom.

On se souvient. Les cicatrices se reveillent. On pleure en silence. Les elocutions maintenant.

Rivline, l’instituteur s’en prend aux differents organisations, dont le « fond de soutien a Hebron », qui en guise de soutien, distribuait ses promesses a tour de bras, sans meme songer qu’il fallait quelque fois les realiser.

Eleazar, instituteur lui aussi, essaye de reconforter il parle de patience de reussite et meme de victoire. 1933, le printemps amene avec lui de violentes manifestations arabes, a Jaffa pour l’instant...

Les rumeurs d’une prochaine explosion a Hebron gagnent du terrain. Elles s’infiltrent lentement dans les consciences, pour venir saper les fondements de motivations. Au terme d’une rendonnee eclair a Jerusalem,

l’instituteur Eleazar toujours lui, revient le soir meme avec six combattants de la Hagana (quatre hommes et deux femmes).

Ils resteront au secret, caches dans l’infirmerie plusieurs jours durant,se tenant prets a intervenir en cas de besoin.

Les manifestations se declenchent a Hebron, la foule scande les slogans haineux des meneurs, des poings haineux sont tendus vers les maisons juives.Ce sera tout pour cette fois.

Ce sera trop neanmoins pour certaines familles qui auront l’impression de revivre une seconde fois le cauchemar.

Le Rav Baggio de son cote ne se decourage pas, il reussi a convaincre le rabbin Eliezer Yedid a fixer demeure a Hebron, ce dernier verse dans l’etude de la Cabbala est apprecie et consulte par un nombreux public.Le rabbin Baggio ne regarde pas la depense pour installer le sage dans la ville des Peres dans la ville du pogrom !

Un public tout aussi nombreux continuait de consulter le rabbin, mais aucun de ses disciples et admirateurs ne franchira le pas et demenagera a Hebron pour le suivre.

L’ete suivant, un autre espoir allait faire battre les coeurs, la venue en pelerinage du grand rabbin d’Egypte sur la tombe des Patriarches, le Rav Nahum accompagne du h’akham Yosef Kasawi, le fils du ministre egyptien du tresor, du professeur Itsh’ak Ben Tsvi ainsi que d’autres responsables de l’agence juive etaient venus saluer les illustres invites.

Par une autorisation speciale, la delegation fut autorisee a penetrer a l’interieur de la Makhpela.De nouveaux projets sont ebauches, la encore, la deception allait suivre. Quelques jours plus tard, un conseil de rabbins se reunit pour envisager la construction d’une yechiva a la memoire du grand cabbaliste marocain Abraham Ibn Diwane.

Les travaux de fondations sont meme entrepris.Comme pour les precedantes initiatives, il n’y aura pas de continuation. En 1935, Yaacov Pat, le commandant regional de la Hagana se rend a Hebron pour se faire une idee precise des problemes de defense.Le Rav Baggio lui assure son entiere collaboration.Un plan de defense est etabli. La synagogue Abraham Avinou servira de « planque » pour les armes et les munitions achemines de la capitale.

A l’approche des fetes de la nouvelle annee (Rosh Hachana), c’est le Rabbi de Gour qui tient a prier sur le tombeau des Patriarches.

Accompagne de dix de ses disciples, le tsadik, les yeux fermes, depasse la septieme marche pour prier.Les arabes, scandalises, essaient par la force, de le faire reculer. Mal leur en prend les accompagnateurs du rabbin, feront le vide autour d’eux. C’est maintenant au tour des arabes de se plaindre a la police de la ville, mais pour coups et blessures seulement.

L’annee 1936 allait mettre un terme aux efforts pour reorganiser la communaute de Hebron. La revolte arabe s ‘etendait de nouveau sur tout le pays, les autorites britanniques deciderent d’evacuer les points juifs vulnerables.Hebron etait ainsi devenu « un point juif vulnerable ».

Dans la nuit du 23 Avril 1936, la communaute fut transferee dans le plus grand secret a Jerusalem. Le lendemain, les arabes, en constatant le depart precipite de leur voisins juifs s’empresserent de piller leurs maisons, et la synagogue Abraham Avinou, ou fut trouvee la « planque » de la Hagana.

Les britanniques et les autorites de l’agence juive venaient de reconnaitre que la raison du plus fort est toujours la meilleure. Pietinant ainsi les notions de justice et de moralite.

Hebron etait elle une nouvelle fois vide de juifs? Non, un homme, Yaacov Ezra realisera l’impossible, douze ans durant il sera le seul juif de Hebron …


 

LEPOPEE DE YAACOV EZRA

(Tab de m.)

 

 

Tous les juifs de Hebron furent definitivement evacues par les britaniques en 1936, tous, sauf Yaacov Ezra, huitieme generation dans la ville des Patriarches

Les premiers premiers jours des proces, Yaacov, comme les d’autres, avait espere une action energique de la justice qui lui permettrait de retourner a ses occupations quotidiennes.Comprenant bientot la deception qui l’attendait, Yaacov annonca sa volonte de reprendre en main la laiterie de son pere, apres le transfert perpetre par les anglais en 1936.

Retourner vivre a Hebron en 1936, alors que le pays tout entier est plonge dans une atmosphere de guerre, semblait defier toute logique, et pourtant des amis arabes lui avaient assures qu’ils le protegeraient s’il decidait seulement de ne pas lui aussi abandonner la ville.

Marie, pere de famille, Yaacov Ezra vivait en semaine a Hebron, ou il continuait de faire marcher sa laiterie.Le chabbat seulement il rejoignait sa famille a Jerusalem.

En fait, il fallait pratiquement tout reprendre a zero, les pilleurs ne l’ayant pas epargner au lendemain de l’evacuation par les britanniques.

Yaacov evoluait dans la journee en toute liberte, le soir, pour dormir, il regagnait l’ancienne infirmerie, plus facile a defendre en cas d’attaque de la foule. Les arabes s’etaient habitues a voir ce juif tetu, seul, au milieu d’un univers hostile, circuler dans les rues de la Casba.

Pour l’observateur etranger, Yaacov Ezra semble evoluer dans un monde surrealiste. Hebron, la ville des fanatiques musulmans ouvre ses portes au juif Yaacov.On l’invite a boire le cafe, on parle avec lui de politique. Il va meme jusqu’a assister aux reunions politiques des nationalistes arabes.

Dans ces reunions, on ne parle que de revanche et de l’expulsion imminente des juifs de Palestine.Yaacov ecoute en haussant les epaules, le soir venu il retourne a son infirmerie, a Bet Hadassa. De temps, quelques juifs venaient en visite accompagnes d’un policier, pour repartir le soir meme. Avec le debut des hostilites, de la seconde guerre mondiale, le monde arabe saluait avec eclat les victoires des armees nazies.

A Hebron, les esprits recommancaient une fois de plus a s’echauffer au point que meme ses amis musulmans lui conseillerent de quitter. Notre fabriquant de fromage semble ceder pour la premiere fois.

Quelques semaines plus tard il est de retour a Hebron, decide a affronter l’adversite. Les combattants de l’Irgoun faisaient maintenant les gros titres des journaux, en defiant en ce temps la, la premiere puissance coloniale.

Dans les cafes de Hebron, on parlait maintenant de ces jeunes juifs temeraires qui ignoraient la peur et se donnaient corps et ame dans un combat de liberation nationale.

Yaacov Ezra, devait indirectement beneficier de cette aureole de gloire.

L’appartenance supposee de Yaacov a l’irgoun resolvait l’enigme de la temerite de sa vie quotidienne dans la ville du pogrom.

L’explosion du quartier general britannique, installe dans l’aile droite de l’hotel King David, avait fortement impressionner les esprits a Hebron, elle avait aussi coute la vie a un notable important de la ville, le Cheikh Bader.

Yaacov Ezra, poussa l’audace jusqu’a assister aux obseques du defunt, et a se rendre au domicile de la famille pour presenter ses condoleances.

La tendance a l’exageration etant l’une des caracteristiques des conteurs moyen orientaux, Yaacov avait droit maintenant aux histoires les plus invraisemblables au sujet des combattants juifs.

Il ecoutait sans mot dire, se souvenant du jour, il visitait la ville avec un certain David Raziel, premier commandant de l’Irgoun.

L’annee 1947, le 29 Novembre, la societe des nations decoupe a partir de la carte d’Eretz Israel deux etats, un etat juif, et l’autre arabe.

La societe des nations ne connaissant pas Yaacov Ezra, decide que Hebron sera relie a l’etat arabe.Le lendemain, le 30 Novembre 1948, Yaacov Ezra devait quitter Hebron pour ne plus jamais y revenir.

Il aura ete onze ans durant pour ainsi dire, le seul juif,a Hebron !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En mission a Hebron

(Tab de m.)

 

Aujourd’hui encore, plus de quarante ans apres sa dissolution, l’unite 101 continue de jouir d’une reputation tout a fait exeptionelle au sein de Tsahal.

Formee a l’instigation de Moche Dayan, et sous la direction personnelle d’Ariel Sharon, la petite unite va accumuler les missions les plus dangereuses, en territoire ennemi.

Constituee principalement de jeunes recrues, hautement motivees, l’unite veillera jalousement a beneficier d’un traitement particulier de la part du haut commandement de l’armee, largement justifie par les resultats obtenus. Les noms des principaux combattants ont vite fait d’entrer dans la legende de la nouvelle armee.

Sans en avoir ete le commandant, Meir Har Tsion restera sans aucun doute le plus celebre de ses baroudeurs. En parlant de lui, Moche Dayan dira: “ C’est le plus vaillant combattant d’Israel depuis Bar Koh’ba ”.

Meir n’est pas un homme de discours, d’ailleurs la petite phrase de Dayan l’agace.

Silencieux, d’un naturel solitaire, Meir est avant tout un chasseur. Il aime suivre les pistes, relever les traces, ou les brouiller au besoin.

Si ce n’est ce contexte de guerre, Meir Har Tsion aurait pu etre un de ces grands reporters, amoureux de la nature, qui traque les fauves jusqu’a leurs repaires dans les contrees reculees du monde.

Les « fauves » de cette annee 1953 traversent la frontiere jordanienne, pour semer la mort et le desarroi en territoire israelien.

On les appelle en arabe,” fedayin ”, (liberateurs), ceux qui rachetent la patrie par le sang, juif de preference celui des femmes et des enfants des villages frontieres. Selon les renseignements militaires, Hebron est l’une des principales bases d’operations des fedayin, et c’est precisement a cet endroit precis que Tsahal a decide de frapper.

Meir Har Tsion une fois de plus, prendra la tete de l’operation, une fois de plus, il choisira Katcha, Koh’ba et Eytan pour l’accompagner.

Les quatres ont l’habitude de “ travailler ” ensemble et malgre leur jeune age (en 1953, le plus age n’a que 20 ans), ils ont deja un long palmares derriere eux.

Meir et Katcha sont amis depuis leur tendre enfance, au mochav Richpone, ils ont frequente la meme ecole primaire et tire les memes tresses de cheveux.

Les hommes de l’unite 101 ont appris a ne plus s’etonner de rien. Les missions se suivent et ne se ressemblent pas, elles exigent toujours plus d’audace, de temerite, un niveau professionel toujours plus pousse, des preparations plus minutieuses.

Pourtant, en entendant le nom de Hebron, Katcha ne peut s’empecher de ressentir un pincement au coeur.

Meir jette un regard oblique sur son ami, il se souvient d’une conversation au cours de laquelle Katcha avait evoque le pogrome de 29 a Hebron, un cousin a lui y avait trouve la mort dans les conditions que l’on peut imaginer. Meir ne donna pas le temps a ses interlocuteurs de laisser vaquer leurs pensees. Son doigt parcourait la carte pour indiquer l’itineraire choisi.

Un itineraire connu en fait, historique meme, celui des 35 combattants de la Hagana venus secourir la region de Gouch Etsion assieges par les irreguliers arabes en 48. Decouverts avant d’avoir pu rejoindre les assieges, ils furent massacres jusqu’au dernier par des arabes de …Hebron qui faisaient route vers Jerusalem.

Le commando aura a parcourir 45 kilometres dans des conditions difficiles, c’est l’hiver, et il neige cette annee sur les monts de Hebron. Chaque combattant porte onze cartouchieres de Tommy Gun, et plusieurs charges d’explosifs. Au coucher du soleil, ils prennent la route, les voila maintenant, passant a grandes enjambees le kibboutz Lamed-He.

Le rythme soutenu de leur progression ne parvient pas encore a rechauffer leur corps en raison du froid vif de la saison. Le programme est simple, marcher toute la nuit pour arriver aux premieres lueurs de l’aube devant leur objectif, la mission en elle-meme ne devait pas durer plus de quelques minutes, puis repartir avant que l’ennemi ait le temps de realiser ce qui lui arrive.

Apres trois heures de marche Meir constate qu’ils n’ont pas le temps de contourner les deux prochains villages arabes comme prevu.

D’un geste de la main, il fit signe a Katcha de s’approcher, “ nous allons passer entre les deux, malgre les dangers que cela comporte, il nous faut a tout prix rattraper le retard ”.

Quelques sept cent metres separaient les deux villages en question. Un chien aboya dans la nuit, un autre lui fit echo. Les parachutistes se regardent, esperant que le froid allait decourager les villageois de sortir.

Leur priere dans l’obscurite est exaucee, les lumieres des maisons basses sont maintenant derriere eux, et s’eloignent rapidement pour disparaitre dans le noir.

La route se fait maintenant plus difficile, l’ascension vers Hebron a commence, de temps en temps une tache blanche, la neige. La progression devient plus penible, le chargement se fait plus lourd, la respiration plus penible

“Voila maintenant la route Beth Lehem Hebron, plus que quelques kilometres, et nous verront apparaitre les premieres maisons de la ville”.

Une fine couche de glace recouvre le sol, Meir glisse et tombe bruyamment.

Il est une heure du matin lorsqu’ils apercoivent les premiers toits de Hebron

Pas une ame qui vive, le froid n’y est pas etranger.

Derriere les fenetres lumineuses, une silhouette furtive se decoupe de temps a autre.

Parvenus maintenant au coeur de la ville, Meir, apres un rapide reperage des lieux, designe a ses compagnons d’armes, les batisses a “ visiter ”.

Eytan et Koh’ba prennent position pour couvrir Meir et Katcha qui s’approchent du premier portail, et deposent les charges de dynamite.

L’explosion provoque un nuage de neige dans l’air,et l’obscurite dans la maison.

Les combattants juifs sans perdre de temps, s’engouffrent a l’interieur en lachant des courtes rafales. A l’exterieur Eytan et Koh’ba durent eux aussi faire usage de leurs armes pour eloigner les premiers venus alertes par l’explosion.

La situation se deteriore rapidement, les soldats juifs sont pratiquement cernes de toute part. Profitant de la confusion generale, Meir pointe en direction de l’ouest donnant ainsi le signe de la retraite. Soudain Katcha voit apparaitre a sa droite un sergent de la garde nationale, sans prendre le temps de viser, il presse a deux reprises sur la detente, pour voir son homme s’ecrouler.

Katcha en profitera pour lui rafler au passage son parabellum, marque d’une croix gammee en argent. Apres une course de plusieurs minutes il se met a chercher Eytan des yeux, ne le voyant pas il l’appelle, toujours aucun signe du jeune combattant. Katcha defiant alors la prudence la plus elementaire, commenca alors a hurler le nom de son compagnon. Quelques secondes s’ecoulerent, le bruit d’une cavalcade, bientot suivit de l’explosion d’une grenade, les memes que Tsahal utilise.

Katcha avoua plus tard, qu’une fraction de seconde il avait cru ne plus jamais revoir Eytan, pensant que ce dernier venait de mettre fin a ses jours, afin de ne pas tomber vivant aux mains de ses poursuivants.

Le silence qui suivit l’explosion m’avait inspire une telle pensee. Ce n’est qu’avec l’apparition de la silhouette de leur compagnon qu’ils reprirent leur course vers le nord-ouest.

Au bout quelques kilometres, sur les versants enneiges, Meir donne l’ordre de s’arreter. Les voila qui avalent maintenant a pleines poignees la neige des rochers pour etancher leur soif. Le chemin de retour est plus facile, moins de materiel sur le dos, une topographie en descente leur permet de garder le rythme d’enfer que leur impose le commandant.

Derriere eux, les arabes de Hebron commencent a peine a realiser ce qui leur arrive. Il faudra attendre encore quatorze ans pour que des soldats juifs en uniforme retournent a Hebron, ce ne sera pas pour y repartir aussitot mais bien pour permettre le retour des survivants du pogrom.

LA GUERRE DES SIX JOURS

(Tab de m.)

 

Le Temple en feu offrait un spectale effrayant, voyant les flammes devorer leur sanctuaire les juifs essayerent desesperement d’arreter l’incendie. Les pretres seuls comprirent la pleine signification de l’evenement qui se deroulait sous leurs yeux,en effet une tradition talmudique raconte que les levites se rassemblerent sur le toit du Temple de Jerusalem et lancerent les clefs de l’edifice vers le ciel: ” Maitre du monde!nous n’avons pas ete dignes de ta confiance, nous n’avons pas su garder Ton sanctuaire, reprends en donc la les clefs” …une main de feu se referma sur la clef pour disparaitre aussitot…

En 1967 le ciel s’ouvrira de nouveau.

Les clefs du Mont du Temple, du tombeau de Rachel et de la Makh’pela et du tombeau de Joseph seront de nouveau confier aux enfants d’Israel, en esperant cette fois qu’ils sauront en etre les dignes depositaires.

La guerre des six jours represente pour ceux qui l’ont vecu de pres comme de loin, un evenement que l’on peut qualifier de miraculeux.

La surprise de la victoire, sa rapidite le retour aux sites bibliques sanctifies par la conscience et par le souvenir, autant de facteurs qui provoquerent une emotion sans egale aupres des masses juives et de leurs elites.

Les nations du monde ne resterent pas impassibles, une vague de sympathie de soutien, sans precedant emergeait du fin fond des consciences.

Deux cliches de cette guerre impregneront le souvenir des hommes.

Jerusalem, les parachutistes en pleurs embrassent les pierres geantes du ”Kotel ”. Etrange contraste, entre ces hommes durs ces guerriers avertis et l’emotion qu’ils manifestent en essuyant des larmes devant ces pierres...

Pour les millions de juifs qui vivent l’evenement en direct sur les ecrans de leur televiseur l’emotion est a peine moins forte.

L’intensite du moment est telle que l’expression”coeur de pierre” semble deplacee tant ces pierres la sont differentes.

On les embrasse avec pudeur on leur parle, on glisse dans ses interstices une priere que l’on vient de griffoner a la hate, dans un moment d’intimite supreme avec le destin d’Israel.

Le Rav Goren l’aumonier en chef des armees d’Israel, sonne dans la corne de belier, le cri de ralliement de l’ame juive retentit apres un silence deux fois millenaire.

Un antique midrache avait pris le risque de nous decrire ce jour de retrouvailles avec Jerusalem:” et les enfants d’Israel sonneront dans la corne de belier et le monde entier entendra”.

La prophetie se realise.Les correspondants de presses de tous les pays suivent et vivent les evenements qu’ils retransmettent en direct pour leurs auditeurs et telespectateurs. Le Rav Goren souffle dans son shofar de toutes ses forces, on l’entendra au meme moment a Paris a New York, aux quatre coins du monde. Les agences de presse se chargent de la realisation technique de la prophetie.

Un autre moment fort se deroule a Hebron cette fois.Les journalistes ne sont plus la pour faire vibrer l’evenement. Le rav Goren toujours lui comprend que c’est au tour de la ville des Patriarches maintenant d’accueillir ses enfants, nous lui passons la parole sans plus tarder.

 

Propos recueillis par le docteur Yossef Charvit.

 

Apres la liberation de Jerusalem, des que les combats cesserent, je decidai de me rendre au cimetiere du Mont des Oliviers, pour me recueillir sur le tombeau de ma mere. Dix neuf ans durant lesquels Jerusalem etait divisee, venait de se terminer. Dix neuf ans que les arabes avaient employes a devaster systematiquement les monuments et les plaques commemoratives, a un point tel qu’il me fut impossible d’identifier l’emplacement de sa tombe.

Je pris donc la decision de ne pas m’attarder,la guerre se poursuivant, nos forces se dirigeaient maintenant vers le sud, vers Goush Etsion, vers la ville des Peres.

On allait maintenant liberer Hebron, je tenais a arriver le premier dans la cite des Patriarches. J’etais persuade que nous etions a la veille d’un combat difficile, les arabes de Hebron etant tristement celebres pour leur cruaute,…En debut de soiree, je quittai donc Jerusalem pour Bet Lehem (sur la route de Hebron)…

Les Jordaniens avaient mine la voie, notre avance s’en trouva ralentie…

 

La clef du tombeau de Rachel

 

A mon arrivee, Bet Lehem etait deja entre nos mains, je decidai sur le champs de me rendre au tombeau de la matriarche Rachel.

 Ce n’est que vers minuit que nous trouvames mon chauffeur et moi l’emplacement du tombeau.

Le portail etait ferme par une chaine de metal et un cadenas, il me fallut plus d’une heure de travail pour en avoir raison…

Je me trouvais maintenant pres d’une porte basse, une belle porte de bois. Je ne voulai pas l’endomagee…

C’est alors qu’une main inconnue lanca a mes pieds un lourd trousseau de clefs. Sans poser de question je les ramassai a la hate pour penetrer enfin dans l’enceinte de la sepulture en evoquant le verset: ” Une voix retentit dans Rama, une voix plaintive d’amers sanglots. C’est Rachel qui pleure ses enfants, qui ne veut pas se laisser consoler de ses fils perdus. Or dit le Seigneur que ta voix cesse de gemir et tes yeux de pleurer car il y aura une recompense a tes efforts dit l’Eternel, ils reviendront a leurs frontieres.” (Jeremie 31,15).

 


 

La clef de la Mahkhpela

(Tab de m.)

 

Poursuivant ma route vers la prochaine etape, Gush Etsion, je demandai au Lieutenant Colonel la permission de m’adresser aux troupes. Il me fourni un haut parleur, et debout sur la tourelle d’un tank je me tournai vers les combattants en leur disant: “soldats je tiens a vous rappeler que nous allons bientot liberer la deuxieme ville sainte du pays. La ville des Peres, la ville ou David commenca a regner. La ville qui precede Jerusalem par son histoire. Je tiens aussi a vous rappeler qui sont les arabes de Hebron, les meurtriers les plus feroces du pays, ceux la meme qui organiserent des pogroms par le passe. Ceux qui en 1948 assassinerent les defenseurs du Goush Etsion, et qui mutilerent leurs cadavres des heures durant, dans cette colline meme ou nous nous trouvons. Au nom de l’Eternel soyez forts et victorieux”…

 Halhoul, le dernier village avant Hebron, aux fenetres des maisons des drapeaux blancs improvises, nous arrivames enfin dans la ville des Patriarches.

La ville etait deserte, je demandai a un jeune garcon le chemin qui meme tombeau d’Ibrahim.

En arrivant devant la Mahpela, je fus soudain pris d’une grande emotion. Particulierement en foulant la septieme marche, de triste reputation, de l’escalier qui menait au lieu saint. Les portes de l’edifice etant closes, je cherchai en vain deux heures durant le moyen d’y entrer pour prier a l’interieur du lieu saint.

Quelques minutes plus tard le bruit d’un tank attira mon attention, avec l’aide des soldats nous reussimes a forcer une des entrees de l’edifice. Ma priere terminee, je vis avancer deux arabes envoyes du cheikh Djabari, le maire de Hebron. Ils me firent savoir que ce dernier desirait me rencontrer pour me remettre un acte de reddition. Je leur expliquai que l’endroit est mal choisi pour cela. La makhpela est un lieu ou tous les hommes doivent se sentir soumis a Dieu. Et il n’est pas convenable qu’un homme se soumette a un autre en ces lieux !”

Entretemps j’annoncai que l’endroit serait provisoirement ferme durant les quarante jours a venir, je rappellai aux deux arabes que durant des centaines d’annees, le lieu etait interdit d’acces pour les juifs. Quelques semaines apres cette journee historique on celebrait le mariage d’un soldat a Hebron. Djabari, qui assistait a la ceremonie me demanda alors de lui laisser un souvenir. En fouillant dans mes poches je trouvai un exemplaire de la priere avant la sortie au combat que nous distribuone aux soldats de Tsahal. Je lui grifonnai en guise d’autographe.

 “ c’est ainsi que seront deroutes tes ennemis Seigneur”.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

KIRIAT ARBA QUI EST HEBRON (Gen 23,2)

(Tab de m.)

 

 

La guerre des six jours aura permis le retour des juifs a Hebron. Retour qui s’effectuera par etapes. Les colons, comme les designait la presse eurent beaucoup de difficultes avec les autorites israeliennes, qui preferaient se faire forcer la main, plutot que d’afficher clairement une position.

Ygal Allon, figure de proue du mouvement travalliste, annonca des les premiers jours son soutien au repeuplement juif de Hebron..Contrairement aux autres dirigeants de son parti, Allon ne considerait pas le pogrom de 1929 comme un accident de l’Histoire, ou un evenement isole, mais au contraire comme un traumatisme national qui exigeait une reparation.

A Ben Gourion qui lui demandait quelques annees avant la guerre des six jours comment il envisageait la liberation de Hebron, il repondait: “ c’est a grands coups de canons que les meurtriers de 1929 doivent nous entendre revenir a Hebron ”..

C’est a David Ben Gourion que revient l’honneur de rediger l’introduction du Sefer Hebron “ le livre de Hebron ”.

Son message est ponctue de citations bibliques, le “ vieux ” comme le designent ses admirateurs affichent sans ambiguite son identification culturelle et politique avec Hebron, Sichem et Jerusalem qu’il evoque dans un meme enthousiasme.

Un homme, le Rav Moche Levinger dirigera le combat du retour. Autour de lui se cree un veritable mouvement de masse, le Bloc de la loi ( Gush Emunim), les adherents se reclament de l’enseignement du Rav Kook, le noyau dur du mouvement est issu de la grande yeshiva “ Mercaz Harav ” a Jerusalem. Les retrouvailles avec les paysages de Judee Samarie ont provoque un veritable retour aux sources pour une grande partie de l’opinion publique israelienne. Elles ont donne naissance a un nouveau type de pionniers, qui auront la vitalite du nouveau Yichouv et la ferveur religieuse de l’ancien.

 Kiriat Arba, la nouvelle localite, sera la mere de toutes les autres implantations qui fleurissent en Judee Samarie, dans le Golan et la bande de Gaza.

La caverne de la Makhpela et de nouveau envahie par les visiteurs. On vient se ressourcer, toucher l’Histoire du bout des doigts. Une jeunesse passionee se lance dans de longues randonnees Bible en main, son uniforme: sandales, jeans delaves, et une calotte tricotee pendante negligemment sur le cote d’une chevelure en desordre.

Les jeunes filles ne restent pas en marge, elles font preuve d’autant de vitalite que leur compagnon et quelques fois elles memes prennent les initiatives. Mariees, et meres de famille, elles continuent de mener le meme mode de vie militant. Le repeuplement de Hebron en est la meilleure illustration. Un “commando” de femmes et de petits enfants de Keriat Arba penetre en pleine nuit dans le batiment desafecte de Bet Hadassa.

Au petit matin les militaires israeliens decouvrent avec stupefaction les nouveaux locataires de la maison. Les conditions de vie a l’interieure sont des plus deplorables la crasse, la poussiere, l’absence de toute commodite

a de quoi decourager les plus temeraires, c’est precisement ce que pensent les membres du gouvernement Begin. On connait la suite.

Les nouvelles colonies proposent des conditions de vie difficile.Pour surmonter ces difficultes l’exaltation, la certitude de participer a quelque chose, de grand d’historique.

 Le mouvement Gush Emounim pratique nous l’avons dit la politique du fait accompli, un noyau de jeunes gens vient s’installer sur une colline quelque part en Judee ou en Samarie. La, ils plantent un drapeau d’Israel, quelques tentes en attendant que l’armee ou la police viennent leur demander d’evacuer les lieux.Pendant ce temps une delegation se charge des pourparlers avec les autorites,loin des medias

Le manege devient classique apres une ou deux evacuations, ou les colons adoptent la politique de la resistance passive, le gouvernement autorise une fois sur deux la nouvelle implantation.

La presse israelienne, et l’establishment vont forger une nouvelle expression:les “territoires ”ce terme contient en lui toutes les hesitations et les begaiements politiques des differents gouvernements d’Israel, qui n’ont pas su tres bien comprendre la signification profonde de ces evenements, en les reduisant a une eventuelle monnaie d’echange politique. Un proverbe talmudique n’affirme-t-il pas que: ”celui pour qui se realise un miracle, n’est pas toujours capable d’en saisir la portee ”.

Au lendemain de la guerre des six jours, les arabes de la ville sont persuades que les israeliens vont consommer leur vengeance pour les massacres perpetres en 29 et en 48.Avec le temps ils commencent eux aussi a se familiariser avec les changements qui s’operent dans la societe israelienne.

Ils comprennent que si le nouveau mouvement d’implantation marque des points sur le terrain, il ne fait cependant pas l’unanimite dans l’opinion publique israelienne.A ce titre ils sauront exploiter la politique liberale de Moche Dayan,et son antipathie politique a l’egard des milieux sionistes religieux.

Prenons a titre d’exemple, un principe aussi elementaire que la liberte de culte a l’interieur de la Makh’pela.

Le gouvernement israelien, en la personne de Moshe Dayan ne manifesta aucune opposition face aux affirmations du Wakf (administrations musulmane des lieux saints) selon lesquelles la Makhpela etait une mosquee, et en aucun pretexte un juif ne peut exiger de venir y prier.

Pourtant, combien de personnes se souviennent que ce sont les “colons sauvages” de Keriat Arba qui finirent par obtenir que tout juif puisse venir librement prier sur le second lieu saint du judaisme. Cela apres plusieurs mois de lutte durant lesquels un juif qui lisait simplement de Psaumes a l’interieur de la Makh’pela etait immediatement arrete.

Le droit de venir vivre a Hebron, et de prier a la Makh’pela fut acquis a prix de sang. Car autoriser les juifs a celebrer librement leur culte signifiait proteger les acces du lieu saint,lorsque cette protection etait hesitante, les attentats se multipliaient.

Le droit de mourir et d’etre enterre a Hebron devra lui aussi etre l’objet d’un bras de fer avec les autorites israeliennes. La mort prematuree du nourisson Avraham Nahshon allait accelerer le cours de l’histoire. Sa mere Sarah avait decider d’enterrer son fils au vieux cimetierre juif de Hebron, cela malgre l’interdiction formelle du gouvernement. Cette fois c’etait Sarah qui venait chercher un tombeau pour Avraham, etrange retour de l’histoire.

La restauration de la synagogue “ Avraham Avinou ”nous offre un autre exemple de la lutte des habitants de Keriat Arba pour renover les sites detruits durant l’occupation jordanienne entre 48 et 67. Le quartier juif fut rase (sur son emplacement furent construits un marche, des latrines et une decharge municipale). Les jordaniens y trouverent meme la place d’y installer un abattoir! La synagogue de la communaute sepharade fut elle aussi detruite un enclos a betail s’elevait maintenant a sa place.

Il aura fallu toute la tenacite du professeur Ben Tsion Tavger, physicien repute d’Union Sovietique qui choisit de s’installer a Keriat Arba et de se consacrer a rechercher les ruines de l’antique synagogue sous des tonnes de detritus. Arrete plusieurs fois par les autorites le professeur Tavger finit par obtenir gain de cause, la synagogue fut ainsi renovee. Tavger et ses amis n’etaient pourtant pas au bout de leurs peines, en effet le gouvernement avait decider que le site une fois restaure ne serait pas destine a redevenir un lieu de culte mais un…musee! Ce genre d’obstacles n’allait pas arreter le tetu professeur qui avait tenu tete aux autorites sovietiques des annees 70. En 1977 apres deux ans de lutte la la priere etait de retour a “Avraham Avinou”.

L’opinion publique israelienne est quelques fois difficile a suivre. Elle est capable de se mobiliser toute entiere si un chef d’etat etranger devait declarer les juifs “indesirables” dans son pays. Et pourtant, une partie de cette meme opinion vous dira que d’habiter a Hebron constitue une provocation politique qu’il serait souhaitable d’eviter.En d’autres termes un juif peut habiter,en Espagne patrie de l’inquisition, en Allemagne la ou vit le jour le parti national socialiste, en Ukraine terre des cosaques,, sans que la chose ne soit percue comme une provocation politique. Mais choisir de retourner vivre a Hebron la ville qui detient le record de continuite juive. Ville qui vit ses fils humilies, assassines dans un pogrom en plein XXe siecle. Choisir de retourner vivre en ces lieux apres une absence forcee de moins de quarante ans, constitue une provocation politique?

Que c’est-il donc passe durant ces quatre decades qui separent l’ignoble tuerie de 1929 a la liberation de la ville en 1967? Quel type d’amnesie est donc venu frapper ces moralistes? Inconscience, ignorance des faits ou tout simplement manque d’honnetete intellectuelle. Croire qu’il est possible d’effacer le passe en pressant la touche « Delete » de l’Histoire, ou de solutioner un probleme par l’absurde en niant son existence meme.

A Hebron depuis 1929, les assassins ont herites des biens de leur victimes. Essayer de remettre en question une telle issue constitue donc “une provocation politique qu’il serait souhaitable d’eviter”.

Pour un meme public qui milite pour une constitution au parlement, qui voit au travers de la Cour Supreme de justice le fer de lance de la democratie du pays, la garantie de la protection des droits de l’homme et du citoyen, le pogrom de 29 est un sujet tabou, qu’il vaut mieux eviter.Ce qui n’empechera pas Yossi Sarid, ancien ministre de l’education, d’exiger l’enseignement du genocide armenien perpetre par les turcs en debut de siecle.

Cette carence morale qui mine le systeme politique israelien ne presage rien de bon.

Il est difficile de construire sur un terrain aussi glissant. Le jour ou Aaron Gross se faisait assassine a Hebron, le ministre de la police Haim Bar Lev demandait cyniquement: “ qu’est ce qu’un juif avait donc a chercher a Hebron a ce moment la? ”…

Sur les plans culturel, sioniste et religieux, Hebron Keriat Arba represente un carrefour qui propose des directions opposees.

D’un point de vue culturel d’abord, Hebron, plus precisement la figure d’Abraham, est au centre d’une polemique.Le patriarche doit-il devenir une espece de Vercingetorix juif destine a satisfaire les amateurs de folklores et de musees, ou au contraire, servir de source d’inspiration a la creation litteraire et aux autres expressions culturelles nationales.

Sur le plan sioniste, est il est legitime de revendiquer notre droit sur cette terre en se referant au Patriarche Abraham a son acte d’acquisition.

Les actes des Peres sont ils des enseignements a suivrent pour les fils, comme l’avait formuler Nahmanide. Lequel cas, une atteinte a notre souverainete nationale a Hebron, renoncement a nos droits historiques, signifieraient le debut d’un compte a rebours, le processus d’auto destruction du mouvement sioniste.

D’un point de vue religieux, Hebron est encore au centre d’un debat anime.

Faut-il considerer la Makhpela comme un lieu saint, trop saint pour devenir patrimoine national d’un peuple de retour sur sa terre. Lequel cas la septieme marche pourrait amplement nous suffire.

Ou sans pour autant diminuer sa valeur religieuse, considerer Hebron comme une croisee des chemins inevitable entre un peuple une terre et une loi.

D’un point de vue politique, cadre des polemiques les plus passionnees, les habitants juifs de Hebron sont rudement pris a partie par les opposants ideologiques, les mouvements de gauche, et donc par la presse.

En 1994, alors que le premier ministre israelien Itshak Rabin serre la main de Yasser Arafat a Washington, les enfants des victimes du massacre de 1929 se reunissent a Jerusalem pour envisager une demarche juridique. On s’en souvient les survivants du pogrom n’eurent droit a aucune reparation.

Le journaliste de l’hebdomadaire “Kol Haire” qui recouvre l’evenement a du mal a dissimuler ses sentiments de satisfaction a l’idee d’une prochaine evacuation des juifs de Hebron: ”Maintenant que les vents de paix soufflent ces jours ci, les enfants de familles alors evacues de Hebron comprennent qu’il est temps d’exiger des indemnites, avant qu’Arafat, soutenu par Rabin, “ ejecte ” les colons de Hebron, aux quatre vents. (Aujourd’hui 6 ans plus tard les vents de paix se sont transformes en tempetes de terreur qui ont deja provoque la mort de plusieurs centaines d’israeliens…)

L’article en question nous apprend neanmoins certains faits interressants.

Yosef Ezra (le fils de Yaacov Ezra, que nous avons precedement evoque), prit alors (en 1994) l’initiative d’ecrire aux 120 deputes de la Knesset, pour leur rappeler le deroulement des evenements de 1929 a 1936, date ou les anglais evacuerent les juifs de la ville.

Parmi les 35 deputes qui prirent la peine de lui repondre, Yael Dayan, membre du parti travailliste lui repond: “ Deja, avant l’independence du pays, la presence des juifs a Hebron etait superflue, et ne faisait qu’envenimer une situation deja suffisement compliquee entre les deux peuples ”.

Un depute israelien venait a sa maniere de resumer pres de 4000 ans d’Histoire juive a Hebron par les mots “ presence superflue ”.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La difficulte de se reclamer de la ville des peres

(D’apres un cours du Rav Yeouda Ashkenazi-Manitou, intitule,: Heritage et fidelite)

 

Les hommes n’ont pas ete uniformement des aiguilleurs efficaces de l’histoire. Les uns comme Adam, l’ont fait derailler…Abraham et Moise l’ont lancee sur des voies nouvelles, dont les relais futurs attendent d’autres et nouveaux aiguilleurs.

Andre Neher. L’exil de la parole.

 

En presentant Hebron comme la ville des Peres, nous faisons la une reference historique.C’est a Hebron que les Patriarches ont vecu, c’est a Hebron qu’ils ont fixe leur demeure eternelle.

Est ce la pour autant, la seule signification possible de l’expression « ville des Peres »? Si oui, cela nous relegue, nous autres habitants de Hebron a un statut comparable a celui de gardien de mausolee, ou guide de musee dans le meilleur des cas. Une situation ou l’avenir de l’endroit se confond avec son passe. Maniere elegante de constater que l’endroit en question n’a en fait plus d’avenir, juste des souvenirs.

Le Rav Yehouda Ashkenazi Manitou (Zatsal) nous invite quant a lui, a reflechir sur la definition du mot « pere » a travers les criteres de la tradition juive. Un Traite du Talmud est appele « Perkei Avot »,(Les maximes des Peres) pour justement attirer notre attention sur la nuance entre les termes de « Pere » et « Maitre ». D’Avraham il est dit « Avraham Avinou » Avraham notre Pere alors que Moise est designe dans la tradition juive comme « Moshe Rabbenou » Moise notre Maitre.

S’il nous est donne d’ajouter une nouvelle comprehension au concept de « pere » alors peut etre que l’expression De « villes des peres» viendra elle aussi s’enrichir d’une nouvelle dimension non pas uniquement orientee vers le passe, mais aussi, et peut etre surtout, vers l’avenir.

Le pere selon l’enseignement de Manitou, est celui qui possede, entre autre, la capacite de transmettre les valeurs de la morale, alors que c’est le maitre qui enseigne la loi.

N’importe quel maitre ne devient pas pere dans le sens ou l’entend la tradition.

Quel sera le critere de selection, qui fera que nos sages attribueront le titre

de «pere » a un …maitre? Andre Neher dira, celui qui sera capable de relancer le train de la ou d’autres l’ont fait deraille. L’histoire des hommes a besoin de nouveaux aiguilleurs a chaque generation. Manitou formule cette idee de maniere plus abstraite, mais tout aussi precise: Est appelle « pere » celui qui est capable de recapituler l’identiter anterieure, et de donner les criteres de choix a travers toutes les bifurcations possibles pour l’avenir… Si parmi tous les maitres, seuls ceux-la sont nommes « peres », c’est non seulement parce qu’ils ont recu, mais qu’ils sont capables de recapituler en vue de transmettre.

La encore le rav Yehouda Ashkenazi attire notre attention sur le fait que la langue hebreue distingue deux termes differents pour designer le concept d’ heritage:Nah’ala et Yeroucha.

Nah’ala c’est l’heritage que le pere transmet a son fils d’ou l’expression hebraique « nah"alat avot » l’heritage des peres.

Yeroucha signifie, par contre, ce que le fils veut (ou peut) recevoir. N’importe quel nah’ala ne devient pas yeroucha. Cet etat de choses est pertinent en ce qui concerne le statut de Hebron. L’heritage des peres etant quelque chose qui fait appel au passe donc commun a tous les juifs. Mais tous les juifs ne sont pas prets a en assumer la responsabilite. Selon certains, la veritable responsabilite en ce qui concerne Hebron, serait precisement de se decharge de cet heritage. En fait la notion de pere ne peut se verifier que par rapport a celle de fils. Corollairement est fils celui qui reste fidele au projet des peres. Or la fidelite essentielle, ne se limite pas a la fidelite au passe, mais bien a la fidelite au projet de ceux qui ont commence cette histoire. Plus encore nous dit Manitou: la fidelite a l’acquis peut etre une infidelite lorsqu’elle est en porte a faux avec la direction que doit prendre le projet des initiateurs de la lignee.

Paradoxalement dans la mesure ou ils sont fideles au projet des peres, donc a l’orientation qu’ils choisissent, les veritables peres sont les fils. Les peres sont ces nouveaux aiguilleurs de l’histoire pour reprendre la metaphore du professeur Neher, ceux la meme qui donnent rendez vous aux generations avenirs dans les relais futurs, pour leur indiquer les differents chemins qui menent a l’aboutissement du projet.

Le rav Elyakim Simsovic parle d’une foi qui nous vient de l’avenir et poursuit en disant: » le passe est incapable de repondre aux sollicitations d’un present inconnu. Reconduire les attitudes anciennes c’est fermer les perspectives d’avenir surlesquelles ce present s’ouvrait et fourvoyer l’histoire sur une voie sans issue. »

L’idee que le projet des Peres est realisable en passant par differentes bifurcations, implique inevitablement la notion de tolerance et d’ouverture. Les detracteurs de Hebron se plaisent a la presenter comme un repaire d’intolerance justement …

Se reclamer de la ville des peres aujourd’hui c’est d’etre capable d’assurer un niveau de moralite, individuelle ou collective. Cette carence de moralite n’etait elle pas aujourd’hui le denominateur commun de trop nombreux hommes politiques qui nous dirigent. Combiens de politiciens, des presidents aux ministres en passant par les membres du parlement, ont ete par le passe eclabousse par des affaires de corruption? Combien de decisions touchant au destin meme du pays ont ete obtenu en achetant la voix de tel ou tel depute?

Se reclamer de la ville des Peres signifie savoir faire preuve de patience envers ceux qui veulent le Messie tout de suite et ceux qui exigent la paix maintenant, en se rappelant que ces deux exigeances sont issues d’autentiques valeur juives.

Se reclamer de la ville des peres c’est aussi se souvenir qu’un carrefour n’est pas seulement un endroit ou les chemins se separent, mais justement le point de rencontre de deux routes differentes..

 

 

 

 

 

En attendant des jours meilleurs

(Tab de m.)

 

La presence a Hebron de quelques centaines de juifs entoures de milliers d’arabes hostiles constitue un probleme semblable a celle d’un etat juif au milieu d’une centaine de millions d’arabes encore hostiles a sa presence au Moyen Orient.

Notre generation a eu le privilege d’assister a la signature de deux accords de paix entre Israel et ses voisins. Le tour de Hebron viendra aussi. Dans les negociations qui precederont les representants des differentes delegations devront se souvenir que Hebron etait une ville juive avant que la vieille Europe ne soit seulement consciente du formidable destin politique qui l’attendait. Hebron etait une ville juive avant que les arabes ne viennent enrichir la pensee universelle d’une reflexion monotheiste authentique.

Hebron detient, plus encore que Jerusalem, le record de continuite juive, aucune ville au monde pas meme la cite de David ne peut s’enorgueillir d’une telle carte de visite historique. Depuis les temps bibliques en passant par le Moyen Age, pour arriver a l’epoque ou nous vivons, Hebron a pratiquement toujours heberge une communaute d’Israel. Les rares interruptions de ce vecu juif se comptent sur les doigts d’une main et ont toujours ete le resultat de l’usage de la force, et la brutalite des conquerants.

Au cours de ces rares interruptions dans cette continuite les juifs refusaient de se decourager et, a prix fort ils continuerent de visiter Hebron de s’approcher du caveau des Patriarches pour y murmurer une priere, en soudoyant quelque cupide gouverneur. Quelques fois c’est au risque de leur vie, et deguises en “non juifs” pour dejouer la vigilance de leurs oppresseurs qu’ils venaient embrasser les pierres de Hebron.

L’adhesion des juifs a Hebron ne tient pas au fait qu’ils y eurent la vie facile, ils y vecurent comme une minorite, toleree dans le meilleur des cas, persecutee le plus souvent.

Qualifier aujourd’hui un juif de “ colon” a Hebron est une appelation decidee a ignorer toutes ces donnees historiques, ne pouvant ainsi qu’entraver la bonne marche d’un debat suffisament difficile en soi..

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bibliographie

(Tab de m.)

 

 

En francais

 

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En Anglais

 

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